Les passages de Paul van Nevel et de l’Ensemble Huelgas en France sont si rares, que l’on ne peut qu’être reconnaissant à Château de Versailles Spectacles de les avoir invités en ce 21 décembre pour nous donner en la Chapelle Royale, un concert/création, intitulé Le Mystère de Noël. Si ce n’est les innombrables tousseurs, venant constamment rompre la plénitude de ce concert, cette soirée nous laissera le sentiment d’avoir vécu un rêve éveillé. Ces chanteurs et musiciens dont les interprétations du répertoire médiéval et Renaissance sont de véritables splendeurs, nous proposent ici un tout nouveau programme, qui vient de faire l’objet d’une édition discographique : Mirabile mysterium – A European Christmas Tale.
Les climats incantatoires de Las Huelgas
Pour raconter cette histoire et donner à celui qui l’écoute, le sentiment de voir se dérouler un livre d’images sonores tout à la fois pittoresques, exotiques et tragiques, fondatrices d’un mythe universel, Paul van Nevel a réuni ici des pièces de différentes époques et répertoires qui s’assemblent de manière cohérente. Ainsi le voyage auquel il nous invite, nous offre-t-il un instant de partage, de méditation et de rêve, rare et précieux où chacun qu’il soit ou non chrétien, peut laisser son esprit vagabonder et trouver place parmi les innombrables personnages qui se pressent autour d’un enfant, promesse d’avenir.
Le programme se compose en trois parties, – La naissance à Bethlehem, les crimes d’Hérode et le voyage des trois rois mages-, plus un épilogue. Il entrelace des pièces anonymes du XIIIe siècle écrites dans le style « Ars Antiqua», des motets de la Renaissance, de la polyphonie imitative franco-flamande, des «villancicos» espagnoles (chants religieux populaires) des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle dont un qui trouve ses racines en Amérique latine, des Christmas Carol du XIXe siècle et un chant de Noël allemand de Peter Cornelius.
Entouré de cinq musiciens et 8 chanteurs, Paul van Nevel façonne la matière sonore, la sculpte, lui donne une lumière douce et soyeuse, ou ardente et franche. Sa direction discrète et efficace, lui permet d’obtenir de chacun d’infinitésimales et bouleversantes nuances. Le mariage des timbres (le quatuor masculin dans le Hostis Herode Impie est exemplaire) et une technique quasi parfaite des chanteurs, permet de donner à chaque pièce son caractère et sa puissance évocatrice. On retiendra la souplesse et la profondeur subjuguante des basses, le brillant velouté des ténors, la luminosité moelleuse des voix féminines. Les flûtes et dulcianes, ainsi que le violon colorisent, irisent la pastorale et soutiennent au coeur de la tragédie du massacre des Innocents, apportant une touche de sensibilité compassionnelle qui étreint.
Passant de quatre, cinq, six à huit voix, l’ensemble Huelgas nous émerveille par la précision et la beauté de la réalisation. La justesse, l’homogénéité, la ferveur de chacun participe à faire naître un climat quasi incantatoire, aussi captivant que l’étoile du berger, que poursuivent les Mages.
Compte rendu, concert. Versailles, Chapelle Royale, le 21 décembre 2014. Le Mystère de Noël. Anonyme du XIVe siècle, Jean Mouton (1459-1522), Pierre de Manchicourt (1510-1564), Jacobus Gallus (1550-1591), Giaches de Wert (1535-1596). Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621), Jeronimo Luca vers 1630, Antonio Marques Lesbio (1639-1709), Peter Cornelius (1824-1874). Extrait du Bréviaire de Paris 1736 et de Christmas Carols 1871. Ensemble Huelgas, direction : Paul Van Nevel.