Pour une recension critique globale du concert du Nouvel An à Vienne / Neujahrs Konzert Wien 2024 par les Wiener Philharmoniker et Christian Thielemann, lire la critique complète de notre confrère Lucas Irom – un compte rendu exhaustif qui a suscité un record d’audience pour classiquenews (21 400 lus à la mi janvier 2024) – preuve si l’on en doutait de l’incroyable attractivité du concert viennois (et aussi de classiquenews !).
La direction nerveuse, racée, très expressive du maestro berlinois Christian Thielemann s’impose sans failles pendant le programme, avec deux réserves cependant : la baguette parfois dure et un peu sèche du chef ; il n’offre pas cette flexibilité sensuelle, cet abandon onirique aussi, palpables et si délectables chez certains de ses confrères dans le même exercice (on pense dernièrement entre autres à Franz Welser-Möst en 2023) ou Daniel Barenboim en 2022…); le choix du programme ensuite : la tradition oblige à un rituel de fin de concert certes très populaire permettant au public de participer concrètement en accompagnant l’orchestre par leurs applaudissements ; ainsi La « Marche de Radetsky » réalise l’union finale des spectateurs et des musiciens. La partition pose problème cependant et comme le souligne très justement notre confrère Lucas Irom dans sa critique très complète, à une époque où tout et doit faire sens, cette Marche écrite par Johann Strauss père, pour commémorer la victoire des Autrichiens sur les Italiens, fait tâche dans un programme mondialement diffusé, porté par l’esprit de la paix universelle. Les producteurs de l’événement devront tôt ou tard modifier la fin du Concert du Nouvel An à Vienne.
Donc ici tout est mené à la baguette, une direction millimétrée qui est parfois plus martiale, « prussienne » qu’ émotionnelle. Dans la maîtrise, extrême; mais avec une mise en place et une pensée analytique qui convainc (à l’image de l’intégrale des Symphonies que le chef et les instrumentistes viennois viennent de publier chez Sony classical pour le bicentenaire Bruckner 2024 – et d’ailleurs CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2023).
D’un programme qui sait être complet et cohérent, traditionnel et équilibré, se détachent surtout les 3 derniers de la première partie (cd1) : qui sont aussi 3 « premières » dans le cadre du Concert du Nouvel An, deux œuvres de Johann II (1825-1899), la 3è de son benjamin Eduard (mort en 1916). De Johann II, l’orchestre la Valse posthume n°2 ; puis la Polka du rossignol opus 222. Créée en 1900 sous la baguette de Karl Komzák (dont la Marche pour l’Archiduc Albert a ouvert le concert viennois), la Valse posthume porte le nom de la station thermale de Bad Ischl (Ischler waltz). Le lieu était prisé de l’Empereur, des artistes tels Brahms et Johann II. La Ischler waltz distille un irrésistible parfum nostalgique ; la Polka du rossignol date de 1859, enjouée, presque insouciante, elle met en avant les flûtes et la vitalité des cordes, toutes en légèreté et badinerie.
Même raffinement sonore et ivresse rythmique pour La Source des hauteurs opus 114 (Die Hochquelle) d’Eduard qui ainsi en 1874 célèbre la qualité des eaux de Vienne (naturelle et filtrée), désormais reliée par canaux aux sources des massifs de Rax et Schneeberg.
La seconde partie rétablit l’équilibre (mais a minima) en inscrivant la (seule) œuvre de Josef Strauss le cadet de la fratrie (1827-1870), fauché trop tôt (et certainement mort d’épuisement) : la Valse Délires (Delirien opus 212) est un concentré de dramatisme opératique spectaculaire et fantastique (le Weber du Freischütz) au début, avant que n’enchaîne les 5 valses suivantes. Thielemannn confère un souffle wagnérien à cette pièce saisissante que Josef, le cadet de Johann II composa pour conjurer l’épidémie de grippe de 1867, offrant ainsi aux organisateurs du bal des médecins, une morceau qui allie l’ivresse de la valse et vertiges symphoniques.
L’apport le plus emblématique reste la création in loco et pour fêter le bicentenaire d’Anton Bruckner (1824-1874) du Quadrille WAB 121 (dans l’arrangement de Wolfgang Dörner), soit un cycle écrit à l’Abbaye de Saint-Florian où Bruckner était professeur et organiste ; ses 6 épisodes (Pantalon, Été, Poule, Trénis, Pastourelle, Finale) affirment déjà un tempérament dramatique puissant, doublé d’un sens de l’orchestration somptueusement maîtrisé. La caractérisation comme enivrée, renvoie aux contes et légendes (Bruckner aurait dédié le cycle à sa fille Marie) : la direction de Thielemann lui confère une classe impériale, soulignant ses affinités désormais reconnues avec l’imaginaire symphonique brucknérien.
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CRITIQUE, concert. VIENNE, Musikverein, le 1er janvier 2023. Concert du Nouvel an – Wiener Philharmoniker / Franz Welser-Möst, direction
CD, DVD, BLU RAY. STRAUSS, New Year concert, Concert du Nouvel AN 2020, Andris Nelsons, Vienna Philharmonic (Sony classical)
COMPTE-RENDU, critique, concert du NOUVEL AN 2020. VIENNE, Musikverein, le 1er janvier 2020. STRAUSS… Wiener Phil. Andris Nelsons, direction.
COMPTE RENDU, concert. VIENNE. CONCERT DU NOUVEL AN, Wiener Philharmoniker / CHRISTIAN THIELEMANN (1er janvier 2019)