STREAMING OPERA. Ven 19 mars 2021, 19h. VERDI : ATTILA. Depuis lâOpĂ©ra de Sofia. « Attila, tu auras lâunivers, moi je garde lâItalie » (Ezio)⊠Le 9Ăš opĂ©ra de Verdi reste peu connu. Câest pourtant un trĂ©sor lyrique riche en Ă©motions, aux chĆurs puissants et dramatiques. Chronique de l’invasion de l’Italie par l’impitoyable roi des Huns au milieu du cinquiĂšme siĂšcle, ATTLIA rĂ©sonne de l’agitation politique de l’unification italienne Ă lâĂ©poque de Verdi. Le compositeur offre Ă la voix de basse, un superbe rĂŽle dramatique voire terrifiant (Attila), mais câest le romain Ezio, guerrier ardent qui assoit ici la stature du baryton aux cĂŽtĂ©s de la figure dâOdabella, femme volontaire qui assassine Attila et fait basculer le destin de lâItalie envahie⊠La mise en scĂšne du Sofia Opera and Ballet devant la forteresse historique de Tsarevets offre une toile de fond grandiose et adaptĂ© pour ce drame spectaculaire.
VOIR ATTILA de Verdi ici
https://operavision.eu/fr/bibliotheque/spectacles/operas/attila-sofia-opera-and-ballet?utm_source=OperaVision&utm_campaign=75c568232a-ATTILA+2021+FR&utm_medium=email&utm_term=0_be53dc455e-75c568232a-100559298
Avec Attila : Orlin Anastasov / Ezio : Ventselav Anastasov
Odabella : Radostina Nikolaeva / Foresto : Daniel Damvanov
Uldino : Plamen Papazikov
Choeur, Ballet et orchestre de lâOpĂ©ra de Sofia
ATTILA de VERDI, dossier et présentation
LâopĂ©ra de verdi créé Ă la Fenice de Venise le 17 mars 1846 sema la zizanie au sein mĂȘme de lâĂ©quipe crĂ©atrice ; le librettiste de dĂ©part Solera, qui pourtant dut partir avant de livrer la fin de lâintrigue, se brouilla avec Verdi : celui ci commanda Ă Piave, un nouveau final, non pas un chĆur comme le voulut Solera, mais un ensemble (et quel ensemble! : un modĂšle du genre). Du nerf, du sang, du crime⊠le premier Verdi semble sâessayer Ă toutes les ficelles du drame sanglant et terrible. Au VĂš siĂšcle, la ville dâAquilĂ©e prĂšs de Rome, (au nord de lâAdriatique) fait face aux invasions des Huns et Ă la superbe conquĂ©rante dâAttila (basse). Ce dernier, cruel et barbare en diable, refuse toute entente pacifique avec le romain Ezio (baryton) ; câest pourtant ce dernier qui a lâĂ©toffe du hĂ©ros, patriote face Ă lâennemi Ă©tranger (« Tu auras lâunivers, mais tu me laisses lâItalie » / une dĂ©claration qui soulĂšve lâenthousiasme des spectateurs de Verdi, Ă quelques mois de la RĂ©volution italienneâŠ)
Au I : Attila marche sur Rome, mais frĂ©mit devant lâErmite dont il a rĂȘvĂ© la figure⊠cependant que parmi les vaincus, Foresto (tĂ©nor) rejoint la fiĂšre Odabella (soprano) qui entend se venger des Huns, arrogants, victorieuxâŠ
Au II : Attila dĂ©fie Ezio qui proteste vainement ; tandis que, coup de théùtre, Odabella dĂ©joue la tentative dâempoisonnement dâAtilla par Foresto : elle Ă©pouse mĂȘme le vainqueur AttilaâŠ
Au III : Odabella qui nâen est pas Ă une contradiction prĂšs, se repend, rejoint Foresto et tue son Ă©poux Attila, tandis que les troupes romaines menĂ©es par Ezio, le sauveur, attaquent les HunsâŠ
Sans vraiment de profondeur encore, ni dâambivalence ciselĂ©e, (cf la maniĂšre avec laquelle, les Ă©pisodes et les situations se succĂšdent au III), les personnages dâAttila ne manquent pas cependant de noblesse ni de grandeur voire de noirceur trouble (comme Attila, dĂ©vorĂ© par les songes et les rĂȘves au I, prĂ©figuration des tourments de Macbeth). Le protagoniste ici est une femme, soprano aux possibilitĂ©s Ă©tendues digne dâAbigaille (Nabucco) : ample medium, belcanto mordant, Ă la fois raffinĂ© et sauvage⊠comme la partition de ce Verdi de la jeunesse.
