lundi 4 novembre 2024

CRITIQUE, concert. AVIGNON, La FabricA, le 20 sept 2024. Concert d’ouverture : Garuta, Dvorak, Schumann. Victor Julien-Laferrière (violoncelle), Orchestre National Avignon Provence / ONAP. Débora Waldman, direction.

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Somptueux concert d’ouverture de l’Orchestre National Avignon Provence [ONAP] qui récidive ainsi son premier concert de la saison à La FabricA, lieu emblématique du Festival d’Avignon, bel exemple de coopération entre partenaires culturels ; dans un geste d’ouverture, de décloisonnement, d’accessibilité totale du concert classique, le programme est organisé en impliquant les jeunes des quartiers alentour (Montclar), préalablement préparés au hip hop ; ils sont intégrés au concert lui même encadré par les danseurs hip hop des Pockemon Crew tandis qu’à l’issue d’un concours, 6 spectateurs de tout âge, ont gagné leur place dans l’orchestre, au milieu des pupitres. Voilà qui donne le ton d’une nouvelle saison 24 – 25 résolument ouverte, prête à réformer l’expérience du concert, à renouveler tous les codes du concert classique. Exemplaire conception.

 

 

À la puissance généreuse de l’Orchestre répond le chant immédiatement intérieur et inspiré du soliste Victor Julien-Laferrière [qui l’a joué au moins 30 fois déjà et depuis l’adolescence]. Dès le premier mouvement de son Concerto pour violoncelle, Dvorak affiche souffle et sensibilité pastorale d’une éloquente et profonde subtilité, ce que la direction vive, très affûtée et d’une inflexible tension continue de Débora Waldman sait cultiver, nourrir, admirablement gérer…
L’articulation, le jeu des nuances, la finesse des accents, le souci du détail, le raffinement des couleurs, ce jeu des timbres permanents qui fait dialoguer le violoncelle solo avec flûte, hautbois, clarinette, et même le premier violon (3ème mouvement), réalisent une partition flamboyante, qui en fait une symphonie avec violoncelle plutôt qu’un concerto basique, opposant en blocs compacts, chant du soliste et tutti orchestraux. La sensibilité de Dvorak fait voler en éclat telle confrontation en insérant constamment un jeu de dialogue entre instruments et soliste. Victor Julien-Laferrière déploie un jeu solide, tout en nuances, très investi, au pathos jamais excessif qui rayonne idéalement dans le second mouvement où en fusion émotionnel avec la cheffe, des joyaux d’opulence pudique, une plénitude d’une tendresse infinie qui répète et commente chaque thème, réalise la séquence la plus réussie de cette première partie de concert.

Composée en déc 1850 puis créée sous la baguette de l’auteur en février1851, la fabuleuse symphonie « Rhénane »   numérotée 3, est en réalité la 2ème dans l’ordre chronologie de conception. D’emblée un son puissant, épanoui et direct s’impose à l’auditeur sans jamais faillir, et sous la maîtrise de la cheffe comme galvanisée par la réussite de la première partie, les instrumentistes gardent l’allant d’un galop enfiévré, du début à la fin, de mouvement en mouvement, même si le public conquis, applaudit d’enthousiasme à l’issue de chacun. Le souffle de la nature, l’élan irrépressible d’un Schumann si amoureux [et admiratif] des bords du Rhin, jubilent sous la baguette à la fois impétueuse et détaillée de Débora Waldman.
La cohésion organique, le sentiment d’une urgence et même d’une ivresse comme exaspérée marquent ce flamboyant Vivace d’ouverture que la tonalité de mi bémol, conquérante, exaltée, exacerbe encore. D’emblée la grande cohérence et l’intensité du son global atteste de la réactivité des musiciens de l’Onap. Le Scherzo qui suit rayonne de la même précision bondissante dans le total respect de son caractère, à la fois naïf et populaire. La sobriété du court Andante convainc tout autant [respirations profondes et introspectives], avant que ne se déploie l’ampleur majestueuse du dernier mouvement [Maestoso], porté par le spectacle grandiose de la Cathédrale de Cologne joyau français sur les bords du Rhin… La pertinente maestra exprime sous l’énergie renouvelée,  l’esprit de verve heureuse et la clarté de l’architecture contrapuntique [qui cite directement Bach]… Le souffle, les nuances… que demander de plus ?

En préambule à ce concert d’ouverture très réussi, Débora Waldman a joué « Teika » de la compositrice post-romantique lettone Lucija Garuta, somptueuse mélodie sans paroles de 1926. Une offrande complémentaire à son travail dédié au matrimoine musical. D’ailleurs, la cheffe vient d’enregistrer les mélodies de Charlotte Sohy, compositrice passionnante elle aussi dont on se souvient de l’enregistrement des Symphonies avec le National de France… Ce soir comme unis en un souffle homogène, cheffe et orchestre ont capté et exprimé la splendide énergie schumanienne, dans sa profondeur intérieure, son impérieuse urgence, son scintillement instrumental.

 

L’Orchestre National Avignon Provence, Victor Julien-Laferrière, Débora Waldman © classiquenews 2024

 

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PROCHAIN CONCERT de l’ONAP sous la direction de Débora Waldman : les 22 et 23 novembre 2024. DESTIN / MOZART, TCHAÏKOVSKY… Débora Waldman comme un fil rouge tout le long de la nouvelle saison 24 – 25, joue une autre œuvre de Lucija Garuta (Meditàcija / Méditation) composée en 1934 ; puis le sublime concerto n°23 de Mozart (soliste : Shani Diluka, piano) ; enfin la 5è symphonie de Tchaïkovsky (1888), symphonie du destin… PLUS D’INFOS : https://www.orchestre-avignon.com/concerts/destin/

 

 

 

LIRE aussi notre présentation de la SAISON 2024 – 2025 de l’ONAP – Orchestre National Avignon Provence : https://www.classiquenews.com/orchestre-national-avignon-provence-onap-saison-2024-2025-debora-waldman-direction/

ORCHESTRE NATIONAL AVIGNON PROVENCE / ONAP, saison 2024 – 2025 (Débora Waldman, direction).

 

LIRE aussi notre PRÉSENTATION du concert d’ouverture («  Voyages « ) de l’ONAP Orchestre National Avignon Provence, dirigé par Débora Waldman, le 20 sept 2024 : https://www.classiquenews.com/orchestre-national-avignon-provence-concert-douverture-ven-20-sept-2024-voyages-dvorak-concerto-pour-violoncelle-r-schumann-symphonie-n3-rhenane-victor-julien-laferriere-de/

 

ORCHESTRE NATIONAL AVIGNON PROVENCE. Concert d’ouverture, ven 20 sept 2024. VOYAGES : Dvorak (Concerto pour violoncelle), R. Schumann (Symphonie n°3 Rhénane). Victor Julien-Laferrière, Débora Waldman

 

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