Opéra chez soi, ballets à la maison, concerts en direct… En quelques semaines (depuis la mi mars), confinement oblige, internet est devenu le seul accès à la culture, sous condition que les acteurs habituels, empêchés à présent, diffusent sur leur site spécifique leurs propres contenus. L’offre s’est élargie ; elle ne cesse de s’enrichir même et les maisons d’opéras et de danse, les institutions d’Europe les plus diverses (orchestres, salles de concerts, festivals…) mettent en ligne leurs fonds vidéo, certains en streaming et selon les acteurs, sur une durée plus ou moins limitée. Classiquenews vous propose ici sa sélection des meilleurs sites et programmes annoncés. Certains jouent la carte du live, offrant de réels instants uniques dont feu et fragilité renouvellent l’esprit du partage, comme une alternative concrète à l’interdiction désormais de se regrouper dans les salles… (voir ci après, les concerts live du cycle « Aux notes citoyens », initié par le Festival 1001 notes).
De quoi alimenter notre curiosité, stimuler l’évasion et conjurer autant qu’il se peut les méfaits de l’enfermement obligé. Nous ajoutons aussi les perles du net soit les programmes disponibles ordinairement accessibles sur la toile… Bon confinement, prenez soin les uns des autres et restez chez vous !
opéra
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NOTRE PALMARES. Notre TOP 5 des meilleures productions / propositions lyriques à voir et revoir sur le NET :
1 – PARSIFAL à l’Opéra de Palermo / Graham Vick, mise en scène. Avec l’exceptionnelle et captivante Kundry de Catherine Hunold. Lire présentation ci-après.
2 – ELEKTRA, Salzbourg 2020 : « Volcan Orchestral, lave vocale »… Si la mise en scène de Wrlikowski ne séduit pas véritablement, en revanche l’intensité des voix surtout l’Elektra hallucinée, détruite, embrasée de la soprano Ausrine Stundyte assure à cette nouvelle production, un éclat indiscutable. Belle réussite pour l’édition du Festival de Salzbourg 2020 celle des 100 ans. LIRE notre critique de l’opéra ELEKTRA Salzbourg 2020
3 – TURANDOT à la Scala de Milano / Nikolaus Lehnoff / Riccardo Chailly. Avec Nina Stemme dans le rôle titre. Outre l’imaginaire flamboyant expressionniste des décors et des costumes, la version retenue est celle achevée par Berio, une fin très réussie. Lire présentation ci-après. Lire présentation ci-après.
4 – L’ETOILE par l’Atelier Lyrique de Tourcoing (février 2020). L’opéra poétique, déjanté de Chabrier, si admiré de Ravel, est remarquablement défendue dans cette production efficace et vivace qui réunit une très solide équipe de solistes (Kossenko). Lire présentation ci-après.
5 – GÖTTERDÄMMERUNG / Le Crépuscule des Dieux de Wagner à La Scala de Milano. D’emblée c’est surtout la direction passionnante, d’un tragique soyeux, souterrain, viscéral de Daniel Barenboim que nous saluons ici : son geste creuse les perspectives psychiques qui pilotent chaque personnage. Les interludes orchestraux sont bouillonnants et significatifs, d’un dramatisme sinueux et profond (écoutez, outre l’ouverture, l’introduction à Brunnhilde à 1h22mn45 – acte I) : visionner ici Le Crépuscule des Dieux de Wagner par Daniel Barenboim :
https://www.raiplay.it/video/2020/03/Gtterdmmerung-676242e5-0d3e-4010-a056-66b4d801248e.html
6 – Hérodiade de Massenet à l’Opéra de SAINT-ETIENNE (2001) – le grand opéra français avec ballets s’illustre en caractères orientaux et bibliques, mais aussi sous le feu de l’amour de la jeune Salomé pour le prophète Jean… Production ambitieuse et réalisée avec honnêteté – en replay jusqu’à la reprise des spectacles à l’Opéra de Saint-Etienne… Présentation ci dessous / Voir la production ici: https://www.saint-etienne.fr/actualites/hérodiade-opéra-en-4-actes-7-tableaux
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Massenet : Hérodiade (1881) / Opéra de SAINT-ETIENNE, 2018
Inspiré des 3 Contes de Flaubert, Hérodiade de Massenet, entre fresque historique et biblique et huis clos psychologique, aborde le mythe oriental avec une sensualité ardente et passionnée. L’auteur de Werther ou de Thaïs et Manon, offre un rôle puissant pour Hérodiade (mezzo-soprano), amoureuse d’Hérode Philippe mais hantée par le souvenir de sa fille perdue, Salomé… l’orientalisme biblique (l’action se déroule à Jérusalem en Judée) est une alternative au wagnérisme alors omniprésent en Europe et en France au début des années 1880. Massenet aborde le genre du grand opéra avec ballet (danse babylonienne, début du II, dans le palais d’Hérode, quand le roi s’enivre au désir de posséder la jeune Salomé – puis danse mystique et sacrée dans le temple de Salomon au III). A noter le très bel air de Phanuel : « astres étincelants »… qui interroge la nature de Jean : « est ce un dieu ? »… Pour autant l’écriture très académique se rapproche souvent des effets un peu faciles de la peinture d’Histoire. Massenet certes habile mélodiste, ne possède pas l’orchestration d’un Bizet (les Pêcheurs de perles ou surtout Carmen, d’un hispanisme des plus raffinés).
SALOMÉ, amoureuse de JEAN… « Celui dont la parole efface toutes peines, le prophète est ici… c’est vers lui que je vais » : au départ, le portrait de Salomé est celui d’une jeune femme en quête de sa propre identité, charmée par l’autorité du Prophète. L’opéra malgré son titre, est surtout celui de la fille d’Hérodiade, la jeune juive Salomé, qui aime Jean, apprend après le supplice de son aimé, d’Hérodiade qu’elle est sa fille. Après l’avoir imploré, – dans une ultime scène, Salomé veut tuer sa mère qui s’est révélée, mais préférant mourir avec le prophète, l’héroïne se suicide en retournant la lame contre elle-même.
