COMPTE RENDU, concert. VIENNE, Musikverein, le 1er janvier 2019. CONCERT DU NOUVEL AN, Wiener Philharmoniker / CHRISTIAN THIELEMANN. A 59 ans, le wagnĂ©rien et straussien (Richard), Christian Thielemann, plus habituĂ© de Dresde et de Bayreuth que de Vienne, affecte un geste un rien prussien, ⊠possĂšde-t-il rĂ©ellement le sens de lâĂ©lĂ©gance viennoise, celle des Johann Strauss fils et pĂšre, Josef et Edouard aussi ? Car les valses et Ă©pisodes symphoniques de Johann fils, vedette viennoise majeure pour cet esprit lĂ©ger, et davantage, appellent un caractĂšre spĂ©cifique entre abandon et allusion, suggestion et subtilitĂ© qui doit Ă©blouir non pas dans cette « lĂ©gĂšreté » partout annoncĂ©e (quâest ce que cette musique dite “lĂ©gĂšre” en rĂ©alitĂ© ? Le vocable comprend une infinitĂ© dâacceptationsâŠ). Ici, dans lâĂ©crin dĂ©signĂ© du rituel Straussien, le Musikverein, il ne doit ĂȘtre question que de finesse, subtilitĂ© mĂ©lodique, orchestration raffinĂ©e, ivresse Ă©vocatoireâŠ
AprĂšs les Welser-Möst, Dudamel, Jansons, … voici Thielemann : cravatte rayĂ©e, le directeur du festival de PĂąques de Salzbourg (les directeurs du Festival estival autrichien Ă©taient prĂ©sents dans la salle), qui est aussi le directeur musical de la Staatskapelle de Dresde, retrouve le Wiener Philharmoniker pour ce programme festif. Les connaisseurs retrouvent dans la disposition typiquement viennoise de lâorchestre, les 6 contrebasses placĂ©es en fond, face au chef sous lâorgue du Musikverein de Vienne, vĂ©ritable colonne sonore assurant une structure et une carrure emblĂ©matiques. Le chef a dĂ©jĂ dirigĂ© les Wiener Philharmoniker : on ne peut donc pas parler de baptĂȘme orchestral. Le programme dâemblĂ©e est trĂšs classique : rien que des valses et des polkas ; pas dâĂ©trangers, ni de chanteurs invitĂ©s (comme lâa fait Karajan Ă son Ă©poque, Ă la fin des annĂ©es 1980). Mis Ă lâhonneur aux cĂŽtĂ©s des frĂšres Strauss (Johann II, Josef et Edouard), une autre dynastie de compositeurs et musiciens viennois, les Hellmesberger, pĂšre et filsâŠ
Thielemann : UN GESTE UN RIEN MARTIAL ? Le programme annoncĂ© rĂ©solument austro-hongrois, commence par la Schönfeld March op. 422 de Carl Michael Ziehrer: le ton est donnĂ©, martial et un rien sec et tendu dans la scansion rythmique. Ziehrer a composĂ© opĂ©rettes et ballets (comme Johann Strauss II) : lâĂ©criture est assez quelconque, dĂ©ployant un caractĂšre ronflant, fort en panache dĂ©monstratif, Ă la façon dâune marche militaire, ou dâune parade appuyĂ©e, rythme et accents prussiens Ă lâenvi; baguette Ă©paisse et ronde, dâune martialitĂ© trop revendiquĂ©e, Thielemann n’est guĂšre dans le style Ă©lĂ©gantissime qui a fait les meilleurs fait qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ© dans cet exercice. Pourtant le Musikverein est plus connu pour lâĂ©lĂ©gance de sa programmation et la finesse des auteurs programmĂ©s. On craint le pire pour la suiteâŠ
