dimanche 27 avril 2025
Accueil Blog Page 2

ORCHESTRE NATIONAL AUVERGNE RHÔNE ALPES : 13-29 avril 2025 – Bicentennial Lafayette Tour, tournée aux États-Unis

L’Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes réalise une tournée aux États-Unis en commémoration du bicentenaire du voyage du marquis de Lafayette, héros de l’indépendance américaine en 1776.

 

 

De juillet 1824 à septembre 1825, soit plus de 40 ans après la fin de la Guerre d’Indépendance, le Marquis de Lafayette a parcouru 24 états lors d’un voyage triomphal, accueilli en héros par la population. Celui que même Benjamin Franklin estimait peu quant à ses chances de victoire en Amérique, finit par être général aux côtés des Américains, en guerre contre les Anglais…
Les concerts de l’Orchestre national Auvergne Rhône Alpes ont lieu dans les villes et sites clés, traversés par Lafayette lors de sa visite historique en 1824 – 1825 : New York, Washington, Philadelphie, Nashville, La Nouvelle-Orléans et d’autres encore…
Sous la direction de Thomas Zehetmair, l’Orchestre interprète un programme lié à l’histoire du Marquis et à la période de son voyage. Une expérience immersive son et lumière retrace en outre ses visites et son incroyable histoire.

 

_______________________________
Orchestre National Auvergne Rhône Alpes aux USA

Du 13 au 29 avril 2025
Tournée exceptionnelle aux USA
Bicentenaire du séjour de Lafayette en Amérique (1824-1825)
TOUTES LES INFOS : https://onauvergne.com/events/bicentennial-lafayette-tour-usa/

 

 

Programme

Joseph BOLOGNE, Chevalier de Saint-George
L’Amant anonyme : ouverture

Ruth CRAWFORD SEEGER
Andante pour cordes

Wolfgang Amadeus MOZART
Concerto pour violon n° 5 en la majeur KV. 219

Thomas ZEHETMAIR
Passacaille, burlesque et choral pour orchestre à cordes [création mondiale]

Ludwig van BEETHOVEN
Grande Fugue en si bémol majeur Opus 133

 

 

CRITIQUE CD événement. Franco FAGIOLI : « The last Castrato : Arias for Velluti » [ 1 cd CVS Château de Versailles Spectacles, mars 2025 ]

En mars 2025, le contre-ténor Franco Fagioli a publié un nouvel album captivant sous le label Château de Versailles Spectacles, consacré à Giovanni Battista Velluti, le dernier grand castrat de l’opéra. Ce disque explore un répertoire rare, associé à une figure artistique à la carrière aussi tardive que fascinante, marquée par une virtuosité hors norme et une sensibilité musicale exceptionnelle.

 

Velluti, un artiste entre deux époques

Si Fagioli avait rendu hommage en 2013 à Caffarelli, star des années 1730-1750, il se tourne cette fois vers un interprète dont l’apogée se situe entre 1805 et 1825, une période où les castrats étaient déjà en déclin. Gluck et Mozart leur préféraient les ténors, et Velluti apparaît comme le survivant d’une tradition sur le point de disparaître. Originaire des Marches, formé dans une région qui a donné naissance à d’illustres chanteurs (Carestini, Pacchierotti), il entame sa carrière à 17 ans, après une légende tenace – et peut-être fondée – selon laquelle sa castration aurait été accidentelle, détournant une destinée militaire vers les planches lyriques.

Un répertoire redécouvert avec éclat

L’album met en lumière des airs emblématiques de la carrière de Velluti, interprétés avec une maîtrise vocale époustouflante par Fagioli. Trois extraits de Giuseppe Nicolini, compositeur alors célèbre mais aujourd’hui oublié, illustrent la richesse de ce répertoire. Dans « Vederla dolente » (Balduino duca di Spoleto), Fagioli joue avec subtilité des contrastes entre voix de tête aérienne et registre de poitrine profond, tout en respectant le paradoxe d’un tempo vif pour exprimer la douleur – une signature de Velluti. « Ah se mi lasci o cara » (Troiano in Dacia), dialogue entre la voix et la clarinette, révèle une tessiture plus mezzo-soprano, rappelant les rôles mozartiens ou rossiniens où Fagioli excelle.

Le sommet artistique : Carlo Magno de Nicolini

La pièce maîtresse de l’album est sans conteste la grande scène « Ecco o numi compiuto… Ah quando cesserà… Lo sdegno io non pavento », tirée de Carlo Magno (1813). Cette œuvre se distingue par sa structure audacieuse, échappant au schéma récitatif-aria traditionnel. Après une introduction orchestrale marquée par le basson, Fagioli déploie une palette émotionnelle remarquable : pathétique dans les récitatifs, délicat dans la prière, héroïque dans le rondo final. Les prouesses techniques – sauts d’octaves, vocalises vertigineuses – sont transcendées par une expressivité poignante, démontrant que Nicolini mérite une réhabilitation urgente.

Mercadante et Morlacchi : entre virtuosité et pré-romantisme

En revanche, l’extrait de Andronico de Saverio Mercadante semble moins inspiré, malgré la virtuosité étincelante de Fagioli. La cavatine « Soave imagine » brille par sa ligne vocale ciselée, mais l’ensemble pâtit d’un certain académisme. Plus captivant, Tebaldo e Isolina de Morlacchi séduit par son orchestration colorée (hautbois, trombones) et son lyrisme pré-verdien. La romanza « Caro suono lusinghier », en duo avec la flûte, permet à Fagioli de déployer un timbre soyeux avant d’éblouir dans des variations improvisées.

Un bis en guise d’ouverture et Rossini en clôture 

Le disque s’ouvre sur un air ajouté par Paolo Bonfichi à une reprise d’Attila (1814), que Velluti chantait souvent en bis. Simple mélodie enrichie de fioritures extravagantes, elle incarne l’art des castrats : un prétexte à prouesses vocales, ici exécutées avec une aisance déconcertante par Fagioli. Et il s’achève avec un extrait de Il vero omaggio, cantate de Gioacchino Rossini, seule autre collaboration entre le compositeur et Velluti après leur brouille légendaire (due, dit-on, aux libertés prises par le castrat dans Aureliano in Palmira). L’aria du berger Alceo, ornée de gruppetti et autres trilles, montre Fagioli dans un registre mezzo agile et charmeur, rappelant ce que Rossini et Velluti auraient pu accomplir ensemble.

Porté par l’Orchestre de l’Opéra Royal et la direction dynamique de Stefan Plewniak, cet album est un hommage éblouissant à Velluti, mais aussi une démonstration du génie de Fagioli. Son agilité, sa nuance expressive et son engagement redonnent vie à des partitions négligées, prouvant que ce répertoire mérite amplement d’être réhabilité. Une performance vocale à couper le souffle, servie par une recherche musicologique rigoureuse. Un disque à écouter absolument pour les amateurs de belcanto, d’histoire lyrique et de prouesses techniques hors du commun !

 

 

_________________________________________
CRITIQUE CD événement. Franco FAGIOLI : « The last Castrato : Arias for Velluti ». Orchestre de l’Opéra Royal, Stefan Plewniak (direction). [ 1 cd CVS Château de Versailles Spectacles, mars 2025]. CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025

 

 

Le CD est en vente sur le site de la Boutique du Château de Versailles

 

CRITIQUE, danse. ANVERS, Opéra des Flandres, le 5 avril 2025. PROKOFIEV : Roméo et Juliette. Marcos Morau / Gavin Sutherland

Plus grande compagnie de danse de Belgique, le Ballet des Flandres poursuit sa collaboration avec les chorégraphes majeurs de son temps, de Sidi Larbi Cherkaoui à Anna-Teresa de Keersmaeker, en passant par Akram Khan. Place cette fois au trublion catalan Marcos Morau (né en 1982), qui peine à donner un contenu porteur de sens à son spectacle, mais émerveille par son imagination visuelle d’une modernité toujours fascinante dans l’imbrication improbable des corps entremêlés.

 

Formé à Barcelone où il dirige sa propre compagnie « La Veronal« , Marcos Morau a multiplié les récompenses prestigieuses, du Prix national de la danse en Espagne au titre de «Chorégraphe de l’année» décerné par le magazine allemand Tanz, l’an passé. Invité à l’Opéra de Lyon en 2022, il a proposé une adaptation pour le moins controversée de l’un des chefs d’oeuvre du répertoire, La Belle au bois dormant de Tchaïkovski : en réduisant l’ouvrage de moitié, Morau s’était permis de supprimer l’histoire originale et d’y adjoindre de (trop) nombreux bruitages électroniques. Ces derniers sont encore présents ici, entre prédominance du synthétiseur et basses assourdissantes, mais sont heureusement plus limités. Ces interruptions répétitives et anxiogènes apparaissent bien inutiles et prévisibles sur la durée, sans parvenir à faire oublier les regrettables coupures opérées sur la musique originale. Le choix de ne pas raconter l’histoire de Roméo et Juliette est également contestable, tant Morau peine à proposer une alternative lisible, se contentant de multiplier les scènes d’humiliation et de violence, sans dramaturgie élaborée. C’est là le principal écueil du spectacle, une nouvelle fois.

On a beau se reporter au programme pour tenter de trouver un sens, l’effort est vain. On n’y trouve qu’un glossaire accumulant les raccourcis en forme d’images d’Epinal, censé guider le spectateur dans le cauchemar proposé. Il faut donc lâcher prise de ce point de vue pour pleinement apprécier le spectacle, aux qualités plastiques bien réelles. Morau a ainsi l’idée de nous plonger dans un décor et des costumes en noir et blanc d’une beauté intemporelle, en renouvelant les cadrages au gré de l’évolution des courtes saynètes finement ciselées par Prokofiev. La pénombre envoûtante permet de distinguer les corps virevoltant en des gestes souvent saccadés, jouant sur les mouvements des bras et de la tête, à rebours d’une vision classique de la danse. Les costumes permettent de rompre avec les repères habituels entre les sexes (les hommes étant souvent affublés de robes), tandis que la coloration générale sombre ne cherche pas à distinguer les deux camps en présence, entre Capulet et Montaigu. L’ajout de deux personnages juvéniles reste énigmatique, au-delà d’une vision convenue de l’innocence prêtée à l’enfance, sans lien avec le destin de Roméo et Juliette. Outre plusieurs cris, les danseurs se prêtent souvent à des rires obsessionnels, là aussi incompréhensibles au niveau dramaturgique, et finalement agaçants. Les images de rituels ou de rites d’initiation autour d’un immense brasier sont plus réussies, à l’instar des mouvements autour du podium et du plateau tournant, mêlées à une utilisation astucieuse des costumes (notamment les grandes robes rigides cachant les pieds).

On ressort de ce spectacle avec la sensation d’avoir assisté à une proposition d’une modernité frappante au niveau visuel, mais qui s’en tient là, sans s’intéresser au fond. Puisse Morau enfin s’intéresser au sens, au-delà de quelques vignettes aussi superbes que superficielles, bien éloignées des grands mythes auxquels il ose se confronter. Reste l’exécution proprement dite au niveau chorégraphique, en tout point remarquable de cohésion, et d’autant plus impressionnante qu’elle demande un engagement physique de chaque instant, où le groupe ne semble parfois plus faire qu’un. L’autre motif de satisfaction vient de la direction musicale du chef britannique Gavin Sutherland (né en 1972), très attentif à la narration, qui porte le drame de toute sa classe interprétative.

 

 

_____________________________________________
CRITIQUE, danse. ANVERS, Opéra des Flandres, le 5 avril 2025. PROKOFIEV : Roméo + Juliet. Danseurs et Orchestre symphonique de l’Opéra des Flandres. Gavin Sutherland (direction musicale) / Marcos Morau (chorégraphie). A l’affiche de l’Opéra des Flandres, du 15 au 27 mars à Gand, du 3 au 12 avril à Anvers, puis à l’Opéra de Lille les 14 et 15 juin 2025. Photo : Opera Ballet Vlaanderen / Danny Willems. Crédit photographique © Annemie Augustjins

 

 

VIDEO : Trailer du spectacle

 

CRITIQUE, concert. MONACO, Salle Garnier, le 6 avril 2025. RAVEL : Trio / MESSIAEN : Quatuor pour la fin du temps. Trio Pantoum et Ann Lepage (clarinette)

Le printemps porte en lui l’idée de renouveau, de jeunesse, de fraîcheur, de vivacité, de limpidité. Un groupe musical possède en lui ces caractéristiques au plus haut niveau : c’est l’extraordinaire Trio Pantoum qui a clôturé le Printemps des arts de Monte-Carlo. Ce trio est un printemps à lui tout seul !

 

Il fallait l’entendre interpréter le Trio de Maurice Ravel. Cette œuvre est emblématique pour cet ensemble. Il a pris le nom, Pantoum, de son deuxième mouvement – forme poétique de Malaisie qui a inspiré Ravel. Nous avons rarement entendu une interprétation aussi fine, subtile, limpide, précise, transparente de cette œuvre. Le souffle d’un zéphyr passait sous leurs archets. Et ces pianissimi ! Avez-vous déjà entendu des nuances plus fines, des sons plus transparents ? Ces jeunes nous ont donné une leçon. Il fallait également les entendre dans le Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen, dans lequel ils furent rejoints par la clarinettiste Ann Lepage. De cette œuvre créée dans les conditions atroces que l’on sait – dans un camp de prisonnier pendant la guerre – ils donnèrent une interprétation frémissante, élégante, jaillissante, inspirée, parfaite au plan de l’intonation, du phrasé, de la virtuosité. Ainsi s’enchaînèrent ces indescriptibles « Liturgie de cristal », « Vocalise de l’ange », « Fouillis d’arc en ciel » qui constituent cette œuvre. Lorsque la clarinettiste entama l’« Abîme des oiseaux », il se fit un silence dans la salle. On était accroché à son souffle. Le temps n’était peut-être pas fini. En tout cas, il était suspendu. Puis ce fut la « Louange à l’immortalité de Jésus » : à ce moment ultime de l’œuvre le chant solitaire du violon s’élève vers le ciel, accompagné de tintements angéliques du piano.

Ainsi s’achevait le Printemps des arts. Une « Fin du temps » pour une fin de « Printemps »… 

 

 

___________________________________________
CRITIQUE, concert. MONACO, Salle Garnier, le 6 avril 2025. RAVEL : Trio / MESSIAEN : Quatuor pour la fin du temps. Trio Pantoum et Ann Lepage (clarinette). Crédit photographique © Alice Blangero

 

 

 

GRAND-THÉÂTRE DE GENEVE. Gerald BARRY : Les Aventures d’Alice sous terre, les 13, 14 et 15 avril 2025. Holly Hyun Choe (direction), Julien Chavaz (mise en scène)

L’opéra jeune public de Gerald Barry réinvente le mythe d’Alice au pays des merveilles sur un rythme trépidant… Son énergie effervescente propulse la Plage vers la grande scène du GTG, pour une apogée de saison absurde et comique : un temps fort réservé aux familles, aux enfants et à leurs parents. À partir des livres Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll, le compositeur irlandais Gerald Barry livre une version resserrée où Alice revisitée réalise sa folle promenade à travers un pays des merveilles anarchique,

 

…. où des lapins blancs, des chats grimaçants, des chapeliers fous, des reines enragées, Diedeldum, Diedeldi, Humpty Dumpty et autres personnages inouïs vivent selon des règles précises et très absurdes. Alice doit garder tous ses sens en éveil pour (ne pas) sombrer dans ce tourbillon d’événements endiablés… Et le public avec elle!

Entre humour, grotesque et onirisme à l’instar des aventures de l’héroïne, Gerald Barry a conçu une dramaturgie musicale tirée au cordeau ; son sens du langage et des situations offrent une musique effrénée pour les voix et pour les instruments tandis que la mise en scène de Julien Chavaz, colorée et vive, suit le rythme… rien n’entrave la pulsion d’une course effrénée, riche en rebonds et surprises. Après le grand succès de la première scénique en 2020 à Londres, cet opéra est présenté pour la première fois en français à Genève. Osez entrer dans un pays de merveilles musicales ! : Alice vous y attend, prête à être votre guide.

 

 

 

_________________________________________
Les Aventures d’Alice sous terre
de Gerald Barry, d’après Alice au pays des merveilles
et De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll
dim 13 avril 2025 – 15h
mar 15 avril 2025 – 19h
merc 16 avril 2025 – 15h
Opéra pour enfants dès 8 ans
Durée : approx. 1h05 sans entracte

 

 

 

 

GRAND THEATRE DE GENEVE
Réservez vos places directement sur le site du GTG Grand Théâtre de Genève : https://www.gtg.ch/saison-24-25/les-aventures-dalice-sous-terre/

DISTRIBUTION
Direction musicale : Holly Hyun Choe
Mise en scène : Julien Chavaz

Alice : Alison Scherzer
La Reine rouge : Emilie Renard
La Reine blanche : Sarah Alexandra Hudarew
Le Roi blanc : Adam Temple-Smith
Le lièvre de mars : Adrian Dwyer
Le Chevalier blanc : Doğukan Kuran
Humpty Dumpty : Stefan Sevenich

L’Orchestre de Chambre de Genève et des musiciens de l’ensemble Contrechamps

Alice’s Adventures Under Ground (2013-2015)
Première suisse, version française
Création au Walt Disney Concert Hall, Los Angeles le 22 novembre 2016 – Livret du compositeur d’après Lewis Carroll – Une production du Theater Magdeburg

 

 

Information de santé
La scénographie du spectacle contient une scène de 30 secondes avec des motifs lumineux et lumières clignotantes susceptibles de déclencher des réactions chez un très faible pourcentage d’individus sensible à la stimulation lumineuse (photo-sensibilité).

 

CRITIQUE, danse. NICE, Opéra, le 5 avril 2025. FORSYTHE, BRUMACHON, VAN MANEN, EKMAN. Ballet Nice Méditerranée, instrumentistes de l’Orchestre Philharmonique de Nice [EKMAN]. Roberto Galfione, piano [Van MANEN].

Voilà un excellent programme diversifié et plutôt très exigeant par l’éclectisme des styles choisis, qui renseigne opportunément sur le niveau et l’identité même du Ballet Nice Méditerranée à un moment charnière de son histoire, suite au décès de son directeur artistique Eric Vu An [juin 2024], quand son successeur vient de prendre ses fonctions [le chorégraphe suédois Pontus Lidberg nommé en déc 2024],… année de passage qui affirme ce soir une ambition artistique admirable à laquelle les tempéraments du Ballet niçois savent répondre en énergie et subtilité. Du moins, par un engagement indiscutable. Passer de l’élégance athlétique continue du new yorkais Forsythe au jeu assumé, délirant et tout aussi trépidant d’Ekman relèverait du vertige acrobatique schizophrénique, s’il n’était entre les deux écritures, une même quête jubilatoire de l’exultation rythmique,.. précise, ciselée chez le premier, organique et facétieuse chez son cadet.

 

 

D’emblée et presque trop soudainement, THE VERTIGINOUS THRILL OF EXACTITUDE de FORSYTHE [1996], impose sa vitalité aussi exténuante que critique tant le chorégraphe new yorkais hypercultivé semble faire le catalogue de toutes les figures classiques connues à maîtriser absolument [tours, pirouettes, arabesques,… toute figure héritée des classiques transmise par Marius Petipa ; filtrée par Balanchine…]. Voici donc Forsythe tel qu’en lui-même, entre athlétisme et esthétisme, furieuse et même trépidante exultation des corps mais avec une précision hallucinante voire une succession comme précipitée qui confine à l’emballement parodique… Et surtout amusé. S’y distinguent entre autres les deux danseurs demi-solistes, Shigeyuki Kondo et surtout Isaac Shaw… dont le charisme corporel irradie, sachant exprimer un plaisir lumineux puisé à la source même de chaque mouvement et son rebond immédiat. Les danseurs semblent gonflés à bloc, remontés sur ressorts, et trouvant dans la succession des figures imposées, une flexibilité unitaire qui les font paraître aussi léger qu’une plume. Il faut bien le temps des deux ballets suivants pour se remettre avant de réaliser en seconde partie du programme [après aussi 20 mn d’entracte], la nouvelle trépidation de …Cacti.

Figures des  » INDOMPTÉS  »  de Claude Brumachon [1992], les deux hommes dansent, explorent les chaînes et les rebonds d’une relation, de LEUR relation ; qui les enchaîne, qui les porte aussi, aimantation et distanciation, dans une série de figures en miroir et parallèles, parfois synchronisées, souvent décalées. Dans leur quête simultanée qui questionne leur place entre ciel et terre, vont-ils se trouver eux-mêmes, et l’un par rapport à l’autre ? Les 2 électrons tentent tout le ballet durant, de répondre à cette quête, aspiration à 2 voix, à 2 corps, élan irrépressible vers une fusion espérée du moins un apaisement concerté, harmonique… qui semble se produire à la fin.

Les 3 GNOSSIENNES en revanche [triptyque plus hiératique, en pas de deux de Hans van Manen], tout à l’inverse, dans un balancement suspendu, hypnotique, posent les deux êtres du couple [impeccables et très concentrés Veronica Colombo et Luis Valle] dans des postures parfaitement assumées qui théâtralisent le duo dans des extensions et des portés audacieux, radicaux, d’un équilibre apollinien. Le ton est plus majestueux et même solennel, d’un rituel noble où la jeune femme est sacralisée comme une icône, ses gestes aux lignes pures qui tendent à l’épure d’une déesse honorée comme une statue.

 

Avec CACTI, la danse invite le théâtre [surréaliste] et l’humour synchronisé. Le chorégraphe interroge les rites indigènes et ce qu’ils peuvent gagner à s’ouvrir aux offres extérieures, une voie médiane qui produit cette danse théâtre loufoque, décalée, furieusement poétique, qui mêle aussi la création orale. Chacun sur son praticable cherche la pulsion de l’autre ; se règle sur ses gestes, ses respirations ; ses 15 danseurs sont comme des faunes ; ils trouvent le rythme collectif et peu à peu réalisent une formidable machine collective, une tribu organique lent connectée.
En outre la présence des 4 instrumentistes du Quatuor remarquablement intégré au sein des danseurs renforce l’idée d’une performance inclassable. L’humour triomphe dans le foutraque loufoque avant la tenue des porteurs de cactus, en un duo [avec répliques parlées simultanées] qui parodie l’enjeu et le déroulement de tous les duos légués par la tradition classique et romantique.

Le choix de la pièce est d’autant plus juste que placée ainsi en fin de soirée, elle renoue dans le choix même de Schubert [le jeune fille et la mort en version orchestrale] avec la trépidation heureuse solaire du Forsythe d’ouverture. On y retrouve aussi cette frénésie collective, juvénile, cette quête de pure jubilation qu’Alexander Ekman a superbement chorégraphié dans les premières et dernières de Cacti : où l’impertinent se jouant des codes de la Danse classique et contemporaine orchestre les mouvements synchronisés des danseurs sur leur podium. On rit, on s’amuse, saisi par la synchronicité millimètrée des groupes qui se répondent.

Dans ses multiples défis que relancent encore la diversité des écritures, les danseurs du Ballet Nice Méditerranée démontrent un niveau remarquable ; si certaines faiblesses ou déséquilibres paraissent parfois [les 3 danseuses ont paru moins synchronisées et engagées dans le Forsythe d’ouverture], l’unité et la cohésion du ballet s’affirme nettement dans le jeu collectif expressif et théâtral de Cacti, véritable exultation chorégraphique, éblouissante dans ses écarts formels, ses prouesses délirantes, son autocritique et son impertinence assumée. Réjouissante soirée. On suivra désormais la trajectoire du Ballet Nice Méditerranée, promis sous la direction de son nouveau directeur à de prochains accomplissements, probablement aussi passionnants.

 

 

Dernière ce mardi 8 avril 2025, 20h, à l’Opéra de Nice :
https://www.opera-nice.org/fr/evenement/1196/forsythe-brumachon-van-manen-ekman

 

 

 

 

VIDÉOS

les danseurs du Ballet Nice Méditerranée [dont Isaac Shaw à 3’08]

 

 

 

Le travail des préparation des danseurs du Ballet Nice Méditerranée pour Cacti d’Alexander Eckman

 

 

LIRE aussi notre présentation du programme de danse à l’Opéra de Nice / Ballet Nice Méditerranée, du 2 au 8 avril 2025 – Forsythe / Brumachon / Van Manen / Ekman … Quatuor à cordes de l’Orchestre Philharmonique de Nice : https://www.classiquenews.com/opera-de-nice-ballet-nice-mediterranee-du-2-au-8-avril-2025-forsythe-brumachon-van-manen-ekman-quatuor-a-cordes-de-lorchestre-philharmonique-de-nice/

 

 

 

précédente critique

Précédent Spectacle du Ballet Nice Méditerranée, critiqué sur CLASSIQUENEWS : Coppelia, chorégraphie d’Eric Vu-An, 15 oct 2024 / CRITIQUE, danse. NICE, Théâtre de l’Opéra, le 15 octobre 2024. Coppélia : Delibes / chorégraphie : Éric Vu an. Ballet Nice Méditerranée, Orchestre Philharmonique de Nice, Léonard Ganvert (direction): https://www.classiquenews.com/critique-danse-opera-de-nice-le-15-octobre-2024-coppelia-delibes-choregraphie-eric-vu-an-ballet-nice-mediterranee-orchestre-philharmonique-de-nice-leonard-ganvert-direction/

 

 

CRITIQUE, danse. NICE, Théâtre de l’Opéra, le 15 octobre 2024. Coppélia : Delibes / chorégraphie : Éric Vu an. Ballet Nice Méditerranée, Orchestre Philharmonique de Nice, Léonard Ganvert (direction)

 

_______________________________

GENEVE, 17ème Festival AGAPÉ, du 28 mai au 1er juin 2025 Festival international de musique et d’art sacré. Bertrand Cuiller, Jean Tubéry, La Fenice aVenire, Cappella Pratensis, Nairyan, Le Concert universel, Gabriel Rignol, Correspondances

Genève accueille la nouvelle édition du festival Agapé à partir du 28 mai (17è édition en 2025), dans la salle Frank Martin, lieu emblématique du festival de musique et d’art sacré. Au total, une douzaine de concerts et d’événements artistiques s’affichent ainsi dans la capitale hélvetique.

