samedi 14 septembre 2024

CRITIQUE, LIVRE événement. JEAN-JACQUES NATTIEZ : Proust musicien (éditions PMU Presse Universitaires de Montréal – 3 ème édition, mai 2024)

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L’édition première remonte à 1984 à la suite de deux séminaires dédiés, l’un sur la correspondance des arts [Université du Québec à Montréal en 1976-1977] ; puis l’autre, en 1981 et 1983 à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Or depuis des éléments nouveaux ont permis une nouvelle approche et donc une meilleure compréhension des manuscrits sources, en particulier depuis que l’œuvre est tombée dans le domaine public dont témoigne la nouvelle édition de La Pléiade entre 1987 et 1989, commentée par Jean Yves Tadié [4 tomes] qui remplace désormais son prédécesseur Pierre Clarac [1954 en 3 volumes].

 

L’accès à quasiment toutes les esquisses et scénarios imaginés par Proust, dans les bénéfices multiples d’une poïétique clairement exposée, commentée, accessible à présent, nourrit notre connaissance de la genèse du « mythe Vinteuil« , figure clé du compositeur selon Proust. Ce dernier, suprême conteur, accumule tant de précisions à son sujet que d’aucun ont pensé / pensent toujours, que la créature fictionnelle a bel et bien existé. Sa Sonate pour violon et piano, son Septuor s’ils sont nés dans la recherche, paraissent plus vrais que nature. Au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, n’existe-t-il pas, aux côtés des salles Rameau, Fauré et Debussy, une salle… Vinteuil? Bel hommage qui est aussi source de quiproquos.

Comme un enquêteur amoureux de l’objet de sa recherche, l’auteur recense, analyse, décrypte, recompose et nourrit chaque opus de l’œuvre musicale du dénommé Vinnteuil, œuvre elle aussi multiple éparpillée dans chacun des volumes de l’odyssée proustienne, – romans et aussi textes engagés : Contre Sainte-Beuve, Jean Santeuil,  Les Plaisirs et les jours ; évidemment  les sept romans de la Recherche : Du côté de chez Swann, À l’ombre des jeunes filles, Le côté de Guermantes,  Sodome et Gomorrhe, La prisonnière, La fugitive, Le temps retrouvé.

Il en déduit le catalogue précis de toutes les œuvres composées par Vinteuil que mentionne et décrit si subtilement Proust dans La recherche, avec un focus spécifique sur la fameuse « petite phrase », emblème de l’amour qui cristallise d’une certain manière et qui manifeste tous les états d’âme du Swann épris, amoureux.

Proche des idées et questionnements développés dans ses autres essais : « Musicologie générale et sémiologie, Wagner androgyne, Le combat de Chronos et d’Orphée »… mais aussi Lévi-Strauss musicien, Analyses et interprétations de la musique, Fidélité et infidélité dans les mises en scène d’opéra et Les récits cachés de Richard Wagner… ces derniers rédigés depuis 2008, cette 3ème édition s’affirme par son apport particulièrement riche. Voire définitif ?

 

 

3ème édition de
 » Proust musicien  » de Jean-Yves Nattiez,
une poïétique proustienne
exhaustive, nouvellement exploitée

Bénéficiaire de ces dernières données, cette 3e édition a le mérite de l’actualisation et de l’enrichissement des informations comme des pistes spéculatives.
Le texte corrigé et remodelé ainsi souligne les fruits de l’analyse qui questionne les rapports entre musique, mythe, littérature ; en réalité l’auteur va plus loin qu’une simple étude transversale et générique sur les rapports musique / langage.

Moins économe dans l’approfondissement de son approche critique, l’auteur défend désormais que « Proust musicien est bel et bien un essai de sémiologie » ; d’abord, en révélant la  progression du rapport de Proust à la musique tout au long de la Recherche.
Ensuite, en précisant que «  l’inventaire empirique de ce que Proust nous dit de la musique constitue bien une analyse du niveau neutre, au sens du modèle tripartite de Jean Molino  » que l’auteur utilise systématiquement dans ses investigations sémiologiques.

La vision de la musique chez Proust dévoilant comme en miroir ses propres » stratégies créatrices « , relève ainsi comme dit précédemment, d’une poïétique aussi complète qu’intégralement et récemment exploitée.

Davantage qu’hier et mieux que dans les édition précédentes, le texte de Jean-Yves Nattiez met à nu la mécanique proustienne qui grâce au récit du concert, ou dans l’évocation du mystère musical qu’éprouve chaque héros, passe du témoignage éprouvé à la forme symbolique de l’art. La musique mieux qu’aucune description exprime la réalité de l’expérience artistique à travers les sensations décuplées de l’expérience musicale. Autrement dit, le témoignage de l’expérience musicale permet de dévoiler la psyché profonde de chaque personnage et les enjeux de chaque situation, nourrissant chaque fois un peu plus la réalité sensible et sentimentale des protagonistes de La Recherche. Serviteur de la psyché de ses personnages, Proust sonde comme personne, en analyste fin et clairvoyant, le phénomène musical et la musique en général ; son questionnement qui engendre un diagnostic littéraire, se révèle d’une inégalable justesse : il n’est pas d’écrivain plus musicien que Proust. A travers la musique, l’écrivain explore et trouve la vérité humaine. Passionnant et incontournable.

 

 

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CRITIQUE, LIVRE événement. JEAN-JACQUES NATTIEZ : Proust musicien (éditions PMU Presse Universitaires de Montréal – 3 è édition revue et corrigée – mai 2024 – CLIC de CLASSIQUENEWS été 2024 – Plus d’infos sur le site de l’éditeur : www.pum.umontreal.ca

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