Heureusement, le chef respecte le code et lâesprit du rituel de lâan neuf Ă Vienne avec la trĂšs belle valse qui suit, la premiĂšre du programme : « Transactions Waltz » op. 184 de Josef StrauĂ: Josef est le premier cadet malheureux de Johann : mort en 1870 (Ă 43 ans) : lâingĂ©nieur qui rejoint lâentreprise familiale et orchestral en 1850 (Ă 23 ans car son ainĂ© Johann est lui-mĂȘme Ă©puisĂ©) – mort Ă©reintĂ© en tournĂ©e en PologneâŠÂ Or le gĂ©nie de Josef musicalement est aussi Ă©levĂ© que celui de Johann : on sâen aperçoit Ă chaque session de ce concert du nouvel an. Josef serait mĂȘme souvent plus sombre et ambivalent, riche et profond que son ainé⊠De fait, Transactions Wazl sâaffiche immĂ©diatement plus sombre, et grave au dĂ©but, pour mieux faire surgir le thĂšme principal, dans le raffinement des timbres des bois, Ă©noncĂ© par les cordes et des flĂ»tes aĂ©riennes : la finesse sâinvite enfin, enivrĂ©e dans cette sĂ©quence, qui sâavance Ă pas feutrĂ©e en pleine magie⊠saluons lâintelligence des climats, le raffinement de lâorchestration, la caresse de la mĂ©lodie principale, dĂ©licate nostalgie grĂące Ă un Ă©quilibre trĂšs subtil entre cordes et les bois⊠avec la harpe, dâune ineffable nostalgie. Soulignons la profondeur et la sensibilitĂ© Ă©tonnante de Josef Strauss fauchĂ© trop tĂŽt, son aptitude spĂ©cifique pour le dĂ©veloppement symphonique, Ă la fois dramatique et allusif, et aussi de façon gĂ©nĂ©ral, une rĂ©flexion sur le sens mĂȘme de la valse, entre dĂ©sir et mort. Josef nous paraĂźt plus sombre encore que Johann II. Un maĂźtre Ă mieux connaĂźtre et plus Ă©couter assurĂ©ment.
Thielemann nous rĂ©serve ensuite une surprise qui pourrait ĂȘtre rĂ©vĂ©lation : de Josef Hellmesberger (fils): Elfin Dance. ImmĂ©diatement saisissante, la finesse Ă©tincelante grĂące aux nuances aiguĂ«s, vibrĂ©es, rondes du « xylophone »dâune partition inscrite dans les nuages. Hellmesberger fut professeur de violon au Conservatoire de Vienne et aussi fondateur avec son fils du Quatuor Hellmesberger (1849). Avouons que le compositeur ne manque pas dâinspiration ni de subtilitĂ©. ĂthĂ©rĂ© et aĂ©rien est cet elfe, un pur esprit – le style et lâĂ©criture sont trĂšs sensuels (pizz des cordes, doublĂ©es par les flĂ»tes) – comme Mendelssohn dans Le Songe dâune nuit dâĂ©tĂ© (envol et boucle aĂ©rienne de Puck)? Thielemann est dans son Ă©lĂ©ment : ambassadeur dâune musique pleine dâĂ©lĂ©gance et de finesse, rĂ©solument et littĂ©ralement « lĂ©gĂšre ».
Enfin voici le premier morceau du compositeur vedette : Johann STRAUSS II (fils): sur un rythme effrĂ©nĂ©, lâExpress, polka schnell op. 311 est bien une Polka rapide – on regrette cependant la nervositĂ© un peu sĂšche ; un rien hystĂ©rique (lĂ encore systĂ©matique et trop appuyĂ©e) de Thielemann qui dirige comme un prussien, vif, nerveux, droit. de toute Ă©vidence, et dans ce tableau prĂ©cis, il manque de souplesse comme de retenue.