 

 

Parmi les temps forts de cette nouvelle édition genevoise, deux concerts le 28 mai, dédiés au plus grand génie du XVIIe italien [Seicento], à 18h [programme instrumental : Monteverdi et ses contemporains], puis à 20h30, spectacle autour du Combat de Tancrède et Clorinde, chef d’œuvre absolu qui est l’aboutissement de son long processus à travers le cadre madrigalesque, ici sublimé par le stile concitato, et dans le style dramatique et lyrique le plus abouti.

Jeudi 29 mai à 17h, florilège pour l’Ascension, les fameuses Sonates du Rosaire de Biber.

Incontournable également, le 30 mai le Cantique des cantiques : « Il cantico amoroso », nouveau programme événement conçu par Jean Tubéry et son formidable ensemble La Fenice aVenire [20h]. En hébreu (2 solistes homme & femme / chant monodique) et en latin (2 solistes soprano & ténor / baroque italien).

Mais aussi, récital de théorbe samedi 31 mai à 12h : Gabriel Rignol, dans des œuvres signées Le Moyne, Bartolotti, Hotman, Bach,…

Enfin au terme de la dernière journée, dimanche 1er juin 2025, après un premier concert Dufay par Capella Pratensis [12h], clôture avec le Requiem de Campra par l’ensemble Correspondances [17h]…

 

 

 

 

TOUTES les infos, le détail des programmes et des artistes invités sur le site du Festival AGAPÉ 2025 (17ème édition, du 28mai au 1er juin 2025) : https://festivalagape.org/

 

CRITIQUE, concert. CLERMONT-FERRAND, Opéra-Théâtre, le 6 avril 2025. BACH : La Passion selon Saint-Matthieu. W. Güra, L. Morvan, J. Roset, G. Bridelli… Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes, NFM Choir, Enrico Onofri (direction)

Ce samedi soir, l’Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand a vibré au rythme d’une superbe interprétation de La Passion selon Saint-Matthieu de Jean-Sébastien Bach, sous la direction inspirée du chef italien Enrico Onofri. Avec l’Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes, un ensemble de solistes exceptionnels et un chœur d’une précision remarquable, cette soirée s’est imposée comme un moment de grâce musicale et spirituelle.

 

Spécialiste reconnu de la musique baroque, Enrico Onofri a insufflé à cette Passion une énergie à la fois dramatique et méditative. Son approche, alliant dynamisme et sensibilité, a permis de révéler toute la richesse polyphonique de l’œuvre, tout en maintenant une tension narrative captivante. Les contrastes entre les moments introspectifs et les épisodes tumultueux (comme les turbulents turba, ces foules hostiles) étaient parfaitement maîtrisés, soulignant le génie dramatique de Bach. Sous sa baguette, l’Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes a déployé une palette sonore d’une grande finesse, avec des cordes chaleureuses, des bois expressifs et une basse continue à la fois souple et rigoureuse. La phalange auvergnate a par ailleurs démontré une maîtrise totale du style baroque, bien que jouant sur instruments modernes (hors un clavecin et une viole de gambe), avec des nuances subtiles et un dialogue constant avec les voix. 

Le ténor allemand Werner Güra, grand spécialiste du rôle crucial de l’Évangéliste, a livré une performance d’une intelligence musicale rare. Sa voix claire, son phrasé impeccable et son engagement dramatique ont donné à la narration une intensité presque théâtrale. Chaque récitatif était empreint d’une émotion subtile, qu’il s’agisse de décrire la trahison de Judas, le reniement de Pierre ou la crucifixion. Son timbre à la fois noble et fragile a apporté une dimension profondément humaine à ce récit sacré. De son côté, le jeune Louis Morvan, dans le rôle du Christ, a impressionné par son autorité vocale et sa présence scénique. Sa voix de basse, à la fois sombre et rayonnante, a apporté une solennité touchante aux paroles du Fils de Dieu. Son « Eli, Eli, lama sabachthani ? » (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?« ) fut un moment d’une poignante intensité. Autour d’eux, les autres solistes ont brillé par leur excellence, à l’instar de Julie Roset (soprano) qui a ébloui par la pureté cristalline de son timbre et son agilité dans les airs, notamment « Aus Liebe will mein Heiland sterben », où sa voix semblait flotter avec une grâce angélique. L’alto italienne Giuseppina Bridelli (alto) a captivé par sa riche palette expressive, notamment dans « Erbarme dich », accompagnée d’un violon solo bouleversant, tandis que Fabien Hyon (ténor) a apporté une ferveur remarquable à ses interventions, notamment dans son « Geduld ». Enfin, Thomas Dolié (baryton) a marqué les esprits par son engagement et sa puissance dramatique, notamment dans les airs de méditation.

Quant au Chœur NFM (de Wroclaw), préparé avec rigueur par Lionel Sow, ils ont été d’une précision et d’une expressivité rares. Les turba (chœurs de la foule) étaient particulièrement saisissants, alternant entre violence et moquerie avec une énergie communicative. 

Bref, une performance qui a touché l’âme de son public… et qui ne manquera pas d’enthousiasmer le public parisien du Théâtre des Champs-Elysées où le concert sera repris ce mercredi 9 avril !…

 

 

_____________________________________________
CRITIQUE, concert. CLERMONT-FD, Opéra-Théâtre, le 6 avril 2025. BACH : La Passion selon Saint-Matthieu. W. Güra, L. Morvan, J. Roset, G. Bridelli… Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes, NFM Choir, Enrico Onofri (direction). Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

 

CARACAS. BRUNO PROCOPIO, ORQUESTA SIMON BOLIVAR, dim 13 avril 2025. MOZART : Messe du couronnement, Symphonie n°41 JUPITER

L’Orchestre baroque SIMÓN BOLÍVAR / ORQUESTA BAROCCA SIMON BOLIVAR et le Chœur national Simón Bolívar se réunissent sous la baguette du maestro Bruno Procopio, fidèle partenaire de la phalange venezuelienne.

 

Le chef franco-bresilien poursuit son travail transatlantique et propose impliquant les forces vives du Sistema, entre autres, deux œuvres de Mozart parmi les plus exigeantes, toutes les deux en do majeur, inscrites dans la lumière et l’harmonie triomphante : la Messe du couronnement (1779) ; ainsi que  l’aboutissement de l’œuvre orchestrale du génie Salzbourgeois, sa dernière symphonie n°41 dite « Jupiter ».
Gageons que le souci de l’articulation, le solide métier de Bruno Procopio en matière d’interprétation historiquement informée, son souci du détail et des couleurs sans jamais sacrifier le souffle ni l’architecture globale, sauront transporter les jeunes musiciens venezueliens pour ce concert exceptionnel, emblématique désormais du geste jubilatoire partagé par chaque interprète formé au sein du Sistema.

 

______________________________
CARACAS, Salle Simón Bolivar
Concert unique :
MOZART : « Esplendores de Gloria y Gracias »
Caracas, dimanche 13 avril 2025, 11h
PLUS D’INFOS : https://www.instagram.com/procopio_bruno/reel/DHwPNpEgmQR/

 

Programme

Wolfgang Amadeus Mozart
Symphonie n° 41 « Jupiter » en do majeur
Messe du couronnement en do majeur

ORQUESTA BARROCA SIMON BOLIVAR
CHOEUR NATIONAL SIMON BOLIVAR
Bruno Procopio, direction
Avec le soutien de l’ambassade de France au Venezuela et du Conservatoire itinérant Inocente Carreño.
VISITEZ le site de l’Orchestre baroque Simon Bolivar / Orquesta barroca Simon Bolivar : https://elsistema.org.ve/agrupaciones/orquesta-barroca-simon-bolivar/

 

 

Pâques 1779
Mozart l’écrit à l’âge de 23 ans, à la demande de son patron honni, l’archevêque de Salzbourg Colloredo qu’il finira par quitter tant le jeune musicien épris de liberté le déteste. La période est douloureuse : Wolfgang revient de Paris, séjour tragique et même horrible ; sa mère y est décédée, le milieu parisien le boude… Et celle dont il est épris
Aloysia Weber, ne l’aime pas. Comme Konzertmeister, (compositeur de la musique religieuse de la cour), Mozart doit s’exécuter : il compose donc la Messe du Couronnement, en ut majeur (Krönungsmesse, KV 317), datée sur le manuscrit du 23 mars 1779 en l’honneur de la fête commémorative annuelle du Couronnement de la Vierge miraculeuse ; précisément la Vierge du sanctuaire baroque de Maria Plain en Autriche, en 1744, le cinquième dimanche après la Pentecôte, tableau ayant échappé à un incendie, et qui fut aussi vénéré à Salzbourg au XVIIe siècle.

La messe est jouée pour la première fois à Pâques en 1779 dans la cathédrale de Salzbourg [le fameux Dom]. C’est aussi la Messe qui est jouée pour le couronnement de Léopold II, comme Roi de Bohême à Prague, le 6 septembre 1791, en présence de Mozart qui allait s’éteindre quelques mois plus tard.

L’aria de l’Agnus Dei pour soprano préfigure déjà l’air « Dove sono » de la Comtesse des Noces de Figaro. Sublime air d’une femme qui n’a plus prise sur le temps Et regrette d’être ainsi délaissée, abandonnée.
Puis dans l’enchaînement de la messe, MOZART conçoit comme une jubilation contagieuse, le crescendo irrépressible du « Dona nobis pacem ».
Sacrée certes, la partition n’en présente pas moins la lumière glorieuse, la résolution dramatique d’un final d’opéra.

La « Messe du Couronnement, KV 317, en Ut majeur est écrite pour quatre solistes, chœur mixte, 2 hautbois, 2 cors, 3 trombones, timbales, cordes et orgue.

 

 

__________________

CRITIQUE, concert. PARIS, salle Cortot, le 30 mars. « Dans le style ancien », GRIEG, KREISLER, VITALI, BRITTEN, LILI BOULANGER… Orchestre Lamoureux, Hugues Borsarello, premier violon.

Cet après-midi les cordes de l’Orchestre Lamoureux font vibrer l’écrin acoustique de la salle Cortot [parfaitement dimensionnée pour l’occasion et pour l’effectif réuni sur scène], dans un programme intitulé  » dans le style ancien  » ; l’enchaînement des œuvres déroule en réalité, un festival de défis continus pour les cordes seules, appelées à déployer et faire chanter toutes les nuances et les couleurs de chaque partitions.

 

 

D’emblée les instrumentistes sous la houlette du violoniste (et conseiller artistique de l’Orchestre), Hugues Borsarello conduisent l’auditeur dans la narration prenante de Grieg [suite pour cordes « du temps de Holberg »] dont de fait la Suite de danses, nourrit une sonorité chaude et active, comme traversée par les éléments de la nature nordique. On y détecte la même architecture à la fois aérée et passionnée que dans Peer Gynt ; sa tendresse tragique, un flux narratif aussi très bien calibré qui inscrit l’énoncé collectif dans une atmosphère de légende.

Puis Hugues Borsarello se lève et se tient debout au centre de la scène face au public pour le Kreisler, tout aussi fin et ardent, et porté par un souffle et une ampleur immédiats. La complicité entre l’orchestre et le soliste édifient à chaque reprise une cathédrale à la fois tendue et lumineuse, exigeant du soliste, agilité, longueur et finesse de son.
Évidemment le violoniste Fritz Kreisler pastiche le geste démiurgique des grands virtuoses du XIXème, dans le sillon d’un Paganini et d’un Ernst, tous deux rivaux partageant la quête d’une virtuosité transcendante ; le « Prélude et Allegro » d’un Kreisler qui imite idéalement les grands Baroques tardifs (la pièce fut même attribuée à Gaetano Pugnani), semble comme traversé par une vision brûlante et céleste dont les musiciens rendent palpable l’élan ascensionnel irrépressible.

Plus surprenante est la Chaconne de Vitali, œuvre ample elle aussi et développée où les musiciens savent dans ce balancement si caractéristique de la source baroque [lullyste], négocier entre densité, allant, transparence.

Puis le collectif retrouve une parure orchestrale dense et aérée dans les presque 20 mn que compte la « Simple Symphony » de Britten. Comme la suite de Grieg, la courte symphonie du Britannique enchaîne quatre mouvements de danses néo baroques, chacun avec nerf et caractère. Sa simplicité et son sens des caractères, son flux pour les cordes seules assurent à la partition une séduction immédiate. Cette évidence dans l’écriture est propre au compositeur âgé de 20 ans, encore étudiant au Royal college of Music et qui vient de découvrir ébloui l’œuvre orchestrale de Frank Bridge qui fut aussi son professeur.

La première danse « Boisterous Bourrée » (Presto) déploie un contrepoint très baroque tardif, dans l’esprit d’une fête galante avant le final, clairement facétieux. Britten admire les anciens dont il tire sa propre matière rythmique et poétique, ce qu’expriment parfaitement les instrumentistes. Leur maîtrise des pizzicati dansants dans le  » Scherzo » [Playful Pizzicato / Allegro] convainc particulièrement. C’est une claire référence à l’hyperactivité virtuose vivaldienne, et le moyen assez spectaculaire laissé aux instrumentistes de faire chanter leur instruments sans leurs archets.
Plus introspective [et plus longue que les autres mouvements], la Sarabande [Poco lento] recycle un air antérieur pour piano que Britten a probablement composé 10 ans auparavant. Les musiciens en soulignent allusivement la référence presque directe à la Suite n°11 en ré mineur de Haendel [et sa citation inoubliable dans le film de Kubrick, « Barry Lyndon »], sa gravité et même sa douleur profonde qui renoue aussi avec le sentiment du dénuement et des vanités, propre au génie britannique du XVIIe : Purcell soi-même. Enfin apothéose finale bienvenue,  » Frolicsome Finale » (Prestissimo) offre la plus belle des conclusions collectives : lumineuse et frénétiquement contrastée, la séquence finale réactive les facéties du viennois Haydn, dans des écarts expressifs empruntés à CPE BACH et le style Sturm und drang le plus impérieux …. C’est aussi toute l’énergie juvénile de BRITTEN qui semble avoir enfin le dernier mot.

Beau contraste avec la pièce finale d’une exquise délicatesse, signée de Lili Boulanger (Prix de Rome, 1913), génie juvénile elle aussi, mais fauchée à 23 ans [1918] et dont la puissance profonde et poétique se déploie dans le court et très suggestif « D’un matin de printemps » [pendant « D’un soir triste » avec lequel la pièce fonctionne comme un diptyque]. Le traitement des masses, la prodigieuse texture des timbres, d’une sensualité mystérieuse, toujours scintillante et suggestive comme alanguie et irrésolue, l’intelligence de l’orchestration qui est proche d’un Roussel et d’un Ravel, s’expriment sans contrainte avec ce souci des harmonies si subtiles [post wagnériennes, post franckistes] qui est la marque d’une compositrice étonnamment mûre et juste, malgré son jeune âge. Dans le scintillement des cordes, enfle une volupté inquiète que les musiciens font jaillir avec sensibilité.

 

________________________________________________
CRITIQUE, concert. PARIS, salle Cortot, le 30 mars.  » Dans le style ancien », GRIEG, KREISLER, VITALI, BRITTEN, LILI BOULANGER… Orchestre Lamoureux, Hugues Borsarello, premier violon.
Photo © classiquenews mars 2025

 

______________________

programme

Edvard Grieg,
Du Temps de Holberg, suite pour cordes

Fritz Kreisler
Prélude et Allegro, dans le style de Pugnani

Tomaso Antonio Vitali
Chaconne

Benjamin Britten
Simple Symphony

Lili Boulanger
D’un matin de printemps

 

CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 5 avril 2025. BRAHMS / CHOSTAKOVITCH. Orchestre National de Lyon, David Grimal (violon solo et direction)

Pour ce nouveau concert symphonique à l’Auditorium de Lyon, l’émotion est palpable dès les premières notes : David Grimal, avec sa double casquette de soliste et chef d’orchestre (depuis son violon), offre au public lyonnais une performance magistrale, mêlant prouesse technique et profondeur expressive. Le programme, audacieux et poignant, juxtaposent le Concerto pour violon de Johannes Brahms et la Symphonie n°11 « L’Année 1905 » de Dmitri Chostakovitch – deux monuments de l’histoire musicale, interprétés avec une intensité rare.

 

Dès l’attaque des premiers accords de la phalange lyonnaise dans le Concerto pour violon en ré majeur de Brahms, l’alchimie fut immédiate. David Grimal, en soliste, a imposé un son à la fois puissant et délicat, naviguant entre la virtuosité étincelante du premier mouvement et le lyrisme envoûtant de l’Adagio. Son jeu, d’une précision diabolique, transcende la partition : les doubles cordes résonnent avec une clarté cristalline, tandis que les passages en pianissimo semblent suspendre le temps. La complicité avec l’Orchestre national de Lyon est évidente. Dirigé debout depuis son violon – une prouesse en soi –, Grimal a insufflé une dynamique organique, presque conversationnelle, entre l’orchestre et lui. Le dialogue avec les bois (notamment la sublime réponse du hautbois dans le deuxième mouvement) fut un moment de grâce pure. Le finale, noté Allegro giocoso, a emporté l’adhésion du public par son énergie follement contagieuse, conclue par une véritable ovation.

Si Brahms avait enflammé la salle, Chostakovitch l’a ensuite glacée d’effroi – et fascinée par son souffle épique. La Symphonie n°11 « L’Année 1905 », dédiée à la répression sanglante de la révolution russe, est une œuvre cinématographique, presque visuelle. Sous la direction de Grimal – dirigeant cette fois assis en tant que premier violon super soliste -, l’Orchestre National de Lyon déploie une palette sonore d’une richesse inouïe. Dès le premier mouvement (“Le Palais d’Hiver”) – une plaine sonore glaciale parcourue de murmures inquiétants –, les cordes en sourdine créent une atmosphère oppressante, tandis que les cuivres, d’une précision militaire, annoncent l’orage. Le deuxième mouvement (“Le 9 Janvier”), explosion de violence orchestrale, sonne comme  un tourbillon de fureur : les percussions (timbales, caisse claire, gong) martèlent une marche funèbre, les cordes déchirent l’espace, et les trompettes semblent crier la révolte. Grimal, en chef inspiré, magnifie les contrastes : les moments de silence pesant (comme avant la fusillade) sont aussi saisissants que les déferlements orchestraux. La mélodie révolutionnaire « Écoutez ! », reprise en leitmotiv, gagne en puissance tragique à chaque retour. Quant à l’apothéose finale, entre résignation et espoir, elle laisse la salle sous le choc – avant un tonnerre d’applaudissements, et un public qui sort ébranlé, transporté, et visiblement conquis. Un sans-faute artistique, qui confirme une fois de plus que la musique symphonique, quand elle est servie avec une telle passion, reste une expérience inégalable.

 

____________________________________________
CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 5 avril 2025. BRAHMS / CHOSTAKOVITCH. Orchestre National de Lyon, David Grimal (violon solo et direction). Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

 

OPÉRA GRAND AVIGNON. MOZART : Zaïde, 25 et 27 avril 2025. Aurélie Jarjaye, Kaëlig Boché… Orchestre national Avignon Provence, Louise Vignaud (mise en scène) / Nicolas Simon (direction)

Une belle endormie à redécouvrir, qui malgré son caractère inachevé, dévoile la sensibilité magistrale du jeune Mozart… Voilà plus de 200 cents ans que la discrète Zaïde, en partie perdue, dort à l’abri des regards. Oubliée au profit des plus grands succès comme L’Enlèvement au Sérail ou La Flûte enchantée ; Zaïde attendait de renaître, pour livrer tous ses secrets…

 

 

A partir de la source mozartienne, ouverte à toutes les possibilités créatives et expérimentales, la metteure en scène Louise Vignaud investit les silences de la trame mozartienne et tisse sa propre fable philosophique, proches idéaux que Mozart a déposé dans sa séduisante partition. Ainsi revivifié, c’est bien le Siècle des Lumières dans ce qu’il a de plus éblouissant, qui nous interpelle et nous interroge.

La souveraine musique de Mozart, avant La flûte enchantée, imagine une légende initiatique qui conduit dans un ailleurs surnaturel, hors du temps ; trois orphelins isolés et coupés du monde sont bientôt confrontés à une rencontre inattendue. Aucune autre expérience que celle de la rencontre avec le différent, l’étrange(r) ne produit mieux l’enrichissement d’une expérience humaine. Les 3 héros, Zaïde et ses compagnons chrétiens (Gomatz, Allazim) vivent cette aventure humaine, miraculeuse, fraternelle.

SYNOPSIS de l’opéra mozartien original
L’intrigue se déroulant chez les musulmans, préfigure la trame de l’opéra spectaculaire à venir L’enlèvement au sérail, qui partage les mêmes enjeux dramatiques et sentimentaux. Zaïde, esclave chrétienne du sultan Soliman, tombe amoureuse de Gomatz, un autre esclave chrétien ; leur idylle provoque la jalousie et la colère du sultan. Ils s’enfuient avec l’aide du serviteur Allazim, mais tous trois sont arrêtés, à cause d’Osmin, serviteur zélé du sultan. Les évadés sont condamnés à mort. Mais Allazim a sauvé la vie du Sultan quinze ans plus tôt. Le Sultan le reconnaît et le gracie. Allazim intervient alors en faveur de ses compagnons et l’opéra s’arrête à ce moment sans qu’il soit prononcé la nouvelle de la clémence du sultan pour tous les chrétiens…

 

« À travers les aventures de Zaide et de ses compagnons, elle nous confirmera bientôt que seule l’épreuve de l’étranger est réellement émancipatrice, et que l’on ne peut rêver de liberté sans nous délester de nos préjugés… »

 

__________________________________
MOZART : Zaïde
Opéra Grand Avignon
Vendredi 25 avril 2025 à 20h
Dimanche 27 avril 2025 à 14h30

 

PLUS D’INFOS et RÉSERVEZ vos places directement sur le site de l’Opéra Grand Avignon :
https://www.operagrandavignon.fr/zaide-mozart
Durée : 1h40mn

 

 

distribution
Direction musicale : Nicolas Simon
Composition / Orchestration : Robin Melchior
Mise en scène : Louise Vignaud
Dramaturgie / Livret parlé : Alison Cosson et Louise Vignaud
Décors : Irène Vignaud
Costumes à la création : Cindy Lombardi
Costumes à la reprise : Alex Costantino
Lumières : Julie Lola-Lanteri reprises par Christophe Delarue
Création sonore : Clément Rousseaux reprise par Orane Duclos
Assistante à la mise en scène : Alison Cosson
Assistant lumière : Alexandre Schreiber
Études musicales / Continuo : Kira Parfeevets
Zaïde : Aurélie Jarjaye
Gomatz : Kaëlig Boché
Allazim : Andres Cascante
Sultan Soliman : Mark van Arsdale
Zaram (narratrice) : Charlotte Fermand
Orchestre national Avignon-Provence

Coproduction Opéra Grand Avignon, Opéra de Rennes, et Angers-Nantes Opéra

 

____________________

CRITIQUE, concert. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 4 avril 2025. BACH / KAPRALOVA / MENDELSSOHN. Orchestre National Avignon-Provence, Adam laloum (piano), Léo Margue (direction)

L’Orchestre National Avignon-Provence – sous la direction énergique et raffinée du jeune chef français Léo Margue (nommé dans la catégorie « Révélation chef d’orchestre » aux Victoires de la musique classique 2024) – a offert une soirée musicale d’une remarquable cohérence, mêlant baroque, romantisme et musique du XXe siècle avec une grâce et une précision captivantes. Au programme : le Concerto pour piano n°1 en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, la Partita pour piano et cordes de Vitězslava Kaprálová en première partie, et la Symphonie n°1 en ut mineur, op. 11 de Felix Mendelssohn en seconde partie. Le jeune pianiste français Adam Laloum, connu pour son toucher délicat et son intelligence musicale, était l’invité d’honneur de cette belle soirée symphonique.

 

D’emblée, la phalange provençale et Adam Laloum ont imposé une lecture dynamique et profondément expressive de ce concerto de Bach, originellement écrit pour clavecin mais magnifiquement adapté au piano moderne. Laloum a fait montre d’une articulation cristalline, tout en insufflant une vitalité rythmique qui a évité tout académisme. Son dialogue avec les cordes de l’orchestre fut d’une grande complicité, particulièrement dans l’Adagio, où sa mélancolie poétique s’est élevée au-dessus d’un accompagnement délicat et soutenu. L’Allegro final a emporté l’adhésion par son énergie contagieuse, où la direction précise de Léo Margue a permis un équilibre parfait entre le piano et l’orchestre.