Alternant grandes scènes collectives et solos passionnés, héroïques et tragiques, Massenet sculpte le profil de ses deux personnages féminins : Hérodiade qui demande à son époux Hérode épris de Salomé, qu’il tue le prophète Jean, lequel ne cesse de la diffamer par ses prophéties (Jean la traite de « Jezabel » , l’étrangère vicieuse et malfaisante) ; Salomé, jeune âme, elle, n’aime que Jean et recherche sa mère… D’un côté, une épouse haineuse et vengeresse, matriarche aimante mais exclusive (« ne me refuse pas » s’écrit-elle en exigeant d’Hérode la tête de Jean) ; de l’autre, une jeune âme qui s’ouvre à l’amour pour Jean… Ici pas de scène des sept voiles (qui a fait le triomphe de l’opéra de R Strauss inspiré de Wilde) mais les déchirements de Salomé, acquise au Prophète Jean et qui se suicide face à la barbarie et l’horreur d’un monde qui a tué son aimé et dans lequel sa propre mère la manipule et n’hésite pas à la sacrifier…
Production de l’Opéra de Saint-Etienne – 2018 – JY Ossonce, direction / JL Pichon, mise en scène. Avec Elodie Hache (Salomé), Emanuela Pascu (Hérodiade), Florian Laconi (Prophète Jean), Christian Helmer (Hérode), Nicolas Cavallier (le devin et mage chaldéen Phanuel, mentor et protecteur de Salomé en quête de sa mère) Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire. LIRE aussi notre compte rendu critique complet d’Hérodiade de Massenet à l’Opéra de Saint-Etienne
VOIR l’opéra sur le site de la Mairie de Saint-Etienne
https://www.saint-etienne.fr/actualites/hérodiade-opéra-en-4-actes-7-tableaux
VOIR la production d’Hérodiade de Massenet à l’Opéra de Saint-Etienne sur Youtube / Opéra de Saint-Etienne :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=691&v=Yc0rTYBtxZ0&feature=emb_logo
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MOZART: nouveau Cosi fan tutti à Salzbourg 2020. Descendre, Dreisig… Loy / Mallwitz
COMPTE-RENDU, opéra. Salzbourg, 2 août 2020. MOZART : Cosi fan tutte : Dreisig, Crebassa… Christof Loy. UN NOUVEAU COSI … en délicatesse, juvénilité. On pourrait s’enorgueillir de compter plusieurs chanteuses françaises ici, pour les rôles de Fiordiligi et de sa servante Despina… Mais l’écoute tempère notre enthousiasme… Elsa Dreisig en Fiordiligi, a un timbre frais et idéalement juvénile, mais la technique dérape et la justesse instable, atténue l’enthousiasme : trop tôt pour la jeune diva francodanoise ? Un bon travail de remise en place s’impose à notre avis. Son grand air solo « Come scoglio… » (à 49’37 de la captation vidéo) s’il est techniquement assuré (redoutables écarts de notes), reste un peu lisse. Un manque de passion et d’intensité d’autant plus regrettable car Fiodiligi recueille toutes les tempêtes précédentes incarnées par les héroïnes mozartiennes, surtout Giunia (Lucio Silla). Dreisig semble ne pas mesurer totalement tous les enjeux de son texte. Mieux assurée, Marianne Crebassa fait une Dorabella, plus mûre et convaincante. Dans leurs duos, les deux voix fusionnent, s’amusent, jouant sur l’intensité de leur émission fraîche. Deux délurées parfaitement incarnées, prêtes à oublier et rompre les serments passés. Son grand air (« Songes implacables qui m’agitez… ») affirme une beau tourment tragique.
La mise en scène de Loy affecte une discrétion épurée, proche de la froideur nordique : silhouettes noires sur fond blanc immaculé, – contrastes affirmés, contrejours expressifs… voilà qui détache nettement et toujours le relief de la musique et des voix.
Les deux hommes sont honnêtes sans plus, d’un style quelconque parfois caricaturaux. Le baryton Andrè Schuen assume plus crânement ses airs avec un aplomb parfois trop appuyé : la grâce mozartienne ne supporte aucune faute de goût aussi il manque ce format délicat et sincère propre à Mozart. Le ténor d’abord acide, pauvre en nuances, s’affranchit de son trac et trouve une justesse sincère qui émeut, comme porté par la direction très sensible de la cheffe Joana Mallwitz. Une évolution saisissante à suivre pendant la représentation. Ses duos avec Fiordiligi sont touchants. Le désarroi surgit souvent dans ce style juste et direct. Première pour la cheffe Joana Mallwitz à Salzbourg, et par là même, première pour une femme cheffe dans l’arène prestigieuse salzbourgeoise… on apprécie ses ralentis, nuances, respirations : surgissent la profondeur et la délicate mélancolie d’un Mozart qui nous parle du désordre amoureux certes, mais surtout de perte, de fragilité, d’évanescence (belle souplesse onirque du trio fameux Soave silento…). La direction reste constamment passionnante : souffle dramatique, clarté et souplesse, surtout diction intérieure de l’orchestre : Mallwitz frappe les esprits et les ouïes.
La Despina de Lea Desandre, soubrette délurée, autoritaire, collectionne une série de sketches savoureux avec un aplomb qui contrepointe adroitement la naïveté de ses deux patronnes. Y compris quand elle joue au chirurgien (avec masque, référence à la covid 19), présence déjantée au comique savoureux… La jeune diva française apporte cette touche de délicatesse intérieure, cette maîtrise des nuances émotionnelles, idéale approche de la palette sentimentale mozartienne. Sa finesse se distingue nettement et dans son jeu scénique et son articulation, riche en phrasés. Un exemple de subtilité pour ses partenaires.