Du mĂȘme Strauss fils, « Pictures of the North Sea », waltz op. 390 / Images de la mer du nord dĂ©veloppe Ă©criture et texture orchestrales. LâĂ©pisode symphonique Ă lâessence poĂ©tique et chorĂ©graphique dĂ©bute dans le sombre ⊠dĂ©roulant un premier tapis envoĂ»tĂ©, quasi tragique, puis un souffle profond grave pour que surgisse enfin lâĂ©blouissante mĂ©lodie (wagnĂ©rien dans sa houle et ses phrases continues : dâemblĂ©e Thielemann le wagnĂ©rien est Ă son affaire ici) : on admire le mĂ©tier du chef, capable dâheureux Ă©quilibres sonores, la finesse des flĂ»tes, le chant ciselĂ© des clarinettes parfaitement dĂ©taillĂ©es, comme enivrĂ©es, caressantesâŠ
Pourtant Ă lâinverse, et dans le mĂȘme temps, regrettons quelques Ă©carts de conduite dans la direction : des contrastes trop marquĂ©s, et appuyĂ©s : la frĂ©nĂ©sie du geste empoigne la valse avec une duretĂ© prussienne propre au chef berlinois : il nâa pas la finesse de son aĂźnĂ© le regrettĂ© Nikolaus Harnoncourt (nĂ© en 1929 et dĂ©cĂ©dĂ© en 2016), spĂ©cialiste et passionnĂ© de valses viennoise qui dirigea le Wiener en de nombreuses occasions les Philharmoniker et le Concert du Nouvel An, Ă 2 reprises : 2001 et 2003. Ronflant, sec, Thielemann déçoit globalement, malgrĂ© les trouvailles sonores Ă©voquĂ©es prĂ©cĂ©demment. Sa baguette manque de fluiditĂ© malgrĂ© le sujet aquatique de la valse choisie.
Autre frĂšre, pas assez connu et mis dans lâombre de Johann, leur ainĂ© : Eduard StrauĂ: « Post-Haste », est une polka schnell op. 259, pour laquelle Thielemann cisĂšle la coupe et lâesprit de syncope (Ă©vocation de la course de la diligence) ; ici encore, on remarque les limites du chef car Thielemann dĂ©taille certes lâinstrumentation mais manque de prĂ©cision comme dâimagination: sa direction relĂšve dâun systĂšme mĂ©trique, militaire dans cette cadence au galop, trĂ©pidant, trop mĂ©caniqueâŠ
Un petit mot sur Edouard, le dernier fils Strauss et lâhĂ©ritier de la dynastie. Il est mort en 1916, en pleine guerre, trouve sa voie spĂ©cifique, comparĂ©e Ă celle de ses deux frĂšres ainĂ©s, par une Ă©criture plus frĂ©nĂ©tique, qui sâest spĂ©cialisĂ© dans les polkas rapides / ainsi cette « Polka-schnell ». RongĂ© par le ressentiment contre ses frĂšres, et pourtant hĂ©ritier enviable de la dynastie familiale (et orchestrale), il dissout cependant en 1901, lâorchestre Strauss et, surtout, pendant trois journĂ©es (honteuses) dâoctobre 1907, brĂ»le nombre de papiers, manuscrits et forcĂ©ment partitions de ses frĂšres Strauss : destruction catastrophique dâun hĂ©ritier insensĂ© devenu fou. Nombre de documents et de partitions de Josef et de Johann seraient ainsi partis en fumĂ©e. Lâhistoire de la famille Strauss relĂšve dâun roman feuilleton, et lâon sâĂ©tonne malgrĂ© le succĂšs populaire de leurs valses et mazurkas, quâaucune sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e ne soit encore emparĂ© de leur saga. A suivreâŠ
AprĂšs la pause de la mi journĂ©e (le concert a commencĂ© Ă 11h), reprise avec lâĂ©vocation du Johann compositeur dâopĂ©rettes : câest Offenbach qui pourtant son rival en France, aurait exhortĂ© le Viennois Ă composer des opĂ©rettes. Grand bien que cette proposition confraternelle et constructive. Ainsi lâouverture du Baron Tzigane⊠la plus cĂ©lĂšbre avec celle de La Chauve Souris, ⊠ainsi le motif de la valse dĂ©passe la seule occurrence Ă©pisodique, pour atteindre une Ă©vocation pleine de nostalgie ⊠tzigane et purement symphonique (par le motif ourlĂ© de la clarinette) ; dans cette piĂšce de caractĂšre, Ă lâambition dramatique manifeste, Thielemann soigne le panache sombre et grave, avec un trĂšs bel effet de texture caressant chaque motif, en particulier au hautbois, sinueux et pastoral. LĂ encore on peut regretter le geste un peu lourd du chef plus prussien que viennois.
