Le compositeur suisse Joachim RAFF (1822-1882) assistant de Liszt à Weimar (1850 -1856) est l’un des meilleurs connaisseurs du théâtre wagnérien et ardent analyste de ses théories esthétiques sur l’opéra. Comment doit être conçu un drame lyrique, selon quelles valeurs et dans quel but ? sont les questions fondamentales que Raff a étudiées et probablement élucidées, en en débattant entre autres avec Liszt. Un premier ouvrage scénique : « König Alfred » voit le jour en mars 1851 : c’est un succès. Fort de cette reconnaissance première, Raff travaille dans la foulée à son SAMSON, œuvre dramatique que l’éditeur Schweizer Fonogramm ressuscite aujourd’hui non sans raison. L’éditeur suisse offre au compositeur connaisseur critique de Wagner, l’opportunité exemplaire d’une réhabilitation légitime. Son Samson est finalement créé en 1865 (l’année où Wagner crée de son côté, son révolutionnaire Tristan und Isolde)… entre temps, Raff s’était taillé une très solide réputation comme… symphoniste.
Le SAMSON de RAFF
mieux que le LOHENGRIN de WAGNER ?
En effet le Samson de Raff ne serait-il pas la réponse critique au Lohengrin de Wagner ? Le triple coffret remarquablement édité (avec livret intégral dont la traduction du texte en français, et notice de présentation très documentée) réhabilite une partition de première valeur qui effectivement démontre la grande culture wagnérienne de Raff, comme sa capacité à aborder de manière personnelle et pertinente le sujet biblique de Samson. Parallèlement à Samson, Raff écrit son premier essai important sur Wagner (« La question Wagner », 1854).
L’opéra de Joachim Raff propose une vision originale et personnelle du mythe de Samson, où confortant le parcours héroïque et moral du héros, chef de file des Israélites, se précise à ses côtés, la figure rédemptrice de Dalila (Delilah, fille du roi philistin Abimélech), qui ici soprano, incarne la force d’un amour loyal ; Dalila choisit de mourir avec le héros.
Raff réussit une très habile fusion entre drame wagnérien et grand opéra français (dont Wagner est très critique). Son Samson est moins biblique qu’héroïque voire le fruit d’une désacralisation dont la cohérence fait jour : l’action est resserrée sur la relation Dalila / Samson, et la figure du couple amoureux y éblouit a contrario des Philistins et des Israélites, tous passifs, fatalistes, immoraux.
Comme Verdi pour Aida, Raff pour le réalisme de son Samson, fouille, enquête, identifie ce qui accrédite la vérité du drame ; il y concentre quantité de références à ses propres lectures et questionnements. archéologiques… Pour autant, même s’il demeure critique vis à vis de Lohengrin (créé à Weimar par Liszt en 1850, Raff est alors l’assistant de Liszt), l’auteur de Samson inscrit son héros dans une typologie emblématique de son époque ; celle qui le rapproche de Lohengrin justement, de Rienzi aussi ; d’une bienveillance excessive pour ceux qui le trahissent, Samson court à sa perte ; il est la victime et non pas l’acteur de son destin : ainsi sera-t-il trompé par les Philistins, emprisonné et aveuglé par l’un d’eux (Micha)… Mais la vengeance du héros sera néanmoins terrible et définitive, quitte à en payer le prix le plus élevé. Mais qu’avait-il à perdre ?
L’écriture musicale est celle d’un authentique dramaturge maîtrisant tous les enjeux du drame musical : Raff compose la musique, écrit le livret, annote, indique précisément ce que doivent être décors, costumes, scénographie… En cela il rejoint l’exigence d’un Wagner, seul pilote à bord d’un art total ; d’autant plus qu’il cisèle la participation du chœur (magistrale à tous égards), ne dilue jamais un air solo vers une virtuosité décorative, sait écrire de sublimes passages purement orchestraux pour les nécessités du souffle dramatique… De toute évidence, voici une partition importante, de surcroît très bien réalisée par l’Orchestre Symphonique de Bern (Berner Symphonieorchester), avec une distribution convaincante, sous la direction dramatique et détaillée du chef Philippe Bach. Enregistré en première mondiale, l’enregistrement est une révélation absolue. Il décroche naturellement le « CLIC » de CLASSIQUENEWS rentrée 2024. Portrait de Joachim Raff (DR)
Prochaine critique développée sur CLASSIQUENEWS.COM
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CD événement, annonce. RAFF : SAMSON. 3 CD Schweizer Fonogramm – enregistré au Théâtre d’état de Berne, en août et sept 2023. Enregistrement Première mondiale
https://www.jpc.de/jpcng/classic/detail/-/art/joachim-raff-samson/hnum/11860991
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PLUS D’INFOS sur le site de l’éditeur SCHWEIZER FONOGRAMM : https://www.schweizerfonogramm.com/cd/die-schweizer-opernsensation-samson-von-joachim-raff-1822-1882/
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Distribution
Magnus Vigilius, Samson
Olena Tokar, Delilah
Robin Adams, Abimélech
Christian Immler, le Grand Prêtre
Michael Weinius, Micha
Chor der Bühnen Bern
Zsolt Czetner, einstudierung Chor
Berner Symphonieorchester
Philippe Bach, direction / musikalische Leitung
Téléchargez ici le livret intégral ici : https://www.schweizerfonogramm.com/wp-content/uploads/2024/04/Raff-SAMSON_iTunes-Booklet.pdf
REPORTAGE VIDÉO : le Samson de Joachim Raff (circa 1856) – durée : 8mn36