Recréation baroque événement à Rougemont (Suisse). Le Gstaad New Year Music Festival (18 è édition, du 27 déc 2023 au 9 janvier 2024) propose parmi une constellation d’événements musicaux et lyriques de première qualité, un spectacle baroque inédit qui souligne le tempérament lyrique d’Egidio Duni, l’Italien génial qui réinventa l’opéra-comique à Paris dans les années 1760…. On retrouve dans « l’isle des foux » les deux passions de Iakovos Pappas dans ce nouveau spectacle inédit : l’opéra comique et la jubilation musicale et linguistique entre baroque et théâtre.
Le goût du texte et de la subtilité poétique s’incarne ici dans la verve du prodigieux Goldoni dont le spectacle fête les 230 ans de la mort. Orfèvre et expert dans le défrichement de joyaux oubliés (Vasta d’Alexis Piron, Fables de Clérambault d’après La Fontaine, Blaise le Savetier de Philidor…), Iakovos Pappas déniche ce soir une perle comique, à la fois délirante et juste comme il l’avait fait déjà à Rougemont avec Les Amants Magnifiques de Lully et Molière l’an dernier (lire ici notre critique du décembre 2023) ; comme en témoigne encore son récent programme dédié à l’Ode à la fortune mis en musique par l’excellent Jean-Baptiste Rousseau (lire ici notre article dédié).
Iakovos Pappas est l’un des rares musiciens et chercheurs, à s’intéresser à la poésie des œuvres dramatiques des 17è et 18è, entre Italie et France. Au souci de la langue instrumentale, le chef claveciniste sait partager sa passion de la la poésie et de la littérature dont il veille à l’articulation et à la déclamation naturelle et souple. L’exemple d’Egidio Duni est emblématique : l’Italien né à Matera, compose à Parme dans le style français et s’impose à Paris comme l’un des meilleurs faiseurs d’opéras comiques, aux côtés des piliers du genre, Monsigny, Philidor, Grétry…
Le spectacle inédit donné en création à Rougemont prolonge le travail de Iakovos Pappas sur l’opéra comique français baroque et en particulier l’écriture mordante et poétique d’Egidio Duni, génie du genre encore trop méconnu… dont le claveciniste, fondateur d’Almazis a déjà abordé de nombreuses pièces lyriques (Les deux chasseurs, …).
L’enregistrement discographique du spectacle L’Arcifanfano, présenté en création à Rougemont ce 29 décembre, est annoncé en avril 2024.
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DUNI : L’isle des foux (création)
Almazis / Iakovos Pappas
Eglise de Rougemont (Suisse)
vendredi 29 décembre 2023, 19h
Réservez vos places directement sur le site du Gstaad New Year Music Festival GNYMF 2023 : https://www.gstaadnewyearmusicfestival.ch/2023/05_l_arcifanfano.html
L’ISLE DES FOUX (titre original)
Parodie d’EGIDIO DUNI (1709–1775)
d’après Arcifanfano, re dei pazzi
de CARLO GOLDONI (1707-1793)
Opéra-comique en deux actes
VISITEZ aussi le site d’Almazis, l’ensemble créé par Iakovos Pappas : http://www.almazis.com/almazis/
Présentation
A l’époque de Louis XV, Duni et Goldoni s’accorde pour élaborer un drame irrésistible qui est aussi une parodie sur le pouvoir et la folie. Le ton vif, revigorant, moqueur renouvelle le genre de l’opéra-comique. Ainsi L’Arcifanfano de Goldoni, mis en musique par Egidio Duni sur des paroles de Louis Anseaume, Pierre-Augustin Marcouville et Bertin d’Antilly, remporte un vif succès à sa création parisienne le 29 décembre 1760 à la Comédie Italienne.
Carlo Goldoni, le créateur de la comédie italienne moderne, grand connaisseur de la commedia del arte et de Molière connaît bien Egidio Duni, directeur de la comédie italienne, ex-maître de chapelle à la cour du duc de Parme en 1748, où la duchesse, (fille de Louis XV) l’avait incité à composer dans le goût français ; Duni illustre ainsi la grâce et la beauté de la mélodie, premiers critères de qualité dans l’opéra-comique. Et plutôt que des récitatifs chantés trop ampoulés, Duni préfère la déclamation parlée mêlés d’ariettes, (conformément au privilège de l’opéra).
Sous la direction de Iakovos Pappas, instrumentistes et chanteurs de l’Ensemble Almazis (dont Élizabeth Fernandez et Christophe Crapez).
A Rougemont, des personnages hilarants et très attachants expriment les amours du gouverneur de l’Isle, – « Fanfolin », amoureux fou de Nicette, pupille du vieil avare Sordide, – comme Brisefer, fanfaron couard, Spendrif, sorte de Timon d’Athènes incorrigible, ou Follette et Glorieuse, deux soeurs : l’une rusée et laide, l’autre belle et sotte comme une oie.
Ils interprèteront des airs irrésistibles comme l’air de la folie, du sommeil (comme celui d’Atys de Lully), de fureur ou de douleur…
Fuyez loin de nous,
Tristes fous,
Fous mélancoliques,
Colériques,
Frénétiques,
Fuyez loin de nous,
Venez aimables fous, dont l’heureuse manie,
Est de rire & de chanter !