Pourtant, se dĂ©tache ensuite finesse et lĂ©gĂšretĂ© dans « La Ballerine » opus 227 de Josef StrauĂ, polka française, et ses fin de phrases, suspendues en deux accents, dĂ©tachĂ©s, retenus⊠vĂ©ritable hymne Ă la souplesse Ă©lastique. Avec La vie dâartiste opus 316, de Johann II, le ballet de lâOpĂ©ra de Vienne sâinvite au concert : comme un rĂ©veil au matin, le premier couple du corps de ballet de lâOpĂ©ra (Wiener Staatsballet) sâĂ©branle sur la terrasse et dans les couloirs et circulations du bĂątiment : lâĂ©lĂ©gance et la facĂ©tie (gestuelles des mains) des 5 couples en blanc et noir imposent une leçon de souplesse acrobatique, – un moment de raffinement collectif magnifiĂ© Ă©videmment pas la somptueuse musique, moins allusive que descriptive, dans la cadre des dĂ©cors et intĂ©rieurs de lâOpĂ©ra viennois. Lâinstitution fĂȘte ses 150 ans en 2019, ayant Ă©tĂ© inaugurĂ© en 1869. Prestige revendiquĂ© et histoire cĂ©lĂ©brĂ©e au moment oĂč ce sont deux français qui dirigent la Maison, Dominique Meyer, intendant gĂ©nĂ©ral et lâex danseur Ă©toile Ă Paris, Manuel Legris, directeur de la danse. Johann Strauss redouble de tendresse feutrĂ©e dans cette page trĂšs raffinĂ©e qui est lâobjet dâune rĂ©alisation tĂ©lĂ©visuelle audacieuse (plans inclinĂ©s de la camĂ©ra dont jouent les danseurs, trĂšs complices).
Puis, dâEduard StrauĂ: « Opera SoirĂ©e » / Une soirĂ©e Ă lâopĂ©ra est une polka française op. 162 (Ă deux temps), polka assez lente, au rythme plus appuyĂ© que la polka mazurka qui est encore plus lente et ralentie avec des temps suspendusâŠÂ : Une soirĂ©e Ă lâopĂ©ra semble mieux convenir Ă la carrure prussienne de Thielemann – sans Ă©carter facĂ©tie ni dĂ©licatesse avec une palette de nuances (piccolo) trĂšs finement dĂ©taillĂ©es ; voici la sĂ©quence oĂč le chef dĂ©voile une direction plus nettement enjouĂ©e, pleine de sous entendue comme dâĂ©lĂ©gance.
De Johann STRAUSS II (fils): « Eva Waltz », la valse dâEva extrait de lâopĂ©ra Le Chevalier Pazman se distingue en un dĂ©but magnifique (somptuositĂ© profonde et noble des cors, puis en dialogue avec les contrebasses – valse attĂ©nuĂ©e comme un rĂȘve, une rĂ©itĂ©ration onirique liĂ©e au personnage dâEva dans lâopĂ©rette de Johann II. Câest Cendrillon rĂ©inventĂ©e, sa prĂ©sentation au bal⊠puis du mĂȘme opĂ©ra, Thielemann a sĂ©lectionnĂ© une nouvelle piĂšce de caractĂšre, extrait du mĂȘme opĂ©ra : « CsĂĄrdĂĄs ». Comme celle de la sublime Chauve Souris, celle qui permet Ă la comtesse hongroise de sâalanguir jusquâĂ la pĂąmoison, et aussi Ă la soprano requise, dâĂ©blouir par sa virtuositĂ© profonde, voici une autre facette du gĂ©nie de Johann II, pleine de facĂ©tie heureuse, dâintelligence sauve et lumineuse, de grĂące et de finesse. Le Concert tĂ©lĂ©visĂ© Ă©tant aussi une carte postale soulignant les trĂ©sors patrimoniaux autochtones, voici les danseurs du Ballet de lâOpĂ©ra de Vienne, soit dans un chĂąteau de basse Autriche, un couple de touristes, parodique, dĂ©calĂ© qui sâennuie puis sâĂ©veille Ă la pure danse, en rejoignant 3 autres couples de danseurs dans la galerie haute Renaissance. LĂ encore reconnaissons que la rĂ©alisation comme lâalliance de Strauss et de la danse sont idĂ©alement complĂ©mentaire, dans un tableau qui sâachĂšve en extĂ©rieur, sur une collection de rythmes et de folklores bien trempĂ©s, oĂč rĂšgne la noblesse du thĂšme hongrois principal (la czardas est de style aristocratique), jouĂ© selon la tradition par les paysans pour les moissons ou les noces villageoises.