VOIR Cosi fan tutte de Mozart, Salzbourg 2020
https://www.arte.tv/fr/videos/098629-001-A/cosi-fan-tutte-de-mozart/
EN replay arte.tv jusq’31 octobre 2020
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CULTUREBOX
VERDI : Il Trovatore (Orange, 2015). Rien de confus ou alambiqué dans l’opéra de Verdi : une légende virile et fantastique qui narre la vengeance de la gitane mi sorcière mi haineuse Azucena qui recueille et élève son « fils » Manrico ; celui ci aime Leonora, elle-même adorée par Luna. Manrico et Luna s’opposent, se haïssent : Luna tue Manrico par jalousie, avant d’apprendre de la bouche d’Azucena qu’il était son frère ; ainsi se venge la sorcière dont le véritable enfant a été tué, brûlé vif par le premier comte de Luna…
Verdi exploite les ressorts dramatiques d’une sombre histoire familiale où les enfants perpétuent la folie sanglante de leurs parents. Transmission de l’esprit du soupçon, des manipulations et du mensonge, l’action est celle de la vengeance sourde mais inéluctable… Dès la première scène, l’histoire de l’enfant brûlé est contée par une basse chantante, hallucinée, pénétrée par l’horreur qu’il professe…
La production réunit une distribution globalement convaincante ; si la Leonora de la chinoise Hui He est plus mezzo dramatique (d’une belle rondeur cuivrée quoique souvent imprécise dans ses vocalises) ; ampleur qui renforce l’autorité d’un personnage large qui écarte tout angélisme d’un soprano plus léger (sa Leonora a des accents plus maternels que réellement juvéniles), le Manrico de Roberto Alagna a fière allure, ardent et enivré même, incarnant la virilité tendre du jeune amoureux, comme l’ardeur loyal du fils, présent à sa mère (air du feu, nerveux et tendu), pris dans les rets d’une haine familiale qui le dépasse. Luna, sombre, jaloux, à la rancœur aigre, être tapis dans l’ombre de la lumière des deux amants permet ay baryton roumain Georges Petean d’épaissir son personnage, mais l’interprétation pourrait être plus nuancée ; heureusement à mesure que l’action se déroule, ce jaloux frustré gagne une sincérité croissante. Tandis que la sorcière de Lemieux atteint des éclats ténébristes et graves dans le récit de la mort de son fils croisé avec le visage de sa mère brûlée vive… qui lui demande de venger leur sang. Une très belle interprétation. La direction de de Billy est active, parfois lourde et brutale ; et la mise en scène de Charles Roubaud, routinière mais lisible. Quoique tendant à l’oratorio et à la succession d’airs dans les deux derniers actes… Pourtant le formidable duo de la mère et de son fils, Azucena / Manrico, grâce à l’engagement de Lemieux et Alagna atteint une lumineuse sincérité dans le tableau final, celui qui conduit les deux âmes vers le bûcher… joyaux dans la nuit de l’anéantissement. Durée : 2h20mn.
Culturebox. En replay jusqu’au 27 décembre 2020
https://www.france.tv/france-3/tous-a-l-opera-2018/966403-il-trovatore-de-verdi-aux-choregies-d-orange-2015.html
Roberto Alagna, Manrico
Hui He, Leonora
Marie Nicle Lemieux
George Petean, Comte de Luna
Orchestre National de France
Bertrand de Billy, direction
Charles Roubaud, mise en scène
LIRE aussi notre critique complète d’IL TROVATORE de VERDI aux Chorégies d’Orange, août 2015
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CULTUREBOX
STRAVINSKY : OEDIPUS REX (Aix 2017, Sellars, Salonen)
EN REPLAY, jusqu’au 28 mai 2020
Durée : 2h15mn
Comment arrêtez la peste à Thèbes ? Le peuple implore leur roi Oedipe pour les sauver … en notes pointées, staccatos et rythmiques tranchantes, en 1927, Stravinsky s’empare avec la fulgurance qui le caractérise, l’histoire tragique d’Oedipe, auquel est révélé la vérité la plus barbare. Chœur de jeunes en tee shirts contemporains, solistes engagés, récitante en français (Antigone, la première féministe de l’histoire, fille d’Oedipe qui guidera son père devenu aveugle)… la lecture touche à son but. Saisir le spectateur, le conduire aux portes insupportables de l’inacceptable et de l’inqualifiable. Personne n’échappe à la cruauté du destin. L’épouse de Oedipe, Jocaste de Violetta Urmana exprime la passion douloureuse d’une femme elle aussi saisie, brûlée par la mauvaise fortune (33mn32). En pythie surgit d’un monde sans espoir, elle se fait la voix de la vérité, dernière Cassandre de temps intranquilles ; accablée par le spectacle d’une ville entière dévastée (« N’avez vous pas honte, rois, de clamer vos reproches personnels dans une ville malade ? … / Il ne faut pas croire aux oracles / Ils mentent toujours / oracula, oracula mendica sunt … / Laius est mort à un carrefour »). Ainsi Oedipe comprend qu’il a tué son propre père…
En fosse, le compositeur et chef Esa Pekka Salonen, en orfèvre des sons précis, caractérisés… à l’écoute des frémissements ténus, des langueurs inquiètes… sculpte la partition orchestrale avec une acuité détaillée, une ivresse des accents, continument affûtée (percutant Philharmonia Orchestra : cf.clarinettes, bassons, flûtes…). Captivant.
VISIONNER Oedipus Rex à AIX été 2017
https://www.france.tv/france-2/festival-international-d-art-lyrique-d-aix-en-provence/968377-oedipus-rex-symphonie-de-psaumes-a-aix-en-provence.html
distribution
Igor Stravinsky : Œdipus Rex
Opéra-oratorio d’après Sophocle (1930)
Livret de Jean Cocteau, traduit en latin par le cardinal Jean Daniélou – couplé avec la Symphonie de Psaumes (1930)
Direction musicale : Esa-Pekka Salonen
Mise en scène : Peter Sellars
Orchestre : Philharmonia Orchestra
Chœurs : Orphei Drängar, Gustaf Sjökvist Chamber Choir, Sofia Vokalensemble
Œdipe Roi : Joseph Kaiser
Jocaste : Violeta Urmana
Créon / Tirésias / le Messager : Sir Willard White
Le Berger : Joshua Stewart
Antigone (récitante) : Pauline Cheviller
Ismene (danseuse) : Laurel Jenkins
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ANVERS, OPERA ANTWERP
OPERA BALLET VLAANDEREN
https://operaballet.be/en/the-house/blog/enjoy-our-operas-and-ballets-from-your-living-room
LA JUIVE d’Halévy
(Peter Konwitschny)
Halévy offre un premier modèle de grand opéra français (sujet historique, à l’époque des tensions religieuses au XVè) à l’époque des Lucia di Lammermoor et des Puritains (1835). L’opéra commence avec le Te Deum pour le Concile de Constance (hiver 1414), présidé par le Cardinal Brogni, avec orgue obligé ; le choeur (un peu crié et dur par le collectif aux gants bleus) entonne aussitôt « Aux armes / Hosanna ! », glorification catholique pompeuse dans l’esprit de la grande machine parisienne, à laquelle Eleazar le juif et l’hérétique s’oppose non sans défiance et « insolence » et immédiatement, car il a « osé » travaillé un jour de fête (Noël)… Brogni pardonne, clément ; Eleazar, toujours plein de ressentiment et de défiance. Le décor cite Notre-Dame à travers l’une de ses sublimes rosaces en fond de scène… miroir des interactions et enjeux religieux qui portent cette œuvre ambitieuse (d’où les immenses grilles qui citent l’emprisonnement des deux juifs ici persécutés). La Juive c’est la fille d’Eleazar Rachel (en gants jaunes, ainsi étiquettée) laquelle aime « Samuel » en fait Leopold, pourtant promis à la princesse Eudoxie : « il va venir …». La jeune fille est arrêtée avec son père qui se venge en laissant condamnée : Eleazar révèle alors au Cardinal Brogni qu’elle était sa propre fille, perdue depuis Rome. Brogni ne cessait alors de rechercher sa fille… Saisissant par son coup de théâtre final (livret de Scribe), l’ouvrage sera ensuite éclipsé par Les Huguenots de Meyerbeer, créé l’année suivante en 1836, nouveau jalon majeur du genre lyrique romantique français. Cette production pourtant très claire grâce au sens de l’épure de Konwitschny, souffre d’une distribution faible, aux voix tendues et criées (bien qu’engagées comme c’est le cas des juifs : Rachel et son père, Eleazar). N’est pas Caruso ni Neil Shicoff qui veut : Eleazar et son dernier air, terrifiant et tragique, quand le père donne sa fille : « Rachel quand du Seigneur… » offre un personnage dramatiquement immense pour les ténors. Il est vrai que l’opéra de Halévy réunissait à sa création les plus grandes voix de son époque, chacune dans les quatre tessitures mises en avant : ténor (Eleazar), soprano (Rachel), baryton (Brogni), mezzo (Eudoxie)… Ce n’est pas la direction souvent épaisse et grossière du chef qui arrange la donne. Même le chœur baisse la note par son articulation approximative.