Œuvre bien moins connue que celle de Bach, la Partita (1938) de Kaprálová, compositrice tchèque disparue prématurément, a été une révélation. Léo Margue a su en souligner les contrastes, entre l’âpreté rythmique des mouvements vifs et la mélancolie slave des passages lyriques. Laloum, dans un rôle plus percussif, a joué avec une clarté impressionnante, tandis que les cordes de l’orchestre ont brillé par leur engagement et leur précision dans les changements d’atmosphère. Une œuvre qui mériterait d’être jouée plus souvent, tant son langage, à la fois moderne et accessible, a su toucher le public.

La seconde partie de soirée donnait à entendre la Symphonie n°1 de Mendelssohn, composée à seulement 15 ans mais d’une maturité stupéfiante. Léo Margue a dirigé avec une autorité naturelle, soulignant la fougue juvénile de l’œuvre tout en révélant les subtilités harmoniques. Dès les premières mesures, du Molto Allegro, l’orchestre a déployé une énergie galvanisante, avec des pupitres de cordes d’une grande agilité et des cuivres impeccables. Dans l’Andante, le chant des cordes, soutenu par un legato exemplaire, a apporté une pause méditative d’une grande beauté., tandis que l’Allegro con fuoco final a permis à l’orchestre de conclure en apothéose, dans un tourbillon de notes où chaque section a pu briller, sous la direction précise et inspirée du jeune chef.

Un concert qui restera parmi les temps forts de la saison 24/25 de l’ONAP, tant pour la qualité des interprétations que pour l’audace de sa programmation !

 

 

________________________________________________

CRITIQUE, opéra. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 4 avril 2025. BACH / KAPRALOVA / MENDELSSOHN. Orchestre National Avignon Provence, Adam laloum (piano), Léo Margue (direction). Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

 

ENTRETIEN avec ALEXIS LABAT, directeur artistique de l’ORCHESTRE NATIONAL AVIGNON PROVENCE

Labellisé orchestre national en région depuis 2020, l’Orchestre National Avignon Provence sait adapter son offre et ses nombreuses actions pour sensibiliser chaque saison, de plus en plus de spectateurs. À l’heure où les coûts, l’obligation d’économie et d’efficacité pèsent sur les institutions culturelles, au point de sacrifier la culture sur l’autel de la rigueur, l’Orchestre National Avignon Provence ne cesse d’agir et d’intervenir partout sur le territoire pour diffuser la musique et la rendre accessible, familière … Une action continue qui s’affirme tel un agent essentiel pour la cohésion sociale. Fonctionnement de l’Orchestre, répertoire, nouveaux formats de concert,… La période offre un vaste terrain pour se renouveler et repenser la rôle d’un orchestre dans la société. Présentation, explications…
________________________________________

 

 

CLASSIQUENEWS : Quel est le fonctionnement actuel de l’Orchestre national Avignon Provence ?

ALEXIS LABAT : Depuis 3 ans, nous avons beaucoup recruté ; les nouveaux instrumentistes représentent 13 postes sur les 39 musiciens de l’Orchestre. Cela insuffle une nouvelle dynamique et une grande énergie dans le fonctionnement et le travail ; les nouveaux arrivants découvrent tout ce qu’a de spécifique un orchestre de chambre comme le nôtre, de formation Mannheim. Les instrumentistes déjà en place et les plus anciens transmettent leur expérience aux nouveaux. C’est un bel esprit de transmission et de partage qui porte tout le monde. Tout cela crée d’excellentes conditions pour jouer notre cœur de répertoire, en particulier Mozart et Haydn, qui sont particulièrement exigeants.

En maîtrisant les Viennois, l’Orchestre peut d’autant mieux élargir son répertoire et aborder de nombreux autres genres et styles. En réalité, notre répertoire est très large ; il est essentiel de croiser les écritures, innover les formes et les formats du concert.

Prochainement nous allons réaliser un programme entièrement composé de musique de films ; l’Orchestre aborde aussi les partitions plus actuelles encore qui sont liées aux jeux vidéos et aux films d’animation, aux musiques qui sont liées à l’image d’une façon générale.

À terme, nous devrions pouvoir disposer de nouveaux locaux de travail et de répétition, avec une vraie salle dédiée mais aussi un studio d’enregistrement. Ce projet est probablement à venir d’ici 3-5 ans ; il devrait produire une nouvelle dynamique profitable pour la vie de l’Orchestre.

 

CLASSIQUENEWS : Quel est l’apport de l’Orchestre sur le plan social et sociétal ?

ALEXIS LABAT : Un apport significatif sur ce sujet demeure la contribution de l’Orchestre au projet DEMOS, l’un des plus importants en France, créé par la Philharmonie de Paris, engageant près de 40 orchestres de jeunes dans l’Hexagone. Le travail avec les instrumentistes de la 1ère cohorte s’est achevé en juin 2024, avec un concert dans la Cour des papes à Avignon. L’événement a clôturé ainsi une collaboration de 3 années. Pour ce faire nous avons travaillé avec les centres sociaux, les écoles de quartiers, et de nombreux autres acteurs sociaux qui entrent dans le périmètre de la politique de la Ville, en partenariat avec le Fonds de dotation Mommessin / Berger, la CAF de Vaucluse, la Cité Éducative et l’agglomération du Grand Avignon. Nous sensibilisons ainsi les enfants de quartiers éloignés des lieux de culture, mais aussi leurs parents. Ce sont à chaque fois des rencontres fortes, des moments de partage qui inscrivent la musique et la culture comme un agent essentiel de cohésion sociale.

En réalité, le projet Demos englobe un vaste travail à l’échelle locale qui anime tout un réseau sur le territoire, ce pendant toute l’année.

L’Orchestre réalise par ailleurs d’autres actions culturelles et éducatives chaque saison : nous accueillons les classes au moins 1 fois par mois lors d’une répétition générale ; nous favorisons les temps de partages et d’échanges entre les jeunes et les musiciens de l’orchestre. A ce titre Debora Waldman est très engagée pour maintenir le rythme ; d’autant plus que l’Orchestre s’est engagé depuis très longtemps de cette façon, impliquant toujours davantage de spectateurs, ce à l’échelle de la Région, auprès des Avignonais, des Vauclusiens, vers les publics scolaires (collégiens et lycéens), ou non scolaires…

 

CLASSIQUENEWS : Que sont les actions décentralisées et quels sont leurs enjeux ?

ALEXIS LABAT : Notre itinérance sur le territoire est l’une des parts essentielles de notre activité. Nous sommes présents à Avignon et dans le Vaucluse, de façon historique. Fort de notre label national [depuis 2020], il convient d’aller plus loin encore et d’élargir notre périmètre ; c’est à dire outre notre ancrage régional naturel dans le Vaucluse, les Bouches du Rhône, nous allons de l’autre côté du Gard, en particulier vers deux autres territoires cibles : les Alpes de Haute-Provence, et les Hautes-Alpes, qui sont des territoires moins habituels mais d’autant plus intéressants qu’ils comptent peu d’équipements culturels. Les Alpes-Maritimes et le Var sont historiquement le domaine réservé à l’Orchestre de Cannes.

Prenons un exemple emblématique à ce titre : ainsi le concert que nous avons réalisé à BANON [Alpes de Haute Provence], lieu en territoire rural dont nous avons investi le gymnase pour jouer avec un chœur éphémère [réunissant des amateurs locaux] spécialement réuni et préparé pour le programme : une pièce choisie en relation avec la Symphonie Pastorale de Beethoven. Au total nous avons joué devant 500 personnes, des spectateurs qui n’auraient probablement jamais pu écouter la Pastorale sans notre venue. Jouer ainsi dans une zone rurale pour sensibiliser un public qui éloigné des cœurs urbains, n’a pas accès naturellement à une salle de concert, produit des rencontres très fortes. Le bonheur de certains auditeurs était palpable. Cela donne tout son sens à notre mission et nous encourage à poursuivre dans cette direction.

Nous concevons nos programme à minima 2 ans à l’avance. Il s’agit de proposer la même qualité et de défendre la même exigence artistique partout, qu’il s’agisse d’un concert en cœur de ville ou comme ici dans un site improbable, un lieu non conçu pour un concert. Il est nécessaire de nous adapter aux équipements disponibles. Cela fait partie du cahier des charges.

 

CLASSIQUENEWS : Parlez-nous des autres formes artistiques qui jalonnent votre parcours hors des cadres traditionnels (ciné-concert, jazz, chanson française, genres musicaux…)

ALEXIS LABAT : Il s’agit d’explorer pour l’orchestre des esthétiques différentes, de vivre et de partager des expériences nouvelles. Ainsi notre rencontre avec Mika que nous avons accompagné lors d’un concert aux Chorégies d’Orange devant 7 000 spectateurs réunis dans le Théâtre Antique (juin 2024). Mika est inspirant, c’est un artiste complet. Cette expérience a été très enrichissante pour tous les musiciens.

Plus récemment nous avons réalisé un grand projet de musique amplifiée avec la chanteuse Néomi WESTFELD autour des chansons de Barbara et un accompagnement pour orchestre spécialement composé par Fabien CALI. Tout a été une question d’équilibre entre le son de l’orchestre et la voix de la chanteuse. Le concert donné à La Scala Provence, a été complété par la sortie d’un album. Le public pourtant non habitué aux couleurs symphoniques, a été particulièrement sensible à la séduction des chansons ainsi réorchestrées.

Même rencontre stimulante lors de notre travail avec le pianiste de jazz et grand improvisateur Paul LAY, dans un programme Gershwin. Paul Lay a associé à l’orchestre le concours de son propre Trio de jazz, sous la conduite de la cheffe et violoniste Fiona MONBET qui elle aussi, maîtrise le jazz.

Tout cela favorise la mobilité, l’ouverture ; en cassant les codes et le convenu, l’Orchestre propose de nouvelles ambiances, une nouvelle approche de la musique qui réalisent de nouvelles découvertes sonores.

 

CLASSIQUENEWS : Et votre activité comme orchestre lyrique ?

ALEXIS LABAT : L’Orchestre est aussi une formation lyrique qui dans la fosse de l’Opéra Grand Avignon assure ainsi 6 à 7 productions par saison. C’est donc une autre activité essentielle, en complément de notre travail symphonique sur le répertoire, aux côtés des productions pour les jeunes et les familles, de nos actions culturelles en région, de tous les formats que nous avons évoqué précédemment. Cette diversité écarte l’orchestre de la routine. Le travail d’opéra est évidemment spécifique : il engage en particulier les instrumentistes vers une écoute accrue ; ce qui se passe sur scène interagit avec la fosse, les déplacements et le jeu scénique, surtout la relation avec le chant et la voix…

 

CLASSIQUENEWS : Quelques mots sur la direction musicale de Débora Waldman ?

ALEXIS LABAT : Débora entame sa déjà … 5ème saison. C’est son 2ème mandat de 3 années, qui nous mène ainsi jusqu’à la fin de la saison 2025 – 2026. Les musiciens apprécient en particulier la souplesse de sa direction, son sens de l’écoute. Elle a particulièrement marqué les esprits en défendant l’œuvre de plusieurs compositrices dont Charlotte Sohy, – réalisant coûte que coûte sa fameuse symphonie inédite, composée pendant la Première Guerre mondiale. De la même manière, Débora s’est passionnée pour les œuvres de Marie Jaell ou Mel Bonis… Notre saison en cours s’achèvera avec le Requiem de Mozart (13 juin 2025), compositeur que Débora apprécie tout particulièrement.

Propos recueillis en février 2025

 

 

 

PROCHAINS CONCERTS

5 événements incontournables d’ici l’été 2025

 

 

Vendredi 4 avril 2025,  » Héritages  » / JS BACH, MENDELSSOHN, Adam Laloum, piano – Leo Margue, direction – Plus d’infos : https://www.orchestre-avignon.com/concerts/heritages/
MOZART : ZAIDE à l’Opéra Grand Avignon, les 25 et 27 avril 2025 :
https://www.orchestre-avignon.com/concerts/zaide/
REQUIEM de MOZART à l’Opéra Grand Avignon, ven 13 juin 2025
Sous la direction de Débora Waldman
https://www.orchestre-avignon.com/concerts/requiem-de-mozart/
CONCERT avec Lucienne Renaudin-Vary, trompette
Direction : Débora Waldman
L’AUTRE SCENE / VEDENE, ven 20 juin 2025
https://www.orchestre-avignon.com/concerts/lucienne-renaudin-vary/
CINÉ-CONCERT : FANTASIA de Disney,
Théâtre des CHOREGIES D’ORANGE, mar 22 juillet 2025
https://www.orchestre-avignon.com/concerts/cine-concert-fantasia-orange/

 

TOUTES LES INFOS, le détail des programmes, des actions culturelles, des artistes invités… sur le site de l’Orchestre national Avignon Provence / saison 2024 – 2025 : https://www.orchestre-avignon.com/

 

 

 

PARIS, Théâtre du Gymnase. BALLET D’JERRI de JERSEY : ven 25, sam 26 avril 2025. « Whiteout » de Marco Goecke / « Deliberate Mistake » d’Asier Edeso Eguia (créations parisiennes)

Le Théâtre du Gymnase à Paris accueille pour la première fois à PARIS, la compagnie de danseurs établie sur l’île anglo-normande de Jersey, « BALLET D’JERRI », compagnie récente (fondée en 2022) mais déjà fameuse pour son fort tempérament. La fondatrice et directrice artistique Carolyn Rose Ramsay sait cultiver la singularité insulaire, tout en élargissant un champ d’expérimentation ouvert sur le monde, en s’associant les audaces des jeunes chorégraphes internationaux. Le spectacle présenté à Paris, comprend 2 pièces incontournables dont une commande de la troupe (le tragique et poétique « Deliberate mistake »).

 

 

La première pièce au programme, WHITEOUT du chorégraphe allemand Marco Goecke, est une œuvre puissante et plutôt très physique, emblématique d’une langage chorégraphique unique – précis, complexe, avec des inserts ciselés d’humour et de mélancolie. Créée en 2008 pour Les Ballets de Monte-Carlo, le ballet a depuis été interprété par les compagnies du monde entier. D’une beauté poignante et douce-amère, elle constitue une introduction idéale au travail de l’un des plus grands noms de la danse.

 

 

DELIBERATE MISTAKE est l’une des premières créations commandées par le Ballet d’Jèrri. Réflexion poétique sur l’histoire, l’identité et la mémoire collective de Jersey dont est originaire les membres fondateurs de la troupe, la pièce s’inspire des traditions de tricot de … Jersey. Les deux co chorégraphe Asier Edeso Eguia et l’artiste Yulia Makeyeva, sur la musique originale d’Ilia Osokin, s’emparent d’une tradition marquante du milieu marin à Jersey ; ils font référence aux défauts intentionnels dans les pulls qui autrefois, permettaient d’identifier les marins disparus. De la réalité héroïque et tragique à la scène chorégraphique, le pièce réalisée pour la première fois à Paris transforme cette idée en une métaphore poignante de la fragilité et de la résilience.

La compagnie « Ballet d’Jèrri » est basée sur l’île anglo-normande de Jersey depuis 2 ans. Elle s’attache à proposer des œuvres chorégraphiques uniques et stimulantes, ancrées dans le patrimoine de l’île tout en résonnant bien au-delà de ses rivages. En s’inspirant des traditions locales, Ballet d’Jerri tisse de nouveaux champs poétiques au souffle universel.

 

____________________________
PARIS, Théâtre du Gymnase
vendredi 25 avril 2025 – 20h
samedi 26 avril 2025 – 20h
Salle Marie Bell  / Danse
Ballet d’Jèrri, la compagnie nationale de danse de l’île de Jersey, présente un programme en deux volets avec deux pièces uniques : Whiteout de Marco Goecke et Deliberate Mistake d’Asier Edeso Eguia.
PLUS D’INFOS / RÉSERVEZ VOS PLACES directement sur le site du Théâtre du Gylanse :
https://www.theatredugymnase.com/spectacles/goecke-edeso

 

programme

WHITEOUT
Chorégraphie : Marco Goecke
Musique : Bob Dylan
Lumières : Udo Haberland
Costumes : Michaela Springer

DELIBERATE MISTAKE
Chorégraphies : Asier Edeso Eguia et Yulia Makeyeva
Lumières : Chris Wink
Musique : Ilia Osokin
Costumes : Yulia Makeyeva

 

Compagnie BALLET D’JERRI, JERSEY

 

 

 

entretien

Originaire de Vancouver, ayant de briller au sein de nombreuses compagnies de danse dont le Ballet Nacional de Cuba, le Miami City Ballet, Les Ballets de Monte Carlo, ou le Norwegian National Ballet…, Caroyn Rose Ramsay présente les singularités de la Compagnie qu’elle a fondée en 2022 et dont elle assure depuis lors, la direction artistique : le ballet national de Jersey, le « D’Jèrri Ballet ». C’est aujourd’hui l’un des ballets récemment constitués parmi les plus audacieux, personnels, originaux… Pour deux soirs exceptionnels, les 25 et 26 avril 2025, la compagnie présente en première française, deux ballets particulièrement emblématiques de son travail esthétique : le très technique « Whiteout » de Maco Goecke, et surtout « Deliberate mistake » de Asier Edeso Eguia et Yulia Makeyeva… composition spécialement écrit pour la Compagnie en référence à l’histoire des marins de Jersey. Présentation, explications, enjeux

 

ENTRETIEN avec Carolyn Rose Ramsay, directrice artistique du Ballet D’Jèrri, Ballet national de Jersey, à propos de la création française du ballet « Deliberate Mistake », les 25 et 26 avril 2025

 

 

 

ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE STRASBOURG. Ven 25 avril 2025. Stravinsky : le sacre du Printemps / Mozart : concerto pour piano n°22 [Jean Lisiecki, piano], Aziz SHOKHAKIMOV, direction

Concert d’actualité à Strasbourg… De quelle façon le Printemps qui s’installe en Europe au moment des fêtes pascales a-t-il inspiré les compositeurs du XXème ? Sur le même sujet, deux compositeurs conçoivent deux pièces totalement différentes, l’une printanière fidèle à sa source picturale (Debussy) ; la seconde, délirante, révolutionnaire, et scandaleuse, exprimant dès 1913, des convulsions sauvages, destructrices et sacrificielles par lesquelles Stravinsky fait passer l’Europe dans le plein XXe, siècle des guerres et des tensions barbares…

 

PENSIONNAIRE à la Villa Médicis après son prix de Rome, Debussy s’inspire du PRINTEMPS, sublime composition du peintre de la Renaissance italienne, Sandro Botticelli ; le compositeur francais traduit musicalement le renouveau de la nature, une œuvre « étrange » pour l’institution académique qui souvent ne comprend pas la modernité des partitions qui lui sont présentées.

Quant au Sacre du printemps de Stravinski, à l’origine d’un scandale mythique, il choque une frange du public par son aspect tribal et sa violence, avant de finalement s’imposer comme chef-d’œuvre parmi les chefs-d’œuvre, exigeant des instrumentistes un engagement collectif proche de la transe.

Entre les deux, le Concerto pour piano n°22 de Mozart enchante par son lyrisme et sa profondeur tendre, source d’une humanité recouvrée qui contraste ainsi totalement avec les hurlements sanguinaires et tribaux de Stravinsky. Le toucher toute en intensité et finesse du pianiste Jean LISIECKI qui vient de publier un très convaincant récital dédié aux Préludes [Rachmaninov, Chopin…] chez DG Deutsche Grammophon. Titre critique, distingué par notre CLIC de CLASSIQUENEWS

 

____________________________________
Vendredi 25 avril 2025, 20h
Le sacre du Printemps
STRASBOURG , Palais de la Musique et des Congrès
OPS /ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE STRASBOURG
PLUS D’INFOS sur le site de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg : https://philharmonique.strasbourg.eu/
Ce concert est affiché «  complet «

 

 

Programme

Claude Debussy
Printemps, orchestration H. Büsser

Wolfgang Amadeus Mozart
Concerto pour piano n°22 en mi bémol majeur

Igor Stravinski
Le Sacre du printemps

Distribution
OPS Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Aziz SHOKHAKIMOV, direction
Jan LISIECKI, piano

 

 

Conférence d’avant-concert
Vendredi 25 avril 19h – Salle Marie Jaëll, entrée Érasme / accès libre et gratuit, dans la limite des places disponibles.  » Le Sacre du printemps : une œuvre de rupture ?  » par Diane Soulier.

 

approfondir

PLUS D’INFOS / APPROFONDIR Le Sacre du printemps de Stravinsky (Centenaire du Sacre en 2013) :

Stravinsky : Centenaire du Sacre du printemps 1913 – 2013Mezzo, les 3, 9, 17, 24 et 31 mai 2013

 

 

 

Tous les articles Sacre du printemps de Stravinsky sur CLASSIQUENEWS :
https://www.classiquenews.com/?s=sacre+du+printemps+

La critique du cd du Sacre du printemps par Philippe Jordan : https://www.classiquenews.com/cd-stravinsky-le-sacre-du-printemps-jordan-2012/

 

 

 

LIRE aussi notre critique du derneir CD «  Préludes » par le pianiste Jean Lisiecki (DG) :

CRITIQUE CD événement. JAN LISIECKI, piano. Préludes : JS Bach, Gorecki, Messiaen, Chopin (24 Préludes) – 1 cd Deutsche Grammophon

 

______________

CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, Opéra municipal, le 1er avril 2025. E. REYER : Sigurd. F. Laconi, C. Hunold, A. Duhamel, N. Cavallier… Charles Roubaud / Jean-Marie Zeitouni

Pour célébrer le centenaire de son bâtiment, l’Opéra de Marseille et son directeur Maurice Xiberras ont choisi de redonner vie à Sigurd, du compositeur marseillais Ernest Reyer, ouvrage qui eut les honneurs de la première affiche du nouveau bâtiment (art déco) inauguré en 1924, après l’incendie de l’ancien. Créée à la Monnaie de Bruxelles en 1884, l’oeuvre a connu un éclatant succès puis a sombré dans l’oubli, avant que le Festival de Radio France et Montpellier ne le ressuscite en 1993 (nous y étions…), repris deux ans plus tard dans la cité phocéenne, et plus récemment à l’Opéra national de Lorraine…

 

Dès les premières mesures, cela saute à l’oreille comme une évidence, plutôt qu’à la musique de Richard Wagner – à laquelle on l’associe un peu vite – la partition de Reyer doit bien plus au grand opéra historique à la française, Meyerbeer et Halévy en tête, ainsi qu’à la musique romantique de Weber et de Berlioz, dont maints passages semblent comme un hommage… quand ils ne sont pas des citations directes ! Si le premier acte peut paraître un peu statique, l’œuvre s’emballe ensuite, et connaît des moments magiques voire enivrants. On ne peut dénier à Sigurd de superbes qualités mélodiques, et que son auteur soit parvenu à insuffler à son ouvrage une force de conviction et des accents de sincérité qui balaient tout sur leur passage – et qui ne demandaient qu’à être redécouverts, pour le plus grand bonheur d’une audience, certes clairsemée, mais qui a fait un triomphe à l’équipe artistique au moment des saluts. 

Représenter Sigurd n’est pas une entreprise aisée, mais Charles Roubaud relève ici le défi avec brio. Sa mise en scène, d’une élégante sobriété, repose sur une scénographie dépouillée, agrémentée de projections vidéo discrètes et d’un éclairage subtil. Autour de lui, une équipe talentueuse donne vie à cette vision : Emmanuelle Favre imagine une architecture minérale, tandis que Julien Soulier crée un décor virtuel, à la fois poétique et dynamique – forêt verdoyante, brumes hivernales, apparitions fantomatiques, flammes surgissant des eaux au son du cor d’Odin, ou encore montagnes hostiles. Jacques Rouveyrollis sculpte la lumière avec précision, accompagnant les trois heures et quart du spectacle. Les costumes de Katia Duflot jouent sur les contrastes, mêlant chevalerie médiévale et modernité du XXe siècle : manteaux austères et casquettes militaires pour les soldats, évoquant une ambiance fascisante, tandis que les femmes portent des robes scintillantes, ornées de perles et surmontées de chapeaux cloches. La direction d’acteurs, volontairement épurée, évite toute psychologie superflue, privilégiant la grandeur mythique. La mise en scène, d’une grande clarté narrative, souligne chaque moment clé – comme la fameuse coupe empoisonnée – en parfaite synchronicité avec la musique et les jeux de lumière. Les mouvements, précis et expressifs, servent le drame sans fioritures, renforçant sa puissance tragique. Le final s’achève dans un effondrement progressif de rochers, laissant place à une nuée gris-rose, évoquant le Crépuscule des dieux wagnérien (tout en soulignant bien ici que l’ouvrage de Reyer lui soit antérieur…).

 

 

Pour retrouver son impact public, Sigurd supposait de grandes voix, de très grandes voix. Les rôles principaux nécessitent une largeur de ton, une grandeur tragique, seules susceptibles d’élever les personnages à leur niveau de légende. Le pari a été entièrement relevé à Marseille, grâce au flair sans pareil de Maurice Xiberras. Le rôle-titre est écrit pour un fort ténor, à la fois héroïque et exigeant un vrai legato, appelant un médium nourri et un aigu conquérant. Et tout cela avec la grande déclamation propre aux héros français. Seul un Alagna, un Spyres ou encore un Florian Laconi, retenu ici pour incarner Sigurd, pouvait s’y risquer, et le moins que ‘on puisse dire, c’est que le ténor messin se tire vaillamment de cette écriture impossible : l’extrême aigu sonne brillamment, et le chanteur réalise une excellente performance, affichant un médium sonore, des notes élevées de belle facture, un louable souci de la ligne et une diction parfaite. Dans le rôle de Brünhilde, notre soprano dramatique « nationale » Catherine Hunold ne comble pas mins l’audience avec son incomparable diction, sa musicalité sans faille, sa voix ample et tranchante à la fois, son medium corsé, sa présence magnétique enfin. Son grand air du IV, “O palais radieux de la voûte étoilée” nous a donné le frisson, de même que les deux magnifiques duos qui suivent, d’abord un tumultueux avec sa sœur Uta, puis un autre évanescent avec Sigurd.