Johann fils rĂšgne en maĂźtre absolu avec la Marche Ă©gyptienne op. 335 : festival de timbres et dâeffets orientalisants et rutilants, parfaitement caractĂ©risĂ©s et utilisĂ©s Ă bon escient : dâabord grosse caisse, clarinette mystĂ©rieuse, cordes voluptueuse : câest une sĂ©quence entonnĂ©e comme une marche militaire, mais enchantĂ©e – panache onirique des trompettes et des cors, au souffle inouĂŻ, qui Ă©gale le meilleur Saint-SaĂ«ns, celui oriental de lâorgie / bacchanale dans Samson et Dalila. Thielemann est chez lui, dirigeant sans baguette avec une dĂ©contraction affichĂ©e, assumĂ©e ; lorsque les instrumentistes viennois entonnent en « la la la », le chĆur du motif Ă©gyptien (qui rappelle aussi Verdi dans ses ballets dâAida). Tout sâachĂšve dans le lointain en second plan, superbe effet de spatialisation : festif et interactif, le tableau suscite lâenthousiasme de la salle, et la joie des musiciens, heureux dâavoir ainsi surpris lâaudience internationale.
Enfin, aprĂšs “la Valse entracte” de Joseph Hellmesberger fils: dâune dĂ©licatesse soyeuse et enivrante (les pizzicati dĂ©licats des violons), celle dâun rĂȘve Ă©veillĂ©, auquel Thielemann rĂ©serve son attention la plus nuancĂ©, ce sont deux pages parmi les plus raffinĂ©es des fils Strauss, Johann II, lâincontournable : « In Praise of Women », polka mazur op. 310 / Eloge des femmes : hymne fĂ©ministe qui tombe Ă pic aprĂšs nos hontes contemporaines (cf les mouvements #Metoo, et #balancetonporc) oĂč rĂšgnent flĂ»tes, piccolo, clarinettes et bassons : (finesse dâĂ©locution, irrĂ©sistible Ă©lĂ©gance et souveraine retenue⊠en un Ă©quilibre impeccable cordes et cuivres)⊠et le rythme trĂšs lent, le plus lent, de la polka mazurka ; puis la musique des sphĂšres opus 235 du cadet tout aussi gĂ©nial, Josef : grande valse, et la plus inspirĂ©e du compositeur, oĂč flĂ»tes / harpe se dĂ©tachent, signifiant lĂ aussi une aube qui se lĂšve⊠pourtant, le bas blesse : Ă la dĂ©licatesse suggestive de la partition, nous regrettons lâenflure qui finit par ĂȘtre ennuyeuse, et mĂȘme agaçante du chef, ⊠trop pompier, ignorant volontaire de toute lĂ©gĂšretĂ©. Quel dommage.
