samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, opéra. STRASBOURG, Opéra du Rhin (du 20 au 30 janvier 2025). OFFENBACH : Les Contes d’Hoffmann. A. Glaser, L. Ruiten, J. S. Bou… Lotte de Beer / Pierre Dumoussaud

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

En coproduction avec l’Opéra Comique, l’Opéra de Reims et le Volksoper de Vienne, l’Opéra national du Rhin propose actuellement une nouvelle production des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach confiée à la néerlandaise Lotte de Beer, dont on se rappelle Les Noces de Figaro en 2021 au Festival d’Aix-en-Provence. Las, cette nouvelle régie, malgré quelques bonne trouvailles, ne nous a guère mieux convaincus que son premier travail auquel nous ayons assisté. 

 

Nous savons pertinemment qu’il n’existe pas de version “définitive” des Contes d’Hoffmann, son auteur ayant disparu avant que l’ouvrage ne soit donné à scène, mais est-ce une bonne raison pour défigurer, en ré-écrivant les textes parlés mais surtout en coupant aux ciseaux, le chef d’oeuvre d’Offenbach. Ré-écrits par Peter Te Nuyl, les dialogues deviennent ici un texte confié à la Muse qui vient interroger les choix d’Hoffmann, et jouer les psys de bazar en donnant son avis sur tout, et nous énumérerons pas les énormes coupes à la hache de la partition. La scénographie, imaginée par Christof Hetzer n’emballe guère non plus, avec son décor unique et étriqué de bar couvert de vieux papier peint défraîchi. La seule bonne idée, cela dit emprunté à la fameuse production de Jérôme Savary aux débuts des années 2000, est le dédoublement en version gigantesque et minuscule de la poupée Olympia…

 

La distribution s’avère inégale, et aucun des principaux rôles, si ce n’est l’épatante Muse de Floriane Hasler, n’emportent vraiment l’adhésion. Le rôle titre confié au ténor germano-italien Attilio Glaser possède une bonne diction et notre langue et affronte crânement les difficultés de sa partie, mais avec une voix qui détimbre systématiquement dans l’aigu. Formidable Lucia il y a quelques années, Lenneke Ruiten ne maîtrise plus aussi bien son registre suraigu, ce qui nous vaut des notes stridentes en Olympia, tandis qu’elle ne possède ni le médium d’Antonia ni les graves de Giuletta. Excellent comédien, le baryton français Jean-Sébastien Bou chante certes très bien mais n’a pas la noirceur de voix qu’appelle les quatre Diables (expressément destinés à une voix de basse !). Le pauvre Raphaël Brémard, aussi bon chanteur que comédien, n’a malheureusement que l’air de Frantz pour Briller, tandis que le vétéran Marc Barrard se montre impayable avec sa gouaille habituelle en Luther (mais on lui a retiré à lui aussi son unique air…). Enfin, Bernardette Johns, membre de l’Opéra Studio, offre des accents touchants à la mère d’Antonia.

 

En fosse, le jeune chef français Pierre Dumoussaud rallie, lui, tous les suffrages, et offre – à la tête d’un Orchestre Philharmonique de Strasbourg merveilleusement sonnant – une version chatoyante du chef d’œuvre d’Offenbach. La phalange alsacienne offre à entendre une souplesse et une clarté de texture tout simplement idéales dans ce répertoire. Les tempi sont plutôt rapides, mais d’habiles ruptures interrompent judicieusement le déroulement du spectacle, pour donner soudain plus de poids aux moments cruciaux du drame. Réalisant avec aisance la synthèse des divers styles musicaux de cette partition composite, le chef français parvient à faire scintiller chaque détail de l’instrumentation, tout en menant fermement à terme ce jeu de la faiblesse humaine, où humour et poésie diaphane alternent avec bonheur.

Une fois encore, c’est bien la musique qui est la grande triomphatrice de la soirée !

 

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CRITIQUE, opéra. STRASBOURG, Opéra du Rhin (du 20 au 30 janvier 2025). OFFENBACH : Les Contes d’Hoffmann. A. Glaser, L. Ruiten, J. S. Bou… Lotte de Beer / Pierre Dumoussaud. Toutes les photos © Klara Beck

 

VIDEO : Trailer des « Contes d’Hoffann » de Jacques Offenbach selon Lotte de Beer à l’Opéra National du Rhin

 

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