Avec son grain de voix typique, Alexandre Duhamel (Gunther) impressionne par la puissance et l’arrogance de ses moyens, et l’on fera le même compliment à la basse de Nicolas Cavallier (Hagen), avec un sens de la ligne que l’on admire toujours autant chez ce chanteur. La jeune soprano française Charlotte Bonnet confère à la fois beaucoup de fragilité et de détermination au personnage de Hilda, avec une voix possédant tout l’émail pour donner tout son poids aux imprécations du IV, “Frappe ! Que de tes mains je tombe aussi percée”, qui font penser à celles d’Ortrud dans Lohengrin. Aucune réserve non plus vis-à-vis de la mezzo Marion Lebègue qui impose au personnage d’Uta son tempérament volcanique et ses graves sonores. Même remarque pour le Barde de Gilen Goicoechea qui enchante dans sa (trop) courte intervention du II “Ondin, Dieu farouche et sévère” : couleur de la voix, noblesse de l’émission, et autorité du timbre, le baryton basque possède plus d’un atout. A leur côté, le baryton nîmois Marc Barrard apporte toute sa faconde au Grand-Prêtre d’Ondin, tandis que ses camarades Jean-Vincent Blot (Ramuc), Marc Larcher (Irnfrid), Kaëlig Boché (Hawart) et Jean-Marie Delpas (Rudiger) convainquent dans leur partie respective. 

Le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra de Marseille ne sont pas en reste, et s’avèrent dignes de tous les éloges. Le premier éblouit par son homogénéité, sa précision et son engagement, tandis que le second, sous la direction amoureuse et passionnée de Jean-Marie Zeitouni, fait étalage d’une riche palette sonore – avec des cordes crépitantes, des cuivres infaillibles et des bois virevoltants – qui donne maintes fois le frisson.

Une grande soirée lyrique à l’Opéra de Marseille !

 

 

 

________________________________________________
CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, Opéra municipal, le 1er avril 2025. E. REYER : Sigurd. F. Laconi, C. Hunold, A. Duhamel, N. Cavallier… Charles Roubaud / Jean-Marie Zeitouni. Crédit photographique © Christian Dresse

 

TOP LYRIQUE AVRIL 2025 : France et Europe. Récitals, productions à ne pas manquer en avril 2025

Top opéra en France – Nos 4 événements lyriques à ne pas manquer dans l’Hexagone, à partir d’avril 2025

 

 

 

OPÉRA DE MASSY
Mozart : La Clémence de Titus
Les 5 et 6 avril 2025
La clémence de Titus de Mozart sur instruments d’époque et avec les jeunes chanteurs d’Opera Fuoco, la troupe engagée incluant une promotion de jeunes chanteurs sous la direction de l’excellent chef David Stern : https://www.classiquenews.com/opera-de-massy-les-5-et-6-avril-2025-mozart-la-clemence-de-titus-opera-fuoco-david-stern/
Plus d’infos, lire notre présentation de Titus de Mozart à l’opéra de Massy : https://www.classiquenews.com/opera-de-massy-les-5-et-6-avril-2025-mozart-la-clemence-de-titus-opera-fuoco-david-stern/

 

PARIS – OPÉRA COMIQUE
Clara Olivares : Les Sentinelles
Les 10, 11, 13 avril 2025
Plus d’infos lire notre présentation :
https://www.classiquenews.com/paris-opera-comique-clara-olivares-les-sentinelles-les-sentinelles-les-10-11-13-avril-2025/

 

CLERMONT-FERRAND – CLERMONT AUVERGNE OPÉRA
SOPHIE LACAZE : L’ÉTOFFE INÉPUISABLE DU RÊVE
Jeudi 17 avril 2025
Plus d’infos, lire notre présentation :
https://www.classiquenews.com/clermont-auvergne-opera-jeu-17-avril-2025-sophie-lacaze-letoffe-inepuisable-du-reve-eoc-ensemble-orchestral-contemporain-bruno-montovani-direction/

 

OPÉRA NATIONAL DE PARIS
VERDI : DON CARLOS – Le grand retour de l’opera italien le plus français, Don Carlos, version originale, chantée en français donc, avec un casting stellaire et une prise de rôle pour Christian Van Horn. Charles Castronovo reprends le rôle-titre qu’il connait tant et pour lequel il a donné déjà beaucoup de représentations. Et la très engagée Marina REBEKA [Elisabetta aimée de Carlos mais que le père de ce dernier a épousée] assure le rôle féminin, également une première.
Jusqu’au 25 avril 2025
Plus d’infos directement sur le site de l’opéra de Paris : https://www.operadeparis.fr/

 

 

Top 3 opéra en Europe

Sélection lyrique opérée avec notre partenaire OPERA DIARY

 

OPÉRA DE BÂLE
TURANDOT – Prise de rôle pour Mane Galoyan à l’Opéra de Bâle, et mise en scène par Christof Loy, habitué à casser les codes. Turandot est  le spectacle à voir pour la saison 2024 / 2025 à Bâle. C’est assurément le temps fort de sa saison en cours
Jusqu’au 1er juin 2025
Plus d’infos directement sur le site de l’Opéra de Bâle : https://www.theater-basel.ch/fr/turandot

VIENNE / WIENER STAATSOPER
ANDREA CHENIER – Casting 5 étoiles assurée par Michael FabianoLuca Salsi et Sonya Yoncheva sous la baguette de Pier Giorgio Morandi, et sur une mise en scène d’Otto Schenk qui a illuminé la scène viennoise depuis des dizaines d’années de mise en scène grandiose, ca promet !
Jusqu’au 12 avril 2025
Plus d’infos directement sur le site du Wiener Staatsoper : https://www.wiener-staatsoper.at/en/calendar/detail/andrea-chenier/2025-04-15/

BERLIN STAATSOPER
La NORMA qu’affiche l’Opéra unter den linden de Berlin en avril [du 13 avril au 13 mai 2025] promet d’être marquante grâce aux débits dans le rôle titre, vrai grand défi bellinien de la soprano que tout le monde attend désormais, Rachel Willis Sorensen

Plus d’infos directement sur le site de l’opéra de Berlin : https://www.staatsoper-berlin.de/en/veranstaltungen/norma.15538/#event-89014

 

 

 

avec OPERA DIARY

CD événement, critique. SALIERI : CUBLAI, 1788. Première intégrale de la version italienne originale. Marie Lys, Ana Quintans, Lauranne Oliva, Fabio Capitanucci, Giorgio Coaduro… Choeur de chambre de Namur, Les Talens Lyriques / Christophe Rousset, direction (2 cd APARTÉ- juillet 2024)

Enregistré en juillet 2024, soit il y a presque un an, le dramma eroicomico en 2 actes, « CUBLAI » de Salieri, créé en 1788, reprécise l’orientation lyrique du compositeur officiel à la Cour des Habsbourg, sous le règne de Joseph II. Le compositeur vient de se fâcher avec Da Ponte et travaille avec le librettiste acquis aux idéaux des Lumières, Casti, déjà approché et co auteur d’une premier accomplissement : « la Grotta di Trofonio » (1785), immense succès, et déjà joué / enregistré par Les Talens Lyriques.

 

 

 

En liaison avec les valeurs défendues par Casti, Cublai est en réalité une vive critique de Pierre Ier de Russie, son pouvoir autocratique, dans une langue vive, acérée, dont les formules courtes et affûtées renforcent encore la vivacité rythmique de la partition. Outre la satire du pouvoir, Casti développe aussi la critique d’un peuple barbare, d’une sauvagerie primitive… et qu’il convient de rééduquer. L’écrivain très incisif sera nommé en 1794, poète impérial (poeta cesareo, à la succession de l’immense Metastase), par François II, avant de quitter Vienne en 1796 (pour jacobinisme !).

Salieri compose la musique de Cublai dès l’été 1786 quand à Paris, il fait représenter Les Horaces et collabore avec Beaumarchais pour son Tarare, chef d’oeuvre également inspiré des Lumières (également enregistré par Les Talens Lyriques, 2 cd Aparté). En réalité, en 1788, en pleine guerre des turcs contre le Russie de Catherine II, alors aidée par le Habsbourg Joseph II, l’opéra tartare Cublai ne pouvait être représenté. D’autant que son esprit satirique ciselé expose avec piquant, l’immoralisme des orientaux, leurs défauts, leurs ignominies. En réalité, Salieri va très loin musicalement, osant une caractérisation jamais vu auparavant : les colères et l’humeur instable de Cublai.

 

 

Un nouveau Salieri révélé
le chaînon manquant entre Mozart et Rossini

La veine de l’ouvrage est essentiellement comique et d’une vivacité psychologique percutante. L’empereur Tartare qui règne sur la Mongolie, Cublai est un despote grossier et fat, un personnage outrancier et souvent ridicule ; c’est aussi le cas de 3 caractères qui sont sans réserve propres au registre buffo : ainsi le personnage d’Orcano (l’ordonnateur des cérémonies tartare), surtout les deux aventuriers italiens qui à la Cour de Cublai, défendent avec art et truculence, les valeurs occidentales, d’éducation et de justice selon l’esprit des Lumières : ainsi, après leurs premiers airs et cavatines d’exposition, les personnages de Memma et Bozzone, tirent les ficelles : la première – très proche dans l’esprit de la Despina mozartienne, mène par le bout du nez, l’héritier désigné, Lipi (impeccable Lauranne Oliva), prince ado, candide brut et encore mal dégrossi (aussi illégitime qu’inconséquent, ici chanté par un soprano et manipulé par Posega) ; Memma est surtout manipulatrice de Cublai lui-même, brute à polir, aussi barbu que… barbare ;
le second Bozzone, assure en conseiller avisé, et mentor-philosophe plein de bon sens, l’éducation du vrai prétendant, moralement digne : Timur. Ceci vaut trio et duos dont les Talens lyriques savent exprimer avec grande finesse, la verve et les rebonds comiques. Salieri se montre très inspiré par la veine comica qu’il double avec subtilité d’une charge puissamment satirique. En revanche les rôles des amants éprouvés mais bientôt triomphaux, Timur et Alzima, relèvent de l’opéra seria (cf. leurs airs avec coloratoure).

Salieri soigne ainsi la grande diversité des formes … flexibles et qui s’entremêlant, produisent un flux vocal et dramatique d’une grande séduction expressive : airs courts, cavatines, entrecoupés de récitatifs aussi vivants et même mordants que le Sinsgpiel. En cela tous les chanteurs veillent à l’articulation nuancée, active de leurs récitatifs, d’autant que la sensibilité, contrastée et fluide de l’orchestre, n’est pas en reste. Du reste le génie surprenant de Salieri se manifeste aussi dans la combinaison structurelle des séquences, leur enchaînement contrasté, souvent inattendu qui crée une vivacité de rythme et de ton… superlative.

Ainsi la succession (au II) de l’air héroïque d’Alzima (avec coloratoures : « Fra i barbari sospetti ») suivi immédiatement de l’air de l’enfant Lipi (qui parodie des manœuvres militaires avec ses poupées) que jalonne les airs intégrés de son « mentor », le manipulateur Posega (au pathétisme vengeur). La diversité des registres renoue avec le mélange des genres de l’opéra vénitien du XVIIè.

La haute tenue des interprètes souligne en cours d’action la fine caractérisation de chaque protagoniste et cette épaisseur nouvelle, – mozartienne, dont est capable Salieri dans une savoureuse galerie de portraits. Ainsi l’excellent Fabio Capitanucci en Orcano dont l’abattage, le sens du texte font mouche, d’autant que dans son grand air »M’inganno, se vedo », la personnalité se pare d’une vérité nostalgique… absente jusqu’alors.
Le second acte préfigure la motricité d’un Rossini dans l’intégration géniale des ensembles, plus nombreux que les airs isolés : 1 terzetto, 2 duettos (dont celui savoureux de Posega et de Lipi), 2 quartettos, dont le second est la pièce maîtresse de ce festival théâtralement spectaculaire et savoureux (« Ti procuro e regno e sposo » / soit l’air le plus long, dépassant les 5mn). Salieri y déploie une pétillante intelligence des genres, associant les couples nobles et les astucieux finement manipulateurs soit Timur et Alzima, Bozzone et Memma….
Le Bozzone de Giorgio Coaduro articule ses airs avec une gourmandise pétillante ; sa fidèle comparse prête à toute les astuces Memma profite du chant souple et très expressif de la soprano Ana Quintans. Souvent éperdue, l’Alzima de Marie Lys n’en perd pas moins l’agilité de ses airs brillantissimes et virtuoses (le n°30 déjà cité : « Fra i barbari sospetti »).
Les duos ainsi habilement troussés regorgent de vitalité comique grâce à cet esprit des contrastes que rehaussent les chanteurs. Toute la réalisation pétille ; elle a la finesse de Mozart et la verve déjà d’un Rossini.

Dans la lignée de son travail sur l’opéra italien, seria napolitain, de Jommelli, Traetta à Salieri ainsi, Christophe Rousset se révèle grand ambassadeur de la lyre opératique si mouvante au cours des années 1780, à l’époque des grandes innovations de Mozart à Vienne ; soulignant dans ce sens combien l’art évolutif d’un Salieri fut tout aussi décisif. Ce théâtre regorge de vitalité heureuse, séditieuse, impertinente ; sa joie rythmique, ses audaces, ses irrévérences (Cublai trop moderne ne put jamais être représenté), sont d’autant plus délectables qu’ils servent un livret parmi les plus finement satiriques voire loufoques et délirants. Il revient au mérite des interprètes d’avoir compris ces enjeux, en nous gratifiant d’une réalisation jubilatoire.

 

 

 

_____________________
CD événement, critique. SALIERI : CUBLAI, 1788. Première intégrale de la version italienne originale. Marie Lys, Ana Quintans, Lauranne Oliva, Fabio Capitanucci, Giorgio Coaduro… Choeur de chambre de Namur, Les Talens Lyriques / Christophe Rousset, direction – 2 cd APARTÉ (première mondiale, publication annoncée le 25 avril 2025) –
CLIC de CLASSIQUENEWS

 

 

 

 

LIRE aussi notre présentation annonce du cd événement CUBLAI par Les Talens Lyriques / Christophe Rousset (3 cd Aparté) : https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-cublai-le-chef-doeuvre-de-salieri-ressuscite-par-les-talens-lyriques-et-christophe-rousset-premiere-mondiale-publication-annoncee-le-25-avril-2025/

 

CD événement, annonce. CUBLAI : le chef-d’œuvre de SALIERI ressuscité par Les Talens Lyriques et Christophe Rousset (première mondiale, publication annoncée le 25 avril 2025)

 

 

 

autres cd SALIERI par Les talens Lyriques critiqués sur CLASSIQUENEWS :

Les HORACES (oct 2018) : https://www.classiquenews.com/cd-critique-salieri-les-horaces-les-talens-lyriques-2-cd-aparte-2016/

TARARE (mai 2019) : https://www.classiquenews.com/cd-critique-salieri-tarare-talens-lyriques-2018-3cd-aparte/

LIRE aussi LA SCUOLA DE’GELOSI, Venise, 1778 / Werner Ehrhardt , L’Arte del mondo (DHM, 2015) : CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2017 / un joyeux marivaudage prémozartien de 1778 : https://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-salieri-la-scuola-degelosi-werner-ehrahardt-3-cd-dhm-2015/

 

VENISE. LA FENICE AVENIRE, JEAN TUBÉRY : Musiques du Seicento Italien… Palazzo Grimani, samedi 12 avril 2025

Jean Tubéry et son ensemble sur instruments historiques, La Fenice aVenire, célèbrent le temps pascal et proposent ce programme vénitien prometteur, ce samedi 12 avril 2025, la veille de la grande Festa delle Palme, chaque dimanche des Rameaux. Le concert a lieu comme à l’époque où Venise savait organiser de somptueux événements artistiques, dans le prestigieux PALAZZO GRIMANI.

 

 

Le programme « Passaggi da Napoli a Venezia » propose une véritable croisière musicale dans l’Italie baroque : Naples, Venise, Rome, Florence, Bologne ou Mantoue, en sont les escales annoncées, autant de capitales culturelles du « Seicento »* pour un parcours enchanteur entre mer Tyrrhénienne et Adriatique. La diversité des styles et la variétés des formes musicales clarifient l’éblouissante activité artistique dans l’Italie du XVIIè…

On y longera les fleuves du Tibre, de l’Arno, du Pô… ; l’on suivra le parcours du maestro Claudio Monteverdi, génie de l’Italie baroque, jusqu’à la « cité miracle » : Venezia, depuis la Mantova ~ Mantoue de sa jeunesse, une « deuxième Venise » selon Montesquieu.

 

 

______________________________
La Fenice aVenire
Jean Tubery, direction
VENISE, Palazzo Grimani,
Samedi 12 avril 2025, 16h30

 

 

 

 

CANZONI, BALLI & CIACCONE… Les auditeurs qui y ont entendu ces musiques enchanteresses, appartenaient souvent à l’élite patricienne : de la chapelle papale au palais des doges, en passant par les Médicis de Florence, la Seigneurie de Bologne, les ducs et duchesses de Mantoue… Pour autant, le peuple n’en jouait et n’en écoutait pas moins de la belle et bonne musique. Dans les églises et cathédrales ouvertes à tous, à l’occasion de toutes les grandes fêtes liturgiques de l’année ; mais encore sur les places, par les ruelles ou sous les tonnelles, où la bonne chère et la « dolce vita » s’accompagnait de « Canzoni, Balli & Ciaccone »…

 

AIRS POPULAIRES & MUSIQUES SAVANTES… Entre musiques savantes écrites sur les mélodies populaires et musique populaire aux rythmes savants, la musique vocale et instrumentale rythme ainsi la journée de tout un peuple, au son du plus modeste flûtiau du pâtre… à celui des plus riches orgues des papes… Natif d’Italie, le violino / violon se partageait alors la partie de dessus (soprano) avec son alter-ego le « cornetto », que les français appelaient alors « cornet à bouquin » (de « bocchino », l’embouchure). Jean Tubéry expert virtuose dans l’art de faire chanter le cornet révélera au cours de ce programme les délices sonores de l’instrument désormais emblématique de la Venise baroque, celle qu’a connu et aimé Monteverdi, qui l’utilise d’ailleurs dans toutes ses partitions, le mêlant habilement à l’ivresse des voix…
Violon et cornet allaient tous deux de pair avec la « basso di violino » ou « violone », devenu « violoncino » puis « violoncello » (le « petit violone »)… A ces instruments mélodiques de prédilection se rajoutaient les harmonies des orgues, des clavecins, théorbes et guitares… selon qu’il fallait faire chanter, jouer, danser ou prier leurs concitoyens, italiens et italiennes…

A ce concert sous forme de « Navigatio italica », nous convie aujourd’hui « La Fenice aVenire », dédié à ce répertoire et fondé en 1990 par Jean Tubéry. Le maestro et cornettiste virtuose déploie aujourd’hui une expérience musicale riche de quatre décennies de pratique et d’enseignement qu’il transmet à la nouvelle et talentueuse génération de musiciens. Toutes les générations y partagent à ses côtés, la même passion pour la fascinante musique du « Seicento italiano » / le premier baroque ou XVIIème siècle italien.

PLUS D’INFOS et SOUTENIR LA FENICE aVENIRE :
https://www.helloasso.com/associations/la-fenice-avenire/collectes/concert-de-la-fenice-avenire-au-palazzo-grimani-a-venise-le-12-avril-2025

 

 

 

CD annonce. MUSIC FOR VIOLON & PIANO, The franco-belgian Album : Vieuxtemps, Franck, Fauré, Saint-Saëns… Bruno Monteiro (violon) / João Paulo santos (piano) – 1 cd ET’CETERA

Passionné par la littérature romantique française, le violoniste BRUNO MONTEIRO poursuit ici sa quête exploratrice ; d’autant plus engagé qu’il réalise un nouvel enregistrement avec un complice de longues années (et partenaire familier au concert), le pianiste João Paulo Santos : les deux ont déjà enregistré plusieurs albums. Le programme regroupe 4 compositeurs français et belges, …

 

 

… chacun au romantisme assumé, sous l’influence du plus grand d’entre eux, en particulier de César Franck (1822- 1890), né en Belgique comme Henri Vieuxtemps (1820-1881) dont la grande Sonate opus 12 de 1843, ambitieuse partition de 40 mn, écrite par un violoniste virtuose de 22 ans, ouvre le cycle. L’œuvre est d’autant plus intéressante (entre autres, très belle respiration et legato ample du « Largo, ma non troppo » / III), qu’elle reste trop rare, injustement méconnue des interprètes… comme l’Andantino quietoso (1843) et « Mélancolie » (1890) de César Franck, cette dernière, d’une très fine inspiration destinées à son frère violoniste, Joseph Franck.

Aux côtés de ces perles (enfin révélées), les deux complices ajoutent deux tempéraments français parmi les plus enivrés, Camille Saint-Saëns et Gabriel Fauré : Berceuse enchanteresse pour le second ; surtout « Élégie » pour le premier qui fut un globe-trotteur régulier : entre ivresse facétieuse et séduction ciselée, Saint-Saëns la compose lors de l’Exposition internationale Panama-Pacifique, à San Francisco, en Californie (1915). Un autre défi technique et musical pour les deux interprètes.
Le programme défriche et explore, berce et captive ; en s’appuyant sur la complicité intuitive des deux musiciens, il éclaire le propre des auteurs belges et français au XIXè, souvent d’une sincérité recréative, entre suprême élégance, tendresse intime et souriante, gravité allusive voire rêveuse nostalgie. Prochaine critique complète sur CLASSIQUENEWS

 

_________________________________
MUSIC FOR VIOLON & PIANO, The franco-belgian Album : Vieuxtemps, Franck, Fauré, Saint-Saëns… Bruno Monteiro (violon) / João Paulo santos (piano) – 1 cd Et’cetera – enregistré en juillet 2024

 

 

« THE FRANCO-BELGIAN ALBUM »
HENRI VIEUXTEMPS [1820-1881]
Grande Sonata for Piano and Violin in D Major Op.12
1] Allegro assai
2] Scherzo (Allegro vivace) 3] Largo, ma non troppo 4] Allegro vivo
CÉSAR FRANCK [1822-1890]
5] Andantino quietoso Op.6 6] Mélancolie
GABRIEL FAURÉ [1845-1924]
7] Berceuse Op.16
CAMILLE SAINT-SAËNS [1835-1921]
8] Élégie Op. 143
CAMILLE SAINT-SAËNS/EUGÈNE YSAŸE [1858-1931]
9] Caprice d’après l’Etude en forme de Valse Op.52
Bruno Monteiro violin João Paulo Santos piano

 

 

 

précédents cd de Bruno Monteiro critiqués sur CLASSIQUENEWS : https://www.classiquenews.com/?s=monteiro

Accueil

le dernier cd
CRITIQUE CD. 20th CENTURY AND FORWARD : Elgar, Debussy, Ravel, Barbosa, Moody… Bruno Monteiro (violon), João Paolo Santos (piano) – 1 cd Et’cetera (juin 2024)
https://www.classiquenews.com/critique-cd-20th-cetury-and-forward-elgar-debussy-ravel-barbosa-moody-bruno-monteiro-violon-joao-paolo-santos-piano-1-cd-etcetera/
Jamais en manque d’un nouveau défi, le violoniste Bruno Monteiro sait toujours nous surprendre, sachant associer comme ici des tempéraments qui font crépiter son instrument. Le jeu est d’autant plus expressif et riche que l’instrumentiste trouve en João Paolo Santos, le pianiste idéal, un complice subtil et très engagé.

CRITIQUE CD. 20th CENTURY AND FORWARD : Elgar, Debussy, Ravel, Barbosa, Moody… Bruno Monteiro (violon), João Paolo Santos (piano) – 1 cd Et’cetera.

 

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Élysées, le 28 mars 2025. MASSENET : Werther. B. Bernheim, M. Viotti, J-S. Bou, S. Hamaoui… Christof Loy / Marc Leroy-Calatayud

Exemplaire Werther de Jules Massenet que donne en ce moment le Théâtre des Champs-Élysées pour une série de 6 représentations ! Exemplaire d’abord en cela qu’il est un drame en musique pleinement assumé, où l’on ne perd pas un mot des chanteurs, de l’impeccable couple de protagonistes aux silhouettes bouffonnes des deux ivrognes, en passant par les brillants très jeunes solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Exemplaire aussi par le choix d’un Werther et d’une Charlotte idéalement appariés, vocalement et scéniquement, qui rayonnent chacun à leur manière : soleil généreux d’une soirée de fin d’été pour elle, soleil noir de la mélancolie pour lui.