L’ouvrage est ici donné dans sa version intégrale, conçu dans un optimiste chevillé au corps…
Distribution
Christophe Crapez (Fanfolin, Gouverneur de L’Isle des Foux) (ténor)
Angelo Heck (Sordide, Avare, Tuteur de Nicette) (baryton)
Chloé Jacob (Nicette, jeune innocente, aimée de Fanfolin) (soprano)
Jean-Christophe Born (Spendrif, Prodigue et Brisefer (Faux Brave) (ténor)
Élizabeth Fernandez (Follette, Sœur) (soprano)
Ainhoa Zuazua Rubira (Glorieuse, Sœur) (soprano)
Olivier Augrond (Officier (comédien)
Ensemble Almazis
Colin Heller (violon)
Tatsuya Hatano (violon)
Maya Enokida (alto)
Alex Keitel (violoncelle)
Amélie Boulas (basson)
Iakovos Pappas (clavecin et direction)
Synopsis
Le nouveau Gouverneur vient d’accoster sur “l’isle des foux”, où sont reclus fous et folles. Dès son arrivée, il est assailli par les “locataires” de cette île. Son ordonnance l’informe de la coutume qui veut que chaque nouveau gouverneur doive libérer les fous qui ont “bien profité” de leur séjour dans l’ile. Le Gouverneur s’entretient avec chacun d’eux. Apparaissent alors les profils les plus divers, … de l’avare au prodigue, du sordide à l’ange, du fier à bras à la nymphomane. La nature humaine étant partout la même, … surviennent des aventures imprévisibles, comiques, tragiques, où le perfide amour surgit et aggrave les situations comme la nécessité pour le Gouverneur de prendre une décision.
Origine de « l’isle des foux »
A Rome, en 1758, Goldoni dirige l’une de ses pièces. Les comédiens napolitains, habitués à un tout autre répertoire, se révèlent si mauvais que la pièce tombe platement. Pour sauver la situation, le protecteur et commanditaire de Goldoni conseille de laisser les comédiens libres de travailler à leur guise… Goldoni témoigne ainsi (Mémoires) : « l’arrangement auquel nous fumes obligés d’avoir recours : il fut arrêté que les Napolitains donneraient leurs cavenas ordinaires, entremêlés d’intermèdes en musique, dont j’arrangerais les sujets sur des airs parodiés ; ce projet fut mis en très peu de jours en exécution. Nous trouvâmes chez les marchands de musique, les meilleures partitions de mes opéras comique. Rome est une pépinière de chanteurs; nous en trouvâmes deux bons & six passables: nous donnâmes, pour premier intermède, Archifanfano re dei pazzi, musique de Buranello ; ce petit spectacle fit beaucoup de plaisir & le théâtre de Tordina se soutint de manière que M. le Comte n’y perdit pas beaucoup ».
En 1760, Duni, nouvellement installé à Paris, se souviendra de cet Archifanfano ; avec la complicité du librettiste Anseaume, le compositeur fait paraître & représenter une œuvre française tout à fait originale : « L’isle des Foux ».
EGIDIO DUNI (1709 -1775)
le créateur de l’opéra comique français
l’ami de Goldoni
Egidio Duni naît en 1709 à Matera; il est le quatrième fils de Francesco Duni, Maître de Chapelle de cette ville. Son premier opéra Neron est donné au printemps 1735 (26 ans) à Rome et remporte un immense succès. Il gagne Londres où son opéra Demofoonte en version anglaise est créé en 1737. il rejoint les Pays-Bas où il étudie à l’Université de Leyde. Il compose des opéras pour Milan et Venise entre 1739 et 1743. En 1743, il est nommé Maître de Chapelle à Saint Nicolas de Bari. En 1748, deux de ses oeuvres données à Gènes, Ipermestra et Ciro Riconosciuto attirent l’attention du duc de Richelieu et du duc Philippe de Parme; il obtient un poste de Maître de Chapelle à la cour de Parme et enseigne la musique à Isabella, la fille du duc. En 1755, il compose pour le carnaval de Parme l’un de ses derniers opéras seria, Olimpiade.
En 1756, débute sa collaboration avec Goldoni : il compose l’opéra La buona figliuola avec le dramaturge, arrivé la même année à Parme. Il se tourne alors vers l’opéra comique français, prisé à la cour de Parme. En 1757, il fait représenter à l’Opéra-Comique de Paris « Le peintre amoureux de son modèle » qui connaît un succès immédiat et colossal, et sert de prototype pendant plusieurs années. Mais c’est avec « La Fille mal gardée », en 1758, qu’il donne une forme autonome au genre en ce qu’il constitue un opéra complètement composé qui ne compile et ne recycle ni vaudevilles ni airs à la mode.
Pendant les années 1758-1760, il compose plusieurs oeuvres à succès ; notamment « L’Isle des Foux » et en 1761 il est nommé directeur de la Comédie Italienne à Paris. En 1770, après la composition de « Thémire », il cesse de composer mais continue à enseigner. Ses opéras sur les livrets d’Anseaume et de Mazet sont traduits et imités dans toute l’Europe. Ils resteront à l’affiche en France jusqu’à la fin du siècle. Duni est considéré comme l’un des créateurs de l’opéra comique aux côtés de Monsigny, Philidor et Grétry. Carlo Goldoni, qui portait Duni en haute estime, le dépeint dans ses mémoires, comme un homme ayant beaucoup d’esprit et de littérature.
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aprofondir
CD, VASTA : Reine de Bordélie (1 cd Maguelone, Almazis, Yakovos Pappas, 2018)
CD. André Danican Philidor : Blaise le Savetier, 1759 (Almazis, Pappas, 2013)