mercredi 16 octobre 2024

REDÉCOUVERTE MAJEURE. Le SAMSON de Joachim Raff ou l’opéra maudit et sa rédemption (1 /2). L’éditeur suisse Schweizer Fonogramm ressuscite un joyau lyrique du romantisme helvétique

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La productrice (et aussi cheffe d’orchestre) Graziella Contratto dévoile les coulisses de l’enregistrement en première mondiale, réalisé par la société de production et d’édition SCHWEIZER FONOGRAMM qu’elle a fondé avec Frédéric Angleraux (directeur artistique du projet). Même en Suisse, tout n’est pas rose pour une aventure comme celle de l’enregistrement d’un opéra oublié, jamais créé du vivant de son auteur. Qui plus est, réunir 120 musiciens sur un même plateau réserve surprises et imprévus, autant de défis à surmonter que la haute qualité de la partition en question, au moment des premières sessions d’enregistrement, efface comme par magie : le SAMSON de Joachim Raff serait-il tout bonnement le chef d’œuvre oublié du romantisme suisse ? Avant les délices de la révélation, épreuves et mauvaises surprises, mais aussi conjonctions providentielles et heureux dénouement… les séances d’enregistrement se sont tenues avant la création publique sur la scène du Théâtre de BERN, le 8 septembre 2023. Ainsi était révélé un joyau lyrique suisse, contemporain des opéras de Wagner, Lohengrin et Tristan und Isolde. Récit d’une genèse chaotique semée d’embûches à répétition.
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Dans les coulisses d’un enregistrement
en première mondiale 1 / 2

 

 

UN OPÉRA MAUDIT ?

GRAZIELLA CONTRATTO : Quand on regarde le destin de l’opéra SAMSON dans la perspective historique de sa composition, il s’agit véritablement d’un narratif incroyable voire tragique : Joachim Raff n’a jamais pu écouter son œuvre de son vivant – pendant les répétitions de la création prévue pour Darmstadt, aucune chanteuse ne semble avoir eu les compétences nécessaires pour chanter le rôle de Delilah (Dalilah), la première n’a pas vu le jour… Ensuite, Franz Liszt (ami et doyen du jeune Raff) qui dirigeait l’Opéra de Weimar à l’époque, a du quitter son poste et SAMSON fut déprogrammé. Quand le premier Tristan de l’histoire, Ludwig Schnorr von Carolsfeld, s’est enthousiasmé pour le rôle principal de SAMSON, sa mort soudaine à seulement 29 ans, en 1865, a anéanti cette dernière opportunité. Raff, découragé, s’est concentré alors, et avec succès, sur le répertoire symphonique et les opéras-comédies…

Quant au processus de notre enregistrement de SAMSON, nous avons aussi une collection d’anecdotes à offrir… au point de penser que la partition comme à son époque, était maudite et qu’il fallait rompre le cercle vicieux par tous les moyens.
Tout d’abord, un autre orchestre avec son chef principal s’étaient intéressés à faire ce disque avec notre label Schweizer Fonogramm. Après une année de préparation (casting complet des rôles solistes, chœur, salle, concerts….), l’orchestre s’est désisté pour des raisons probablement financières et il a fallu très vite trouver une solution ; afin de pouvoir garder une grande partie des solistes soigneusement sélectionnés, je me suis précipitée pour rechercher un orchestre disponible à la même période – et j’ai réussi, coup de chance incroyable, à convaincre Florian Scholz, directeur de Bühnen Bern, pour qu’il coopère avec nous à ce projet de folie ; ce dernier comprenait la participation de 120 artistes, la location d’une salle pour deux semaines et un concert public après les sessions d’enregistrement de studio (pratique rarissime puisque la plupart des enregistrements d’opéra sont des captations ‘live’ avec séances de correction….). Portrait de Joachim RAFF (DR)

 

LA PARTICIPATION INOPINÉE de l’ORCHESTRE et du CHŒUR BÜHNEN BERN

Heureusement, l’agenda de l’orchestre (et du chœur) de Bühnen Bern – était libre pour notre projet et nous avons pu garder une partie importante de la distribution déjà engagée comme solistes. Philippe Bach, expert du répertoire lyrique du 19e et un très bon ami qui avait déjà enregistré un disque avec notre directeur artistique, Frédéric Angleraux, a accepté de diriger SAMSON – donc, tout semblait se développer à merveille !
Mais il fallait encore trouver une salle. Le Stadttheater Bern a été rénové il y a quelques années et nous avons décidé d’installer toute la production sur le plateau de l’opéra bernois. Or, la fosse a été couverte pour optimiser l’espace des solistes, du chœur et de l’orchestre sur scène.

