dimanche 8 décembre 2024

ENTRETIEN avec DIANA BARONI, à propos de son nouvel album « Mujeres ».

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La couverture, véritable hymne floral, célébrant entre autres la beauté des tournesols, illustre bien une sensibilité à fleur de peau, à l’intimisme flamboyant. Après La Macorina, The Emidy Project, Pan Atlantico, voici depuis mars 2023, le dernier programme musical conçu par Diana Baroni, interprète hors normes, flûtiste (baroque) et chanteuse (à textes). Hors des sentiers battus, la diva inclassable chante sa latinité sensible, extra européenne et volontiers engagée.  Une activiste artiste dont le souffle sculpte le mot et la note. Argentine, Diana Baroni retrouve le charisme des grandes chanteuses d’Amérique du sud, dans une collection nouvelle d’airs et de chansons âpres autant qu’oniriques, évoquant un seul thème : les femmes / « Mujeres » en espagnol. Aux côtés de la figure de Marie, protectrice, miséricordieuse, Diana Baroni exprime le destin de femmes cloîtrées, empêchées, suicidées… Il y a toujours au sein de ses programmes, un fil ténu qui mêle en une trame bouleversante, le poétique et le tragique. ENTRETIEN.

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Rare (et exceptionnelle) flûtiste (baroque), Diana Baroni chante aussi merveilleusement, avec une élégance critique, qui enchante et prend à témoin, soulignant la réalité parfois tragique des femmes qui l’inspirent (DR)

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Qu’est ce qui singularise votre approche artistique ? En quoi les instruments et le choix de vos partenaires donnent-ils aussi du sens à vos programmes?

DIANA BARONI : Instrumentalement, je poursuis mon travail d’exploration, dans le non conventionnel ; hors des normes et des habitudes ; la matière sonore et par conséquent le choix des instruments et des artistes partenaires pour la conception de mes projets, a toujours été centrale. Pour « La Macorina », j’étais accompagnée par un quintette à cordes ; pour notre spectacle dédié à Josef Antonio Emidy, j’ai travaillée en équipe avec Tunde Jegede, virtuose de la Kora et compositeur (qui a aussi écrit le texte du spectacle). Avec « Pan Atlantico », le programme qui a précédé « Mujeres », j’ai retrouvé en Simon Drapier et son arpeggione (également présent pour Emidy), le partenaire instrumentiste parfait.

Cette année, en résidence artistique à Royaumont et ensuite à l’Abbaye aux Dames, j’ai travaillé sur un nouveau projet avec Jasser Haj Youssef violoniste tunisien, joueur de viole d’amour et compositeur ; j’ai suivi le même cheminement, dans un geste qui explore et souhaite réinventer la forme du spectacle, la place de la voix, le rôle de chaque instrument.

Enfin dans la conception de « Mujeres » le lien d’amitié et complicité c’est tissé d’avantage avec Ronald Martin Alonso et sa viole de gambe d’une façon tout aussi naturelle ; l’instrument est proche de la voix et de la parole ; elle exprime directement cette vibration qui saisit et frappe immédiatement l’esprit. Sa franchise mobilise et interpelle.

Pour chaque mélodie du répertoire choisi, la voix et l’instrument se répondent, fusionnent, se complètent totalement ; Ronald Martin Alonso mène lui même une recherche toute particulière sur l’instrument baroque, en dehors des sentiers remâchés des concerts « classiques », strictement baroqueux. Nos démarches se sont rencontrées ; lui aussi aime prendre des risques ; il souhaite offrir un autre visage de la viole.

 

 

MUJERES par Diano Baroni

Je défends la parole des femmes,
leur besoin de se faire entendre

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment avez-vous bâti le programme « MUJERES » ?

DIANA BARONI : Le thème central du programme « MUJERES » est la souffrance des femmes ; la douleur insondable de celles qui ont subi l’incompréhension, l’acharnement, l’humiliation. Je rends ainsi hommage à la poétesse argentine (comme moi) Alfonsina Storni (suicidée en 1938) à travers la canción / chanson « Alfonsina y el mar », pilier du répertoire d’Ariel Ramirez ; même destin foudroyé concernant la plasticienne, musicienne, compositrice chilienne Violetta Parra (« Corazón maldito »), âme maudite qui imagine se confesser à son propre coeur dans son poème.

Le courage est celui des femmes qui luttent ; des combattantes qui osent défier l’ordre social. La plus ancienne demeure Sor Juana Inès de la Cruz, sublime figure mexicaine au Siècle d’or, qui choisit de s’enfermer dans un couvent… pour y étudier en toute tranquillité et y écrire des poèmes ; un travail intellectuel et littéraire, impossible dans la société profane (villancico « Pues mi Dios »). Sa radicalité est admirable ; Juana s’adresse à Dieu dans une prière à la fois, naïve, tendre, apaisée, mais sombre et tragique, habitée par la mort. Un air puissant et cathartique pour conjurer les effets de l’enfermement choisi, subi.