VISIONNEZ La Juive de Fromental Halévy : https://operaballet.be/en/the-house/blog/enjoy-our-operas-and-ballets-from-your-living-room
Durée : 2h52mn
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PARSIFAL
(Tatjana Gürbaca – Cornelius Meister)
D’emblée, la direction de Cornelius Meister, terne et sans nuances, manque singulièrement de transparence et de langueur mystérieuse, un manque dommageable pour l’expression de la sublime métamorphose que l’opéra raconte dans le cœur du pur Parsifal… l’agent du Salut dans un monde voué à la culpabilité, à l’impuissance, celle du roi Amfortas, maudit. La mise en scène explicite le sujet de sa condamnation : il a couché avec la pêcheresse Kundry, alors créature de l’infâme Klingsor. Ainsi dès le début, s’expose la déchirure et la perte de l’équilibre du monde, par l’immense coupure qui divise le fond du décor courbe. Sans référence à la poésie médiévale ni à la geste chevaleresque, Gürbaca aborde le dernier opéra de Wagner comme une action de théâtre, atemporel, ne s’attachant qu’aux profils des protagonistes, conçus comme les acteurs d’une pièce en répétition. La relation Parsifal / Kundry est bien incarnée, mais les deux chanteurs laissent poindre les limites de leurs voix (trop droites, courtes, sans véritables phrasés, aux aigus forcés: Erin Caves, Parsifal et Tanja Ariane Baumgartner en Kundry, pas assez fouillée et caricaturalement suicidaire). Voix à la peine. Direction poussive sans l’âme de la rédemption annoncée. Mise en scène d’une épure grise et lisse, proche du dernier ascétisme… Décevant.
VISIONNEZ PARSIFAL (Meister / Gürbaca) : https://operaballet.be/en/the-house/blog/enjoy-our-operas-and-ballets-from-your-living-room
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BRUXELLES, La Monnaie
http://www.classiquenews.com/opera-le-diffplay-classiquenews-selectionne-ici-diffusions-et-replays/
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LONDON, ROH – Royal opera House
Mozart : Cosi fan tutte (Breslik, Degout, …Pappano / Jonathan Miller, mise en scène) – jusqu’au 10 mai 2020.
sur la plateforme operavision:
https://operavision.eu/en/library/performances/operas/cosi-fan-tutte-royal-opera-house#
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PARIS, OPÉRA NATIONAL DE PARIS
Productions mises en ligne avec durée limitée : notre sélection des opéras (et des ballets) diffusés pendant le confinement ci après :
MARS, AVRIL : http://www.classiquenews.com/confinement-mars-et-avril-2020-lopera-chez-soi/
RAMEAU : Les Indes Galantes (Alarcon / Clément Cogitore, 2019) – Avec la chorégraphe Bintou Dembélé, Clément Cogitore s’empare de la machine à enchanter dans son intégralité (version la plus complète des Indes Galantes) pour la réinscrire dans un espace urbain et politique dont il interroge les frontières : posture pas toujours évidente tant souvent RAMEAU déploie un pastoralisme (musette) qui colore sa partition d’échappées plutôt rustiques et naturalistes (ramages des oiseaux… qui est sa « marque »). A trop vouloir actualiser et moderniser la partition baroque, on la dénature et la vide de sa cohérence originelle. La proposition présentée ici n’échappe pas à cette trahison qui plaque une grille de lecture de façon artificielle, ne produit aucune unité globale malgré son essence chorégraphique qui au départ, était légitime.
