vendredi 19 avril 2024

Paris, Festival baroque de Paris, Eglise Saint-Louis-en-l’Ile, le 2 décembre 2012. Sommer, Bernhard, Biber…Jan van Elsacker, ténor. La Fenice, Jean Tubéry, direction.

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Mais où était donc le public en cette belle fin d’après-midi d’hiver ? Malheureusement pas au concert donné en l’Eglise de Saint – Louis –en – l’Ile à Paris, où pourtant la Fenice, nous a offert un très beau programme de musique baroque sacrée allemande.
On peut s’en étonner et plus encore le regretter. Mais il faut bien reconnaître que depuis quelque temps, le public manque fréquemment à l’appel quel que soit le lieu et la programmation. Espérons, que cela n’est que passager.


In Dulci Jubilo

En ce premier dimanche de l’avent, Jean Tubéry évoque les mystères de la Nativité, cette période liturgique de l’année chrétienne est une des plus jubilatoires. Elle est empreinte d’une joie profonde issue de la foi qui au XVIIe siècle est d’une conviction sans faille chez les chrétiens, tant catholiques que protestants.
L’attente de la naissance et du renouveau alors que l’on s’enfonce dans l’hiver, offre une occasion unique de déployer, par la musique, l’espérance, tout en prenant également le temps d’un retour sur soi, d’une réflexion intime sur la vie, sur nos erreurs et nos fautes.

Le corpus d’œuvres sacrées extrêmement important, permet à Jean Tubéry de trouver dans « la génération des pères de Bach » des pièces d’une grande beauté. Son programme intitulé « In Dulci Jubilo » est très bien équilibré. Il est articulé autour de pièces composées par des compositeurs, comme Schütz ou Buxtehude, dont le nom est passé à la postérité, ou parfois moins connus voir injustement oubliés comme Christoph Bernhard ou Nicolaus Bruhns. Chez tous, on perçoit l’influence de cette lumière italienne qui vient soutenir l’espoir d’une renaissance, en ces terres allemandes dévastées par la Guerre de Trente Ans.

Par sa palette de couleurs chatoyantes, la Fenice parvient à nous restituer la splendeur de cette musique, prévue à l’origine pour des effectifs importants, alors que ce soir, l’ensemble se compose de cinq musiciens et un chanteur. Mais quel chanteur ! Le ténor belge Jan van Elsacker, est un interprète idéal pour ce type de répertoire.

On en veut pour preuve son sens de la rhétorique qu’il déploie avec art et sa souplesse vocale, la délicatesse de ses ornements et son timbre qui irradie dans des psaumes aussi virtuoses que « Aus der Tiefe » de Christoph Bernhard ou « Jauchzet dem Herren alle Welt » de Nicolaus Bruhns.

Si la direction de Jean Tubéry semble discrète, son immense amour pour ce répertoire est tel que l’approche de son ensemble la Fenice est entre tous, reconnaissable. Modeste, il offre à la violoniste Stéphanie Pfister, l’occasion de briller dans la pièce instrumentale de Biber, la Sonata Die Verkündigung (l’Annonciation de l’Ange Gabriel). Extraite des Sonates du Rosaire, elle évoque comme son titre l’indique, un mystère essentiel à la foi chrétienne, celui de l’Annonciation. La musique de Biber nous le révèle. Le texte du livret du concert rédigé par Jean Tubéry en livre une fine analyse. L’interprétation ciselée de la violoniste en est apaisante et sereine.

Les instrumentistes de la Fenice jouent sur les clairs – obscurs qui entretiennent la flamme tandis que sifflent tel un vent du nord, le doute et la peur. Le basson de Krzysztof Lewandowski offre de chaleureux phrasés à la voix, tandis que le violoncelle de Mathurin Matharel lui donne un soutien agile et amical et le théorbe au son perlé de Thomas Dunford, une source limpide. Philippe Grisvard à l’orgue et au clavecin vient enrichir avec une réelle élégance cette intime complicité qui semble réunir musiciens et chanteur, tels les bergers et les anges autour de l’Enfant-Roi.

Loin des esprits tristes et de la mélancolie, c’est un concert plein de charmes et de tendresse que nous avons reçu ce dimanche, avec beaucoup de joie et de paix.


Paris, Festival baroque de Paris, Eglise Saint-Louis-en-l’Ile, le 2 décembre 2012
. Johann Sommer (v 1570 – 1627), O Höchster Gott (Psaume 8) ; Jan Pieterson Sweelinck (1562 – 1621) Da pace domine ; Christoph Bernhard (1628 – 1693), Aus der Tiefe rufe ich zu Dir (Psaume 130) ; Heinrich Ignaz Biber (1644 – 1704), Sonata Die Verkündigung (Annonciation de l’Archange Gabriel) ; Johann Hermann Schein (1586 – 1630) ; Heinrich Schütz (1585 – 1672), O Maria gebenedeite (Visitation d’Elisabeth) Meine Seile erhebt den Herren (Cantique de Marie. Magnificat) ; Matthias Weckmann (v 1616 – 1674), Préambulum (organo solo) ; Dietrich Buxtehude (1637 – 1707), Singet dem Herren ein neues Lied (psaume 98). Nicolaus Bruhns (1665 – 1697), Jauchzet dem Herren alle Welt (Psaume 100). Jan van Elsacker, ténor. La Fenice, Jean Tubéry, direction.

Crédit photographique
Jean Tubéry © Philippe Matsas

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