lundi 20 janvier 2025

Week-end Mozart au Radiant de Caluire (69)

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mozart-portrait-xixCaluire, Radiant. Les 10 et 11 janvier 2015. Week-end Mozart avec le Quatuor Debussy, au Radiant de Caluire (69). Une « fin de semaine »,  au Radiant de Caluire, salle à éventail de programmation culture « tous publics ». Le « classique » est cette fois célébré par le Quatuor Debussy, qui choisit un thème Mozart, autour du Requiem et d’airs d’opéra (instrumentalement réduits), mais aussi avec le Quintette pour clarinette et la Sérénade « Petite Musique de Nuit ». Belle occasion d’admiration, et d’interrogations sur le génie mozartien aujourd’hui…

 

 

 

Comment préférez-vous « votre » Mozart ?

mozart_portrait-300Mozart, succès garanti auprès de (presque) tous publics. Et consensus autour de quelques partitions fétiches ( fétichisées, diraient les sceptiques). Au fait, vous le préférez comment, « votre » Mozart ? En sale ado (tendance scato-porno) qui n’en finit pas de faire en riant-hennissant des farces plus ou moins amusantes, comme dans le film de Milos Forman ? En saint de vitrail, ravi-de-la-crèche-salzbourgeoise, génial mais irresponsable de son génie, composant par inspiration d’En-Haut (« le Ciel, Sganarelle ! ») : un Divin (petit) Mozart, en somme ? Ou si vous avez l’esprit de contradiction sartrienne  qui s’énerve de la solennité ambiante : « Un homme, fait de tous les hommes, et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » ? Ou encore un homme des Lumières, auto-libéré de sa condition « « domestique »,  porteur et proclamateur à peine masqué de ses « machines désirantes » en tous genres, et en prime, pré-révolutionnaire ?…

Trazom et ses  35 ans sur la terre

Deux siècles et demi après un météorique passage sur la terre européenne, on en est encore à découvrir – et discuter, et disputer, c’est bon signe – du côté de chez Wolfgang, Amadeus, Amadeo, Amade, Gottlieb, Wolfie, alias encore par soi-même nommé Trazom,  Hanswurst, Il Duca Basso, Signor d’Alto, Don Cacarella ? Et à imaginer non seulement  ce qu’il fut, mais ce qu’il aurait pu devenir –musicalement et autrement – si  Dieu, les dieux, les virus et les bactéries lui avaient accordé vingt ans de plus que son exigu 35 ans…ertes on a d’abord l’impression que  les 626 n°s du catalogue dressé au XIXe par Ludwig Ritter von Köchel ont « suffi » à révéler le génie protéiforme et multidirectionnel dans l’opéra, la symphonie, les instruments à vent et à cordes, la musique de chambre, l’art vocal, l’art sacré, le concerto, et si on cherche la petite bête exemplaire, l’harmonica de verre. Alors deux jours d’une fin de semaine hivernale, deux concerts, une conférence, un brunch ( c’est là qu’on entend sans broncher un concertino pour fourchettes et quatuor? ), une classe de maître(s), les K.525,581 et 626 en entier, et des extraits  vocaux des K.366, 492, 527, 578, 620 et 621 (une récompense à qui rapporte tous ces n°s K. à leur œuvre) ?

Petit théâtre musical-mozartien

D’autant que c’est « seulement » un Quatuor à cordes, une chanteuse, un chanteur et un clarinettiste qui « font » l’orchestre et le chœur : serait-ce suffisant en panorama, non, 626 fois non ! Mais les proposants ont bien conscience d’une démarche symbolico-minimaliste, et du fait que leur très petit théâtre musical mozartien a, d’emblée, ses limites. Mais on peut dire aussi que les deux concerts puisent à quatre sources : la diversité dramaturgique des airs lyriques, l’unité sacrale du Requiem, l’ensoleillement sans métaphysique de la musique de nuit, la poésie absolue du Quintette.