Enfin câest le rituel de fin, pour tout concert du nouvel An qui se respecte. AprĂšs proclamer les vĆux de lâOrchestre, chef et musiciens jouent dâun seul tenant et sans interruption – quand les prĂ©dĂ©cesseurs commençaient les premiĂšres mesures, puis prononçaient les vĆurs, enfin reprenaient Ă son dĂ©but la partition : voici lâextase fluviale promise et tant attendue, emblĂšme de lâart de vivre viennois : Le Beau Danube Bleu (Johann STRAUSS fils) : avouons que Thielemann sait Ă©carter toute Ă©paisseur et boursoufflure, instillant ce climat du rĂȘve qui fait briller les cors, recherche les effets de textures moins la transparence, dâoĂč ce sentiment dâopulence, de grain sensuel (les clarinettes) – sommet de naturel et de grĂące – la partition dâabord chorale, finit ainsi sa course dâune Ă©loquence et sublime maniĂšre, comme chant lĂ©gitimement cĂ©lĂ©brĂ© de lâĂ©lĂ©gance viennoise Ă lâinternational.
Oui certains nous rĂ©torquerons : pourquoi boudez ainsi son plaisir ? Le Beau Danube Bleu suffit Ă rĂ©pondre et militer finalement en faveur de la baguette explicitement symphonique de Thielemann. Nous ne parlons pas sciemment de La marche de Radetsky de Johann Strauss le pĂšre : bonus pour amuser un public qui souhaite participer en claquant des mains, soulignant encore et encore la frĂ©nĂ©sie rythmique d’un tube plus que cĂ©lĂ©brĂ©. Daniel Barenboim avait bien raison de bouder cette sĂ©quence car la partition fut composĂ©e pour cĂ©lĂ©brer la victoire sur des manifestants et Ă©tudiants tuĂ©s outrageusement contre leur appel Ă libertĂ©. Qu’on se le dise.
Carrure prussienne mais sensibilitĂ© instrumentale dâun gourmand gourmet, Christian Thielemann nous ravit quand mĂȘme, dans ce concert qui sans ĂȘtre mĂ©morable – ceux de Georges PrĂȘte, Nikolaus Harnoncourt, Gustavo Dudamel, Mariss Jansons (2016) lâont Ă©tĂ© – , nous permet de marquer dans la lĂ©gĂšretĂ© moyenne, Ă dĂ©faut dâexquise finesse, ce 1er jour de lâannĂ©e nouvelle 2019.
Retrouvez le cd et le dvd du CONCERT DU NOUVEL AN Ă VIENNE, 1er janvier 2019, sous la direction de Christian Thielemann, Ă paraĂźtre mi janvier chez Sony classical.
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COMPTE RENDU, concert. VIENNE, Musikverein. CONCERT DU NOUVEL AN, Wiener Philhamroniker / CHRISTIAN THIELEMANN (1er janvier 2019) : Valses, polkas, extraits d’opĂ©ras, ouverture de Johann STRAUSS II, Josef STRAUSS, Edouard STRAUSS, Josef Hellmesberger…
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 Nos autres comptes rendus et critiques des CONCERTS DU NOUVEL AN à VIENNE :
Concert, compte rendu critique. Vienne, Concert du Nouvel An 2016. En direct sur France 2. Vendredi 1er janvier 2016. Wiener Philharmoniker, Mariss Jansons, direction. Valses de Strauss johann I, II; Josef ; Eduard. WaldtaufelâŠ
Concert, compte rendu critique. Vienne, Concert du Nouvel An 2016. En direct sur France 2. Vendredi 1er janvier 2016. En direct de la Philharmonie viennoise, le Konzerthaus, le concert du nouvel An rĂ©alise un rĂȘve cathodique et solidaire : succĂšs planĂ©taire depuis des dĂ©cennies pour ce rendez vous diffusĂ© en direct par toutes les chaĂźnes nationales du monde et qui le temps des fĂȘtes, rassemblent toutes les espĂ©rances du monde, en une trĂšs large diffusion pour le plus grand nombre (les places sont vendues Ă un prix exorbitant destinĂ© aux fortunĂ©s de la planĂšte) pour un temps meilleur riche en promesses de bonheur. Cette annĂ©e câest le chef Mariss Jansons, maestro letton (rĂ©sident Ă Saint-PĂ©tersbourg), autant lyrique que symphonique bien trempĂ© qui dirige les divins instrumentistes viennois, ceux du plus subtil des orchestres mondiaux et qui pour lâĂ©vĂ©nement cĂ©lĂšbre lâinsouciance par la finesse et lâĂ©lĂ©gance, celle des valses des Strauss, Johann pĂšre et fils bien sĂ»r, ce dernier particuliĂšrement Ă lâhonneur, et aussi Joef et Eduard ses frĂšres (tout aussi talentueux que leur ainĂ©), Eduard dont 2016 marque le centenaire.