 

 

Marina Viotti est en effet une Charlotte d’un équilibre souverain, qui élabore patiemment sa mue de grande sœur aimante en épouse modèle puis en femme passionnée. Sa voix chaleureuse s’épanouit sur toute la tessiture, doublée d’une présence scénique d’un évident naturel. Difficile de croire qu’il s’agit là de sa première interprétation du rôle ! Benjamin Bernheim est quant à lui un Werther résolument ténor, juvénile et solaire, réussissant la quadrature du cercle par l’alliance des contraires : voix mixte subtilement dosée ou aigus de poitrine d’une puissance et d’une sûreté éclatantes ; chant à fleur de peau, tout d’émotion contenue (« Oui, c’est moi ! Je reviens »), lyrisme ravageur dans les élans amoureux du premier acte ou dans les vers d’Ossian. Bref, deux incarnations qui tutoient l’idéal et sont saluées chacune au 3e acte par des applaudissements spontanés d’une salle qui n’a pas pu réfréner plus longtemps son enthousiasme.

Autour d’eux, Jean-Sébastien Bou campe un Albert ambigu et complexe, très tenu vocalement, d’une blessure que la mise en scène exhibe. Il évolue sur une ligne de crête, où il manque à chaque pas de basculer dans la jalousie, la violence ou la folie. Également valorisée par la mise en scène, Sandra Hamaoui est une Sophie mutine, mais d’un timbre plus gourmand que les coloratures habituées au rôle : le sucre glace de son « air du rire » a comme un goût d’amertume. Les entourent de leur bonhomie un peu fruste, le bailli efficace de Marc Scoffoni et les Johann et Schmidt comiquement avinés de Yuri Kissin et Rodolphe Briand, excellents l’un comme l’autre.

À la tête des Siècles, Marc Leroy-Calatayud dirige Werther comme une grande arche, se délectant des sonorités typées de son orchestre historiquement informé. Dans l’acoustique toujours un peu sèche du Théâtre des Champs-Élysées, tout ressort plus crûment : la poésie suspendue de la nuit amoureuse du premier acte, les accords descendants et glacés de l’air des lettres, comme l’envoûtante mélopée du saxophone de l’air des larmes.

Étrenné à la Scala de Milan l’année dernière, le dispositif unique imaginé par Christof Loy et Johannes Leiacker (scénographie) est d’une froide efficacité. L’espace scénique est envahi par un immense mur tapissé évoquant un intérieur bourgeois et corseté, au milieu duquel trône une double porte coulissante qui laisse deviner un jardin d’hiver ouvrant lui-même sur un véritable jardin. Trois espaces symboliques donc : le proscenium, long couloir peu meublé où évolue Werther ; le jardin d’hiver, à peine entrevu, où le héros entrevoit (et idéalise) la vie de famille du bailli ; l’extérieur lointain, où se lit le passage des saisons et la glaciation progressive de l’intrigue. Une direction d’acteur soignée rend l’action parfaitement lisible ; elle semble parfois faire de Werther un jumeau d’Onéguine. La mise en scène ne s’éloigne délibérément du livret qu’au moment du suicide : muni des pistolets d’Albert, Werther franchit pour la première fois la double porte. Il en revient après l’interlude orchestral, se dressant comme un spectre, avant de s’effondrer, puis de se redresser, et ainsi de suite, ad libitum. Étrange agonie, à dire vrai, même pour le spectateur lyrique accoutumé aux morts lentes et bavardes. Mais pas de quoi faire dévier Marina Viotti et Benjamin Bernheim de leur trajectoire mémorable, justement ovationnée aux saluts par une salle conquise.

 

 

 

______________________________

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Élysées, le 28 mars 2025. MASSENET : Werther. B. Bernheim, M. Viotti, J-S. Bou, S. Hamaoui… Christof Loy / Marc Leroy-Calatayud. Crédit photographique © Vincent Pontet

 

 

CRITIQUE, spectacle. PARIS, Sainte-Chapelle, 3ème Festival Opéra, Lyric & Co, le 30 mars 2025. Bach & the Future avec Myriam Ould-Braham, danseuse-étoile et Mickaël Lafon, sujet, membres du Ballet de l’Opéra National de Paris, KLASSIK Ensemble.

Pour son concert inaugural, le 3è Festival OPERA LYRIC & CO (à l’affiche parisienne jusqu’au 1er mai 2025) s’ouvre magistralement dans l’écrin spectaculaire et inoubliable de la Sainte-Chapelle au coeur de l’île de la Cité à Paris. Imaginé et sublimé par les choix artistiques du producteur Yann Harleaux (- comme il l’a parfaitement développé dans l’éditorial qui vaut intention générale, en ligne sur le site dédié du festival parisien / EUROMUSIC), cette édition se construit sur la thématique poétique des « Miroirs » ; un jeu de dialogue et d’échanges concertés qui magnifie l’apport des deux parties ainsi cultivées dans une dynamique complémentaire …

photos © Mélanie Florentina photgraphe

 

 

 

 

 

C’est évidement le cas de l’écrin patrimonial de la Sainte-Chapelle, édifiée pour le premier ensemble palatial des rois de France, par Saint-Louis au XIIIè ; la boîte somptueuse, de pierre et de verre, couverte de vitraux colorés translucides et d’une hauteur vertigineuse dialogue de façon générique ainsi avec la musique et ce soir, avec la danse…
Deux danseurs issus du Ballet de l’Opéra National de Paris se prêtent au jeu des échos suggestifs, des filiations et des équivalences secrètes, souvent fécondes en images, figures, sensations des plus oniriques : Myriam Ould-Braham, danseuse-étoile, et Mickaël Lafon, sujet.
Les arcatures, les décors en arêtes vives comme le chatoiement des couleurs des murs de lumière de la fabuleuse chapelle palatine inspirent le geste inspiré des instrumentistes (5 musiciens chevronnés, tous joueurs de cordes, soit un quatuor augmenté d’un violon supplémentaire formant le dénommé » KLASSIK Ensemble »). La formidable acoustique projette idéalement chaque nuance, chaque phrasé, lesquels, dans une telle enceinte féerique, vibre tout à fait autrement, comparé à une salle de concert.
D’autant que chaque musicien placé dans une niche et comme s’il faisait partie du décor architectural, semble participer à l’action d’un polyptique musical grandeur nature. De quoi transformer dès les premières mesures du concert, la Sainte-Chapelle, telle une fabuleuse boîte à musique.

Ce décor étant planté, le programme commence par l’arrivée des musiciens depuis le fond de la salle vers l’autel aux rythmes prenants des Indes Galantes de Rameau, tambourin à l’appui. Puis le couple des danseurs ouvre le bal dans un duo ondulant et suspendu qui multiplie les extensions et les ports de bras selon la signature du Ballet parisien, entre élégance et grâce, précision et fluidité ; les corps s’éloignent, fusionnent, dialoguent, portés à l’avenant, sur l’un des Brandebourgeois de JS Bach ; puis les instrumentistes enchaînent plusieurs pièces purement instrumentales qui sont aussi des danses parmi les plus entraînantes, signées Piazzolla, ou Tchaïkovsky (plusieurs extraits de Casse Noisette).
L’un des points forts de ce programme bien équilibré est le solo du danseur, torse nu, dans un langage contemporain, évoluant en arabesques, tensions et détentes, avec un sens de l’équilibre et de l’apesanteur toujours étonnamment contrôlé. D’autant plus extatique et même contemplatif que Mickaël Lafon évolue sur une transcription à 5 du fameux Aria préliminaire, à la fois calme et voluptueux, qui amorce le cycle des Variations Goldberg du même Bach : instant magique dont le flux magicien a cette capacité de suspendre le temps.

 

 

Le duo des danseurs se recompose enfin ; ils dessinent dans l’espace même de l’architecture, des lignes fugaces, éphémères, ouvertes puis fermées, autant de figures d’une géométrie imaginaire dont la dynamique ténue dialogue directement avec les proportions et la divine harmonie de la Sainte-Chapelle. En miroir, Myriam Ould-Braham réalise ensuite un solo en tutu blanc, cygne renouvelé pour une danse dont la tenue élégantissime semble sur l’or des arches gothiques, ressusciter l’enchantement de tant de ballets romantiques néo gothiques : c’est à nouveau un accomplissement personnel, qui dévoile aussi une partie du fabuleux tempérament artistique de la Ballerina, grâce et expression fusionnées. L’expérience est unique dans un cadre aussi sublime.

 

Bien d’autres événements de musique vous attendent jusqu’au 1er mai prochain, alliant voix et instruments comme autant de jalons d’un rituel musical et artistique, désormais incontournable à Paris, au cœur de son quartier historique.

 

 

___________________________________
CRITIQUE, spectacle. PARIS, Sainte-Chapelle, 3ème Festival Opéra, Lyric & Co, le 30 mars 2025. Bach & the Future avec Myriam Ould-Braham, danseuse-étoile et Mickaël Lafon, sujet, membres du Ballet de l’Opéra National de Paris, KLASSIK Ensemble / toutes les photos © Mélanie Florentina photgraphe

 

 

 

LIRE aussi notre présentation du spectacle Bach & the Future avec Myriam Ould-Braham, danseuse-étoile et Mickaël Lafon, sujet du Ballet de l’Opéra National de Paris :
https://www.classiquenews.com/paris-sainte-chapelle-dim-30-mars-2025-bach-the-future-3eme-festival-opera-lyric-co-myriam-ould-braham-mikael-lafon/

PARIS, SAINTE-CHAPELLE, dim 30 mars 2025. Bach & the Future (3ème Festival « OPÉRA LYRIC & CO »). Myriam Ould-Braham, Mikaël Lafon…

 

 

Festival Festival OPÉRA LYRIC &CO 2025 « Miroirs » / du 30 mars au 1er mai 2025 :

LIRE aussi notre présentation du Festival OPÉRA LYRIC &CO 2025 « Miroirs » / du 30 mars au 1er mai 2025. Myriam Ould-Braham, Arielle Dombasle, Marine…
https://www.classiquenews.com/paris-sainte-chapelle-festival-opera-lyric-co-du-30-mars-au-1er-mai-2025-myriam-ould-braham-arielle-dombasle-marine-chagnon-jeanne-gerard-elsa-dreisig-marie-laure-garnier-axelle-saint-cir/

 

 

 

PARIS, Sainte-Chapelle. 3ème Festival OPÉRA, LYRIC & CO :  » MIROIRS  » du 30 mars au 1er mai 2025. Myriam Ould-Braham, Arielle Dombasle, Marine Chagnon, Jeanne Gérard, Elsa Dreisig, Marie-Laure Garnier, Axelle Saint-Cirel, Karine Deshayes, Fabrice Di Falco, Jeanne Mendoche, Académie de l’Opéra national de Paris, Cyril Auvity, Fabienne Conrad…

 

CRITIQUE, opéra. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 29 mars 2025. FRANCESCHINI : Alice. E. Chauvin, K. Combault, S. Laulan… Caroline Leboutte / David Greilsammer

Mathématicien rigoureux et homme aux valeurs profondément ancrées dans l’Angleterre victorienne, Lewis Carroll (1832-1898) a pourtant donné naissance à l’un des personnages les plus libres de la littérature : Alice au pays des merveilles. Cette jeune fille intrépide, plongée dans un monde où la logique se mue en absurdité, incarne une forme de rébellion contre les conventions sociales. À travers ses jeux de mots et ses situations déroutantes, Alice au pays des merveilles dépeint une réalité déformée, miroir grotesque d’une société corsetée par des normes arbitraires. Les Surréalistes y verront plus tard une préfiguration de leur propre démarche, où le rêve devient un outil de subversion. Pourtant, si Carroll se libère par l’écriture, sa vie personnelle reste fidèle aux codes de son époque. La fable d’Alice, avec sa lucidité enfantine et sa fraîcheur corrosive, semble ainsi une échappatoire ironique – comme si l’auteur n’avait pu s’affranchir que par la fiction.

 


L’adaptation musicale de Matteo Franceschini et Caroline Leboutte – créée en 2016 à la Philharmonie de Paris et redonnée sur deux soirées à l’Opéra Grand Avignon (où le compositeur italien est en résidence) – redonne vie à cette quête initiatique avec une modernité audacieuse. Loin d’une simple transposition, l’œuvre explore les méandres de l’esprit d’Alice, où chaque rencontre – le Lapin Blanc fébrile, le Chapelier déjanté ou la Reine des Cœurs tyrannique – symbolise une étape vers la compréhension d’un monde absurde. La partition de Franceschini, mêlant jazz, opéra et comédie musicale, épouse cette instabilité, tandis que les costumes et décors oniriques (comme la Chenille fumante ou les meubles suspendus) plongent le spectateur dans un univers en perpétuelle métamorphose. Dès l’ouverture, la mise en scène brouille les frontières : les chanteurs scrutent le public dans un silence intrigant, annonçant un spectacle où rêve et réalité s’entremêlent. Les éclairages de Nicolas Olivier et les décors modulables d’Aurélie Borremans amplifient cette atmosphère, comme lorsque l’ombre d’Alice grandit démesurément, symbole de sa confrontation avec l’étrangeté adulte.

Élise Chauvin incarne une Alice à la fois vive et touchante, alliant une voix souple à un jeu plein de nuances. Autour d’elle, les chanteurs se multiplient avec brio : Kate Combault passe avec agilité de la Chenille nonchalante au Chapelier excentrique, tandis que Sarah Laulan, en Reine de Cœur, mêle autorité et burlesque avec un timbre grave saisissant. Jean-Baptiste Dumora, en Chat du Cheshire énigmatique ou en Duchesse grotesque, captive par sa présence théâtrale, de même que Rémy Poulakis en Lapin blanc et divers petits rôles.

L’Orchestre National Avignon-Provence, dirigé par David Greilsammer, souligne avec finesse les contrastes de l’œuvre, malgré un incident cocasse (la chute de l’estrade du chef, surmontée avec professionnalisme). Les jeunes chanteuses de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon apportent quant à elles une fraîcheur enjouée, parfait équilibre à la complexité des solistes.


Le spectacle s’achève sur une note poétique : Alice, de retour à la réalité, gravit une échelle vers l’obscurité, laissant planer le doute sur la nature de son aventure. Cette fin ouverte, fidèle à l’esprit de Carroll, invite chacun à interpréter ce voyage entre raison et folie. Sous les ovations du public, le rideau reste ouvert, prolongeant la magie – comme pour rappeler que le merveilleux réside peut-être dans notre capacité à douter, à questionner, et à garder une part d’enfance. Ainsi, cette Alice revisité n’est pas seulement un opéra familial : c’est une célébration de l’imagination comme acte de résistance, une invitation à voir le monde avec les yeux grands ouverts – même lorsque tout semble absurde.

 

 

 

________________________________________________
CRITIQUE, opéra. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 29 mars 2025. FRANCESCHINI : Alice. E. Chauvin, K. Combault, S. Laulan… Caroline Leboutte / David Greilsammer. Crédit photographique © Cédric Delestrade

 

 

VIDEO : Trailer de Alice de Matteo Franceschini à l’Opéra Grand Avignon

 

CD événement, critique. PHILIPPE D’ORLÉANS : Suite d’Armide, 1704. Marie Lys, Véronique Gens, Victor Sicard… Cappella Mediterranea, Leonardo García-Alarcón [2 cd CVS CHÂTEAU DE VERSAILLES SPECTACLES, juin 2023]

Voilà un enregistrement qui fait date, marquant désormais un jalon de l’opéra français du XVIIIè dans le genre de la tragédie en musique. En 1704, avant d’être Régent, Philippe d’Orléans (1674 – 1723) marque les esprits par son génie musicien ; le compositeur (formé par Gervais et Charpentier entre autres…) réalise un chef d’œuvre méconnu, véritable révélation qui accrédite davantage la très haute valeur du label Château de Versailles Spectacles.

 

 

Voici une partition qui fait le lien entre le grand style lullyste et le théâtre de Rameau. Cette Suite d’Armide, créé en 1704 à Fontainebleau, saisit par sa construction formelle, ses audaces orchestrales, le relief des récits autant que la séduction des airs, soignant particulièrement les contrastes et les enchaînements, le souffle et les vertiges sensationnels, entre langueur amoureuse (des femmes essentiellement : Herminie et Armide), invocations démoniaques au II ; folie éperdue de Tancrède (songeant à son aimée Clorinde qu’il a tuée par mégarde ; ou enchantements féeriques de la forêt où se perd Renaud (III)… sans omettre la furie du front de guerre opposant Sarrasins et Chrétiens (V).

La palette expressive de chaque tableau suscite l’admiration comme le profil de chaque personnage : la dignité d’Armide (aristocratique Véronique Gens, aux côtés de l’excellente Herminie de Marie Lys), effusion tendre des piquants soupirants (Tissapherne et Adraste : non moins impeccables David Witczak et Nicholas Scott, chacun idéalement intelligibles) ; avec une palme spéciale pour le très crédible David Witczak qui impose un Ismen spectaculaire, tandis que les guerriers bientôt conquis, Renaud et Tancrède, bénéficient d’un travail de caractérisation idéal, défendu respectivement par le ténor Cyrille Dubois et le baryton Victor Sicard ; on ne peut rêver actuellement distribution plus affûtée et convaincante, servie par des tempéraments vocaux, tous diseurs parfaitement accordés à l’éloquence d’une parure orchestrale des plus raffinées. La direction artistique de cette production est exemplaire, à l’image de la très haute qualité de la partition ainsi ressuscitée. En outre la qualité de la prosodie resplendit particulièrement grâce à des chanteurs qui savent articuler, et pour une part significative, demeurés intelligibles. Apport crucial.

 

LE CAS SUBLIME D’HERMINIE incarnée par MARIE LYS… Le prince dilettante démontre une très fine approche musicale et psychologique de certains protagonistes dont il brosse un portrait fin et profond, « racinien », d’autant plus significatifs, qu’ils sont avant Rameau, tiraillés par les affres de la passion incontrôlée. Ceux là ne se possèdent plus et tout dans leur chant libéré mais resserré et dense, exprime au plus près les désirs les plus puissants, les forces psychiques les plus bouleversantes ; ainsi l’opéra proprement dit débute-t-il (le prologue ayant été à notre avis judicieusement escamoté) par un sublime récit qui développe sur plus de 7mn, et dès après l’ouverture, le désarroi amoureux, amer et démuni d’Herminie fatalement éprise du beau Tancrède, le compagnon de Renaud…
Torche vivante, Marie Lys, – entre intelligibilité, finesse, expressivité et nuances d’une diseuse accomplie, exprime tous les tourments de la princesse d’Antioche, prisonnière d’Armide elle aussi, sorte de double sentimental de la souveraine, et qui comme elle, souffre sans limites. De toute évidence, la soprano a trouvé personnage à la mesure de son immense talent tragique d’autant que le texte ne se perd jamais, intensifiant davantage la moindre inflexion de sa ligne vocale. Ce focus intimiste («  Malheureuse Herminie »), aux sources raciniennes, impose d’emblée et avec quel génie, la pâte du prince compositeur, très habile faiseur entre théâtre et chant.

Ce premier air souligne la justesse du titre de l’œuvre, certes « Suite d’Armide », claire référence à l’Armide première de Lully, mais avec un souffle nouveau, une franchise expressionniste dont la puissance annonce directement le Rameau scandaleux de 1733, « Hippolyte et Aricie » (et ses récits saisissants de Phèdre, en particulier, elle aussi terrassée par un amour qui la submerge).

 

 

TRAITEMENT ORCHESTRAL… D’autres séquences et successions confirment le statut à part de cette œuvre à la fois inclassable et visionnaire. Le traitement orchestral mérite que l’on s’y arrête : à 4 parties (et non à 5 comme chez Lully), l’orchestre produit un son plus ancré dans les graves, porteur d’une force souterraine active (mouvements de la psyché à l’œuvre) ; sépulcrale, d’un lugubre ample, l’invocation d’Ismen au II expose des bassons dramatiques et glaçants annonçant directement… les enfers de Rameau (dans Hippolyte), comme la plainte non moins spectaculaire et très efficace elle aussi sur le plan figuratif, des arbres de la forêt envoûtée par les charmes d’Armide (III)… produit une évocation surnaturelle et fantastique jamais écoutée avant.  Même suprême intelligence dans le traitement instrumental, si expressif du second récit d’Herminie, personnage décidément clé (acte IV, scène 4) où Philippe d’Orléans passe de 6,5 à 4 parties, selon l’intensification justifiée par la gradation du texte, et comme s’il récapitulait aussi les possibilités stylistiques depuis Lully, vers une nouvelle épure et clarification plus directe… l’amoureuse dolente y attend, apeurée, le sort de Tancrède à travers le récit de Vaffrin (excellent Fabien Hyon) ; elle croit voir son aimé, blessé, tenu pour mort, prête à le soigner pour qu’il survive.

Veillant au relief expressif et aux équilibres ténus entre chant et somptuosités orchestrales, le chef Leonardo Garcia Alarcon démontre une plasticité flexible, une éloquence particulièrement vive et colorée, dévoilant toutes les pépites d’une partition visionnaire qui assume toutes ses audaces. Ses équipes vivifiées, actives (Choeur de chambre de Namur, Capella Mediterranea) sont d’une permanente intensité, entre poésie et théâtre (fabuleuse activité du choeur triomphal et martial qui ouvre le V). Sous la plume de Philippe d’Orléans, servie par des interprètes aussi engagés, la scène envoûte, s’embrase, captive. Saluons l’intuition et le risque de Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles d’avoir ressuscité sur scène et au studio ce joyau indiscutable de l’opéra français du premier XVIIIè ; d’autant qu’il révèle le génie musical d’un prince devenu Régent. Captivant.

 

_____________________________
CD événement, critique. PHILIPPE D’ORLÉANS : Suite d’Armide, 1704. Marie Lys, Véronique Gens, Victor Sicard, Cyrille Dubois, Nicholas Scott, David Witczak, … Chœur de chambre de Namur, Cappella Mediterranea, Leonardo García-Alarcón [2 cd CVS CHÂTEAU DE VERSAILLES SPECTACLES, enregistré en juin 2023 au Namur concert hall] – Coffret 2 cd – durée totale : 2:01:57 – CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025

 

 

 

 

LIRE aussi notre présentation du cd SUITE D’ARMIDE de Philippe d’Orléans par Leonardo Garcia Alarcon : https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-philippe-dorleans-suite-darmide-1704-marie-lys-victor-sicard-cappella-mediterranea-leonardo-garcia-alarcon-2-cd-cvs-chateau-de-versailles-spectacles/

Château de Versailles Spectacles recrée un ouvrage majeur dans l’histoire de la tragédie lyrique : un drame méconnu qui en 1704 saisit par sa force poétique, tout en dévoilant le génie d’un prince musicien. La magicienne Armide, éprise du chevalier Roland, se désespère que celui-ci ne lui rende pas son amour… La magicienne multiplie charmes et sortilèges pour mieux enchaîner le guerrier merveilleux. En outre, la courageuse Herminie s’éprend de Tancrède, compagnon de Roland. Écrit de la main de Philippe d’Orléans, probablement aidé de son maître Gervais, la composition témoigne du génie de son auteur, soulignant les qualités musicales et artistiques de celui qui deviendra 9 années après avoir composé Suite d’Armide, le Régent [1715-1723]….

 

 

 

Distribution
Marie Lys, Herminie
Véronique Gens, Armide
Victor Sicard, Tancrède
Cyrille Dubois, Renaud
Gwendoline Blondeel, La Voix de Clorinde, une Suivante d’Armide, une Nymphe
Nicholas Scott, Adraste, Alcaste, un Vieux Berger
Fabien Hyon, Vaffrin, un Guerrier
David Witczak, Ismen, Tissapherne
Choeur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
Leonardo García-Alarcón, direction
Date de parution : mars 2025
Enregistré en juin 2023 au château de Versailles
Philippe d’Orléans : Suite d’Armide
Tragédie en musique en un prologue et cinq actes sur un livret inspiré de La Gerusalemme liberata du Tasse, créée à Fontainebleau en 1704 [Galerie des cerfs].

 

 

 

CD événement, annonce. PHILIPPE D’ORLÉANS : Suite d’Armide, 1704. Marie Lys, Véronique Gens, Victor Sicard… Cappella Mediterranea, Leonardo García-Alarcón [2 cd CVS CHÂTEAU DE VERSAILLES SPECTACLES]

 

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, la Halle-aux-grains, le 26 mars 2025. BEETHOVEN : Concertos pour piano 3, 4 et 5. Chamber Orchestra of Europe, Sunwook Kim (piano et direction)

Les Grands Interprètes ont invité le Chamber Orchestra of Europe dans un programme généreux incluant rien moins que les trois derniers concertos pour piano de Beethoven. C’est le célébrissime pianiste coréen, Sunwook Kim qui joue et dirige du piano. Un tel marathon, nous ne l’avions entendu qu’à la Roque d’Anthéron avec le regretté Lars Vogt en 2018.

 

Ce soir l’orchestre est divin. Les attaques sont fermes, les rythmes très serrés et la vivacité de chaque musicien est sidérante. Les nuances sont d’une grande subtilité et les couleurs chatoyantes. Le piano de Sunwook Kim est impeccable rythmiquement, installant une tension dramatique que rien ne viendra distraire, avec une articulation très précise. 

Le Troisième concerto de Beethoven est encore grâcieux tout en installant un dialogue très novateur entre le soliste et l’orchestre. L’entente entre le chef-pianiste et l’orchestre est parfaite et tout avance avec évidence. Le mouvement lent installe un superbe dialogue entre les bois et pianiste. Le final plein d’énergie est tout à fait jubilatoire. 