Au début Sabine Deviehle (Hébé), coloratoure baroque, au format petit et souvent tendu (et pas toujours très intelligible), grande dame style mécène de banque, coiffure casque, interpelle et éveille les danseurs : de fait, dans l’opéra ballet de Rameau, tout est danse, autant de rythmes vivifiés, sublimés par la musique sublime du compositeur versaillais. Les danseurs sont ensuite habillés devant les spectateurs comme si l’on était dans les coulisses d’un défilé de mode, armée de costumiers à l’envi… enfin chacun s’affaire à sa pose pour prendre le cliché. Malgré la qualité de l’orchestre, flexible, coloré, cette vision chorégraphique manque de cohérence et d’unité et pâtit d’une diversité de tableaux trop variés. La gestuelle suit, trop fragmentée. Le Prologue manque vocalement de tension mais quand paraît la seconde soprano (« Ranimez vos flambeaux »…), sous son voile très haute couture Jodie Devos (qui chante ensuite Zaïre), soudain le chant, intelligible, articulé, clair, cristallin et puissant supplante tout ; elle décoche ses flèches ardentes et ferventes, subtilement incarnées grâce à un timbre d’une rare élégance et toujours sobre dans le style : enfin Rameau (et le souverain Amour) surgissent. Même engagement et articulation précise de Mathias Vidal (Valère, Taemas) ; de toutes les personnalités vocales réunies, Devos et Vidal se tirent le mieux de cet amoncellement pseudo poétique et vaguement conceptuel. Dommage – opéra ballet filmé en 2019
Visionner le replay Les Indes Galantes : Alarcon / Cogitore, 2019 : https://www.operadeparis.fr/magazine/les-indes-galantes-replay
Ballet à partir de lundi 13 avril 2020 :
SOIRÉE « HOMMAGE À JEROME ROBBINS »
Fancy Free, A Suite of Dances, Afternoon of a Faun, Glass Pieces
Du 13 avril dès 19h30 au 19 avril 2020
CHORÉGRAPHIES : Jérôme Robbins
MUSIQUES: Leonard Bernstein, Johann Sebastian Bach, Claude Debussy, Philippe Glass
DIRECTION MUSICALE : Valery Ovsyanikov
avec, dans les rôles solistes, Eleonora Abbagnato, Amandine Albisson, Alice Renavand, Sae Eun Park, Stéphane Bullion, Hugo Marchand, Karl Paquette, François Alu, Paul Marque. / Glass Pieces – J. Robbins © Sébastien Mathé / OnP – CE QUE NOUS EN PENSONS… Le ballet de Debussy (Prélude à l’Après midi d’un Faune) est conçu comme un hymne à l’art du danseur, à sa volupté suspendue qui dans le cadre d’une salle de répétition avec barres d’appui et miroirs, laisse s’exprimer la grâce poétique des deux corps élastiques dans un style d’une élégance toute… parisienne (écoute intérieure, économie des gestes, vocabulaire et figures classiques…). Beau contraste avec Glass Pieces (1981, 1983) destiné au corps de ballet en nombre, fresques collectives d’une joie brute, scintillante qui mêle 6 danseurs classiques (3 couples) au corps de ballet plus chamarré et urbain. LIRE notre présentation et notre avis sur cette production
CONSULTEZ ici nos plannings des opéras et ballets
diffusés par l’Opéra National de PARIS pendant le confinement
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Retrouvez ici les opéras accessibles et les événements proposés depuis le site du Metropolitan Opera de New York. La maison new yorkais, fer de lance de la création et de la diffusion lyrique sur le territoire américain, offre tous les 3 jours en moyenne une nouvelle production lyrique. De quoi nous régaler. Il faut consulter régulièrement la page du player vidéo qui diffuse l’opéra sélectionné…
CONSULTEZ aussi notre page spéciale les opéras diffusés par le MET du New York pendant le confinement
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GALA LYRIQUE VIRTUEL exceptionnel du METROPOLITAN OPERA NEW YORK : 40 vedettes internationales donnent de la voix depuis leur résidence de confinement, samedi 25 avril 2020 à 19h (heure de Paris) / 13h heure locale : LIRE ici notre présentation et les explications sur la préparation de l’événement digitale : http://www.classiquenews.com/direct-sur-le-net-gala-du-met-sam-25-avril-2020/
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MONTE-CARLO, OPERA DE MONTE CARLO
L’Opéra de Monte Carlo diffuse en 6 épisodes, l’histoire de Falstaff d’après l’opéra de Verdi, présenté in loco dans la mise en scène du directeur des lieux, Jean-Louis Grinda. Une approche ludique qui tente de démocratiser la lecture du drame comique du dernier Verdi inspiré par Shakespeare en adoptant les codes d’une web série… Alors ici qui manipule qui ? Les Joyeuses Commères désireuses de se venger de la phallocratie générale, ou bien Sir John Falstaff, qui joue le benêt et l’impuissant afin de mieux épingler le genre humain et son orgueil ridicule ? A vous de choisir …
https://www.youtube.com/watch?v=LWjCJfD-_MQ&list=PLFwB8jF-OrBbpHa6KeU4GYj8tcivT4403&index=6
Distribution : Falstaff à l’Opéra de Monte Carlo
Direction musicale : Maurizio Benini
Mise en scène: Jean-Louis Grinda
Décors Rudy Sabounghi
Sir John Falstaff : Nicola Alaimo
Ford, mari d’Alice : Jean-François Lapointe
Fenton : Enea Scala
Le Docteur Caius : Carl Ghazarossian
Bardolphe : Rodolphe Briand
Pistolet : Patrick Bolleire
Mrs Alice Ford : Rachele Stanisci
Nannette : Vannina Santoni
Mrs Quickly : Anna Maria Chiuri
Mrs Meg Page : Annunziata Vestri
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MILAN, Teatro alla Scala
La Scala met en avant son formidable catalogue lyrique, offrant un cycle de productions majeures avec des interprètes de premier plan. Retrouvez ici le planning spécifique des mises en lignes jour après jour pour avril 2020 :
http://www.classiquenews.com/opera-le-diffplay-classiquenews-selectionne-ici-diffusions-et-replays/
RAI
La RAI offre un catalogue inouï en vérité par sa richesse et les œuvres présentées en replay… tous les opéras sont majoritairement des productions de la Scala de Milan)
https://www.raiplay.it/ricerca.html?q=opera
Dont Cavalleria Rusticana, Tosca, Don Carlo, Fidelio, Il trovatore, Falstaff, Il Minotauro, Madama Butterfly, Attila, Turandot (Nina Steme, Carlo Bosi… mise en scène : – direction : Riccardo Chailly, Carmina Burana, Giovanna d’Arco, Ecuba, La Damnation de Faust…
A VOIR en urgence entre autres :
Turandot (Chailly / Nikolaus Lehnauff) – production expressionniste saisissante par son imaginaire délirant, son exotisme qui fusionne cabaret et couleurs fauves… l’orientalisme de Puccini, ses somptueux accents orchestraux, s’en trouve revigoré, de surcroît convaincant grâce à une distribution très cohérent… dans la version terminée par Luciano Berio (et son happy ending des deux amants réunis car Turandot s’est enfin humanisée, célébrant désormais le seul AMOUR en dissonances célestes suspendues dont Berio a trouvé la clé) : https://www.raiplay.it/video/2020/03/Turandot-0c6ec6ff-1b19-406e-8af3-3c3854a666d3.html
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MUNICH, Bayerishe Staatsoper
Tous les opéras mis en ligne sur le site très actif : STAATSOPER.TV
SMETANA : La Fiancée vendue
Production enregistrée en janvier 2019
Durée : 2h36mn – en replay gratuit jusqu’au 16 mai 2020
Bombe exaltée voire furieusement éruptive dès son ouverture (fugato enfiévré pour les cordes), la partition de la Fiancée vendue revendique haut et fort sa pétulance folklorique, un goût irrépressible pour la vitalité et la santé des motifs populaires, au point de devenir l’emblème de la musique tchèque et de l’opéra en langue tchèque (créé en 1866). Une jeune paysanne sans le sou (Marenka) est vendu par son père contre son gré à un jeune parti bien doté qu’elle n’aime pas (Vasek). Survient Jenik (le frère ainé de Vasek)… La production exprime l’entrain d’un opéra comique qui célèbre surtout la force poétique des choeurs (des buveurs de bière), des danses (polka concluant l’acte I) à travers une intrigue qui inscrit le monde rural au devant le scène… Belel direction vive et précise de Tomás Hanus.