La maternité consacre la Vierge Marie, mais aussi l’expérience qui fortifie dans la peine et la solitude ; celles de « Llora tus penas » (Túntuna bailecito de l’argentine Luciana Ortiz) ; c’est le labeur quotidien de la mère célibataire qui élève seule ses enfants. Le titre m’offre ainsi l’opportunité de dédier l’album aussi aux femmes qui ont enfanté, à toutes les mères.

Cet album est pour moi un objet artistique porte parole des femmes ; il porte des messages pour éveiller les consciences ; infléchir le regard de la société sur les femmes. Sans doute depuis 20 ans, j’observe une certaine prise de conscience, les effets d’une sensibilisation de plus en plus forte sur la question de l’égalité par exemple… c’est en cours, mais pas dans tous les territoires pareillement.

 

Photo © Erol Gum

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment définiriez-vous votre engagement ?

DIANA BARONI : En tant qu’instrumentiste et chanteuse, je défend la parole des femmes, leur besoin de se faire entendre. Je me définis comme une militante et une artiste engagée, car l’art porte inévitablement un message et un positionnement politique, social, humanitaire. Dans la scène baroque ou de musique classique ce n’est pas toujours facile, c’est un milieu que je n’ai pas quitté pour autant même si je trouve certains ensembles et musiciens étrangement conservateurs ; trop repliés sur leur propre travail.

J’aime à rappeler que ma mère était activiste, communiste très impliquée et active, qui n’hésitait pas à manifester -elle l’est toujours d’ailleurs. Son éducation mettait un point d’honneur à vérifier la cohérence et le sens de chaque acte. J’ai évidemment hérité d’elle, de ma famille, et de mon grand père anarchiste ; ils m’ont transmis l’importance de la responsabilité, de l’intégrité, de l’action.

De façon rétrospective, je déroule le fil de ce qui a été accompli ; je reconstitue chaque étape de mon parcours artistique comme un élément d’une action cohérente. Chaque programme et chaque enregistrement fait sens au moment où il a été réalisé… J’en mesure le sens à présent.

Chacun des artistes rencontrés sur mon chemin a apporté sa pierre à l’édifice: aux cotés de Ronald Martin Alonso, Rafael Guel Frias (avec son univers musicale si particulier pour « Mujeres »,  mais aussi « Son de los Diablos », « Flor de Verano », « Macorina », « The Emidy Project »), l’arpeggione de Simon Drappier (« Pan Atlantico »), la kora de Tunde Jegede (« Flor de verano », « La Macorina », « The Emidy Project »), sans omettre Jasser Haj Youssef actuellement, avec son univers et sa viole d’amour pour une création en évolution… ».

Les chants / champs à défricher sont encore nombreux ; je promets de nouvelles découvertes.

 

 

Propos recueillis en mai 2023

 

 

Photo © Erol Gum

 

 

 

CRITIQUE

 

LIRE aussi notre critique du concert Mujeres par Diana Baroni et Rafael Guel Frias au Festival de Musique sacrée de Perpignan 2023 : https://www.classiquenews.com/critique-festival-perpignan-37eme-festival-de-musique-sacree-le-8-avril-2023-diana-baroni-mujeres-la-tempete-s-p-bestion-jerusalem/

 

CRITIQUE, Festival. PERPIGNAN, 37ème Festival de Musique sacrée, le 8 avril 2023. Diana Baroni : Mujeres / La Tempête, S-P. Bestion : Jerusalem.

 

 

 

 

DIANA BARONI en concert été 2023 :

Tous les concerts ici : https://www.dianabaroni.com/agenda

 

21 Juin 2023 – MUJERES / PAN ATLANTICO : Concert privé pour la FONDATION ORANGE Issy les Moulineaux 

19 Juillet – PAN ATLANTICO : Festival Musique & Mémoire, Vosges du Sud

23 Juillet – THE EMIDY PROJECT : Festival de musique sacrée Abbaye de Sylvanes

26 Juillet – MUJERES : Festival Musique & Memoire

29 Juillet – DOUS MARES : Festival Internacional de Musica Colonial – Juiz da Fora, Brésil

5 Aout – MUJERES : Chapelle Saint Michel l’Observatoire – Provence

20 Aout – MUJERES : Festival SonNA – Huesca, Espagne

31 Aout – MUJERES : Festival Le potager du Roi, Versailles

 

 

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