Un Requiem quatuorisé

Le plus « surprenant » des quatre moments est sans doute celui du Requiem…quatuorisé non par l’auteur de la partition, mais bien  peu de temps après -9 ans, 1802- la mort de Mozart lui-même. Peter Lichtenthal n’était pas n’importe quel scribouilleur de notes, mais un musicien de grande qualité, ami de la famille Mozart sur lequel la notice (Florence Badol-Bertrand) du cd. DECCA(2009) enregistré par les Debussy donne toutes précisions biographiques et esthétiques. Le principe même et les modalités de cette « réduction » ouvrent en tout cas des perspectives sur « la grandeur » d’une œuvre qui a depuis les origines saisi les auditeurs par ses dimensions…psycho-musicales, et la légende non dorée mais noire qui a entouré sa création. En quatuor, la vocation même du laboratoire où Haydn puis Mozart et bientôt Beethoven expérimentent leur pensée la plus novatrice s’affirme, « décantant » les voix humaines et instrumentales en nombre et puissance jusqu’à n’en plus faire surgir que l’essence d’un discours…

Chant de la vie et de la mort

Au fait, discours sur quoi, prioritairement ?  Une fois balayé ce qu’on pourrait nommer le folklore-people de la tradition-qui-a-la-vie-dure (Salieri jouant les Brinvilliers d’Autriche, l’Homme en Noir qui poursuit Wolfgang de ses assiduités mortifères jusqu’à ne  plus le  faire  « penser qu’à ça »…), reste l’interrogation fondamentale : qu’est-ce qu’un chant de (la ?) mort pour Mozart en ses derniers mois ? La dominante demeure-t-elle une peur panique entretenue par la « vision » catholique et autoritaire -Rex tremendae majestatis : Roi (et avatars incarnés de rois, empereurs ou princes qui gouvernent cette terre) d’une majesté qui doit faire      trembler -, correspondant au « vieux monde » que Mozart n’aime pas ? Ou une espérance que donne la lumière d’une fraternité humaine rayonnant dans « la foi » à laquelle Mozart s’est « converti » quelques années plus tôt : la franc-maçonnerie, que les ultimes pensées et actes compositionnels de Wolfgang verront honorés dans l’écriture de deux cantates pour les cérémonies de Loges, et bien sûr la chère Flûte Enchantée, dont le compositeur suivra jusqu’au dernier instant le déroulement des représentations ?

Un double visage de Wolfgang

Ce rapport – fusionnel ? antagoniste ? – serait-il à décrypter entre un Amadeus jusqu’au bout terrifié par une mort catholique, le sommant de « se repentir » en créateur impie de tant de personnages qui vantent à l’opéra la liberté de l’amour terrestre ? Et un Wolfgang cherchant autrement la dualité vie-mort, se fondant sur les actes de libération sociale et de fraternité humaine pour faire advenir un nouveau monde… ?  Les « vieux mozartiens français »ont toujours recours  deux ouvrages fondamentaux parus à la fin des années 1950 et qui présentent ce « double » visage, le «Mozart » plus laïque et dans le siècle, de Jean Brigitte Massin, et « La pensée de Mozart », de J.V.Hocquard, spiritualiste…en diable, tout-âme-contre-dangereux-corps. (On en trouve encore des occasions de réédition, cherchez sous le sapin du 1er janvier !) En tout cas, c’est le musicologue-pianiste Philippe Barraud qui, en conférence, soulignera les nombreuses visions possibles du Requiem…

Magie nocturne d’opéra

Une partition qui semble « sans problèmes », c’est le K.525, alias « petite musique de nuit », mise à toutes  sauces de gastronomie et fêtes en parcs viennois, et devenue symbole des grâces d’Ancien Régime. La nuit en tout cela n’est nullement romantique, bien sûr. Mais composée en plein travail de Mozart sur Don Giovanni, n’est-elle pas « magie nocturne de l’opéra, forme sublimée, intime, suprêmement concentrée » (Harry Halbreich) du climat où vivent les « opéras-Da-Ponte » (Noces, Don Giovanni, Cosi) ? En tout cas, Sérénade écrite pour « l’orchestre de chambre le plus resserré qui soit :quatuor à cordes renforcé d’une contrebasse à l’unisson du violoncelle, et peut-être réponse allègre et délicate à la grande angoisse des Quintettes du printemps 1787 » (J.B.Massin)… C’est plus tard, et en vulgarisation fort vulgairement-comm-et-pub, qu’en ont été offertes au grand public des versions à gros effectifs parfaitement infidèles à l’esprit de la partition…