VISIONNER la fiancée vendue / Die verkaufte braut / the Bartered bride de Smetana, ici : https://operlive.de/verkaufte-braut/
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BORIS GODOUNOV (Nagano / Bieito, jusqu’au 2 mai 2020)
VISIONNER Boris Godounov à Munich en 2013 :
https://operlive.de/boris-godunow/
Le catalan Calixto Bieito écarte en 2013 toute image de la Russie traditionnelle (et baroque) et transpose l’action de Boris, le tsar du XVIIè parvenu sur le trône impérial non sans faire couler le sang, dans un cadre gris, minéral, asphyxiant, militarisé ; une situation à la Poutine : soldats contre migrants, flicaille barbare et violente, en une claire référence au dérèglement sociétal et civilisationnel actuel. L’opéra est bien le miroir de l’état du monde. Choeur imploratif ou véhément (impeccable), orchestre souple et expressif (parfois épais sous la direction de Kent Nagano) au diapason de la partition pseudo historique de Moussorgski : Bieito n’hésite pas à fustiger le cynisme des gouvernants européens (Poutine, Sarkozy, Berlusconi…). Mordante critique d’un triste monde. Où l’on soumet les peuples ; où l’on se joue de leur vaine espérance. Il est vrai que la question à l’échelle de l’histoire se pose : que restera-t-il des années 2000 et 2010 avec le recul ? Une débâcle général, doublé des effets de l’apocalypse climatique et écologique… dont le metteur en scène ne parle pas ici. Restant uniquement sur un propos politique. Le premier tableau fonctionne toujours aussi bien : masse informelle inféodée et humiliée, impuissante, démunie; à laquelle s’ébranle le superbe triomphe de l’empereur couronné qui est un nouveau despote. Comme les autres. Son monologue exprime davantage les angoisses d’un prétentieux fausse victime que d’un véritable visionnaire, proche de son peuple… Les voix sont honnêtes (et ne manquent pas de vaillance cf Grigori du ténor Sergey Skorokhodov) mais manquent pour la plupart de phrasés et de vraie attention au texte. Ce qui avec le manque d’intériorité de la direction, confine à l’exercice de pure démonstration. Evidement le 3è tableau de l’auberge où Grigori est démasqué, va mieux aux interprètes, excellents dans la caractérisation délurée. Au final, une lecture noire, cynique dans une ambiance postapocalyptique. Mais la lecture orchestrale reste trop terre à terre et ne rend pas compte des prodiges de la partition de Moussorgski.
Distribution :
Boris Godunow : Alexander Tsymbalyuk
Fjodor : Yulia Sokolik
Xenia : Anna Virovlansky
Xenias Amme : Heike Grötzinger
Fürst Schuiskij : Gerhard Siegel
Andrej Schtschelkalow : Igor Golovatenko
Pimen : Anatoli Kotscherga
Grigorij Otrepjew : Sergey Skorokhodov
Warlaam : Vladimir Matorin
Missail : Ulrich Reß
Schenkwirtin : Margarita Nekrasova
Gottesnarr : Kevin Conners
Nikititsch : Goran Juric
Leibbojar : Joshua Stewart
Mitjucha : Tareq Nazmi
Hauptmann der Streifenwache : Christian Riege
Bayerisches Staatsorchester
Chor, Extrachor und Kinderchor der Bayerischen Staatsoper /
Chorus, Extrachorus und Children’s Chorus of the Bayerische Staatsoper
Kent Nagano (direction) – Calixte Bieito (mise en scène)
Récital de la soprano Adela Zaharia, jusqu’au 19 avril 2020
http://www.classiquenews.com/opera-le-diffplay-classiquenews-selectionne-ici-diffusions-et-replays/
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Bayerisches staatsoper, Munich
PROKOFIEV : L’ange de feu – jusqu’au 9 mai 2020
production de décembre 2015
Mise en scène : Barrie Kosky
direction musicale : Vladimir Jurowski
durée : 2h23mn
VISIONNER L’ange de feu de Prokofiev / Der Feurige Engel / Kosky, juin 2015
https://operlive.de/der-feurige-engel/
L’opéra de Prokofiev en 5 actes, créé à Paris en 1954, exprime la passion démoniaque dont seuls les hommes sont capables. Ici Renata rencontre Ruprecht qui tombe amoureux d’elle. Première possession / obsession. Renata convainc Ruprecht de l’aider à retrouver celui qu’elle pense être son ange gardien, Heinrich (seconde obsession dévorante). Ils retrouvent Heinrich qui repousse la jeune femme déboussolée. Surviennent Mephisto et Faust qui cannibales, dévorent un malheureux valet trop maladroit (acte IV). Tandis qu’au V, Ruprecht assiste l’Inquisiteur pour réaliser un exorcisme sur une nonne possédée : Renata elle-même qui comprend alors que celui qu’elle prenait pour ange gardien, Heinrich, était le poison de sa vie, un esprit démoniaque, habile à la perdre totalement. Prokofiev adapte ainsi la nouvelle fantastique et noire de Brioussov. Il en découle un opéra composé entre 1919 et 1927, d’une écriture flamboyante et expressionniste où au côté du chant lyrique continu (sprachgesang) se déploie le chant tout autant articulé, ciselé d’un orchestre constamment palpitant. Inclassable et d’une volupté âpre, hallucinée, l’opéra de Prokofiev est rarement joué. La diffusion réalisée par l’opéra de Bavière à Munich est incontournable pour mesurer les qualités du Prokofiev lyrique. En 2015, Barrie Kosky s’empare du drame expressionniste pour en déduire un opéra kitsh, à la fois circus et grande parade déjantée, à force de tableaux collectifs, habilement chorégraphiés, où les fantasmes sexuels le disputent à l’esprit cabaret provocant voire écœurant (cf. la chorégraphie de la saucisse… !!).
