
Bruno Procopio apporte dans son interprétation un nouveau souffle à cette œuvre monumentale, souvent attachée à une interprétation monolithique voire routinière. Son interprétation soucieuse des phrasés, de la dynamique, des tempi surtout, d’une sonorité ciselée tels qu’il les pratique habituellement quand il joue le répertoire baroque ou classique, en particulier avec son propre orchestre le JOR-Jeune Orchestre Rameau (1)] ….fait évoluer la connaissance de cet ouvrage, parmi les piliers du répertoire romantique. On y détecte en particulier le regard particulier accordé à la place des vents (bois et cuivres), une évaluation neuve qui autorise de nouvelles hypothèses de compréhension pour la Symphonie la plus impressionnante de Schubert…
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Pourquoi envisagez-vous un tempo plus rapide que ceux habituellement entendus ? Quelle est votre vision de l’œuvre ?
L’Andante qui ouvre la pièce, telle une symphonie de Haydn, indique une mesure à deux temps, le phrasé est sur deux mesures. La suite s’imbrique presque par équivalence dans un Allegro ma non troppo également à deux temps. Cette symphonie est clairement dédiée aux différents pupitres de vents (bois et cuivres); il faut donc veiller à la vitesse des notes répétées ; un tempo trop lent nuit à la facilité d’exécution pour les vents. Un tempo vif, allant est indispensable également pour pouvoir faire avancer convenablement l’harmonie et faire passer au second plan, les remplissages, les arpèges des cordes.
Comment réaliser l’Andante ?
L’andante con moto met en lumière le caractère populaire des motifs joué par les hautbois et les clarinettes. Le chef doit ici souligner la légèreté de l’écriture horizontale ; « andante » signifie allant… Un tempo qui nous laisse entendre un phrasé sur deux mesures (toujours le rappel de la structure proposée par les cors au début de l’ouvrage) est donc requis, ce qui renforce le caractère pastoral et même campagnard de l’inspiration. Le mouvement est même marqué par l’esprit de la foire, par ce milieu rustique que Schubert a probablement goûté lors de la composition de la symphonie… à la campagne.
Relecture décapante…
Vents exposés, tempi spécifiques, place du Scherzo (Trio), hommage à Beethoven…
La 9ème de Schubert par Bruno Procopio
Quelle serait le cœur de la symphonie, sa séquence la plus convaincante ?
Le troisième mouvement est pour moi la pièce centrale de l’œuvre, plus particulièrement le Trio. Bien qu’à 3/4 comme le Scherzo initial, Schubert indique donc un phrasé pour deux mesures, indication claire qu’une réduction de la vitesse n’est pas de mise mais au contraire, un tempo plus serré est à adopter. Encore une fois les vents sont maîtres à bord ; cette mélodie qui nous rappelle un thème pour un carrousel ne peut que saisir et envoûter, comme dans un souvenir onirique. Tout doit sonner simplement, sans prétention, sans lenteur.
Quels sont les défis du 4ème mouvement ?
Le quatrième mouvement est redoutable car il exploite tous les effectifs de l’orchestre. La partie de violon doit relever aussi plusieurs obstacles dont celui de la rapidité dans l’exécution des traits ; cette exigence technique est assurée grâce à la réactivité des musiciens qui sont très impliqués – au premier rang desquels le premier violon, Boris Paredes qui a tout : finesse, virtuosité, une sensibilité superlative et aussi une adaptabilité et une grande force de travail. Il entraîne tous les autres instrumentistes. Encore une fois, ce mouvement qui a quasiment la taille d’une symphonie classique, propose aux vents une mélodie simple et allante mais les cordes tricotent en second plan l’un des mouvements les plus difficiles du répertoire ! Voilà toute la magie de cette symphonie, un savant mélange de rusticité, de simplicité, de voltige.
Comment l’œuvre s’inscrit-elle dans le catalogue général du compositeur ?
En définitive la 9ème n’est pas la symphonie d’une vie, le sommet qui couronne toute une carrière mais une œuvre pleine de verve et d’ambition où Schubert expérimente de nouvelles dimensions. L’œuvre frappe par sa vocalité personnelle et sensuelle. C’est une symphonie qui rend hommage à Beethoven, avec même un discret plagiat (citation de l’Ode à la Joie de la 9ème de Beethoven, jouée alors à la clarinette – 4ème mouvement / 2ème partie).
Propose recueillis en mai 2023
Approfondir
LIRE notre présentation des concerts 9ème Symphonie de Schubert par l’Orchestre
Simon Bolivar – CARACAS et Bruno Procopio, les 17 et 19 mars 2023 : https://www.classiquenews.com/caracas-le-maestro-bruno-procopio-dirige-lorquesta-barroca-simon-bolivar-dans-la-9e-symphonie-de-schubert-19-mars-2023-2/

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BRUNO PROCOPIO, MAESTRO TRANSTLANTIQUE entre France et Brésil
http://brunoprocopio.com/fr/portfolio/portrait-maestro-transatlantique/
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JEUNE ORCHESTRE RAMEAU, fondé par Bruno Procopio en oct 2021
JOR-Jeune Orchestre Rameau (1)/ Session d’octobre et novembre 2022] : https://www.classiquenews.com/evenement-baroque-le-jeune-orchestre-rameau-jor-a-lecole-des-defis-et-de-lexcellence-baroque/
JOR – Reportage la création du JOR Jeune Orchestre Rameau / Octobre 2021 :