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________________________________________________________________________________________________ FRANCE MUSIQUE, Samedi 25 janvier 2020, 20h. OpĂ©ra. VERDI : DON CARLO / Alagna, Pape, Kurzak⊠Fabio LUISI. ReprĂ©sentation du 7 novembre 2019 Ă 19h Ă l’OpĂ©ra Bastille Ă Paris. ________________________________________________________________________________________________ Giuseppe Verdi : Don Carlo RenĂ© Pape, basse, Filippo II Choeurs de l’OpĂ©ra national de Paris dirigĂ©s par JosĂ© Luis Basso
LIRE aussi notre compte rendu CRITIQUE de DON CARLO de Verdi Ă l’OpĂ©ra Bastille, le 25 oct 2019 / Alagna, Kurzak, Pape, … LUISI Parmi les spectacles phares de la saison 2017-2018 de lâOpĂ©ra de Paris figurait la nouvelle production de Don Carlos dans sa version originale de 1866 (en français), rĂ©unissant une double distribution de haut vol â toutefois diversement apprĂ©ciĂ©e par notre rĂ©dacteur Lucas Irom, notamment au niveau du cas problĂ©matique de Jonas Kaufmann dans le rĂŽle-titre:http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-verdi-don-carlos-le-19-octobre-2017-arte-yoncheva-garance-kaufmann-jordan-warlikowski/ . Place cette fois Ă la version italienne de 1886, dite «de ModĂšne», oĂč Verdi choisit de rĂ©tablir le premier acte souvent supprimĂ©, tout en conservant les autres … Le compositeur dâopĂ©ras romantiques, Giuseppe Verdi a longtemps et toujours chercher de bons livrets pour mettre en musique ses ouvrages lyriques : dans Rigoletto, â le nom du bouffon Ă la Cour du Duc de Mantoue, Verdi utilise et adapte la piĂšce de Victor Hugo, Le Roi malgrĂ© lui. De Hugo, Verdi transpose et magnifie en musique, le rĂ©alisme brĂ»lant de la vie de cour : haine et jalousie Ă tous les Ă©tages, surtout complot pour affaiblir la figure du bouffon trop influent ; sa fille pourtant prĂ©servĂ©e et tenue Ă lâĂ©cart de la barbarie courtisane, sera in fine sacrifiĂ©e ; elle est mĂȘme la victime consentante dâun assassinat qui se retourne contre celui qui lâa commanditĂ©. En croyant se venger de tous, en pilotant lâassassinat du Duc, Rigoletto creuse sa propre tombe et se prĂ©cipite dans la gueule dâune horrible et infecte tragĂ©die.