VOIR aussi en accès illimitée sur le site de l’Opéra de Munich / Bayerische Staatsoper, l’air de Lucia di Lammermoor : « Regnava bel Silenzio » / avril 2020. Voix claire, soutien, justesse et sens des nuances sans omettre l’agilité et le legato, la jeune diva a tout pour séduire et convaincre voire émouvoir. Sa Lucia est déjà très construite
https://www.youtube.com/watch?v=9xFVLp1Bhd8
Retrouvez ici la plateforme de streaming STAATSOPER.TV
https://www.staatsoper.de/tv.html?no_cache=1
Entre autres, actuellement :
Die Frau ohne Schatten de Richard Strauss (Botha, Pieczonka, Polaski, Koch, Pankratova… Kirill Petrenko / Warlokowski, mise en scène ; nov 2013), – la baguetet détaillée et allusive de l’impeccable Kirill Petrenko réaffirme le chant souverain de l’orchestre, l’un des plus scintillants jamais écrits par Strauss – la distribution est elle aussi passionnante. Reste la mise en scène de Warlikowski : empêtrée dans un fouillis de références et de micro seynettes, empruntant au théâtre sec et à la psychanalyse… Mais quel orchestre ! Magicien et splendide. Aucun doute, Die Frau Ohne Schatten / La femme sans ombre est bien une partition lyrique et orchestrale de premier plan, recueillant l’imaginaire sans limite de Strauss et les déflagrations de la première guerre / jusqu’au 25 avril 2020 : https://operlive.de/frau-ohne-schatten/
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STAATSOPER STUTTGART
BORIS GODOUNOV – jusqu’au 15 mai 2020
Première version de 1869 – filmé en février 2020 (soit juste avant le confinement)
(Engel / Paul-Georg Dittrich) – Dans un dispositif assez confus, où le théâtre n’est jamais écarté ni les projections vidéos souvent inutiles, Boris bénificie cependant ici du baryton basse Adam Palka, solide et puissant, – à défaut d’être réellement fin, dans sa combinaison dorée plastifiée. Le chanteur incarne et la volonté d’ambition politique et le désarroi intime… présents dès la cérémonie du couronnement. S’il n’était des ajouts et épisodes dramatiques en allemand (qui apportent quoi au juste ? signé Sergej Newski), l’action aurait conservé un semblant de cohérence. Dans ce patchwork éclectique, règne un sérieux désordre scénique, bon an mal an fédéré autour de la dénonciation du cynisme de tous les dirigeants (De Pierre Ier à Poutine dont le masque est évidemment présent). Et l’unité du Boris initial de Moussorgski en souffre grandement. Car l’imaginaire de Dittrich rassemble des éléments épars comme un grand déballage postapocalyptique. Pour autant le metteur en scène nous gratifie de tableaux prenants (comme le rassemblement de la Douma pour dénoncer le faux Dmitri, usurpateur porté par la horde hongroise et que finit par assassiner Boris). Une réussite en demi teintes, colorée, parfois délirante, mais qui souffre des incursions de musique contemporaine avec texte allemand. La folie de Boris, avec choeur en coulisses (excellent) est un superbe moment grâce au baryton basse d’Adam Palka, vraiment convaincant (et qui fini emmuré, pétrifié : belle trouvaille). La direction de Titus Engel est elle aussi expressive, jamais neutre et souvent détaillé.
VISIONNEZ le BORIS de Moussorsgki et Sergej Newski à l’Opéra de Stuttgart : https://www.staatsoper-stuttgart.de/en/schedule/opera-despite-corona/
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PALERMO, Teatro Massimo
Parsifal de Wagner, Graham Vick / OM Wellber (janvier 2020) / en replay jusqu’au 9 juillet 2020 :http://www.classiquenews.com/parsifal-par-graham-vick-et-omer-meir-wellber-palerme-janvier-2020/
VOIR Parsifal par Graham Vick / OM Wellber à Palerme : https://www.arte.tv/fr/videos/094805-000-A/richard-wagner-parsifal/
NOTRE AVIS. PALERME, Teatro Massimo, janvier 2020. Comparée à sa première mise en scène pour Bastille, il y a des lustres, Grahamn Vick écarte toutes références au médiéval pictural (anges de Memling) et chevaliers en cuirasses… On retrouve les rideaux blancs sur toute la largeur de la scène, tirés pour exprimer le flux du temps et la précipitation de l’action… c’est tout. A l’époque des soldats américains en Irak, Titurel tente de faire régner un semblant d’harmonie au sein d’une confrérie au bord de la division. Le très solide Gurnemanz (John Relyea) a bel allure surtout lorsque parait le fol et pur Parsifal qui vient de tuer le cygne blanc auquel il inflige une leçon d’amour : ne voit-il pas la souffrance de l’animal qu’il vient de percer de sa flèche irresponsable ?
Trouble, ambivalente, marquée par un passé qu’elle tente de fuir et qui l’éreinte, (« que l’on ne me réveille pas ») la Kundry de l’excellente Catherine Hunod est passionnante, tant la diseuse cisèle te verbe et chaque tirade qui l’habite et la dévore : mère, soeur, séductrice puis bête rongée par le remord et le désir d’être sauvé… Julian Hubbard campe un Parsifal plein de candeur vive, de juvénile ardeur qui fuit lui aussi la tragédie de ses origines (Kundry ne lui apprend-elle pas que sa mort est morte ?)
