ENTRETIEN avec Li-Kung Kuo (violon) et Cédric Lorel (piano). Le Temps retrouvé… Annoncé le 15 nov prochain, le CD « Le temps retrouvé » suit les traces du violoniste légendaire Eugène Ysaÿe : un guide qui inspire ainsi le violoniste Li-Kung Kuo et le pianiste Cédric Lorel. Le duo explique l’enjeu artistique de leur premier album édité par Cadence Brillante : ressusciter l’engagement d’une personnalité musicale de premier plan, en lien étroit avec la composition et les auteurs de son temps… Si Ravel trouvait leurs natures difficiles à faire dialoguer, les deux instrumentistes déploient a contrario une étonnante complicité qui fait chanter les partitions choisies : Ysaÿe, Saint-Saëns, Chausson, Debussy… A deux voix, Li-Kung Kuo et Cédric Lorel ressuscitent un âge d’or de la musique de chambre française. Entretien avec les deux musiciens à propos de leur premier album dont le programme est aussi le sujet d’un concert exceptionnel le 2 décembre 2019, à Paris, Salle CORTOT.
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CNC / CLASSIQUENEWS : Que nous transmet aujourd’hui la figure du violoniste Eugène Ysaÿe ?
Li-Kung Kuo et Cédric Lorel : « Artiste aux dons multiples, immense interprète, professeur recherché et compositeur de talent, Ysaye a suscité nombre de créations et de collaborations artistiques à travers toute l’Europe. Il incarne un idéal de musicien qui dépasse les frontières, tout en étant profondément attaché à son pays et sa culture d’origine. Ses six sonates pour violon constituent un monument du répertoire pour l’instrument, aux côtés de celles de Bach et des caprices de Paganini. Par ailleurs son style est très représentatif de l’école franco-belge du début du siècle, avec une personnalité très marquée qui donne un caractère unique à ses interprétations. Ysaye demeure aujourd’hui encore une référence et un modèle pour tous les violonistes ».
CNC / CLASSIQUENEWS : Quels aspects du musiciens souhaitez-vous éclairer à travers votre programme ?
Li-Kung Kuo et Cédric Lorel : « L’inspirateur, par son art unique de violoniste, de certains des plus grands compositeurs de son temps (étant le dédicataire et le créateur de nombre de chefs-d’œuvre, à commencer bien sûr par le Poème d’Ernest Chausson). Egalement, son talent -plus méconnu- de compositeur à travers son « caprice en forme de valse » d’après Saint-Saëns, un aspect de son art que nous aimerions davantage mettre en avant, peut-être pour un futur projet d’enregistrement… ; Ses poèmes symphoniques, rarement joués et enregistrés, méritent également d’être redécouverts ».
CNC / CLASSIQUENEWS : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots les défis et le caractère général des oeuvres de Chausson, Saint-Saëns, Debussy ?
Li-Kung Kuo et Cédric Lorel : « Dans la sonate de Debussy, il faut trouver les couleurs et l’atmosphère si typiques de ce compositeur, en gardant une certaine liberté dans le discours musical -un peu comme si l’on voulait donner l’impression d’une improvisation- mais tout en respectant à la lettre les très nombreuses indications. Ceci est rendu encore plus délicat par la brièveté et la densité de l’œuvre, et par le caractère volontiers fantasque du discours musical.
Pour le poème de Chausson, outre sa durée (environ un quart d’heure, d’un seul tenant) et la richesse de l’écriture violonistique, un des défis est de maintenir la tension (et l’attention !) de la première à la dernière note. Inspirée par la nouvelle de Tourgueniev « Le chant de l’amour triomphant », la pièce est en effet d’un post-romantisme exacerbé et parfois même dramatique. Une autre difficulté est bien sûr de faire sonner au mieux la partie de piano transcrite à partir de l’orchestre, en conservant le souffle et l’esprit de cette œuvre si originale.
Le discours musical de la sonate de Saint-Saëns est plus simple et direct, et l’effet sur l’auditeur immédiat – la difficulté réside surtout dans la précision de la mise en place et l’écriture très virtuose pour les deux instruments, notamment dans l’étourdissant final. Qu’est ce qui en fait le lien ?
Le caractère cyclique de l’écriture musicale : chez Debussy et Saint-Saëns, certains thèmes et éléments mélodiques se retrouvent d’un mouvement à l’autre, parfois de manière évidente, parfois beaucoup plus subtilement.
