samedi 7 décembre 2024

CD, critique compte-rendu. Clérambault : Fables de La Fontaine. Almazis, Yakovos Pappas (1 cd Maguelone)

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clerambault-fables-de-la-fontaineCD, critique compte-rendu. Clérambault : Fables de La Fontaine. Almazis, Yakovos Pappas (1 cd Maguelone). TRUCULENCE MORALE. On les a quittés chez Duni, les voici dans les Fables de La Fontaine, réécrites en une prosodie efficece, dramatique… Musiciens et chanteurs d’Almazis, dirigés par Yakovos Pappas dévoilent l’intelligence d’un Clérambault respectueux de la subtilité de son prédécesseur La Fontaine. La collection de perles ici défendue sélectionne au total 16 fables, mis en musique sur des airs à la mode et éditées dans un cycle de 8 volumes entre 1730 et 1733 (l’époque est celle du scandale D’Hippolyte et Aricie de Rameau à l’opéra)… D’emblée, c’est la généreuse gouaille éloquente et particulièrement expressive qui s’affirme à l’écoute, réalisation délectable de chaque interprète d’Almazis  qui met le texte en avant, un souci linguistique d’autant plus percutant que l’écriture de Clérambault saisit par son intelligence prosodique et sa précision dramatique ; vivacité éloquente qui rend grâce à chaque texte conçu par le librettiste de Clérambault, – demeuré anonyme ; le geste expressif des interprètes a ici tout pour séduire. Chaque épisode repose sur un puissant coup de théâtre qui dévoile ce en quoi le sujet animal principal est, soit le dupé, soit le trompeur ; c’est toujours un jeu de dupes dont les identités combinées sont finement dévoilées en fin d’action. Mais sous le masque animal perce l’idiotie crasse (le « Maître » de la poule aux oeufs d’or…) ou l’esprit astucieux des hommes (le Coq et le renard). Avidité, vanité (doublement traitée), ingratitude, beauté écervelée (celle du jeune cerf se mirant dans une onde…)… partout ici la noblesse des sentiments et qualités célébrés savent captiver, servi par une parure musicale et linguistique qu’il était urgent de révéler.

Yakovos Pappas et Almazis redouble d’éloquence dramatique au service d’un Clérambault magicien de la litote. …

Fables truculentes et moralisatrices

clerambault-fables-de-la-fontaine-1La verve ciselée qu’y développe la fine équipe réunie par Yakovos Pappas, chanteurs et instrumentistes, dépasse le prétexte pédagogique et de sensibilisation qui au départ du projet artistique a ciblé surtout le jeune public;  l’attention à chaque atmosphère et chaque situation exprimée par le baryton narrateur, contrasté, déclamé (Paul-Alexandre Dubois) où le tenor (Christophe Crapez) s’affirme franchement afin que l’auditeur goûte et le jeu llinguistique des poèmes fables de La Fontaine, et les ressorts purement dramatiques de chaque situation ; la musique souligne les passages forts ou les effets de surprise de l’action moralisatrice. Dans La formidable évocation-épopée de La Tortue (& l’Aigle, sur un air de l’Alcyone de Marais), la soprano Elizabeth Fernandez ajoute un délire lyrique qui sait rester proche de l’articulation du texte : l’une des perles les plus brillantes de la collection. Les instrumentistes expriment  sans emphase quant à eux, la fluidité expressive d’un XVIII ème qui regarde rétrospectivement vers le XVII ème : preuve que du vivant de Clérambault, les vers de La Fontaine savaient encore séduire par la justesse de leur inspiration, la concision d’un style chantant d’une exceptionnelle drôlerie mordante et finalement très compassionnelle pour la gent animale qui y est ainsi raillée, sous couvert d’humanisation ou d’anthropomorphisme, ou vice versa.

DRAMES EN LITOTE... De fait, aspect remarquable du filon ainsi révélé,le librettiste de Clérambault toujours anonyme adapte avec un sens inouï de l’efficacité prosodique, chaque fable de La Fontaine : science de la synthèse, maîtrise de contrastes dramatiques, économie et pour le dire dun seul mot central: art brillant de la litote – spécificité du génie français,  l’intelligence des textes captive de part en part: deja remarqué, applaudi à juste titre chez Duni, et dans un spectacle riche en rebond et verve théâtrale, là aussi d’après le fabuliste génial, Yakovos Pappas a eu le nez creux en sélectionnant cette collection de joyaux lyriques et poétiques;   sa direction met en avant cette science de l’éloquence resserrée qui affirme la perfection d’une langue fugace, brillante, synthétique étonnement vivante ; écoutez par exemple Le rat de ville et le rat des champs : recyclés / réécrits, les 7 paragraphes originaux écrits par le poète défenseur de Fouquet lors de l’affaire de Vaux, … s’affirme ici en seulement 2 récits aussi courts mais d’une verve préservée avec un sens du raccourci exceptionnel.
La durée de chaque fable y gagne précision, concentration prenant appui sur la seule force des mots et leur mise en musique d’une rapidité aussi éloquente qu’efficace;  ce temps raccourci s’expose facilement à l’écoute des jeunes auditeurs séduits par un à propos percutant. La France a toujours eu le sens des formules et des raccourcis synthétiques,  – art de la litote donc magnifiquement incarné ici, – art et expertise permettant d’écrire le moins pour exprimer le plus : compositeur de l’exactitude, Clérambault, – maître ès contrastes, a su visiblement s’associer la compétence d’un versificateur dramaturge d’un exceptionnel talent.

CLIC D'OR macaron 200PIECES POUR CLAVECIN sur un mode animal… A l’appui de cette réussite en caractérisation vocale, soulignons aussi le même brio caractérisé dans les pièces purement instrumentales pour clavecin : d’une belle assurance suggestive, la digitalité de Yakovos Pappas, claveciniste, rétablit ce jeu expressif mais ici sans paroles, choisissant par exemple entre autres le caquetage truculent, hoquets à la clé-, de La Poule de Rameau, ou surtout le sublime Vertigo du si dramatique Pancrace Royer dont le seul clavier fait surgir l’opéra;  on ne pouvait concevoir plus habile et juste association. Vrais tempérament taillés pour le théâtre et la caractérisation délirante et loufoque mais toujours finement troussée, Yakovos Pappas et ses partenaires enchantent tout en dévoilant une collection irrésistible de perles morales à la puissante évocation dramatique. C’est tout le génie d’un Clérambault décidément enchanteur et mordant qui s’impose désormais à nous. CLIC de CLASSIQUENEWS de mai 2016

CD, critique compte-rendu. Clérambault : Fables de La Fontaine. Almazis, Yakovos Pappas (1 cd Maguelone MAG 358.406)

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