1789, l’année de la radieuse éclaircie

On peut supposer qu’il n’a pas été agi de semblable façon avec une œuvre aussi tissée de poésie que le quintette avec clarinette K.581 (1789, l’année d’une « radieuse éclaircie », ésotérique (les Massin y entendent, via le clarinettiste Stadler que Mozart fréquente et fait alors travailler, les échos des idées musicales de la Franc-Maçonnerie) et pourtant accessible à « tous les frères humains de toutes les époques ». Dans le larghetto central, J.V.Hocquard y fait écouter « la puissance d’immobilité et de vaste giration sur place, le contact pris avec la réalité musicale à l’état pur : l’oreille intérieure remonte alors à la source du Temps »…

Père terrible et Chérubin d’amour

Et puis ce seront les citations du monde imaginaire auquel Mozart croyait peut-être encore davantage qu’au « réaliste » : celui de l’opéra, là où tous les témoins de sa vie – y compris lui-même, qui le dit dans ses lettres !- ont su qu’il était le plus heureux. Dans Idoménée (K.366), le dernier « grand opera seria », ce sera l’air(Vedrommi intorno) du père accablé par l’idée que pour sauver sa vie il va sacrifier le premier humain paraissant sur le rivage…et bien sûr, il s’agira de son fils Idamante. Cette donnée tragique de la mythologie intéresse les psychanalystes « mozartiens » qui…s’intéressent aux relations complexes de Wolfgang avec son papa terrible, Leopold. Du côté de la folle journée des Noces (K.486), on écoutera le ravissant « Cherubin d’amore » nous dire : « voi che sapete… », vous qui savez ce qu’est l’amour, est-ce bien vrai ? Chez le grand seigneur méchant homme (Don Giovanni, K.527), on rencontrera l’idyllique Don Ottavio s’inquiétant pour son inaccessible Donn’Anna, Dalla sua pace.

Clémence et cadeau de Wolfie

mozart1790On pourra «(re ?) découvrir » dans le moins connu Clémence de Titus (K.621), où l’empereur, alias « les délices du genre humain », pardonne au patricien Sextus, (manipulé par Vitellia), qui a son grand air de bravoure (Parto, parto). Et dans la très-aimée Flûte Enchantée (K.620), la découverte de Pamina par Tamino dans la « photographie » du portrait…En prime de « nouveauté », l’air de concert K.578 Alma Grande : joli cadeau de Wolfie à une jolie interprète Louise Villeneuve(qui sera bientôt la Dorabella de Cosi) : « chaleur tragique à fleur de peau, ironie sous-jacente dans l’accompagnement instrumental »(J.B.Massin). Un septuor lyonnaisIls sont un « septuor » pour faire partager le voyage mozartien. Quatre d’entre eux, les Debussy – travaillant à Lyon – ont une grande habileté de communicants pédagogiques-théâtraux, si bien menés par leur 1er violon, Christophe Collette : Marc Vieillefon, 2nd violon, Vincent Deprecq, alto, Fabrice Bihan, violoncelle. Ils seront rejoints par le clarinettiste Patrick Messina, soliste très international et « 1 » soliste à l’Orchestre National de France. Les « chargés-du-chant » ont aussi des attaches lyonnaises : Julien Behr est même né dans la cité aux deux fleuves, y a étudié (CNSM) et mène sa jeune carrière de ténor après avoir renoncé à sa vocation d’avocat. Stéphanie d’Oustrac a aussi étudié aux Conservatoires de Lyon ; « lancée » avec les louanges de William Christie, elle est maintenant une des chanteuses françaises les mieux reconnues, dans  répertoire baroque et l’opéra plus particulièrement.

 

 

Radiant , Caluire (69). Week end Mozart par le Quator Debussy Samedi 10 et dimanche 11 janvier 2015.  Samedi 10 : 14h30 : Master-class ; 18h30 : conférence de Philippe Barraud ; 20h30 : concert : airs d’opéra, Requiem. Dimanche 11 : dès 10h30 : brunch musical ; 15h : concert : Quintette, Petite Musique de nuit. Renseignements et réservations : T. 04 72 10 2219 ; www.radiant-bellevue.fr

 

 

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