mardi 19 mars 2024

CRITIQUE, concert. VIENNE, Musikverein, le 1er janvier 2023. Concert du Nouvel an – Wiener Philharmoniker / Franz Welser-Möst, direction

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Sous les ors néo classiques de la Salle dorée du Musikverein à Vienne, s’accomplit la magie du concert symphonique le plus diffusé au monde, en ce premier jour 2023. La maîtrise orchestrale et la complicité entre chef et instrumentistes sont d’autant plus manifestes que voici la déjà 3ème fois que le maestro Franz Welser-Möst dirige les Viennois dans ce rituel festif et élégant, 83ème concert du Nouvel An en 2023.

 

Programme subtil et festif
dédié au génie de Josef Strauss

 

D’emblée le premier morceau qui fait la part belle, légitime focus, au frère de Johann II, soit son cadet Josef Strauss (notre photo ci contre, DR) dévoile les qualités habituelles des Wiener : vivacité, entrain où se déploie le sens de l’éclat et du brillant, parfaitement insouciant (« Wer tanzt mit ? » op. 251, Polka schnell d’Eduard, le frère cadet de la fratrie). Puis c’est le compositeur fêté  pour l’occasion, dont le raffinement de l’écriture n’a pas à pâlir aux côtés des meilleures partitions de son ainé Johann II, l’hypercélébré : tout le génie de Josef Strauss,  se révèle dans « Heldengedichte » (Poèmes héroïques) op. 87, Valse ; tambours et cors disent l’idée de la grandeur et du faste auquel répond le doux murmure chantant des cordes et la soie des bois qu’enveloppe la caressante harpe – nervosité et dramatisme soulignent ce raffinement de l’orchestration et l’élégance des mélodies que Josef maîtrise comme Johann II, avec un panache volontiers malicieux où la dérision, l’humour œuvrent. Le concept de marche militaire (tambour et cuivres) s’accorde toujours à la finesse des instruments requis dont cette harpe scintillante qui allège la texture, dans l’esprit de la danse la plus éthérée.

Evidemment figurent les œuvres (incontournables du frère ainé Johann II / ainsi le quadrille « Der Zigeunerbaron » (Le Baron tzigane). Chef et instrumentistes ajoutent aussi les moins connus mais tout aussi vivaces : « In lauschiger Nacht » (Dans une douce nuit) op. 488 de Carl Michael Ziehrer qui est un épisode plein d’effets (grelots), une page très narrative, comme enivrée par une facétie souriante et voluptueuse, ponctuée de séquences plus vives et impétueuses. Captivent entre autres, la douceur caressante, enchantée des bois avec le glockenspiel de métal et le sourire (enchanté lui aussi) de la clarinette… comme un peintre narrateur,  Ziehrer imagine une traversée en traineau sur la neige débouchant sur une valse des plus enivrées, flamboyante, éperdue.

Après « Frisch Heran ! », op. 386, Polka rapide  et même électrique, de Johann II, son rythme trépidant où dialoguent cordes et flûtes – marquées par l’urgence, la pause permet le temps que les musiciens se remettent, d’évoquer l’exposition universelle viennoise il y a … 150 ans, avec cette rotonde centrale, spécifiquement bâtie pour l’événement (EXPO WIEN 1873). Voilà qui augure d’une célébration prochaine à venir à Vienne d’ici le printemps et l’été 2023. La séquence est très bien réalisée, avec renfort des effets de la réalité virtuelle ; ce sont de superbes images retraitées avec musique de chambre par les solistes du Philharmonique de Vienne, comme si le chef en vedette, Franz Welser-Möst, dans un salon du Musikverein, consultait un livre d’images évoquant cette année 1873, avec fil conducteur, l’éloge de la machine, l’enthousiasme de l’ère industrielle.

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La seconde partie début avec « Isabella » (ouverture) de Franz Von Suppé. D’emblée, l’orchestre affirme un somptueux brio espagnol (castagnettes à l’envi) dans une pièce conçue tel un lever de rideau plein de panache, une espagnolade brillante (avec solo de violoncelle) dont l’orchestration, digne d’une Zarzuela électrisée, n’a pas cependant le raffinement ni la légèreté des frères Strauss.

