vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, opéra. LYON, opéra, le 15 mars (et jusqu’au 2 avril) 2024. PUCCINI : La Fanciulla del West. C. Isotton, R. Massi, C. Sgura… Tatjana Gürbaca / Daniele Rustioni.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Pour ouvrir son Festival de printemps, intitulé “Rebattre les cartes” cette année, l’Opéra de Lyon et son directeur Richard Brunel proposent le rare titre qu’est “La Fanciulla del West” de Giacomo Puccini – ce qui permet également à la manifestation lyonnaise de payer tribut au centenaire de la disparition du maestro italien. 

 

 

Avouons d’emblée que c’est pourtant un joyau de l’opéra italien du XXème siècle, comme l’avait écrit en son temps Alban Berg, qui y admirait tant la modernité de l’écriture que la complexité des figures rythmiques de l’ouvrage. Et comme souvent à Lyon, le bonheur est en premier lieu dans la fosse, avec un directeur musical de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni, qui fait déborder des flots de passion. Chaque personnage, aussi épisodique soit-il, est croqué avec un luxe de nuances par un Orchestre de l’Opéra national de Lyon vif-argent, au jeu d’une plasticité luxuriante, par exemple dans les délicates broderies accompagnant la scène de la lecture de la Bible. Et s’il est vrai que que l’ouvrage ne connaît pas encore la célébrité qu’il mérite (l’Opéra National de Paris ne l’a mis à son répertoire qu’en 2014, soit près de 100 ans après sa création !), le chef italien confirme que toute tentative de réhabilitation durable relève d’abord de la responsabilité du chef, et pas seulement des chanteurs.

Pour autant, l’équipe vocale est loin d’être en reste, et c’est un brelan d’as qu’ont su réunir Richard Brunel et son équipe à Lyon, à commencer par la Minnie tout feu tout flamme de la soprano italienne Chiara Isotton, qui brosse un portrait tout en finesse de la farouche héroïne. Loin d’en faire une “Brünnhilde à l’italienne”, elle travaille le rôle dans la demi-teinte et la retenue. Les aigus ne manquent certes pas d’impressionner, mais c’est finalement dans les moments intimistes que la chanteuse atteint les cimes. Le nostalgique air “Laggiù nel soledad” est abordé ici comme un Lied, la voix tissant des correspondances raffinées avec un tissu orchestral riche en ruptures de rythmes et en fugaces éclairs de tendresse. Son compatriote Riccardo Massi trouve lui aussi des accents inattendus pour caractériser son personnage. S’appuyant sur un présence physique avantageuse, il parvient à charger son chant de mélancolie et de poésie, tout en délivrant, quand nécessaire, des aigus radieux, notamment dans son grand air – “Ch’ella mi creda– qui a ravi le public. Et l’on pouvait compter sur Claudio Sgura pour tenir tête à ce couple exceptionnel, avec sa prestation virile, sans être exhibitionniste, cultivant l’art de la nuance, et en donnant une complexité et une profondeur psychologique inhabituelles à Jack Rance. De l’impressionnante troupe de chanteurs-acteurs qui se partagent la quinzaine d’emplois secondaires, se détachent l’Ashby de l’excellent baryton polonais Rafal Pawnuk (déjà particulièrement remarqué le mois dernier à Limoges dans un Stabat Mater de Dvorak où il partageait déjà l’affiche avec Léo Vermot-Desroches, ici dans le rôle plus éphémère de Harry). Citons également le Nick de Robert Lewis (soliste dans la troupe du Lyon Opéra Studio), le Sid du bondissant Matthieu Toulouse ou encore l’émouvant Sonora d’Allen Boxer. 

Confiée à Tatjana Gürbaca, la mise en scène est plus “sage” que d’habitude par rapport à ce que nous avons pu voir, ici ou là, de la part de la régisseuse allemande, qui propose ici un travail respectueux du livret, tout en le réduisant à l’essentiel, avec une scénographie unique, efficace mais un peu lassante sur la longueur, en se réduisant à un monticule bosselé aux tons sépias, sur lequel vient se poser la cabane (ronde) de Minnie, à l’acte II. Comme toujours, en revanche, sa direction d’acteurs se montre aussi précise qu’intéressante, en donnant à voir un milieu brutal où la violence surgit au moindre prétexte. Par opposition, la présence de Minnie introduit une touche de tendresse mystique, comme l’attestent les scènes de la Bible (déjà citée) ou de demande de pardon général (au III). Un excellent travail est également proposé sur les (magnifiques) éclairages de Stefan Bolliger, et les costumes extrêmement variés et recherchés conçus par Dina Ehm.

Une œuvre rare décuple toujours le plaisir, et soulève en l’occurrence l’enthousiasme d’un public lyonnais ayant répondu largement à l’appel pour cette soirée d’ouverture du Festival de Printemps de l’Opéra de Lyon – qui démarre ainsi sous d’excellentes augures !

 

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CRITIQUE, opéra. LYON, opéra, le 15 mars (et jusqu’au 2 avril) 2024. PUCCINI : La Fanciulla del West. C. Isotton, R. Massi, C. Sgura… Tatjana Gürbaca / Daniele Rustioni. Photos (c) Jean-Louis Fernandez.

 

VIDEO : Bande-Annonce du Festival de Printemps de l’Opéra national de Lyon

 

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