France Musique, dim 8 dĂ©c 2019, 16h : RIGOLETTO de Verdi. La tribune des critiques de disques Car la fin : le Libera Me de la soprano, est la piĂšce composĂ©e en premier pour un Requiem dâhommage Ă Rossini qui nâa jamais vu le jour. Verdi chantre de lâopĂ©ra ne pouvait dĂ©cevoir et a composĂ© avec ce Requiem une grande fresque opĂ©ratique donnant un relief particulier Ă la Doxa chrĂ©tienne ; car sâil suit le texte latin il est peu de dire quâil lui donne une vigueur incroyable avec des accents terribles ou touchants et de vastes phrases en gestes vocaux quasi surnaturels. Compte-rendu Concert. Paris. Eglise Saint-Sulpice, le 13 Novembre 2019. Benedetto Giacomo Marcello ( 1686-1739) : concerto pour trompette en rĂ© mineur ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Requiem. Blerta Zhegu, soprano ; Guillemette Laurens, mezzo-soprano ; Joachim Bresson, tĂ©nor ; Robert Jezierski, basse ; Guy Touvron, trompette ; Euromusic Symphonic Orchestra. Choeur International Hugues Reiner. Hugues Reiner, direction. ________________________________________________________________________________________________ Puis atteint un essor jamais vu auparavant, avec lâavĂšnement de Louis Philippe grĂące Ă lâAllemand Meyerbeer et le poĂšte librettiste Scribe : ainsi dĂšs 1830 (grĂące Ă la direction du directeur Louis DĂ©sirĂ© VĂ©ron) jusqu’Ă la fin du Second Empire, se succĂšdent les grands ouvrages de lâopĂ©ra permis par lâinspiration des compositeurs, mais aussi lâexcellence des Ă©quipes artistiques engagĂ©es : par ses effectifs et les moyens mis en Ćuvres pour divertir donc attirer le public, surtout bourgeois, lâOpĂ©ra de Paris devient le centre de la crĂ©ation lyrique en Europe ; pas un compositeur digne de ce nom, ayant ambitionnĂ© de se faire un nom comme compositeur dâopĂ©ras, qui ne souhaitent briller⊠à Paris. Ainsi Wagner et Verdi ne cesseront de vouloir se faire produire sur la scĂšne de lâOpĂ©ra parisien, en particulier la Salle Le Peletier. LâOpĂ©ra Garnier ne produit son premier spectacle quâen 1875.  L’OpĂ©ra – Salle Le Peletier jusqu’en 1872 ________________________________________________________________________________________________ NOTRE SELECTION – Les 5 sections de lâexposition qui nous ont particuliĂšrement convaincus : DECORS SPECTACULAIRES⊠Lâesquisse panoramique de La Juive de HalĂ©vy (1835) qui souligne lâampleur dĂ©jĂ cinĂ©matographique des dĂ©cors du grand opĂ©raâŠ; GIUSEPPE VERDI⊠La prĂ©sence de Verdi dans cette gĂ©nĂ©alogie de drames impressionnants dont DON CARLOS en 1867 marque le sommet de la carriĂšre parisienne et un apport significatif au genre (maquette des dĂ©cors) ; juste avant le dĂ©voilement de la façade du nouvel opĂ©ra Garnier. Dâailleurs DON CARLOS reste le marqueur chronologique de lâexposition parisienne : sommet dâune contribution Ă©trangĂšre Ă la « grande boutique ». Autres opĂ©ras créés par Verdi pour l’OpĂ©ra de Paris : JĂ©rusalem (nov 1847) ; Les VĂȘpres Siciliennes (pour l’Expo Universelle de 1855) dĂ©cors pour le ballet la PĂ©rĂ©grina / La Perle dans DON CARLOS de Verdi (1867) VOIX ENCHANTERESSES⊠LâĂąge dâor du chant français, Ă©voquĂ© en un « mur de portraits » de CornĂ©lie Falcon, Adolphe Nourrit, Gilbert Duprez, ⊠et ailleurs, au dĂ©but du parcours, par le fameux tableau de François-Gabriel-Guillaume Lepaulle : Trio lĂ©gendaire de Robert le Diable, Nicolas Prosper Levasseur (Bertram), Adolphe Nourrit (Robert le Diable) et CornĂ©lie Falcon (Alice). Sainte trinitĂ© lyrique et romantique⊠Mur des portraits de chanteurs, avec le chef Habeneck ________________________________________________________________________________________________ PARIS, Exposition : LE GRAND OPERA : 1828 -1867. BibliothĂšque-MusĂ©e du Palais Garnier – Du 24 octobre 2019 au 2 fĂ©vrier 2020. LIRE aussi notre prĂ©sentation de lâexposition LE GRAND OPERA : 1828 -1867. BibliothĂšque-MusĂ©e du Palais Garnier
Comme en peinture toujours, les faits dâactualitĂ© et contemporain envahissent la scĂšne lyrique ; comme GĂ©ricault fait du naufrage de la MĂ©duse une immense tableau dâhistoire (Le Radeau de la MĂ©duse), dans « Gustave III », Auber et Scribe narrent lâassassinat du Roi de SuĂšde, survenu en 1792, tout juste quarante ans auparavant. Cela sera la trame dâun Bal MasquĂ© de Verdi. AprĂšs la RĂ©volution de 1848, lâessor pour le grand opĂ©ra historique faiblit sensiblement. Mais des Ćuvres capitales aprĂšs Meyerbeer sont produites, souvent par des compositeurs Ă©trangers soucieux dâĂȘtre reconnus par leur passage dans la « grande boutique », sous la DeuxiĂšme RĂ©publique et le Second Empire. Le wagnĂ©risme bouleverse la donne en 1861 avec la crĂ©ation parisienne de TannhĂ€user, qui impressionne lâavant garde artistique parisienne, de Baudelaire Ă fantin-Latour, et dans le domaine musical, JonciĂšres, militant de la premiĂšre heure. Le parcours de lâexposition est articulĂ© en 5 sĂ©quences.