Le standard étalon est rétabli avec la valse qui suit, signée du meilleur Josef : « Perlen der Liebe » (Perles d’amour) op. 39 ; noble et majestueuse, expression d’un rêve nostalgique, d’essence amoureuse… la partition – valse de concert désormais emblématique du catalogue de Josef, est portée simultanément aux instrumentistes, par les danseurs du Ballet de l’Opéra de Vienne, aux références XVIIIè françaises (rococo). On y détecte dans une parure frémissante et scintillante, cette délicatesse de la texture et des couleurs admirablement dosées où miroitent les éclats ciselés d’une orchestration somptueuse, dense, jamais épaisse. Instant de grâce absolue grâce à un orchestre ensorceleur aux timbres amoureusement caressés. Par son ampleur (plus de 10 mn) , sa richesse et son raffinement, c’est le morceau de choix de cette seconde partie. Et qui s’achève trop rapidement, comme dans un soupir d’extase …

 

 

 

 

 

Après la polka française « Angelika » op. 123 (1862) que le chef dédie à son épouse à cette occasion : élégantissime et badine, d’une légèreté comme enivrée, voici d’Eduard Strauss, « Auf und davon » / Filons ! op. 73, Polka rapide – fusionnant en un entrain jubilatoire, humour, facétie, élégance… la partition est réalisée dans un contexte très difficile pour la fratrie Strauss : lors de la saison de bal 1871, Josef étant décédé d’épuisement à Vienne, le 22 juillet 1870 ; et Johann l’ainé, reste trop occupé par la création de son opérette « Indigo et les 40 voleurs ». Le chef dirige la pièce la plus originale du programme, et qui marque aux côtés des jeunes chanteurs viennois (Vienna Boys Choir), la présence de leurs tout aussi jeunes consœurs (Vienna Girls Choir) pour la première fois partipant au Concert du Nouvel An. 

« Heiterer Muth » (d’Humeur joyeuse / joyeux courage) op. 281 du très inspiré Josef Strauss permet aux choeur des jeunes chanteurs de Vienne entre 9 et 14 ans, d’apporter leur touche juvénile et fraîche, pleine d’esprit et de finesse (au diapason de la partition) ; son titre contraste avec la situation de Josef alors, éreinté par les concerts qu’il doit diriger ; de fait 1870 voit sa santé décliner : il meurt le 22 juillet 1870. Franz Welser-Möst confirme sa direction fine, soucieuse de nuances dans la valse qui suit opus 114, « Die Zeisserln » (Le Zeissern / les serins), d’une séduisante suggestion poétique…

Avant les bis /« encores », désormais piliers du rituel viennois pour le 1er janvier de chaque année, le chef conclut le programme 2023 avec « Glocken-Polka und Galo » / Polka des cloches et galop, extrait du ballet Exelsior de Josef (Pépi) Hellmesberger II : célébration du télégraphe où inspiré par son sujet, l’orchestre s’impose par sa brillance virtuose, son brio, son élégance et meilleur emblème de sa séduction légendaire, la souplesse de l’unisson des cordes.

Première au Concert du Nouvel An, l’ « Allegro fantastique », fantaisie orchestrale Anh. 26b de Josef Strauss dont,  outre l’élégance du geste et l’esprit aérien de la partition, le chef souligne la puissance souterraine, une intensité qui soutient tout l’édifice sonore. 

« Aquarellen » op. 258 (1869), du même Josef, est une valse particulièrement plébiscitée à son époque, en particulier lors du bal annuel organisée pour le cercle Hesperos dont faisaient partie les frères Strauss.

Le temps vient ensuite à l’allocution du chef, suivi par tous les membres de l’Orchestre viennois, les fameux vœux de bonne année ; préambule pour les bis ritualisés : d’abord « Le Beau Danube Bleu » puis, avec la claque des spectateurs, « La Marche de Radetzky », respectivement signés Johann fils et père. Les deux œuvres sont finement réalisées, grâce à la direction qui sait ciseler chaque partition dans la nuance, opérant comme un travail d’orfèvre instrumental, en particulier dans Le Beau Danube Bleu. Par sa grande délicatesse, le chef impose sa marque, de surcroît très appréciée des instrumentistes… puisque c’est la 3è fois qu’il vient diriger le Concert du Nouvel An à Vienne. Belle récidive, heureuse consécration.

 

 

 

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CRITIQUE, concert. VIENNE, Musikverein, le 1er janvier 2023. Concert du Nouvel an – Wiener Philharmoniker / Franz Welser-Möst, direction – avec les danseurs de l’Opéra de Vienne. 

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