Le Concerto n°4 est bien plus révolutionnaire, en installant un dialogue tendu entre le soliste et l’orchestre. Dialogue mais non conflit même dans le sublime mouvement lent. Cet Andante con moto a quelque chose d’orphique. Le dialogue entre l’orchestre tonitruant et le piano pianissimo évoque Orphée calmant les monstres des Enfers. La magie opère et ce soir les interprètes se surpassent dans une beauté sonore idéale. 

Après l’entracte, le sublime Cinquième concerto dit l’Empereur va porter au triomphe l’orchestre et le pianiste. Le feu, le brillant et surtout un élan irrépressible sont partagés entre le chef-pianiste et l’orchestre. C’est puissant sans violence, brillant sans effets extérieurs. La technique du pianiste est grandiose et la virtuosité des musiciens de l’orchestre n’est pas moindre. Il est possible de penser avoir entendu une version idéale. Le public est ravi et applaudit avec enthousiasme. La générosité de ce concert n’a échappé à personne surtout en ce temps de restrictions budgétaires générales.

 

 

________________________________________
CRITIQUE, concert. TOULOUSE, la Halle-aux-grains, le 26 mars 2025. BEETHOVEN : Concertos pour piano 3, 4 et 5. Chamber Orchestra of Europe, Sunwook Kim (piano et direction).Crédit photographique © Hubert Stoecklin

 

 

 

 

CRITIQUE, concert. METZ, Grande salle de l’Arsenal, le 28 mars 2025. LISZT / CHOSTAKOVITCH. Orchestre National de Metz Grand-Est, Marie-Ange N’Gucci (piano), Keri-Lynn Wilson (direction)

Le 28 mars 2025 restera gravé dans les mémoires des mélomanes messins : la Cité Musicale a vibré sous l’énergie électrisante de l’Orchestre National de Metz Grand-est, dirigé avec une maestria impressionnante par la cheffe australienne Keri-Lynn Wilson. Au programme, deux monuments de la musique symphonique interprétés avec une intensité rare : le Deuxième Concerto pour piano de Franz Liszt, porté par la virtuosité envoûtante de la pianiste française Marie Ange N’Gucci, et la Dixième Symphonie de Dmitri Chostakovich, déployée dans toute sa puissance dramatique.

 

Dès les premières notes du Concerto n°2 de Liszt, Marie Ange N’Gucci a captivé la salle par son toucher à la fois délicat et puissant. Son interprétation, loin de tout académisme, a épousé les contrastes du romantisme lisztien avec une sensibilité remarquable. Les cadences scintillent, les passages lyriques chantent avec une grâce aérienne, tandis que les moments les plus véhéments jaillissent avec une énergie presque théâtrale. La phalange messine, placée sous la baguette précise et inspirée de Keri-Lynn Wilson, tisse un dialogue fascinant avec la soliste, entre éclats symphoniques et murmures poétiques. Le finale, d’une virtuosité étourdissante, soulève une ovation unanime – le public, visiblement subjugué, n’a pas ménagé ses applaudissements.

Dans la seconde partie de soirée, la Dixième Symphonie de Chostakovich a confirmé l’excellence de l’orchestre et de sa cheffe. Keri-Lynn Wilson, dont la lecture allie rigueur et passion, a magistralement restitué l’âme tourmentée de cette œuvre. Le deuxième mouvement, souvent associé à la figure de Staline, a été traversé d’une violence sourde et implacable, tandis que le troisième mouvement, avec son motif mélancolique en hommage à DSCH (le monogramme musical du compositeur), a été porté par une émotion palpable. Les musiciens de l’Orchestre National de Metz Grand-Est ont démontré une cohésion et une engagement remarquables, des cordes profondes et tourmentées aux cuivres héroïques, en passant par les bois d’une expressivité déchirante.

Cette soirée a été bien plus qu’un concert : une expérience musicale totale, où chaque interprète a donné le meilleur de lui-même sous la direction inspirée de Keri-Lynn Wilson. Marie Ange N’Gucci, en étoile montante du piano français, a confirmé son immense talent, tandis que l’orchestre a brillé dans un répertoire exigeant avec une maturité impressionnante. La Cité Musicale de Metz peut être fière d’avoir offert un tel moment de grâce – un rendez-vous avec le génie de Liszt et Chostakovich, servi par des artistes au sommet de leur art.

 

 

_____________________________________________

CRITIQUE, concert. METZ, Grande salle de l’Arsenal, le 28 mars 2025. LISZT / CHOSTAKOVITCH. Orchestre National de Metz Grand-Est, Marie-Ange N’Gucci (piano), Keri-Lynn Wilson (direction). Crédit photographique © Yuri Griaznov

 

 

CRITIQUE, opéra. MILAN, Teatro alla Scala, le 29 mars 2025. GASSMANN : L’Opera seria. P. Spagnoli, J. Fuchs, M. Olivieri… Laurent Pelly / Christophe Rousset

Un chef-d’œuvre hilarant, redécouvert il y a trente ans par René Jacobs, fait son entrée au répertoire du Teatro alla Scala sous l’initiative de Dominique Meyer qui l’avait programmé au TCE en 2003. Une distribution de très haut vol, une direction électrisante et une mise en scène fidèle au livret, mais un poil trop sage.

 

Le livret de L’Opera seria, écrit par Ranieri de’ Calzabigi (l’un des réformateurs de l’opéra avec Gluck…), et mis en musique par Florian Leopold Gassmann, est un bijou de 1769 qui se présente comme l’illustration lyrique du théâtre à la mode de Benedetto Marcello, pamphlet féroce contre les travers de l’opéra, la vanité des castrats et divas, les caprices des poètes et compositeurs. Une fascinante mise en abyme contant la préparation catastrophique d’un opera seria qui, après avoir été houleusement déchiffré au deuxième acte, sera en partie seulement représenté au troisième, interrompu par les sifflets du public et la fuite de l’imprésario avec la caisse. Si L’opera seria est le chef-d’œuvre du genre méta-opéra, d’autres exemples, moins développés, avaient déjà fait leurs preuves au début du XVIIIe siècle (La Dirindina de Gigli et Scarlatti en 1715 ; L’impresario delle Canarie de Métastase et Sarro en 1724), et la formule perdure jusqu’au XXIe siècle, puisque à la Scala, en 2017, la création du dernier opéra de Salvatore Sciarrino Ti vedo, ti sento, mi perdo mettait en scène un compositeur débattant avec un poète, pendant les répétitions d’une cantate de Stradella ; on y trouvait un musicien, une cantatrice, des serviteurs au nom tout aussi grotesque, qui attendaient vainement l’arrivée du maître censé apporté l’air final. Chez Gassmann, le poète Delirio, le maître de chapelle Sospiro, l’imprésario Fallito (« Ruiné ») se battent contre les caprices de Stonatrilla (« Détonante »), Smorfiosa (« Mijaurée ») et Porporina, les bien-nommées, tandis que Ritornello, un castrat à la voix de ténor en fait des caisses pour plaire à la primadonna. Voilà du pain béni pour un metteur en scène, Martinoty en 1994 y avait excellé.

Laurent Pelly y imprime à sont tour sa marque, mélange d’ironie et d’élégance, toujours fidèle à l’esprit de l’œuvre : sur scène, des portes blanches se détachent d’un fond noir, nous sommes dans l’appartement de l’imprésario, les très beaux costumes imaginés par le metteur en scène lui-même nous plongent d’emblée dans ce XVIIIe siècle réformateur, tandis que dans le deuxième acte, le même décor légèrement pivoté illustre une galerie élégante mais froide de ce même appartement. La dimension méta-théâtrale et spéculative des deux premiers actes, ainsi que les nombreuses références aux conventions de l’opéra, atténuent leur efficacité dramaturgique qu’une pointe de folie supplémentaire aurait exaltée davantage. Dans le troisième acte, l’exotisme de l’opéra est superbement rendu, dans les tons bleu-gris qui donnent l’impression d’une esquisse de décor à la fois fragile et poétique, (superbes créations avec éléphant, palanquin et tentes ad hoc de Massimo Troncanetti), magnifié en outre par les lumières diaphanes de Marco Giusti. Le décor finit par s’écrouler, tandis que les interprètes et danseurs (chorégraphie hilarante de Lionel Hoche) tentent vainement de faire illusion. C’est sans doute le moment le plus drôle de l’opéra, et on regrettera d’autant plus les coupures (notamment le public qui doit siffler l’échec de la représentation) qui – ironie du sort – semblent répondre aux critiques de Fallito lui-même… trouvant l’opéra trop long !

La distribution réunie sur scène mérite tous les éloges, à commencer par le Fallito de Pietro Spagnoli (qui chantait Delirio dans la version Jacobs). Diction impeccable aidant, il se démène comme un diable pour faire entendre raison à ses employés, l’excellent Delirio de Mattia Olivieri, baryton racé et acteur hors pair, et le génial Sospiro de Giovanni Sala, peu habitué à ce répertoire ancien, mais qui se fond littéralement dans le jeu, chacune de ses interventions faisant mouche. Parmi les chanteuses, Julie Fuchs – qui reviendra en fin de saison dans La Fille du régiment (à nouveau dirigé par Laurent Pelly) – triomphe en Stonatrilla, à qui échoit les airs les plus virtuoses et les plus exigeants ; si Serena Gamberona est un peu en retrait dans son incarnation de Porporina (son air « Più non si trovano », parodie de L’Olimpiade de Métastase mériterait plus d’engagement), Andrea Caroll campe une Smorfiosa pleine de justesse, à la voix brillante et toujours impeccablement projetée. Une mention spéciale pour le Ritornello de Josh Lovell ; censé incarné un castrat, il est un ténor qui chante constamment dans le registre aigu, et s’il ne peut faire oublier la prestation mémorable de Jeffrey Francis, il est impayable dans son jeu constamment parodique qui éclate dans son air de bravoure au début du 3e acte (un peu gâché par les pitreries parasites des danseurs l’accompagnant : la star c’est lui, inutile d’attirer l’œil ailleurs). Excellente prestation de Alessio Arduino en Passagallo, tandis que les trois mères trouvent en Alberto Allegrezza (Bragherona), impériale et surpassant même vocalement ses rivales, Filippo Mineccia (Caverna) et Lawrence Zazzo (Befana) de luxueux interprètes.

Dans la fosse, Christophe Rousset dirige les forces de ses Talens lyriques, renforcées par quelques musiciens du Teatro alla Scala, avec une précision roborative – une gageure dans une salle aussi vaste –, et un amour communicatif pour ce répertoire qui prouve que même la parodie de l’opéra, quand elle conjugue un excellent livret et une musique brillante, est affaire sérieuse.

 

 

_________________________________
Critique, opéra. MILAN, Teatro alla Scala, le 29 mars 2025. GASSMANN : L’Opera seria. P. Spagnoli, J. Fuchs, M. Olivieri… Laurent Pelly / Christophe Rousset

 

 

VIDEO : Trailer de L’Opera seria de Vittorio Gassmann selon Laurent Pelly au Teatro alla Scala

 

CD événement, critique. GIACOMO PUCCINI : Tosca. Eleonora Buratto, Jonathan Tetelman, Ludovic Tézier, Orchestra e Coro dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Daniel Harding (2 CD Deutsche Grammophon, oct 2024)

Une nouvelle Tosca ? encore une énième version… le choix laisserait songeur s’il ne s’agissait pas de trois tempéraments vocaux plutôt prometteurs et qui dans la réalisation exaucent nos attentes… Le défi est immense car Tosca de Puccini exige des acteurs autant que des chanteurs et dans le réglage ténu des équilibres sonores comme du style, une voie médiane, précise, entre théâtre et chant. Puccini adapte d’ailleurs un texte qui est à l’origine la pièce de Victorien Sardou.

 

Ce réalisme qu’il défend sur la scène opératique prend sa source dans le geste théâtral qui l’inspire et cela s’entend ici, avec un relief et une intensité précise qui sont rendus possibles par la belle intuition des 3 protagonistes de l’enregistrement édité par DG/ Deutsche Grammophon, qui est le premier enregistrement du chef britannique Daniel Harding, nouvellement nommé directeur des équipes musicales de l’Accademia Santa Cecilia de Rome. Et comme nouveau directeur musical à Rome, le chef a choisi un ouvrage spécifiquement « romain », puisque ces 3 actes se déroulent au printemps 1800 dans 3 lieux emblématique de la ville éternelle : respectivement, l’église Sant’Andrea della Valle, le palais Farnèse et le château Saint-Ange.
L’exposition du premier acte qui permet de présenter le peintre bonapartiste Mario au travail, impliqué dans la fuite d’un fugitif, ennemi du préfet de Rome, situe d’emblée les oppositions : monarchiste tyrannique d’un côté, monstre de duplicité hypocrite (Scarpia) contre couple d’artistes portés par le bonheur amoureux (Mario le peintre et Tosca la cantatrice). En outre jaloux de tant d’amour, parce qu’il est dévoré par une passion coupable pour Tosca, le préfet infect, Scarpia, sous couvert de religiosité affichée, impose un ordre moral pour mieux piéger et Mario et Tosca : les deux amants seront chacun du frustré sadique ;

…Tout cela s’entend dans cette lecture efficace, affûtée, nerveuse qui file comme une lave surexpressive (avec un geste parfois épais et dur de la part du chef, qui ne s’encombre guère de détails, y compris dans les évocations atmosphériques, comme dans la prélude du III, au lever du soleil du soleil, sur les collines de Rome… ). Fort heureusement, les chanteurs sont superlatifs ;  ils relèvent les défis multiples d’une partition particulièrement théâtrale sans caricaturer ni rien diluer les 10001 nuances psychologiques de leur personnage. Puissance mais nuances en serait le mot d’ordre et la ligne stylistique.

Dès le premier acte, Eleonora Buratto déploie l’ampleur de son medium généreux, charnel, très incarné, affirmant immédiatement un tempérament de feu ; possessive et exclusive à Sant’Andrea, Floira Tosca est éplorée, combattive au II, enfin enivrée avec Mario dans un superbe duo d’amour (l’ultime, avant leur mort à tous les deux) au III quand les deux amants se retrouvent au Château Saint-Ange où le peintre est incarcéré (« Senti, l’ora è vicina »).
Mario est un emploi naturel et dramatiquement pour l’ardeur et l’intensité du ténor Jonathan Tetelman (« Vittoria, vittoria », II) qui déjà en 2023 pour l’année Puccini, avait enregistré un récital titre chez DG, regroupant les airs de Puccini les plus emblématiques, véritable déclaration d’intention pour les années à venir ( » The great Puccini « , sept 2023). Son « Lucevan le stelle », est d’une ivresse éperdu, dans un style fin et direct.
Plus fin ecore à notre avis, et jouant en orfèvre de sa voix, tour à tour lyrique, théâtrale ou insidieuse, le baryton Ludovic Tézier, serpente et ondule comme un reptile retors, tout concentré à son œuvre de destruction et de possession : l’acte II est une arène violente et sauvage, où les deux personnages (Tosca et Scarpia) se jaugent, s’évaluent, s’affrontent ; la délectation du jaloux haineux, véritable sadique traquant sa proie s’exprime à travers le chant millimétré et très contrôlé, droit, sans accents déplacés ni excessifs du baryton français. Outre le chanteur maître de sa palette, s’affirme l’acteur dont chaque intention prend corps dans les mille connotations du timbre. L’attention à chaque phrase donne l’épaisseur au personnage du baron et chef de la police, évitant cette caricature du caractère que l’on entend trop souvent. D’ailleurs la sensibilité expressive du baryton avait précédemment convaincu dans son approche du personnage de Germont père dans La Traviata : il y excellait entre sincérité et complexité, éclairant l’humanité par éclairs d’un autocrate qui impose sa loi.

Malgré une direction parfois lourde et un brin grossière, mais objectivement active, la caractérisation que défend chaque chanteur relève carrément le niveau général. L’Orchestre de l’Accademia Santa Cecilia déploie quand le chef ne force pas le trait, de somptueuses couleurs en clarté et transparence. Deutsche Grammophon ajoute à sa déjà riche riche discographie puccinienne, cette nouvelle lecture plus que convaincante : attachante, aux atouts indiscutables. D’autant plus opportune qu’elle marque aussi les 125 ans de la création de l’opéra à Rome… CLIC de CASSIQUENEWS printemps 2025.

 

 

 

________________________________
CD événement, critique. GIACOMO PUCCINI : Tosca. Eleonora Buratto, Jonathan Tetelman, Ludovic Tézier, Orchestra e Coro dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Daniel Harding (2 CD Deutsche Grammophon, oct 2024)
Lire aussi notre présentation de TOSCA de PUCCINI par Jonathan Tetelman, Ludovic tézier : https://www.classiquenews.com/giacomo-puccini-tosca-eleonora-buratto-%c2%b7-jonathan-tetelman-ludovic-tezier-orchestra-e-coro-dellaccademia-nazionale-di-santa-cecilia-daniel-harding-2-cd-deutsche-grammophon-oct-2024/
Plus d’infos sur le site de l’éditeur DG Deustche Grammophon / TOSCA de Puccini avec Jonathan Tetelman, Ludovic Tézier, Eleonora Buratto : https://store.deutschegrammophon.com/en/products/jonathan-tetelman-puccini-tosca
Parution : le 28 mars 2025

 

____________________________

LIRE aussi notre critique du cd The GREAT PUCCINI par Jonathan Tetelman (DG, sept 2023) – CLIC de CLASSIQUENEWS : / Airs d’opéras (Manon Lescaut, La Bohème, Tosca, Il Tabarro, Turandot, La Rondine…). Prague Philharmonia / Carlo Rizzi – (1 cd Deutsche Grammophon) : https://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-jonathan-tetelman-the-great-puccini-airs-doperas-manon-lescaut-la-bohemetosca-il-tabarro-turandot-la-rondine-pkf-prague-philharmonia-carlo-rizzi/

 

CRITIQUE, concert. ANGERS, Palais des Congrès, le 27 mars 2025. BEETHOVEN / DEBUSSY / ZEMLINSKY. Orchestre National des Pays de la Loire, Sascha Goetzel (direction)

C’est un concert “maritime” que proposait à son public l’Orchestre national des pays de la Loire, en  mettant en miroir trois ouvrages ayant trait à l’univers aquatique : le choeur “Mer calme et voyage heureux » de Ludwig van Beethoven, la célébrissime “Mer” de Claude Debussy et la plus rare “Petite sirène” d’Alexander von Zemlinsky.  

 

La soirée a cependant débuté par un discours de deux syndicalistes de l’ONPL, dénonçant le désengagement de la Région en matière culturel, avec un budget 2025 revu drastiquement à la baisse… Puis la musique reprit ses droits, sous la gestuelle toujours aussi aérienne et souple du directeur musical de la phalange ligérienne, Sascha Goetzel, avec d’abord la Cantate de Beethoven écrite en 1814 sur deux poèmes de Goethe : “Meerestille und Glücklich Farht”. Cette pièce met immédiatement en exergue la justesse d’intention du fringant chef autrichien, autant que la qualité d’exécution de la formation symphonique et du chœur. Préparé par sa chef attitrée Valérie Fayet, ce dernier développe d’abord en douceur le premier Lied du grand dramaturge allemand, pour se dynamiser ensuite dans la seconde partie, Allegro vivace. Après cette relative rareté, La Mer (1905) de Debussy ramène l’audience angevine vers des rivages plus connus. Les solistes s’y avèrent excellents, tandis que  les tutti se montrent impressionnants, notamment du côté des cordes. La vision de Goetzel s’avère globalement assez spectaculaire, laissant par exemple les trombones éclater à la fin de la première des trois esquisses (“De l’aube à midi sur la mer”). Les deuxième (“Jeux de vagues”) et troisième (“Dialogue du vent et de la mer”) sont tout aussi réussies, en raison de leur caractère fiévreux et emporté. 

Après la pause, quelle belle découverte que cette “Petite sirène” (“Die Seejungfrau”) du compatriote du chef, le génial Alexander von Zemlinsky. Composée en 1903, la partition rappelle les poèmes symphoniques de Liszt par sa musique à programme, inspirée d’Andersen, tout en faisant appel à une orchestration beaucoup plus foisonnante et imposante. La même fougue remarquée dans Debussy porte également l’interprétation de Sascha Goetzel, les épisodes les plus descriptifs, comme l’évocation de la tempête, prenant beaucoup de relief. Le chef ainsi avec les tempi, ralentissant dans les passages lents, admirablement apaisés, pour mieux surprendre dans les tutti embrasés qui surviennent tels d’irrésistibles soubresauts de pulsation rythmique. On se répète, une bien belle découverte !

 

 

__________________________________________
CRITIQUE, concert. ANGERS, Palais des Congrès, le 27 mars 2025. BEETHOVEN / DEBUSSY / ZEMLINSKY. Orchestre National des Pays de la Loire, Sascha Goetzel (direction). Crédit photographique © Sébastien Gaudard

 

LIVE STREAMING. MOZART : Mitridate roi du pont, ven 4 avril 2025, 19h (live depuis Le Teatro Real, Madrid / Elsa Dreisig, Franco Fagioli… / Ivor Bolton, Claus Guth _

Dans l’un de ses premiers opéras sérias [Mitridate fait figure avec Lucia Silla de premiers chefs d’œuvre lyriques absolus], le jeune MOZART (14 ans) comprend et maîtrise déjà tous les enjeux du genre lyrique le plus noble. Outre le raffinement et l’élégance de son orchestre, c’est surtout la capacité de son écriture vocale qui subjugue ; elle exprime au plus près des passions humaines, chaque sentiment qui anime voire dévore le cœur et l’âme de ses personnages.

 

 

QUAND MITRIDATE PART A LA GUERRE… Des héros de l’histoire romaine [et Racine], le jeune dramaturge fait des êtres de chair et de sang, voire des individus qui sur la scène théâtrale souffrent, s’aiment et se désespèrent… Le roi Mitridate part à la guerre, confiant son empire à ses fils Sifare et Farnace. Dupé par la rumeur de la mort de son père, Farnace déclare son amour à Aspasia, la fiancée du roi. Celle-ci demande la protection de Sifare. Mitridate revient en proposant à Farnace d’épouser Ismène. Lorsqu’il apprend la culpabilité de Farnace, il décide de le tuer… Aura-t’on droit à une fin heureuse malgré ces rivalités politiques et amoureuses ? Qui tirera leçon des manipulations et mensonges énoncés ?

En mars 1770, le jeune Mozart, alors âgé de 14 ans, présente 3 magnifiques arias lors d’une soirée chez le comte Firmian à Milan. Le succès rencontré lui vaut sa première commande, celle d’un opéra seria pour l’un des trois principaux théâtres italiens. L’opéra qui en résulte, Mitridate, re di Ponto, a l’avantage d’être tiré d’une grande pièce du même nom de Jean Racine. Ici, la tension est maintenue tout au long de la pièce, ce qui était impossible pour les tragédies du 18ème siècle, caractérisées par plus de douceur et moins de sang. Le siècle des Lumières aimait les fins heureuses et, fait inhabituel chez Racine, personne ne meurt, à l’exception du vieux roi féroce.

Le metteur en scène Claus Guth revient à Madrid présenter cette nouvelle production, créée ainsi en avril 2025. Pour la première de cet opéra à Madrid, le Teatro Real a réuni une distribution prometteuse – parmi laquelle Juan Francisco Gatell, Sara Blanch, Elsa Dreisig et Franco Fagioli – bien armés pour affronter les exigences de virtuosité vocale des nombreux airs de Mozart, sans nul doute de plus en plus beaux et justes, à mesure que l’action progresse. Et que chaque personnage se révèle à lui-même et aux autres.

 

________________________________
VOIR MITRIDATE sur OperaVision le 4 avril 2025, 19h CET :
https://operavision.eu/performance/mitridate-re-di-ponto
Live streaming ven 4 avril 2025,19h CET
EN REPLAY jusqu’au 4 octobre 2015, 12h
Chanté en italien
Sous-titres en italien, espagnol, anglais
DISTRIBUTION

Mitridate : Juan Francisco Gatell
Aspasia : Sara Blanch
Sifare : Elsa Dreisig

Wolfgang Amadeus Mozart : MITRIDATE
Texte, livret
Vittorio Amedeo Cigna-Santi

Direction musicale : Ivor Bolton
Mise en scène : Claus Guth

 

 

GRAND TÉÂTRE DE GENÈVE, le 28 mars 2025. MOUSSORGSKI : La Khovantchina. Raehann Bryce-Davis, Dmitri Ulyanov, Michael J. Scott… Calixto Bieito / Alejo Pérez

Le Grand Théâtre de Genève affiche une version flamboyante d’un opéra rare de Moussorsgki : La Khovantchina. Ce brûlot sociétal et politique, spectaculaire, est restitué dans une version particulièrement complète, délivrant une vision singulièrement cynique et barbare. Le plateau vocal de haut vol dont l’exceptionnelle Marfa de Raehann Bryce-Davis, compense largement laideur et vulgarités de la mise en scène ciselées par le provocateur Calixto Bieito. D’autant plus que le metteur en scène catalan dispose à Genève d’une machinerie impressionnante, luxueuse en effets visuels grand format, perdant souvent toute mesure ou justification dramatique… [pour le seul plaisir de provoquer ? ]…

Crédit photographique : © GTG  /  Carole Parodi

 

 

Opéra rare sur scène, opéra puissant cependant, la Khovantchina [1881] souligne chez Moussorsgki son regard affûté sur le pouvoir et la politique. Dans le sillon de son opéra précédent, Boris Godounov conçu 10 ans auparavant [1869], le compositeur russe affine encore sa vision des composantes de la société russe.
Tout pouvoir ne peut être que barbare, violent, cynique et dans cette mise en scène d’une vulgarité sans limite. Sur cet échiquier infect s’opposent plusieurs partis : les Vieux-Croyants, sectaires défenseurs des traditions ancestrales, menés par l’illuminé Dossifeï ; les guerriers barbares Streltsy, sans foi ni loi, souvent ivres et brutaux, bras armés du boyard Ivan Khovansky, prêt à tout pour prendre le pouvoir y compris s’insurger contre la Tsarevna Sofia, et placer son fils Andrei sur le trône ; face au pourfendeur Khovansky, se dresse le prince Galitsine [ancien amant de la dite Tsarevna, rivale du Tsar Pierre], pro européen, qui a vaincu les polonais et les ukrainiens… Il incarne la ruse du diplomate [face à la sauvagerie active du boyard Khovansky : l’astuce et la phraséologie contre l’épée et la violence.