Compte-rendu critique, concert. VIENNE, Musikverein, dimanche 1er janvier 2017. Wiener Philharmoniker. Gustavo Dudamel, direction. Depuis 1958, le concert du Nouvel An au Musikverein de Vienne est retransmis en direct par les tĂ©lĂ©visions du monde entier soit 50 millions de spectateurs ; voilĂ assurĂ©ment Ă un moment important de cĂ©lĂ©bration collective, le moment musical et symphonique le plus mĂ©diatisĂ© au monde. En plus des talents dĂ©jĂ avĂ©rĂ©s des instrumentistes du Philharmonique de Vienne, câest Ă©videmment le nouvel invitĂ©, pilote de la sĂ©quence, Gustavo Dudamel, pas encore quadra, qui est sous le feu des projecteurs (et des critiques). A presque 36 ans, ce 1er janvier 2017, le jeune maestro vĂ©nĂ©zuĂ©lien a concoctĂ© un programme pour le moins original qui en plus de sa jeunesse â câest le plus jeune chef invitĂ© Ă conduire lâorchestre dans son histoire mĂ©diatique, crĂ©e une rupture : moins de polkas et de valses tonitruantes, voire trĂ©pidantes, mais un choix qui place lâintrospection et une certaine retenue intĂ©rieure au premier plan ; pas dâesbroufe, mais un contrĂŽle optimal des nuances expressives, et aussi, regard au delĂ de lâorchestre, comme habitĂ© par une claire idĂ©e de la sonoritĂ© ciblĂ©e, une couleur trĂšs suggestive, mesurĂ©e, intĂ©rieure qui sâinscrit dans la rĂ©flexion et la nostalgieâŠ? VoilĂ qui apporte une lecture personnelle et finalement passionnante de lâexercice 2017 : Gustavo Dudamel dont on met souvent en avant la fougue et le tempĂ©rament dĂ©bridĂ©, affirme ici, en complicitĂ© explicite avec les musiciens du Philharmonique de Vienne, une direction millimĂ©trĂ©e, infiniment suggestive, dâune subtilitĂ© absolue, qui colore lâentrain et lâivresse des valses, polkas et marches des Strauss et autres, par une nouvelle sensibilitĂ© introspective. De toute Ă©vidence, le maestro vĂ©nĂ©zuĂ©lien, enfant du Sistema, nous Ă©pate et convainc de bout en bout. Relevons quelques rĂ©ussites emblĂ©matiques de sa maestriĂ viennoise. En lire PLUS
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Zubin Mehta / Concert du Nouvel An Ă VIENNE 2015
Lâhommage au gĂ©nie de Josef Strauss
http://www.classiquenews.com/cd-concert-du-nouvel-an-a-vienne-2015-philharmonique-de-vienne-zubin-mehta-1-cd-sony-classical/
Daniel Barenboim / Concert du Nouvel An Ă VIENNE 2014
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Franz Welser-Möst / Concert du Nouvel An à VIENNE 2013
http://www.classiquenews.com/neujahrskonzert-new-years-concert-concert-du-nouvel-an-vienne-2013franz-welser-mst-1-cd-sony-classical/
Mariss Jansons / Concert du Nouvel An Ă VIENNE 2012
http://www.classiquenews.com/vienne-musikverein-le-1er-janvier-2012-concert-du-nouvel-an-wiener-philharmoniker-mariss-jansons-direction/
Georges PrĂȘtre / Concert du nouvel AN Ă VIENNE 2010