 

 

En plus, il nous fallait une coque acoustique couvrant le plafond et trois côtés du plateau. La coque n’était transportable qu’avec trois camions extra-longs d’une société spécialisée et l’installation s’est faite avec l’aide de 20 techniciens en deux jours…
Puis, nouvelle sonnette d’alarme : le rideau anti-feu avec son poids de plusieurs tonnes aurait dû être rabaissé tous les soirs pour des mesures d’anti-incendie dans ce bâtiment historique ; le Théâtre comprend de magnifiques décorations en bois doré….. Problème : les câbles des microphones placés parmi les cordes, devant le rideau, auraient pu être cassés par le poids du rideau. Il a fallu donc organiser une réunion avec le responsable de sécurité de l’assurance officielle du théâtre, le chef technique, Frédéric et moi-même pour trouver une solution. Heureusement, le responsable de la sécurité a bien voulu accepter que le rideau s’arrête à quelques centimètres du sol, préservant ainsi les câbles et évitant de débrancher tous les soirs les microphones à lampe utilisés par Frédéric. C’est toujours délicat l’électronique…
La mise en place du matériel pour le plateau principal et – côté jardin – d’une fanfare de scène était un défi particulier pour le directeur artistique puisque la coque et la réponse de l’espace du théâtre côté public, n’avaient jamais été expérimentées lors d’un enregistrement studio.
Comme d’habitude, Frédéric a assumé au moins quatre rôles différents : conception et installation du matériel (54 micros en tout et la plupart ont été utilisés au mixage), direction artistique et gestion de l’enregistrement au niveau qualité, temps, ambiance, contact social sans parler des mois d’éditing et de co-création sonore du triple CD.

 

Frédéric Angleraux, directeur artistique pendant l’enregistrement © Schweizer Fonogramm

 

 

TROUVER UN NOUVEL ABIMELECH…

Petit complément : deux jours avant le début de l’enregistrement, l’interprète prévu pour le rôle important d’Abimelech s’est désisté pour raisons de santé ; il nous fallait choisir un autre excellent chanteur, qui devait être un déchiffreur de premier plan… Une fois de plus, nous avons eu une chance énorme : Robin Adams qui effectivement a une capacité de prima vista fantastique, a accepté au pied levé d’intégrer l’aventure ; entre son rôle de Saint François d’Assise (pour le Grand Théâtre de Genève) et sa participation au Grand Macabre à Paris, il lui restait exactement le temps pour enregistrer ce rôle avec nous.

Au moment de la première séance d’enregistrement, tout le monde – orchestre, chanteurs, technique, management, production – a senti que tous ces mois de préparation et de fragilité en valaient vraiment la peine. Cet opéra nous gâtait avec son énergie, ses mélodies, son orchestration et sa dramaturgie fascinantes dès les premières mesures. Immédiatement, l’engagement total de tous les participants face aux microphones était palpable et nous a comblés. Personnellement, je pense que l’enregistrement témoigne de cette sensation et la fait vivre aux auditeurs. SAMSON a été sauvé, à plusieurs niveaux…. (Photo : Robin Adams dans le rôle protagoniste d’Abimelech, le père de Delilah / DR)

 

Graziella Contratto, Productrice Schweizer Fonogramm

 

 

PHOTOS : images de la coque, de la régie, du plateau et de Robin Adams.
© Schweizer Fonogramm

 

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CD événement, annonce. Joachim RAFF : Samson (1865), première mondiale (3 cd Schweizer Fonogramm éditions). Magnus Vigilius, Samson / Olena Tokar, Delilah… / Berner Symphonieorchester, Philippe Bach (direction). 3 cd SCHWEIZER FONOGRAMM éditions

 

 

 

 

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Prochain feuilleton : Résurrection du SAMSON de Joachim RAFF – l’édition, l’artistique, les solistes et la conception musicale… (2 / 2)

 

 

 

présentation

LIRE aussi notre annonce présentation du cd SAMSON de Joachim RAFF, une perle lyrique du romantisme suisse oublié, mieux que le « Lohengrin » de Wagner ? ( 3 cd Schweizer Fonogramm éditions): https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-joachim-raff-samson-1865-premiere-mondiale-3-cd-schweizer-fonogramm-editions-magnus-vigilius-samson-olena-tokar-delilah-berner-symphonieorchester-philippe-bach-di/

CD événement, annonce. Joachim RAFF : Samson (1865), première mondiale (3 cd Schweizer Fonogramm éditions). Magnus Vigilius, Samson / Olena Tokar, Delilah… / Berner Symphonieorchester, Philippe Bach (direction)

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