 

Marfa, voyante pour Galitsine, lui dévoile son avenir : chute, échec, exil et mort

 

 

Puissance omnipotente et même mythique car invisible, le Tsar véritable ne se voit jamais : Pierre le Grand ne paraît pas, est cité, mais ses troupes interviennent pour rétablir ce qui semble juste ; elles sauvent Marfa que Galitsine avait condamnée, puis le scribe, que Bieito imagine sur son siège, en ado attardé, excité, à casquette, en joueur de jeux vidéo.
Le Tsar est une autorité qui agit en dernière instance à mille lieux et plus haut que la vermine humaine qui encombre les planches ce soir. Ainsi au terme d’une action rien qu’anecdotique, Pierre punira comme il se doit l’insolent Khovansky. Et son dossier ou son « affaire » [la Khovantchina] sera refermée, goutte d’eau dans l’océan de l’histoire russe qui a compté par milliers, attentats, coups d’état, rébellions… matés, avortés, évacués. Du reste l’opéra s’achève sur la mise à mort des Streltsy, gazés minutieusement alors que la grâce leur avait été accordée soit disant (?!).
Surtout l’action se conclut sur le bucher collectif qui extermine le cercle des Vieux-Croyants et leur guide Dossifeï ; ils avaient fini dans une sorte de transe sectaire comme en témoigne le duo Marfa / Suzanna, au bord de l’hystérie apeurée…

Reste un personnage central au nom duquel les dites figures politiques se prononcent, prennent parole et décision : le peuple. Manipulé, infantilisé, culpabilisé, il encaisse, souffre, patiente, se soumet, toujours sidéré / révolté [le choeur des femmes Streltsy], dans une inquiétude voire une indignation, rien que passive.

 

Barbarie du sujet,
vulgarité de la mise en scène

Ivan Khovansky et ses esclaves persanes

 

Évidemment tout cela se voit dans la mise en scène de Bieito mais avec une surenchère qui accumule les poncifs du genre, manquant passablement de subtilité, n’évitant pas les répétitions ni la confusion [le personnage bouffon et trivial de Kouzka qui ouvre l’opéra, dévorant au sens strict du terme la tête cireuse, verdâtre de Staline dans son cercueil…!]. On concède que l’image suffisamment écœurante illustre ce cauchemar qui est à l’œuvre du début à la fin…

Mais le spectacle sait cependant ménager quelques images fortes comme seul le genre opéra peut en produire dans la magie des sons et l’incantation du chant.
Ainsi l’arrivée du cygne blanc Khovansky, entouré par les 11 immenses panneaux vidéo, représentant la cohorte des ballerines du lac des cygnes, composant comm une nuée d’anges suspendus [belle mise en abîme d’un moto emblématique de la culture russe].
Vision onirique s’il en est dans cette arène des vulgarités assumées, et qui contraste avec celle, finale, du dernier Dossifeï, apparaissant dans son tapis chasuble sur les épaules, masque à oxygène sur la tête, pendant qu’en fond de scène, les Streltsy, dans leur wagon grandeur nature, sont minutieusement… gazés. La fumée qui s’échappe du toit du wagon ne laisse aucun doute sur l’horreur à l’œuvre [rappelant les goulags et les atrocités perpétrés par le petit père des peuples, Staline…] ; l’image est aussi glaçante et d’un esthétisme qui s’inscrit dans la mémoire. Elle symbolise toute l’action et le sujet de l’opéra : la manipulation des peuples et leur extermination au nom d’une idéologie politique.

 

Le grand œuvre de Moussorgski

Scène finale : Les Vieux-Croyants réunis (avec Dossifeï, Marfa, Andrei) avant leur suicide collectif

 

La production genevoise souligne l’ampleur de la partition laissée par Moussorgski : son universalisme et son infinie poésie, comme son réalisme cru et cynique. Il apparait d’ailleurs que les théâtres de Moussorgski et de Wagner sont contemporains. Comme chez Wagner, on y retrouve une partition orchestrale des plus spectaculaires et envoûtantes, d’autant que l’Opéra de Genève a choisi de tout jouer, révélant des scènes encore plus rares [ou rarement enregistrées : la chanson amoureuse de Marfa (début du III) auquel succède son duo avec Susanna puis leur trio avec Dossifeï ; ou le récit du scribe, des mercenaires du tsar qui massacrent les Streltsy à la fin du même IIIè acte ; et dans une version des plus complètes comprenant en complément de celle première de Rimsky-Korsakov, l’orchestration de Chostakovitch [dont on comprend qu’il s’est probablement délecté à orchestrer une action qu’il a vécu lui même en tant que victime de la terreur stalinienne] puis celle de Stravinsky pour la fin [tableau du suicide collectif des Vieux Croyants au V].

On retrouve aussi en Marfa une sorte de Kundry, figure de la révolte, surtout de la culpabilité, mais aussi incarnation humaine et maternelle qui demeure cependant sous l’emprise du Vieux prêtre. Il y a enfin, traversant toute l’œuvre, cette symbolique du feu, source enivrante qui sauve en purifiant [pour mieux renaître ?] ainsi que Wagner l’exprime à travers le personnage de Loge et surtout dans le final du Ring dont toute l’action s’achève, elle aussi, dans les flammes rédemptrices … Du reste sur le plan strictement musical, l’expérience que vit le spectateur en assistant à l’opéra de Moussorsgki est au moins équivalente à celle qu’il éprouve face au théâtre de Wagner ; d’autant plus que l’un et l’autre pointe de la même façon et avec une clairvoyance au moins égale, la barbarie et la duplicité, les tractations et la manipulation dont sont capables les hommes, en particulier quand le pouvoir est en jeu.

La partition de la Khovantchina est une somme d’une insondable richesse exprimant sur le thème du pouvoir et de la société des peuples soumis, ce regard singulier de l’âme russe. Chostakovitch et Stravinsky ne se sont pas trompés en choisissant de réorchestrer une partition particulièrement fascinante et musicalement flamboyante ; à ce titre, la danse des esclaves persanes censées divertir Khovansky à sa cour est aussi sensuelle et chatoyante que la Sheherazade de Rimsky, un rêve symphonique d’une beauté confondante, dans un marécage d’actes ignobles et cyniques. La féerie avant l’assassinat du prince séditieux.

 

Plateau vocal très convaincant

Marfa rongée par son amour inavouable et Susanna (III)

 

 

De manière générale, tous les chanteurs convainquent ; ils partagent une indéniable intensité et vraisemblance, chacun dans leur partie. Parmi les « seconds rôles » (bien qu’en réalité chaque personnage assoit l’action globale], distinguons entre autres, le Kouzka d’Emanuel Tomljenovic [vocalement assuré, et qui va jusqu’au bout de son personnage, d’une veulerie presqu’obscène dans son jeu scénique]. De même, le scribe du ténor britannique Michael J. Scott ; le prince Andrei d’Arnold Rutkowski, comme le Galitsine de Dmitry Golovin, serpent altier qui sait débusquer chez le boyard Khovansky, la faille qui ronge sa cuirasse : évoquant alors « ce petit enfant qui ne trouvait pas sa place »… ; chacun vibre du même relief dramatique et vocal.

Réussissant haut la main sa prise de rôle, la mezzo américaine Raehann Bryce-Davis [remarquée à Covent Garden en Amneris dans Aïda de Verdi) affirme une Marfa active, amoureuse et rongée par la culpabilité (son amour pour Andrei) ; son personnage rétablit charnellement l’épaisseur humaine de l’œuvre, complétant en cela la succession des confrontations politiques [plutôt glaçantes], comme les nombreux tableaux collectifs avec chœur… Elle réussit en particulier ses 3 séquences cruciales : sa voyance comme médium scrutant l’avenir [et annonçant dans une scène de pur spiritisme : exil, destitution et mort pour Galitsine] ; sa chansonnette de jeune fille éprise qui concentre ses désirs avortés et mal vécus ; enfin son duo avec le prince Andrei au moment de l’immolation collective qui dévoile sa relation trouble avec le jeune prétendant finalement sacrifié.

Saluons aussi Dmitri Ulyanov, dans le rôle du prince Ivan Khovanski (précédents Général Kouzoumov dans Guerre et Paix, et Boris dans Lady Macbeth de Mtsensk) ; impeccable de brutalité libre et décomplexée grâce à un chant jamais serré ni tendu ; comme le Dossifeï de la basse Taras Shtonda [qui endossait le rôle en 2024 à la Staatsoper de Berlin…] : aplomb manipulateur, discours dogmatique et intolérant, emprise sur chaque âme perdue qui l’approche, on comprend que cette figure du fanatisme religieux, et de la repentance aussi véhémente qu’insondable, n’ait aucune difficulté en guide sectaire, à entraîner en fin d’action ses ouailles à la mort… Les chœurs très sollicités dans le jeu dramatique contribuent à la violence brute du spectacle. La direction du chef argentin Alejo Pérez convainc particulièrement par son sens du détail qui profite évidemment aux orchestrations en jeu : celle de Rimsky qui le premier a souhaité achever la partition (1886) laissée inachevée par Moussorgski en 1881 ; celle de Chostakovitch bien sûr (1950), et plus encore assurément celle en demi teinte, spirituelle et pessimiste, de Stravinsky dont la science des couleurs et l’économie poétique jusqu’à l’épure, semble renouer avec le génie dramatique de Moussorgski.
Le jeu des timbres, en particulier les clarinette, cor anglais [danse des esclaves persanes] et basson, souvent exposés, apportent cette tendresse bienvenue dans une fresque qui collectionne les abjections collectives de toute sorte [avec cet air sur la médisance qui en dit long alors sur la société russe épinglée par Moussorsgki]. On ne saurait disposer d’une réalisation musicale plus complète et convaincante. Ce que nous donne à voir le metteur en scène les premiers tableaux passés, et ses éléments qui se répètent souvent, tendraient à l’indigestion. Mais, pour qui est désormais familier de son travail scénique, Calixto Bieito n’a-t-il pas justement, comme but ultime, de nous faire réagir ? Que l’on apprécie pas ou peu la réalisation visuelle, le cast vocal, le travail en fosse (Orchestre de la Suisse Romande) sont absolument à écouter.

 

 

______________________________
GRAND Théâtre de GENÈVE, le 28 mars 2025. MOUSSORGSKI : La Khovantchina.
Encore 3 dates à l’affiche : demain dimanche 30 mars [16h], les 1er puis 3 avril [19h] – Durée : 4h avec entracte de 30 mn
Prochaine production lyrique présentée par le Grand Théâtre de Genève [dans la Cathédrale Saint Pierre] le STABAT MATER, oratorio de PERGOLESI mis en scène par Roméo Castellucci : du 10 au 18 mai 2025 – plus d’infos :
https://www.gtg.ch/saison-24-25/stabat-mater/
6 représentations
10, 12, 13, 14, 16 et 18 mai 2025 – 20h30
Cathédrale Saint-Pierre
Place non numérotée
Durée : approx. 1h15 sans entracte
DISTRIBUTION
Direction musicale : Barbara Hannigan
Mise en scène, scénographie, costumes et lumières : Romeo Castellucci
Soprano : Barbara Hannigan
Contre-ténor : Jakub Józef Orliński
Ensemble Pomo d’Oro
Ensemble Contrechamps
Maîtrise du Conservatoire populaire de Genève
_________________________________________

GRAND THÉÂTRE DE GENEVE, le 28 mars 2025. Modeste Moussorgski (1839-1881) : La Khovantchina (1881), drame musical en cinq actes sur un livret du compositeur et de Vladimir Stassov (orchestration de Rimsky-Korsakov – 1886, Dimitri Chostakovitch -1950 ; et Igor Stravinsky (acte V). Mise en scène : Calixto Bieito. Avec Dmitry Ulyanov, Prince Ivan Khovanski ; Arnold Rutkowski, Prince Andrei Khovanski ; Dmitry Golovnin, Prince Vassili Golitsine ; Vladislav Sulimsky, Le boyard Chakloviti ; Taras Shtonda, Dossifeï ; Raehann Bryce-Davis, Marfa ; Liene Kinča, Susanna ; Michael J. Scott, le Scribe ; Ekaterina Bakanova, Emma ; Igor Gnidi, Varsonofiev ; Emanuel Tomljenović, Kouzka ; Remi Garin, Strechniev, .… Maîtrise du Conservatoire Populaire de Genève / Choeur du Grand Théâtre de Genève (Chef des chœurs : Mark Biggins). Orchestre de la Suisse Romande / direction : Alejo Pérez

SEINE-ET-MARNE, PARIS. 10ème FESTIVAL INVENTIO « A suivre… ». 29 avril, 5, 17 mai, 1er, 15, 22, 29 juin puis 7, 12, 20 septembre 2025. Léo Marillier, Alexia Ciciretti, Yuliko Hasegawa, Edmond Reuze, Orchestre Sur Mesure, Orlando Bass, Quatuor Kandinsky, La Badaude…

Pour sa déjà 10ème édition, le festival INVENTIO 2025 réalise tous les imaginaires si passionnants de son directeur artistique, le violoniste et compositeur LÉO MARILLIER ; cette 10ème édition anniversaire affiche une double thématique et fait dialoguer entre eux les répertoires, les musiques, de tradition orale, classique, moderne, médiévale, contemporaine ; il célèbre le décloisonnement artistique. Au programme, 2 séries d’événements en miroir l’une de l’autre, « A portées de mots… » et « Ouvrir la voix », aux programmes entrecroisées en mai et juin puis septembre 2025, portées par un plateau artistique particulièrement choisi pour exprimer tous les enjeux de cette première décade musicale :

 

 

A PORTÉE DE MOTS
6 événements pour une série spéciale qui explore les relations complexes – connivence ou rivalité – entre musique et mots ; Pourquoi et comment s’emparer et parer de mots l’expérience si subjective, si émotionnellement personnelle du concert ? De lire et écouter – une même volonté – élargir l’imagination, l’expérience. Comment transporter la fable, le conte, le poème dans un écrin musical sans que l’un ou l’autre – texte ou musique – y perde son âme ? Que gagne-t-on à connaître (ou pas) les codes musicologiques pour « réussir » l’expérience de l’écoute ? La thématique questionne du partage de savoir entre celui qui compose et celui qui écoute ? Sans la mémoire et la sensibilité de l’auditeur en offrande pré-requise, y a-t-il seulement un concert ? Et depuis le XIXème siècle, le volatile sublime de la musique est si souvent immédiatement commenté par la critique, qu’en advient-il ? …

OUVRIR LA VOIX
4 événements immersifs célèbrent la beauté et la richesse de la voix à travers les répertoires du chant reflétant l’évolution des styles musicaux, des cultures et des manières d’exprimer les émotions humaines. La série de concerts défend la vocation affirmée de démocratiser l’accès à toutes les musiques (baroque, classique et lyrique, contemporaine), dialoguant avec d’autres esthétiques (musiques du monde, musique de film) ; engageant aussi le public dans des pratiques immersives (ateliers…). Trois pratiques innovantes sont à l’affiche :
– un spectacle scolaire inclusif construit par une centaine d’enfants sur scène autour de la musique de film « Les choristes » ;
– la création d’un spectacle opératique cultivant l’humour et la fantaisie – dans la tradition des contes d’initiation à l’orchestre interprété par un orchestre « de poche » dialoguant avec un chœur…;
– un concert participatif – point d’orgue de l’édition 2025 – où les festivaliers seront invités à être acteurs lors du final !

 

 

programme

10ème FESTIVAL INVENTIO
Ouvrir la voix, A portée de mots…

 

 

 

OUVRIR LA VOIX !
Mardi 29 avril 2025, 18h30
SAINT-AYOUL, centre culturel, Grand Théâtre
Spectacle-familles « les nouveaux choristes »
 – Adaptation libre des chansons du film « Les choristes » – défendu par une centaine d’enfants choristes et musiciens sur scène, un spectacle original conjuguant musique et poésie résultant d’ateliers menés en milieu scolaire. Angélique NICLAS, cheffe / Chœur Elèves école élémentaire la Voulzie de Provins, Chœur « La Cigale » et Ensemble instrumental « Les Fourmis ailées » du Collège La Fontaine, Paris – Entrée gratuite

_______________________________

 

 

A PORTÉE DE MOTS
Lundi 5 mai 2025, 20h
SAINT-AYOUL, Petit Théâtre, Centre culturel
Rencontre-débat :  »Don Quichotte en musique ou l’utopie, source de créativité » – Voyage dans l’histoire, le répertoire musical, et comment les compositeurs se sont emparés de ce roman mythique ? Avec Léo MARILLIER, directeur artistique – Entrée gratuite

_______________________________

 

 

A PORTÉE DE MOTS
Samedi 17 mai 2025
PREULLY EGLIGNY, Abbaye cistercienne
Visite abbaye : 15h30 (sur inscription)
Concert :18h Après concert gourmand
Série musicale « A portée de mots !» Concert-conte : « 10 contes à régler pour les 10 ans ! »
 – Quand l’humour de Jacques Sternberg se glisse entre des œuvres de Schubert, Berio et Haendel
Léo MARILLIER, violon
Quentin REY, accordéon
Alexa CICIRETTI, violoncelle
Entrée payante

_______________________________

 

 

A PORTÉE DE MOTS
Dimanche 1er juin 2025
PAROY, Chapelle
Concert : 17h
Après concert gourmand
« Monsieur Croche, à quoi sert la critique musicale ? » : Concert-critique – Oeuvres de Ravel, Debussy, Schoenberg : la parole s’empare de la musique … mais pour finir, l’auditeur est roi !
Yuiko HASEGAWA, piano
Camille THEVENEAU, violon
Iris GUEMY, violoncelle
David LE MARREC, critique musical

_______________________________

 

 

A PORTÉE DE MOTS
Dim 15 juin 2025
BRAY SUR SEINE, Eglise
Avant-concert rencontre avec l’interprète : 15h30 (sur inscription)
Concert : 17h
Après concert gourmand
« L’art des signatures musicales avec B.A.C.H » ou les dessous du motif musical avec des œuvres de Bach, Lully, Schubert… comment faire résonner le magnifique orgue récemment restauré de l’église de Bray-sur-Seine – Edmond REUZE, Orgue – Entrée payante

_______________________________

 

 

OUVRIR LA VOIX
Dimanche 22 juin 2025
DONNEMARIE-DONTILLY
Concert : 17h
Après concert gourmand
Spectacle-familles entre féérique et sensationnel
 – « Une invention féérique ou la parabole de Monsieur Tourbillon » de Léo MARILLIER, librement inspiré par un récit de Ferruccio Busoni (création 2025) – Conte musical et récit d’initiation pour découvrir les instruments de l’orchestre et la magie de son fonctionnement ; une invitation à s’immerger dans l’univers d’un orchestre « de poche » et d’une œuvre musicale originale adossée à une histoire fantastique.

Orchestre Sur Mesure
Soprano : Clara BARBIER-SERRANO
Flûte : Charlotte SCOHY
Hautbois : Guillaume RETAIL
Clarinette : Elodie ROUDET
Trombone : Geoffray PROYE
Basson : Helena ORTUNO
Violon : Leo MARILLIER
Alto : Camille COELLO
Violoncelle : Emmanuel ACURERO
Contrebasse : Emma DERIVIERE
Percussions : François VALLET
« Chœur de Passy » dirigé par Angélique NICLAS
Vincent MORIEUX, mise en scène
Entrée payante

_______________________________

 

 

OUVRIR LA VOIX

Dimanche 29 juin 2025
EVERLY, Kiosque du Parc du miroir
A partir de 15h Rafraichissements sur place
Spectacle-familles
Scène ouverte « Musiques du monde » – Promeneurs et amateurs, rendez-vous dans ce site remarquable et naturel pour une journée poétique, musicale, dans la bonne humeur et la convivialité…. Scène ouverte aux jeunes talents – Entrée gratuite

 

 

SEPTEMBRE 2025

 

Dimanche 7 septembre 2025
PARIS, REID HALL, 12 – 
Bord de scène à l’issue du concert
Série musicale : « A portée de mots » – Concert-exposition 
« Correspondances de compositeurs en miroir de leurs œuvres » . Les compositeurs dévoilent leur travail dans leur correspondance… Quand les courriers aux contemporains des compositeurs révèlent les coulisses de la naissance de l’œuvre… avec Beethoven et Bartok
Léo Marillier, violon
Orlando Bass, piano
Entrée payante

_______________________________

 

Vendredi 12 septembre 2025
LONGUEVILLE, Chapelle de Lourps
Concert : 18h30
Après concert gourmand
Série musicale « A portée de mots ! » Concert-poésie – 
L’oeuvre monumentale et mythique de Haydn : « Les 7 dernières paroles du Christ en croix », mise en résonance avec les « Dernières paroles du poète » de René Daumal. Véritable contrepoint à la parole sacrée, cet événement mis en espace entre déclamations et notes, presque transposée en sept « premières paroles de l’Homme », est une invitation à la liberté qui fait de cette collaboration non plus un simple concert mais un véritable moment de partage.

Quatuor KANDINSKY
Hannah Kandinsky, violon I
Israel Gutierrez, violon II
Ignazio Alayza, alto
Antonio Gervilla ; violoncelle
Léo Marillier, récitant
Entrée payante

_______________________________

 

CONCERT DE CLÔTURE
Samedi 20 septembre 2025
BANNOST-VILLEGAGNON, église Notre-Dame
Amachoeur : 16h (sur inscription)
Concert : 18h
Après concert gourmand
Série musicale « A portée de voix ! »
Concert participatif en famille 
« Mariposas », programme musical riche en couleurs de l’Espagne musicale du 17ème siècle
Précédé de l’atelier « Amachoeur », le concert de clôture de la dixième édition du Festival INVENTIO invite les spectateurs à prendre une part active au spectacle depuis la salle, accompagnant les artistes en chantant une œuvre préparée au préalable.
Ensemble baroque LA BADAUDE
Madeleine PRUNEL soprano,
Thaïs PERON LE OUAY violone et flûte à bec,
Ana OROZCO, harpe espagnole et percussions,
Nicolas ARZIMANOGLOU-MAS, théorbe, guitare et guitarro murcien
Entrée payante

 

 

 

TOUTES LES INFOS, le détail des programmes, tous les artistes invités,
sur le site du 10ème FESTIVAL INVENTIO 2025 :
https://www.inventio-music.com/

 

 

 

 

 

VIDEOS 2024
Tous les replays de l’édition 2024 à partager sans modération : https://www.inventio-music.com/replays/

 

CRITIQUE, concert. NICE, Théâtre National de Nice, le 26 mars 2025. BOULEZ : Sonatine pour flûte et piano, Dérives 1 et 2. Ensemble Orchestral Contemporain, Bruno Mantovani (direction)

Ça y est, on y est arrivé au 26 mars tant attendu de la commémoration des cent ans de Pierre Boulez ! Du coup, par nécessité ou par choix, un certain nombre de célébrations ont eu lieu en France. On s’est réuni en petits cénacles ou en grandes assemblées. Des journalistes en mal d’érudition ont tenu des propos savants ou abscons – dont ils ne comprenaient forcément pas le sens…

 

Mais une chose est sûre : l’un des concerts les plus exaltants a eu lieu à Nice avec les Dérives 1 et 2 sous l’admirable direction de Bruno Mantovani. Une vraie jubilation boulézienne ! Le concert s’est déroulé dans le cadre du Printemps des Arts de Monte-Carlo, délocalisé à Nice. Il a été donné entre les murs de pierre nue de l’ancienne église des Franciscains, transformée en Théâtre National de Nice. Salle comble. La Côte d’Azur a ses fervents bouléziens.

Le programme jalonnait en trois œuvres la chronologie boulézienne : Sonatine pour flûte et piano, puis Dérives 1 et 2. Dans la Sonatine à l’écriture déchirée, dans la droite ligne de l’esthétique sérielle, on sent à plusieurs moments une nostalgie des formules mélodiques. La tentation du lyrisme n’est pas loin. Puis les stridences de la flûte reprennent leurs droits, auxquelles répondent les fulgurances du piano. A un moment, celui-ci n’hésite pas à jouer des coudes et prendre la vedette en un violent solo. L’œuvre fut composée pour Jean-Pierre Rampal qui ne la joua pas (ce fut la même chose, en son temps, avec le violoniste Kreisler dont la célébrité tient à une sonate de Beethoven… qu’il a refusé de jouer !).