Chez Chausson, le thème principal apparaît à plusieurs reprises tout au long de l’oeuvre, instrumenté ou harmonisé différemment. Dans les trois cas, ceci assure une grande unité à des œuvres à la forme apparemment très libre. Mais le lien peut-être le plus évident est bien sûr l’admiration et l’amitié qu’ont nourri chacun de ces compositeurs pour Ysaÿe ».
CNC / CLASSIQUENEWS : Vous évoquez Proust et la Sonate de Vinteuil… quel serait les caractéristiques principales de la musique française à l’époque de Proust, dont Vinteuil serait l’emblème ?
Li-Kung Kuo et Cédric Lorel : « Par rapport à la période romantique qui tire à sa fin et dont Saint-Saëns pourrait représenter un des derniers témoignages (tout en évitant certains de ses excès…), le tournant du siècle voit la musique se libérer et s’ouvrir à de nouvelles formes et influences : dégagée de l’emprise de Wagner – bien que son influence soit encore assez sensible chez Chausson, par exemple- un parfum fortement exotique (d’Asie notamment – effet des expositions universelles, mais aussi d’Espagne) imprègne nombre de compositions. Dans le même temps, l’exploration de nouvelles harmonies, un certain équilibre et des dimensions plus « raisonnables » se conjuguent heureusement avec un renouveau de la musique de chambre, dû d’abord principalement à César Franck , et qui poursuivra son accomplissement chez Chausson, Fauré, et nombre de compositeurs de première importance, inspirés et stimulés par des virtuoses exceptionnels ».
CNC / CLASSIQUENEWS : Comment s’est formé votre duo ? Quels sont les caractères qui permettent votre complicité ?
Li-Kung Kuo et Cédric Lorel : « Nous nous sommes rencontrés à l’occasion des concerts d’inauguration du Centre de Musique de Chambre de Paris auxquels Li-Kung participait, en 2015. Ayant en commun une prédilection pour certaines oeuvres et le désir d’explorer un répertoire moins courant et fréquenté, nous avons rapidement eu envie de déchiffrer et jouer ensemble.
Li-Kung a également étudié le piano et a une grande connaissance de l’instrument, son répertoire et ses interprètes, ce qui permet à mon avis une écoute encore plus attentive et une parfaite compréhension mutuelle lors de notre travail. Pour ma part, j’avais déjà pas mal d’expérience de musique de chambre, notamment dans la formation violon/piano, mais je n’avais que rarement eu l’occasion de travailler si en détails, en profondeur et sur la durée, ces œuvres magnifiques et passionnantes, mais ô combien exigeantes également.
Ravel pensait que le violon et le piano étaient par nature des instruments tellement différents qu’il était extrêmement difficile de les assortir… nous essayons pour notre part d’aller toujours plus loin pour trouver l’harmonie nécessaire et rendre cohérent un tel ensemble. »
Propos recueillis en novembre 2019
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LIRE notre présentation du cd Le Temps retrouvé par Li-Kung Kuo (violon) – Cédric Lorel (piano) / (1 cd Cadence Brillante) – Parution le 15 nov 2019. Concert exceptionnel de lancement, Paris, salle Cortot, lundi 2 décembre 2019, 20h. Réservez votre place ici :
https://www.billetweb.fr/kuo-lorel-le-temps-retrouve
NOUVEAU CD
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Parution du cd « Le temps retrouvé »
le 15 novembre 2019
+ d’infos sur le site Cadence Brillante :
http://cadencebrillante.com
CONCERT A PARIS
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Concert de lancement
PARIS, Salle Cortot,
Lundi 2 décembre 2019, 20h30
Li-Kung Kuo (violon)
Cédric Lorel (piano)
RÉSERVEZ
https://www.billetweb.fr/kuo-lorel-le-temps-retrouve
Programme :
Reynaldo Hahn (1874-1947)
Nocturne pour violon et piano
Claude Debussy (1862-1918)
Sonate pour violon et piano
Ernest Chausson (1855-1899)
Poème op. 25
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Sonate pour violon et piano n°1 op. 75
Eugène Ysaÿe (1858-1931)
Caprice d’après l’Etude en forme de valse op. 52 n°6 de Saint-Saëns
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TEASER VIDEO