samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, concert. MONTE-CARLO, Grimaldi Forum, le 22 sept 2024. Concert d’ouverture : 3ème Symphonie de Mahler. Gerhild Romberger, Chœur de femmes du CBSO Chorus, Chœur d’enfants de l’Académie Rainier III de Monaco, Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Kazuki Yamada (direction).

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Éloquence des silences, marqueterie des respirations, maîtrise inouïe des piani[ssimi], vibrations tenues, secrètes, ouvragées avec détail et naturel… le chef directeur musical du Philharmonique de Monte Carlo, Yakuzi Yamada assume un style impressionnant disposant de musiciens réactifs et unis pour une sonorité d’une souplesse expressive totalement bluffante. Ce concert d’ouverture annonce le meilleur pour cette nouvelle saison 2024 – 2025 de l’OPMC / Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo.

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Photo grand format ci-dessus © Jean-Louis Neveu

 

 

Sur scène plus de 100 musiciens et dans l’espace de la salle du Grimaldi Forum, un chant subtil et suspendu mais aussi subtilement contrasté qui peu à peu organise le bouillonnement du volcan orchestral dont la texture s’allège progressivement, s’ouvrant vers les cimes célestes… Déflagration tectoniennes et promesses d’une aube salvatrice éclatante, le cheminement proposé aux auditeurs compose une expérience musicale, surtout spirituelle d’une somptueuse et captivante intensité.
C’est évidemment le sens de l’épisode spatialisée [cor au lointain] qui dans le vaste 3ème mouvement, exprime la présence et la promesse d’un monde rêvé, qu’il est permis de penser ainsi [presque] accessible (nostalgie d’éternité, conscience d’une harmonie encore inatteignable…).
L’ivresse spirituelle nous saisit car cet après midi, la distribution est sans défaut : les 2 chœurs, de femmes, d’enfants, la soliste [phénoménale de justesse et de sobriété], l’Orchestre aussi souple qu’impliqué… Mahler ne pouvait compter troupe plus solidaire, inspirée, juste. Avec cette 3ème de Mahler, l’OPMC ouvre en noblesse et profondeur sa nouvelle saison 2024-2025 ; une récidive en réalité puisque la 2ème  » Résurrection  » du même Mahler, avait inauguré dans le même lieu, la saison précédente 2023 – 2024. Au grand événement, les grands rituels…

 

 

Mystérieux, fulgurant : le Mahler transcendant de l’OPMC
Orchestre Philharmonique de Monte Carlo,
Kazuki Yamada, monsieur pianissimi

 

Et ce concert ne déroge pas au principe, délivrant l’expérience mystique qu’a tissé un Mahler d’une sincérité bouleversante. Ainsi le Grimaldi Forum s’est fait cathédrale musicale plus impressionnante encore que toutes celles connues [y compris celle de Cologne qu’a célébré Robert Schumann dans sa propre 3ème].

Dans la vision de KAZUKI YAMADA, directeur musical de l’OPMC (depuis 2016), Mahler s’affirme à nous ; tel un intercesseur, un visionnaire qui prophétise déjà la fin de l’humanité, révélant une nouvelle conscience, établissant une passerelle entre la terre et le ciel, n’omettant pas le souffle rédempteur de la sainte Nature, marche essentielle dans cette construction spirituelle si personnelle, et qui appelle un autre monde. La 3ème comme la 4ème qui suit et qui exprime tout autant le rêve de « La Vie Céleste » [si l’on se réfère au texte chanté] est comme cette dernière composée en connexion avec le milieu naturel et champêtre, en 1895 et 1896.

C’est le propre des symphonistes de génie et des auteurs lyriques aussi puissants que profonds : dévoiler dans ce cortex musical, l’idée d’une humanité meilleure ; dans la lignée du Wagner de Parsifal, de Bruckner, de l’unique symphonie de Franck également, Mahler s’inscrit parmi les créateurs les plus inspirés qui transmettent un témoignage bouleversant, tout en exprimant une conscience spirituelle à laquelle il reste difficile de demeurer insensible.
La soliste Gerhild Romberger, wagnérienne et malhérienne accomplie, déploie un mezzo somptueux, au timbre sombre et cuivré sans tension ni force, naturellement puissant [d’où son Erda aussi captivante dans l’actuel Ring, sur instruments d’époque, défendu par l’excellent Kent Nagano, cycle en cours dont classiquenews a déjà rendu compte depuis la Philharmonie de Cologne / L’Or du Rhin, Philharmonie de Cologne – août 2023]. La subtilité de la diseuse souligne combien le choix du texte (Nietzschéen) est crucial, convoquant dans la forge orchestral, l’intimité du lied, cadre si essentiel dans le laboratoire mahlérien.

Autant s’affirme la totale réussite du dernier mouvement déployant une soie des cordes en lévitation, autant avant le chant de la mezzo puis des chœurs, l’Orchestre a su composer comme un paysage spectaculaire, les vertiges saisissants produits par le rictus grimaçant  des cuivres et des bois, l’infinie tendresse d’un autre monde rêvé, l’appel rayonnant des cuivres, autant d’accents contrastés d’un 3ème mouvement foudroyant [noté  » Comodo. Scherzando. Ohne Hast « ] . Sa pleine réussite découle de l’architecture du geste ; Kazuki Yamada convainc immédiatement par la ciselure des nuances ; des piani et pianissimi désormais miraculeux de plénitude introspective, des respirations subtilement suggérées car la vision du chef sait être incisive et mordante autant qu’éperdue et mystérieusement allusive. Des nuances murmurées d’autant plus ineffables que les tutti sont d’une fureur cataclysmique.

Dans ces vertiges sonores, le temps musical se dilate et édifie dans la durée de la performance, ce cheminement spirituel où l’Orchestre chante et nous parle ; où les voix enchantent et transportent [on soulignera tout autant la candeur bouleversante du chœur d’enfants [chœur d’enfants de l’Académie Rainier III de Monaco] excellemment préparé par son directeur, Bruno Habert (la précision énergisée du célèbre  « Bimm, bamm, bimm, bamm…  »). Même entrain détaillé pour le Chœur de femmes du CBSO Chorus. Kazuki Yamada agrège instruments, soliste et chœurs avec une justesse continue.
La qualité du son de l’Orchestre, la grande finesse du chef réalisent ainsi un concert exceptionnel qui augure le meilleur pour les prochains concerts de la nouvelle saison 2024-2025.

 

Gerhild Romberger, Kazuki Yamada, les musiciens de l’OPMC © JL Neveu

 

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Le PROCHAIN CONCERT de l’OPMC sera lyrique, révélant la force dramatique d’un opéra que Saint-Saëns a créé à Monaco, en février 1906, L’Ancêtre… Un joyau incontournable à découvrir lors de votre prochain séjour sur le rocher monégasque : le 6 octobre 2024 / LIRE notre présentation de l’Opéra de Saint-Saëns (version de concert), avec Jennifer Holloway, Gaëlle Arquez… sous la direction de Kazuki Yamada (l’ouvrage sera l’objet d’un prochain enregistrement discographique) :
https://www.classiquenews.com/orchestre-philharmonique-de-monte-carlo-dim-6-oct-2024-saint-saens-lancetre-version-de-concert-jennifer-holloway-kazuki-yamada-direction/

 

diffusion

Concert Symphonie n°3 de Mahler au Grimaldi Forum, MONACO, diffusé sur Radio Classique le samedi 19 octobre à 20 heures.

 

 

 

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