lundi 14 octobre 2024

Critique, concert. LIMOGES, opéra de Limoges, le 18 février 2024. DVORAK : Stabat Mater. H. Carpentier, A. Schmidt, L. Vermot-Desroches, R. Pawnuk. Orchestre et Chœur de l’Opéra de Limoges / Leonhard Garms (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.
A 36 ans, Antonin Dvorak, né en 1841, compose son Stabat Mater dans des circonstances personnelles tragiques. L’œuvre – qui dure près d’une heure trente – est liée à une série de deuils familiaux. La partition est écrite au moment du décès de sa fille, Josepha, en 1876. Mais le père allait être à nouveau frappé par le destin quand survint, à quelques mois d’intervalles, le décès de sa seconde fille, Ruzena, lors d’un accident domestique, puis celui de son fils, Potokar, victime de la variole. L’ouvrage – qui est une réflexion sur la mort – permet au compositeur d’exprimer l’horreur et le renoncement, depuis son début désespéré jusqu’à la sublimation atteinte par le développement cathartique et spirituel de l’ample méditation. Dvorak aborde l’ensemble du texte sacré de Jacopo di Todi, moine ombrien du XIVème siècle. La partition est conçue pour chœur mixte, pouvant compter jusqu’à 100 exécutants, quatre solistes et orchestre symphonique. Elle date de l’époque où Dvorak côtoie Brahms, lequel a créé à la même époque (mars 1877) son Requiem Allemand. Brahms n’a jamais caché son admiration pour son confrère Tchèque dont il avait souhaité la présence à Vienne. L’oeuvre qui sera jouée en mars 1884 au Royal Albert Hall, puis en septembre 1884, lors du Festival de Worcester à Londres (couplée avec la Symphonie n°6, sous la direction de l’auteur) contribua dans une large part à la reconnaissance du compositeur, à l’échelle européenne.

 

 

Avant même l’orchestre, le Stabat Mater de Dvorák nécessite un chœur de tout premier ordre et force est de constater que le Choeur de l’Opéra de Limoges, dès leur magnifique entrée dans le « Stabat Mater dolorosa », sont plus qu’à la hauteur – très bien préparé par Arlinda Roux-Majollari. Capables de la puissance la plus terrible (certaines inflexions du « Fac, ut ardeat cor meum ») comme de la douceur la plus incroyable (la tendre psalmodie du « Eja, Mater, fons amoris », la page certainement la plus émouvante de la pièce), les chanteurs du chœur entraîne tout sur leur passage.

Côté instrumentistes, l’Orchestre de l’Opéra de Limoges – dont nous ne cessons d’applaudir les progrès depuis l’arrivée de Pavel Baleff à sa tête – est ici parfaitement conduit par le chef autrichien Leonhard Garms, déjà applaudi à l’Opéra de Rennes. Veillant aux équilibres entre les différents pupitres avec une attention croissante au fil du concert, il adopte avec persuasion une approche grandiose de l’ouvrage – ah les éclats de la première partie ! -, faisant certes parfois fi de l’intimité de tel ou tel passage, mais sans pour autant que sa conception soit hors propos. Si les toutes cordes requises ici n’appellent aucun reproche, ce sont surtout les bois qui se font remarquer : une fois encore, la petite harmonie de l’Orchestre de l’Opéra de Limoges prouve toute sa finesse.

Enfin, les solistes offrent un quatuor des plus solides. Ainsi, après une entrée très lyrique dans le premier morceau, le jeune ténor français Léo Vermot-Desroches se fait particulièrement remarquer dans le « Fac me vere tecum flere« , servi par une voix rayonnante – mais également empreinte de “religiosité”. Si la soprano Hélène Carpentier offre son beau timbre lumineux et de superbes aigus, on avouera avoir été encore plus transporté par la prestation de la mezzo polonaise Agatha Schmidt, qui excelle à chacune de ses interventions, notamment au début du « Quis est homo » ou dans l’ « Inflammatus » qui lui est entièrement dévolu, et dans lequel ses graves à la fois profonds et naturels ne manquent pas d’impressionner. Quant à son compatriote Rafal Pawnuk, positivement découvert à Gstaad aux côtés de Jonathan Tetelman le mois dernier, il se montre idéal dans le puissant « Fac, ut ardeat cor meum » grâce à une voix chaude et une projection sans excès.

Un superbe concert donc – qui aura rendu tout son lustre à un ouvrage magnifique, mais malheureusement trop rarement programmé : le plaisir et la chance d’y avoir assisté n’en aura été que plus grand !

 

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Critique, concert. LIMOGES, opéra de Limoges, le 18 février 2024. DVORAK : Stabat Mater. H. Carpentier, A. Schmidt, L. Vermot-Desroches, R. Pawnuk. Orchestre et Chœur de l’Opéra de Limoges / Leonhard Garms (direction). Photos (c) Emmanuel Andrieu

 

Vidéo : Nikolaus Harnoncourt dirige le “Stabat Mater” d’Antonin Dvorak

 

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