On peut affirmer que cette Sonatine a été admirablement vengée, l’autre soir, par le flûtiste Fabrice Jünger, accompagné par le pianiste Benjamin d’Anfray. Dérive 2 était la pièce maîtresse du concert – une effervescence musicale ininterrompue de cinquante minutes, une éruption volcanique de notes sur le magma desquelles l’auditeur est ballotté comme une barque sur l’océan (pour prendre un comparaison ravélienne). L’œuvre est composée pour onze instruments : cordes, harpe, cor et bois (dont un cor anglais très présent), percussions à clavier, et piano. Dans une succession de séquences vif-lent-vif, ces instruments s’interpellent, s’invectivent, se répondent, se juxtaposent ou se superposent, procédant par tuilage, glissement, déphasage. Il faut se laisser aller à l’écoute. C’est du beau, du grand Boulez (tout Boulez ne mérite pas telle appréciation !…)

Admirable fut la direction de Bruno Mantovani. Il est chez lui dans cette musique. Il en assume avec une époustouflante maîtrise les constants changements de mesure et de tempo, et les départs d’instruments tous azimuts. Il faut avoir une rigueur d’ordinateur pour diriger cette œuvre. La moindre déconcentration de la part du chef et c’est un déraillement collectif. Bruno Mantovani eut cette rigueur – mais avec en plus un frémissement humain qui alimentait la vibration de la musique.

On admira l’imperturbable concentration des musiciens de l’Ensemble Orchestral Contemporain. On peut vous l’affirmer : dans cette interprétation… personne n’était à la dérive !

 

 

__________________________________
CRITIQUE, concert. NICE, Théâtre National de Nice, le 26 mars 2025. BOULEZ : Dérive 1 et 2. Ensemble Orchestral Contemporain, Bruno Mantovani (direction). Crédit photo (c) André Peyrègne

 

STREAMING opéra. CHOSTAKOVITCH : Lady Macbeth de Mtsensk, ven 28 mars 25 (Düsseldorf, fév 2025)

0

Katerina Ismailova est mariée à un homme riche mais faible. Elle doit transiger avec son beau-père, qui est un véritable tyran. Elle est prisonnière d’un monde où brutalité, despotisme, cruauté font loi. Pourtant Katerina aime la vie, rêve d’amour ; elle cède à son violent désir de liberté lorsque survient le nouvel ouvrier Sergei, avec lequel elle entame une liaison passionnée … Par détestation de sa belle famille, Katerina empoisonne son beau-père,…

 

La force troublante de Chostakovtich (26 ans), comme Verdi avant lui pour sa propre Lady Macbeth, est de brosser le portrait d’une meurtrière dont il exprime la part humaine, l’ardent désir d’émancipation… C’est pourtant in fine une lente et inexorable descente aux enfers pour celle qui a tout donné pour un peu d’amour, et qui en retour, est bien payée : Lady Macbeth mourra dans un camp perdu de Sibérie, par noyade, trahie, manipulée…

La partition grandiose et expressive fait de Lady Macbeth du district de Mtsensk un chef-d’œuvre du 20ème siècle ; mélange ténu et bouleversant de force tragique, de satire grotesque, de réalisme inique et déchirant qui n’enjolive rien mais dénonce et émeut… Après La Pucelle d’Orléans de Tchaïkovski au Deutsche Oper am Rhein, la metteure en scène Elisabeth Stöppler interroge l’histoire d’un autre personnage féminin foncièrement complexe, dans sa radicalité farouchement humaine.

 

_____________________________________
VOIR sur OperaVision : CHOSTAKOVITCH : Lady Macbeth de Mtsensk – diffusion le 28 mars 2025 à 19h CET
EN REPLAY : jusqu’au 28 sept 2025 à 12h
Enregistré / filmé le 26 fév 2025
https://operavision.eu/fr/performance/lady-macbeth-de-mtsensk-0

 

 

 

 

distribution

Boris Timoféiévitch Ismaïlov : Andreas Bauer Kanabas
Zinovy Borissovitch Ismaïlov : Jussi Myllys
Katerina Lvovna Ismaïlova : Izabela Matula
Sergueï : Sergey Polyakov

Orchestre symphonique de Düsseldorf
Chœur de Deutsche Oper am Rhein

Direction musicale : Vitali Alekseenok
Mise en scène : Elisabeth Stöppler

CD événement, annonce. PHILIPPE D’ORLÉANS : Suite d’Armide, 1704. Marie Lys, Véronique Gens, Victor Sicard… Cappella Mediterranea, Leonardo García-Alarcón [2 cd CVS CHÂTEAU DE VERSAILLES SPECTACLES]

Château de Versailles Spectacles recrée un ouvrage majeur dans l’histoire de la tragédie lyrique : un drame méconnu qui en 1704 saisit par sa force poétique, tout en dévoilant le génie d’un prince musicien. La magicienne Armide, éprise du chevalier Roland, se désespère que celui-ci ne lui rende pas son amour… La magicienne multiplie charmes et sortilèges pour mieux enchaîner le guerrier merveilleux. En outre, la courageuse Herminie s’éprend de Tancrède, compagnon de Roland. Écrit de la main de Philippe d’Orléans, probablement aidé de son maître Gervais, la composition témoigne du génie de son auteur, soulignant les qualités musicales et artistiques de celui qui deviendra 9 années après avoir composé Suite d’Armide, le Régent [1715-1723].

 

 

Enregistré pour le label Château de Versailles Spectacles et son dynamique directeur Laurent Brunner, l’œuvre saisissante de Philippe d’Orléans incarne une réussite exemplaire qui marque une évolution majeure en 1704 dans le genre de la tragédie lyrique. La partition ainsi dévoilée et restituée avec subtilité, souligne davantage la personnalité complexe et fascinante d’un prince qui n’aima guère Louis XIV et qui pourtant partage avec son oncle royal, la passion des arts…  La construction dramatique, les audaces formelles, la caractérisation superlative des protagonistes dont les sublimes portraits d’Herminie et de Tancrède, la qualité de la prosodie et la puissance comme l’efficacité du flux dramatique dévoile un tempérament artistique unique qui attendait ainsi sa juste réhabilitation. Philippe d’Orléans avant d’être le Régent que l’on connaît mieux, fut dans sa trentaine, un compositeur de génie qui conçoit une partition exceptionnelle. Après Lully puis Campra [qui fut son maître comme Gervais], Philippe d’Orléans aborde l’amour chevaleresque à travers Le Tasse, selon sa sensibilité propre : ciselant la prosodie comme peu avant lui, variant les formes musicales, l’Orchestre à 4 parties au service d’une conception amoureuse heureuse et apaisée…
Chef d’œuvre absolu et l’une des réalisations les plus convaincantes du prestigieux label versaillais. CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025.
Leonardo García-Alarcón et Cappella Mediterranea restituent avec brio et finesse, le génie méconnu du prince qui deviendra souverain. La recréation a marqué au concert les 300 ans de la Régence de 1723, célébrés ainsi en juin 2023. Coffret 2 cd – durée totale : 2:01:57 – Prochaine critique complète sur CLASSIQUENEWS.COM

 

Distribution
Marie Lys, Herminie
Véronique Gens, Armide
Victor Sicard, Tancrède
Cyrille Dubois, Renaud
Gwendoline Blondeel, La Voix de Clorinde, une Suivante d’Armide, une Nymphe
Nicholas Scott, Adraste, Alcaste, un Vieux Berger
Fabien Hyon, Vaffrin, un Guerrier
David Witczak, Ismen, Tissapherne
Choeur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
Leonardo García-Alarcón, direction
Date de parution : mars 2025
Enregistré en juin 2023 au Namur Concert Hall

 

Philippe d’Orléans : Suite d’Armide
Tragédie en musique en un prologue et cinq actes sur un livret inspiré de La Gerusalemme liberata du Tasse, créée à Fontainebleau en 1704 [Galerie des cerfs].

 

 

Philippe d’Orléans, Régent par Santerre (DR)

 

 

 

 

TEASER VIDÉO : Suite d’Armide de Philippe d’Orléans (1704)

 

 ______________________________________________

 

 

CRITIQUE CD. BRAHMS : Quatuors avec piano, n°2 et 3. Krystian Zimerman, piano – 1 cd DG Deutsche Grammophon (Lugano, 2021 et 2023)

Le pianiste suisso-polonais Krystian Zimerman (lauréat du Concours Chopin de Varsovie 1975) cultive et réalise ici sa passion de la musique de chambre ; une passion transmise par son père et que le fils a su maintenir aux côtés de sa carrière de soliste, depuis 50 années à présent. Pour ces 2 Quatuors avec piano, le pianiste réunit des instrumentistes chevronnés avec lesquels il a déjà coutume de jouer, complicité essentielle pour la cohérence du jeu collectif :

 

 

… le violoncelliste Yuya Okamoto, remarqué à un Concours ; la violoniste Maria Owak qui fut concertmaster de l’Orchestre du festival Chopin (Polish Festival Chopin) qu’il a créé pour la tournée des Concertos pour piano lors du bicentenaire Chopin 2010 ; enfin Katarzyna Budnik, alto supersoliste de Sinfonia Varsovia. Les 4 expriment avec vivacité voire nervosité la texture souvent tourmentée d’un Brahms en proie avec ses désirs et ses aspirations intérieures, les plus ardentes comme les plus contrastées.
Le Quatuor n°2 date de 1862 ; il est le plus formellement équilibré et aussi bien représentatif de l’inspiration brahmsienne : à la fois intime et surexpressif, avec une note de tendresse heureuse et nostalgique, subtilement fusionnée dans la reprise de mélodies hongroises d’une belle versatilité rythmique (Finale. Allegro). Évidemment la partie du violon est importante, référence à l’amitié si proche du violoniste Joseph Joachim, médiateur si essentiel dans la vie de Johannes puisqu’il leur présenta le couple Schumann en 1853. Le Poco Adagio est bien cette rêverie inquiète et profonde, ample nocturne qui cependant n’apaise pas la houle des tourments affleurants quand le Scherzo qui suit, dévoile sous les doigts des instrumentistes, son charme et ses harmonies… non pas Schumaniennes mais Schubertiennes, dans un désir d’évanescence dansante, une mise à distance des tensions des Allegros.

Le Quatuor n°3 (ébauché en 1856, achevé en 1875) est encore plus personnel voire intime et confessionnel mais d’une liberté spécifique car il porte la tragédie silencieuse qui fut celle du jeune Robert, alors amoureux de Clara Schumann, l’épouse de son maître adoré Robert (donc inaccessible)… Si la première version est colorée par ce désir irrépressible et frustré (au point que Brahms envisagea de le publier avec la représentation de Werther de Goethe, jeune épris suicidaire auquel il s’identifiait), le compositeur remanie le manuscrit en 1874, le transpose alors en do mineur (C minor), comme actuellement, modifiant aussi le premier finale en Scherzo, ajoutant un nouveau mouvement lent (Andante) et un nouveau Finale (Allegro comodo). Après l’énergie contradictoire et exaltée du premier Allegro (non troppo), la coupe haletante du Scherzo (fièvre, agitation, tourments), les 4 musiciens réussissent le fabuleux Andante, pause enchantée de presque 10 mn, et l’une des pages les plus profondes et ardentes (chant apaisé, enivré du violoncelle) d’un Brahms amoureux, voluptueux, habité par l’esprit pacificateur.

 

 

____________________________________
CRITIQUE CD. BRAHMS : Quatuors avec piano,n°2 et 3.
1 cd DG Deutsche Grammophon, enregistré à Lugano, 2021 et 2023 – Plus d’info sur le site de l’éditeur Deutsche Grammophon : https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/brahms-piano-quartets-nos-2-3-zimerman-13725
BRAHMS / Quatuors avec piano :
Piano Quartet No. 2 in A Major, Op. 26
Piano Quartet No. 3 in C Minor, Op. 60
Krystian Zimerman, piano · Maria Nowak, violon
Katarzyna Budnik, alto · Yuya Okamoto, violoncelle

__________________________________

(VAR) SIX FOURS LES PLAGES. LA VAGUE CLASSIQUE : 16 mai – 21 septembre 2025. Hélène Grimaud, Gautier Capuçon, Benjamin Grosvenor, Lucas Debargue, David Fray, David Kadouch, Zuzana Markova, Matheus, Bertrand Chamayou,

Concocté par son directeur artistique, Gérald Laïk-Lerda, le prochain festival LA VAGUE CLASSIQUE, à Six-Fours Les Plages (site paradisiaque entre mer et forêt, au bord de la Méditerranée, dans le VAR) propose 23 événements, sur 5 mois, du 16 mai au 21 septembre 2025. Soit un cycle qui traverse tout l’été et promet plusieurs temps forts enchanteurs. La diversité s’invite pour le plus grand plaisir des festivaliers : récitals de piano, récitals et même gala lyriques, musique de chambre, sans omettre mélodies et lieder, ainsi que grand concert symphonique (clôture, lire ci après), avec la participation de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon

 

 

 

Chaque concert est d’autant plus attendu qu’il s’inscrit idéalement dans chaque lieux désormais emblématique du Festival varois : la cour d’honneur de la Maison du cygne, le parc de la Méditerranée, la Villa Simone, la collégiale Saint-Pierre et la Maison du Patrimoine François Flohic. Autant de lieu écrins qui inscrivent parfaitement la programmation dans la commune de Six-Fours-Les-Plages. Excellence artistique, jeunesse, accessibilité… les valeurs défendues favorisent l’échange, le partage, la rencontre ; soit tout ce qui contribue à réunir et rapprocher un très large public.

 

En MAI et JUIN 2025, pas moins de 14 concerts, essentiellement de musique de chambre, vous attendent à la MAISON DU LAC (à 20h30) : entre autres : OUVERTURE avec la pianiste Hélène Grimaud, ven 16 mai. Récital Beethoven, Brahms, Bach/Busoni) ; puis joyaux chambristes avec Gautier Capuçon / Shani Diluka / Élise Bertrand : jeu 22 mai, oeuvres de Mozart, Brahms, César Franck) ; récital de Sandrine Piau et David Kadouch (ven 30 mai / Mélodies et lieder) ; Sonates violon / piano par Daniel Lozakovich et David Fray (sam 31 mai : œuvres de Bach et Beethoven)… En juin 2025 : récital événement du pianiste britannique Benjamin Grosvenor (mar 3 juin / Brahms, Schumann, et Tableaux d’une exposition de Moussorgski) ; Lucas Debargue, piano (dim 8 juin / œuvres d’Albéniz, Debussy, Scarlatti, Ravel…) ; Bertrand Chamayou, piano (ven 13 juin / récital Maurice Ravel, pour le 150è anniversaire de sa mort) ; récital harpe / ténor avec Xavier de Maistre et Rolando Villazon (sam 21 juin / œuvres de Ginastera, Calvo, Estévez, De Falla…) ; enfin, dernier concert de juin : récital BELLINI au Parc de la Méditerranée, dim 22 juin à 21h, avec Zuzana Markova, soprano / Emily Sierra, mezzo-soprano / Matteo Falcier, ténor… accompagnés par l’Orchestre et le Choeur de l’Opéra de Toulon, sous la direction d’Andrea Sanguineti…

En JUILLET 2025, Jean-Christophe Spinosi et son ensemble Matheus proposent 3 soirées événements à la Collégiale Saint-Pierre : mar 15 juil, 20h30. Programme « La flûte Enchantée 2 » / extraits d’opéras de Mozart, Haydn, Beethoven… jeu 17 juil, 20h30 : Les Vêpres de la Vierge / Vespro della Beata Vergine de Claudio Monteverdi ; enfin, Gala Rossini, sam 19 juil : extraits du Barbier de séville, La Cenerentola, L’Italienne à Alger…

En SEPTEMBRE 2025, 3 récitals de pianos vous envoûteront tout autant à la Maison du Patrimoine à 19h30. Ryan Wang (sam 6 sept / récital Chopin), Karen Kuronuma (sam 13 sept / Chopin, Debussy, Ravel…), Adi Neuhaus (sam 20 sept / Chopin et Rachmaninov) – enfin concert de CLÔTURE le dim 21 sept à la Collégiale Saint-Pierre (18h) dans un programme viennois avec les Concerto n°1 et 2 pour violoncelle de Haydn (soliste : Julie Sevilla-Fraysse) et l’Orchestre de l’Opéra de Toulon (Laurence Monti, direction).

 

En complément, suivez les CONFÉRENCES gratuites par la musicologue Monique Dautemer : le dernier jeudi de chaque mois, au théâtre Daudet à Six-fours les Plages de
14h à 16h. Réservations obligatoires 04 94 34 93 18 (dans la limite des places disponibles)
• Jeudi 30 janvier : Jean-Sébastien Bach
• Jeudi 27 février : Ludwig van Beethoven
• Jeudi 27 mars : Johannes Brahms
• Jeudi 24 avril : Frédéric Chopin
Jeudi 22 mai : Claude Debussy
CINÉMA sous les étoiles… le cinéma Six n’étoiles affiche deux séances de cinéma dans le jardin de la Villa Simone : vendredi 22 et vendredi 29 août à 20h30. Séance gratuite – Réservations obligatoires 04 94 34 93 18 (à partir du 21 juillet 2025 / 9h dans la limite des places disponibles)

 

 

 

TEASER VIDÉO La Vague Classique 2025

 

 

RÉSERVATIONS
> PAR INTERNET : www.sixfoursvagueclassique.fr
> SUR PLACE : Espace André Malraux – 100 avenue de Lattre de Tassigny – 83140 Six-Fours-les-Plages
Du lundi au vendredi de 9h à 12h et 14h à 16h30
Renseignements au 04 94 74 77 79

 

Gratuité
> Pour les enfants jusqu’à 11 ans inclus – Sur présentation d’un justificatif (offre accessible à l’Espace culturel André Malraux ou sur le site sixfoursvagueclassique.fr)

 

Concerts gratuits
Entrée libre dans la limite des places disponibles.
Réservation obligatoire au 04 94 34 93 18.
> Pour la Villa Simone > à partir du 24 mars / 14h
> Pour la Maison du Patrimoine François Flohic > à partir du 21 juillet / 9h
> Pour la Collégiale (concert du 21 septembre) > à partir du 21 juillet / 9h
Pour les concerts à la Collégiale Saint-Pierre : Parking et navette gratuits depuis l’Esplanade de la Halle du Verger à partir de 1h30 avant le début du concert.

 

 

CHÂTEAU DE VERSAILLES, LES ÉPOPÉES. HAENDEL : Alcina, mardi 29 avril 2025. Lisette Oropesa, Gaëlle Arquez, Gwendoline Blondeel… Stéfane Fuget, direction

Londres 1735 : Haendel est au faîte de sa gloire, comme champion de l’opera seria italien. Pourtant sa Royal Academy of Music est fragile, tant la concurrence est rude avec l’Opéra de la Noblesse. Pour attirer davantage de public et séduire les princes, le Saxon affiche un nouveau chef-d’œuvre porté par un personnage charismatique. En 1733, il avait triomphé avec Orlando, d’après L’Arioste. Pour ce nouvel opus, il puise à la même source, reprend le livret de L’Isola d’Alcina, premier opera seria de Riccardo Broschi.

 

La magicienne Alcina en est l’héroïne fameuse ; en son île enchantée où se soumettent les êtres transformés qu’elle a ensorcelés, l’action se fait labrinthe des cœurs entravés… Ainsi le chevalier Ruggiero qui se laisse un temps séduire par la maîtresse des sorts… l’opéra produit des scènes exotiques et spectaculaires, parsemées d’éclairs oniriques ou « furieux », à l’image de la déité souveraine…
Mais Alcina est surtout un ouvrage sur l’amour : Haendel y produit ses propres enchantements par le truchement d’une musique enivrée et dramatique qui in fine, souligne l’impuissance d’Alcina, incapable malgré sa magie, de se faire aimer pour ce qu’elle est… Aucun de ses pouvoirs n’empêchera ici le désamour de Ruggerio puis son départ… et l’implacable magicienne finira en furie vaincue.

Le succès de l’œuvre fut éclatant, grâce à un florilège d’airs de haut vol : Haendel à son apogée, fait assaut de virtuosité et d’invention mélodique, offrant à ses personnages des caractères puissants, brossés avec justesse et vraisemblance, véritables caractères psychologiques, d’une nouvelle ampleur. Les airs d’Alcina, toute manipulatrice soit-elle, se révèlent bouleversants ; car il dévoile dans sa solitude démunie, détruite, la misère d’une femme qui se rêvait omnipotente…

 

 

VERSAILLES, Opéra Royal
HAENDEL : ALCINA
Les Épopées, Stéphane Fuget (direction)
Mardi 29 avril 2025, 20h
___________________________________________
RÉSERVEZ VOS PLACES directement sur le site de l’Opéra Royal de VERSAILLES : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/haendel-alcina/https://www.operaroyal-versailles.fr/event/haendel-alcina/
Durée : 3h20mn (dont un entracte)
Opéra en trois actes sur un livret anonyme d’après l’Orlando Furioso de l’Arioste, créé à Londres en 1735.
Spectacle en italien surtitré en français et en anglais.

 

distribution

Lisette Oropesa, Alcina
Gaëlle Arquez, Ruggiero
Gwendoline Blondeel, Morgana
Teresa Iervolino, Bradamante
Philippe Talbot, Oronte
Guilhem Worms, Melisso
Samuel Mariño, Oberto
Les Épopées
Stéphane Fuget, clavecin et direction

 

PARIS, SAINTE-CHAPELLE, dim 30 mars 2025. Bach & the Future (3ème Festival « OPÉRA LYRIC & CO »). Myriam Ould-Braham, Mikaël Lafon…

Yann Harleaux nous offre un cycle enchanteur dans l’écrin somptueux de la Sainte Chapelle. Architecture unique au monde, où la lumière colorée semble y dissoudre toute la structure minérale, l’écrin gothique accueille à partir du 30 mars prochain, une série d’événements musicaux qui invite à vivre de nouvelles expériences musicales.

 

 

Ainsi dimanche 30 mars, programme inaugural « Bach & the Future » à 19h30 : deux danseurs de l’Opéra National de Paris (Myriam Ould-Braham, danseuse-étoile et Mickaël Lafon, sujet) y réalisent et réussissent avec la complicité de CLASSIK ENSEMBLE (David Braccini, direction), les noces de la musique et de la danse… d’où le titre « Let’s dance, de Bach à Piazzolla ».
A l’image du sous-titre « MIROIRS » de ce 3è Festival OPERA LYRIC & CO, les deux danseurs dialoguent avec les partitions choisies de Bach à Piazzolla, entre virtuosité musicale et puissance expressive de la danse.
Architecture mesurée, équilibrée de Bach, effusion et vertiges passionnées de Piazzolla… les deux artistes répondent à la diversité des écritures musicales ; ils imaginent des champs chorégraphiques au diapason aussi du lieu qui accueille ce premier concert prometteur : entre grâce, beauté, force et suprême élégance.

 

__________________________________
concert d’ouverture
LET’S DANCE ! de Bach à Piazzolla
PARIS, Sainte-Chapelle
Dim 30 mars 2025, 19h30
Réservez vos places directement sur le site du 3è FESTIVAL OPÉRA LYRIC & CO 2025 « Miroirs » :
https://www.euromusicproductions.fr/blank-1
Myriam Ould-Braham, danseuse-étoile
de l’Opéra National de Paris
Mikaël Lafon, sujet de l’Opéra National de Paris
CLASSIK ENSEMBLE
David Braccini, direction

 

 

LIRE aussi notre présentation du Festival OPÉRA LYRIC &CO 2025 « Miroirs » / du 30 mars au 1er mai 2025. Myriam Ould-Braham, Arielle Dombasle, Marine…
https://www.classiquenews.com/paris-sainte-chapelle-festival-opera-lyric-co-du-30-mars-au-1er-mai-2025-myriam-ould-braham-arielle-dombasle-marine-chagnon-jeanne-gerard-elsa-dreisig-marie-laure-garnier-axelle-saint-cir/

ÉCRIN ARCHITECTURAL, PERLES MUSICALES… A nouveau à partir du 30 mars (et jusqu’au 1er mai 2025), le producteur Yann Harleaux nous régale : son sens des associations heureuses rehausse la sublime architecture de la sainte-Chapelle en y programmant un cycle de concerts des plus aboutis. Cette année le Festival OPÉRA, LYRIC & CO a pour sous-titre « Miroirs » : une déclaration d’intention qui met en vibration, au cœur du Paris historique, architecture et musique. Pour chaque programme, l’accord entre l’écrin gothique et la musique qui s’y déploie, y produit une expérience mémorable que le spectateur chérit, désireux de le revivre de concert en concert… « Musique et architecture structurent l’espace et le temps, définissant chaque époque en transgressant ses codes. Elles entretiennent un dialogue constant, partageant une même vision du monde à travers formes et sons », précise Yann Harleaux.

 

 

PARIS, Sainte-Chapelle. 3ème Festival OPÉRA, LYRIC & CO :  » MIROIRS  » du 30 mars au 1er mai 2025. Myriam Ould-Braham, Arielle Dombasle, Marine Chagnon, Jeanne Gérard, Elsa Dreisig, Marie-Laure Garnier, Axelle Saint-Cirel, Karine Deshayes, Fabrice Di Falco, Jeanne Mendoche, Académie de l’Opéra national de Paris, Cyril Auvity, Fabienne Conrad…

 

 

 

 

 

 

concerts à venir,

lundi 31 mars 2025, 19h30
ACTE I : Arielle Dombasle (marraine du festival 2025)
HIPHOP, avec Yaman Okur – PLUS D’INFOS : https://www.euromusicproductions.fr/blank-1

 

________________________________________________