Reste Amfortas : Vick en fait une incarnation précise du Christ sanguinolent qui pleure le sang, impuissant à réparer l’unité du clan – Tomas Tomasson incarne un roi déchu, maudit et damné, et son chant privilégie la puissance sur la finesse / comme sa contrepartie maléfique, l’ignoble Klingsor (Thomas Gazheli), parfaitement abject, en slip et cigare, humiliant la pauvre Kundry, la forçant à séduire Parsifal comme elle l’a fait avec Amfortas. Les passages en ombres chinoises s’accordent idéalement au vortex musical pur (où le temps se fait espace), développant une réflexion sur la vanité des turpitudes humaines : la guerre, la lâcheté crasse, l’impuissance, la violence et la barbarie sous toutes ses formes… La direction de OM Wellber, directeur musical du Teatro Massimo (depuis la début de la saison 2020) sans être subtil reste efficace. La production soulignait alors combien Parsifal méritait d’être produit dans la ville (Palerme) où Wagner l’a composé, une sorte de retour aux sources. Illustration : Catherine Hunold saisissante en Kundry (RD)
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ENGLISH BAROQUE SOLOISTS
MONTEVERDI / Monteverdi Choir, English baroque Soloists / Gardiner (2017) : Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, Gardiner 2017, à voir dès le 24 avril 2020. The Monteverdi Choir, The English baroque soloists / John Eliot Gardiner proposent une série de captations vidéos pendant le confinement en accès gratuit depuis leur chaine Youtube. Dans le cycle de la trilogie des opéras de Monteverdi, l’ensemble britannique met en ligne ce jour (friday / vend 24 avril 2020 – 7 pm heure de Londres / 18h heure de Paris), la production du Ritorno d’Ulisse in patria / le Retour d’Ulysse dans sa patrie de Claudio Monteverdi captée à La Fenice de Venise en 2017 (version semi scénique). En ligne jusqu’au 9 juillet 2020. Le cycle complet des opéras de Monteverdi sera accessible ainsi quand le dernier ouvrage I’Incoronazione di Poppea sera mis en ligne le 1er mai 2020. VISIONNER le cycle des opéras de MONTEVERDI / Gardiner 2017
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TOURCOING, ATELIER LYRIQUE DE TOURCOING
L’Etoile de Chabrier (nouvelle production, février 2020)
L’ÉTOILE de Chabrier, 7, 9, 11 fév 2020. Nouvelle production. Dadaïste, loufoque, fantasque, en réalité de pure fantaisie, l’inspiration de Chabrier mêle et Mozart et Offenbach en un délicieux théâtre poétique (Verlaine a participé au livret). Cette nouvelle production de son opéra comique L’étoile (1877) présentée par l’Atelier Lyrique de Tourcoing, jamais en reste d’un défi nouveau, devrait le démontrer en février 2020 (3 représentations). 7 ans après la défaite national, les esprits s’éloignent du « teuton » Wagner (jugé suspect, au moins jusqu’au début des années 1890) et recherchent à régénérer le genre lyrique dans de nouveaux sujets, et de nouveaux formats. « La Ballade des gros dindons », « La Pastorale des cochons roses », sans omettre les couplets du duo de la Chartreuse verte, parodie déjantée du chant bellinien… sont autant de titres qui soulignent la facétie souveraine d’un Chabrier, original, iconoclaste, inclassable. Réformateur mais raffiné. Un indécrottable auvergnat soucieux de réformer les codes de l’Opéra à Paris.
Dans une tyrannie orientale de pur fantasme, orchestrée par le Roi Ouf 1er, fou délirant égocentrique, on évite toute contestation au pouvoir pour éviter d’être condamné à mourir empalé ! Heureusement l’amour du jeune marchant Lazuli pour la belle Laoula vaincra tout obstacle… – VOIR aussi notre REPORTAGE L’Étoile de Chabrier par l’Atelier lyrique de Tourcoing @studio CLASSIQUENEWS 2020 – Réalisation : Philippe-Alexandre Pham février 2020
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TOUS LES OPERAS et productions lyriques actuellement accessibles dans le monde sur le site OPERA ON VIDEO
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CONCERTS LIVE
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L’offre du Festival 1001 NOTES : « Aux notes citoyens »
https://festival1001notes.com
https://festival1001notes.com/agenda/evenement/aux-notes-citoyens-nicolas-horvath
Prochain concert live : Nicolas Horvath, jeudi 16 avril 2020, jeudi 30 avril 2020
https://festival1001notes.com/agenda/evenement/aux-notes-citoyens-nicolas-horvath
LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2020 : 100% digital, les 12, 13 et 14 juin 2020 – Crise sanitaire oblige, le LILLE PIANO(S) FESTIVAL est en 2020, 100% DIGITAL. Le Festival propose tout un cycle de concerts gratuits en direct et en rediffusion sur la chaîne youtube et la page facebook de l’Orchestre National de Lille (ON LILLE). Au total sur 3 jours, 30 artistes invités dans plusieurs programmes entièrement numérique. Ce sont 19 concerts en direct ou en différé qui porteront la flamme d’un festival parmi les plus importants de la capitale lilloise. Les performances sont assurées depuis l’auditorium du Nouveau Siècle à Lille mais aussi Brooklyn, Philadelphie, Amsterdam et Bruxelles ! Les musiciens de l’Orchestre National de Lille participent évidement à l’événement. Alexandre Kantorow (lauréat du dernier Concours Tchaikovski de Moscou, 2019) ouvre le bal avec un concert dès le 12 juin depuis le Nouveau Siècle à Lille… En en clôture, le Concerto n°3 pour piano et orchestre de BEETHOVEN (250 ans oblige en 2020 !), avec l’excellent David Kadouch accompagné par l’Orchestre National de Lille sous la direction d’Alexandre Bloch (version pour orchestre à cordes, car l’orchestre a tenu à respecter les mesures sanitaires) : Dim 14 juin 2020, 20h – 20h40.
La programmation complète et les programmes des concerts sur le site de l’Orchestre National de Lille / page dédiée au Festival LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2020, un festival entièrement digital : https://www.onlille.com/saison_19-20/lille-pianos-festival/
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VIVRE EN DIRECT Le LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2020
sur Youtube
https://www.youtube.com/watch?v=zTniJB0ZeCc&fbclid=IwAR0WJttJu82PhUC_J6Tu-PUgMeBfx3NUR6nCut-RSKqbclBMPLu0N8I6Hk0
cliquez ici pour suivre le LILLE PIANO(S) FESTIVAL :
DANSE
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Retrouvez ici les ballets les plus intéressants mis en ligne, dont Roméo et Juliette, La Pastorale par Malandain, Beethoven Project par Jiri Kylian, Crystal PITE (Boody and soul), Giselle… http://www.classiquenews.com/vod-danse-pendant-le-confinement-les-perles-de-classiquenews/
SYMPHONIQUE
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Beethoven, Symphonie n°7 de Beethoven par Les Siècles, François-Xavier Roth (janvier 2020) – en replay jusqu’au 14 mars 2021 / L’excellence actuelle sur instruments d’époque. Une relecture lumineuse, intelligemment architecturée, instrumentalement ciselée…
http://www.classiquenews.com/beethoven-2020-symphonie-n7-par-les-siecles-fx-roth/
Symphonies de GUSTAV MAHLER
par l’ON LILLE et Alexandre Bloch
LES SYMPHONIES de GUSTAV MAHLER par L’Orchestre National de Lille. Ce fut l’événement symphonique de l’année 2019 : les Symphonies de Gustav Mahler interprété en un cycle continu par les instrumentistes lillois et leur directeur musical Alexandre Bloch. Classiquenews a relayé et critiqué la plupart des sessions de cette quasi intégrale événement dans la vie et l’histoire de l’Orchestre fondé par Jean-Claude Casadesus. En voici les jalons marquants, qui permettent de suivre au sein dy cycle mahlérien, les avancées d’un collectif désormais soudé autour du charisme énergique de son chef… LIRE notre présentation du cycle Mahler par l’ON LILLE / Orchestre National de Lille
à suivre… Page régulièrement actualisée selon la diversité de l’offre disponible.
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