DVD, compte rendu critique. Verdi : Macbeth. Anna Netrebko (DG, 2014). Anna Netrebko incarne une Lady Macbeth trĂšs convaincante. Dans son album Deutsche Grammophon Ă©ditĂ© en 2013 (Verdi album), Anna Netrebko chantait les tiraillements amoureux (Leonora) et les ambitions meurtriĂšres (Lady Mabeth) des hĂ©roĂŻnes qu’elle allait ensuite incarner sur scĂšne. Programme prĂ©monitoire en rĂ©alitĂ©, le cd Ă©vĂ©nement faisait donc office de feuille de route pour la cantatrice actrice. De fait elle a chantĂ© dans la foulĂ©e de cet album important Leonora du TrouvĂšre (Ă Berlin et Salzbourg), puis Lady Macbeth … Voici la fameuse production shakespearienne captĂ©e en 2014 au Metropolitan Opera de New York. Les grands Ă©vĂ©nements lyriques de la planĂšte savent faire un tapage mĂ©diatique d’autant plus lĂ©gitime quand il s’agit de prises de rĂŽle attendues et rĂ©ussies. Dans le cas de la soprano incandescente Anna Netrebko, contre l’avis de certains qui annonçaient une dĂ©bĂącle car elle n’avait pas la voix suffisante, le pari est relevĂ© ; les attentes, couronnĂ©es de dĂ©lices.
SignĂ©e par le britannique Adrian Noble, grand connaisseur du théùtre Ă©lisabethain, la mise en scĂšne permet surtout de dĂ©couvrir Anna Netrebko en icĂŽne blonde dĂ©corĂ©e par l’ambition fut-elle sanguinaire rappellant⊠en plus calculatrice et plus prĂ©datrice, Marylin Monroe. Verdi souhaitait une cantatrice expressive capable avec le baryton chantant son Ă©poux, de rĂ©ussir et l’amplitude vocale et le sentiment de la ligne sans oublier l’esprit londonien qui inscrit le drame dans un fantastique mĂ©diĂ©val, psychologique et hallucinĂ©, des plus noirs. Le vrai sujet de Macbeth reste la descente aux enfers d’un couple d’ambitieux, prĂȘts Ă tout y compris au crime en sĂ©rie pour assoir son pouvoir. On retrouve aux cĂŽtĂ©s de la soprano vedette, le tĂ©nor maltais Joseph Calleja (Macduff), la basse RenĂ© Pape (Banco), et le baryton Zeljko Lucie, qui fait un Macbeth transformĂ© peu Ă peu en criminel fou, sous l’emprise du pouvoir. L’ambition irrationnelle rend fou et criminel.
DĂšs les premiĂšres reprĂ©sentations (mi ocotobre 2014) et malgrĂ© les mises engarde de ses proches, Anna Netrebko s’empare du rĂŽle dont elle exprime toutes les facettes avec cette intelligence Ă©motionnelle qui a fait la rĂ©ussite de ses rĂŽles antĂ©rieurs : Leonora chez Verdi (princesse amoureuse enivrĂ©e Ă©perdue et finalement sacrifiĂ©e) ou tout autant aboutie avec le diamant complĂ©mentaire de sa langue natale (Iolantha de Tchaikovski : ardente Ă©nergie tournĂ©e vers le miracle d’une rĂ©surrection individuelle ; inspirĂ© par le Moyen Ăąge français, le dernier ouvrage du Russe, trouve en Anna Netrebko une icĂŽne troublante qui rend palpitant les modalitĂ©s de l’Ă©mancipation d’une jeune fille hors du joug paternel): aucun doute outre la beautĂ© d’une voix corsĂ©e et suprĂȘmement sensuelle, la chanteuse sait aussi construire un personnage sur la durĂ©e, rĂ©vĂ©lant dans leur finesse singuliĂšre, chaque portrait de femme, dĂ©voilant une intelligence psychologique qui se rĂ©vĂšle passionnante au disque comme sur scĂšne. Avec des moyens vocaux moins impressionnants que certaines autres cantatrice familiĂšres du personnage verdien, Netrebko Ă©claire la noirceur de Lady Macbeth avec une Ă©paisseur rare, finement caractĂ©risĂ©e. Sa plasticitĂ© naturelle tend Ă basculer la rĂ©alisation new yorkaise vers le cinĂ©ma ; mais un format que la rĂ©alisation en dvd ne renforce pas hĂ©las. Pourtant sous l’oeil des camĂ©ras, la formidable photogĂ©nie de l’actrice chanteuse perce l’Ă©cran.
En fosse, Fabio Luisi dĂ©fend avec clartĂ© l’avancĂ©e du drame : un drame qui s’affirme Ă grands coups de tableaux visuellement mĂ©morables mais qui sacrifient parfois la prĂ©cision et le dĂ©tail des profils et des mouvements (McVicar en cela est plus perfectionniste).
Tout autant convaincants sont ses partenaires hommes, surtour RenĂ© Pape en Banquo et Joseph Calleja en Macduff. Le Macbeth de Zeljko Lucic aux moyens certes Ă©vidents, mais il n’a pas le charme de sa consĆur ni son intelligence ni sa fragilitĂ© Ă©motionnelles dans la caractĂ©risation progressive du caractĂšre ; comme Netrebko, on aurait souhaitĂ© plus d’ambivalence, plus de trouble plutĂŽt que ce chant uniteinte et monocorde, dĂ©pourvu de toutes les nuances requises. Verdi en shakespearien inspirĂ© a pourtant Ă©crit deux portraits de criminels particuliĂšrement profonds et captivants, les rendant mĂȘme d’une certaine façon sympathiques et touchants par leurs tiraillements incessants, leur sincĂ©ritĂ© noire, leur faiblesse barbare. La production compte dans la carriĂšre de la diva planĂ©taire : la voix fĂ©minine de l’heure comme est incontournable aujourd’hui, le tĂ©nor irrĂ©sistible Jonas Kaufmann (hĂ©las passĂ© de Decca chez Sony).
Prochains grands rĂŽles pour Anna Netrebko : Manon Lescaut de Puccini (Munich, novembre 2015) puis surtout Elsa, dans Lohengrin de Wagner Ă Bayreuth (juillet 2016 : mais alors qui sera son chevalier : Klaus Florian Voigt ou justement Jonas Kaufmann, les deux champions actuels de ce rĂŽle idĂ©al ?…
DVD, compte rendu critique. Verdi : Macbeth. Anna Netrebko · Zeljko Lucic. René Pape · Joseph Calleja. The Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet. Fabio Luisi, direction. Adrian Noble, mise en scÚne.
VOIR. Bande annonce video Lady Macbeth par Anna Netrebko
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