Riccardo Chailly pilote ses troupes scaligènes dans cet excellent florilège d’accents choraux – Même en extraits et coupés de la continuité du drame intégral, les épisodes collectifs montrent à quel point Verdi s’est essentiellement adressé à ses contemporains, comprenant leur aspiration. Il sait exprimer la vitalité et l’espérance de chœurs qui tout en servant la tension d’une action historique a rencontré aussi, surtout, l’élan de la nation italienne alors en construction, les chœurs verdiens devenant l’emblème des patriotes pour l’unité italienne.
Les Milanais comme une tradition solidement ancrée, savent exprimer depuis plusieurs générations portées par l’engagement de maestros précédents illustres (dont Abbado), et la fureur guerrière et l’aspiration patriotique, chauffée à blanc comme un idéal politique et fraternel : l’élan de toute une nation désormais unie. Ce que l’on écoute parfaitement ici, autant dans les choeurs des peuples opprimés (mais jamais résignés), dans NABUCCO (et son sublime « Va piensero », entonné par les esclaves hébreux), I LOMBARDI (choeur « Gerusalem »), AIDA (célébration d’une nation victorieuse et conquérante). Chailly sélectionne aussi le puissant élan célébratif (et politique) qui clôt le prologue de SIMON BOCCANEGRA quand ce dernier est élu doge. IL TROVATORE (et son chœur de gitans / Zingari,1853), précise une autre couleur chorale : crépitante, surnaturelle, étrange…
MACBETH (1847) éclaire autrement la réussite de Verdi dans l’écriture chorale : aux accents terrifiants et fantastiques des sorcières prophétiques (« Che Faceste ? Dite su ! »), répond le sublime choeur des réfugiés écossais, eux aussi soumis : « Patria oppressa », rappel qu’en arrière fond, enfle la clameur du peuple, personnage central de l’action, écho direct de l’Italie du Risorgimento. En fin connaisseur du chœur verdien, Riccardo Chailly nous régale en révélant tout ce qu’a d’étrange aussi voire de lugubre et profond, le chœur souvent précipité d’ailleurs dans maintes productions, de DON CARLO : « Spuntato ecco il di d’esultanza » / Voici le jour d’allégresse s’est levé » où la barbarie du pouvoir de Philippe II s’exprime clairement, dans l’autodafé réalisé (devant la cathédrale de Valladolid où a lieu le couronnement du roi), dans la soumission à l’inquisiteur, dans l’exécution des hérétiques sur le buché : le pouvoir autoritaire déploie sa cruauté cynique et sanguinaire (marche des moines qui accompagnent les suppliciés). Réalisme et fantastique, joie sombre et prière ardente exultent dans ce programme plus que convaincant.
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CRITIQUE CD événement. VERDI CHORUSES – Choeur des opéras de Verdi – Choro et Orchestra del Teatro alla Scala / Riccardo Chailly (1 CD DECCA – enregistré début juin 2022 à la Scala de Milan). CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2023