1. GĂNĂALOGIE DU GRAND OPĂRA
Illustration : Esquisse de dĂ©cor pour Gustave III ou Le bal masquĂ©, acte V, tableau 2, opĂ©ra, plume, encre brune, lavis dâencre et rehauts de gouache. BnF, dĂ©partement de la Musique, BibliothĂšque- musĂ©e de lâOpĂ©ra © BnF / BMO
DATES ET HORAIRES Les bons bourgeois de Windsor, Ă©poux jaloux et pervers des fameuses commĂšres en prennent aussi pour leur grade. Electron honnis, Falstaff, inclassable dans la grille sociale, dĂ©fait tout un systĂšme oĂč rĂšgne la perfidie, lâhypocrisie, la stupiditĂ©, la duplicitĂ© et lâintĂ©rĂȘt (lâĂ©poux dââAlice Ford aimerait bien voir sa fille Nannetta Ă©pouser le docteur CaĂŻus, mĂȘme si ce dernier pourrait ĂȘtre son arriĂšre grand pĂšre !âŠ). ComĂ©die dans la comĂ©die, la pseudo fĂ©erie du chĂȘne noir (dans le parc royal de Windsor), mascarade shakespearienne (acte III) oĂč la sociĂ©tĂ© semble recouvrer une Ăąme dâenfance⊠fĂ©es, lutins, reine angĂ©lique Ă lâappui-, instaure un climat fantastique et tendre. Dans la fosse, hĂ©ritier des facĂ©ties mordantes et piquantes signĂ©es avant lui par Rossini et Donizetti, Verdi offre Ă lâorchestre une partition constellĂ©e de joyaux comiques Ă sens multiples. Un feu crĂ©pitant qui danse et dĂ©nonce ; virevolte et scintille au diapason de cette comĂ©die qui est une farce aussi tendre quâamĂšre. Un seul remĂšde Ă cela : lâesprit du rire, la dĂ©rision et lâautocritique. ________________________________________________________________________________________________ Concert donnĂ© le 19 juillet 2018  au Royal Opera House de Londres Giuseppe Verdi : Falstaff Bryn Terfel,baryton : Sir John Falstaff Chorus of the Royal Opera House Verdi a soignĂ© les barytons et basses. LâopĂ©ra Boccanegra offre des caractĂšres inoubliables pour tout chanteur acteur : lâair A te lâestremo de Fiesco respire la lassitude de lâhomme, tourmentĂ©, dĂ©vorĂ© (au sens strict comme symbolique). LĂ encore malgrĂ© la puissance (peut-ĂȘtre renforcĂ© par le niveau du micro), le timbre tend Ă la monochromie, certes sa teinte grise et sombre Ă©clairant le mal qui ronge le hĂ©ros : « A te lâestremo addio » (plage 8 et 9), air dâadieu, de renoncement encore Ăąpre et tendu, lugubre, surtout imploratif et introspectif, la basse russe perd dans lâĂ©tendu de la ligne, sa justesse, se dĂ©timbre, manque lâĂ©clat de sidĂ©ration et dâaccent fantastique, en cela soutenu, dialoguĂ© avec le choeur, hallucinĂ© ; regrettable manque de couleurs, de nuances, dâautant que lâorchestre lui offre une palette de rĂ©fĂ©rences souvent saisissante, sous la baguette abbadesque du quĂ©bĂ©cois Yannick NĂ©zet SĂ©guin. Le second air de Zaccaria de Nabucco dĂ©voile les limites dâune voix qui tend Ă rester dans son medium, engorgĂ©e, lissant tout le texte, au vibrato de plus en plus omniprĂ©sent. MĂȘme lassitude et vibrato gras pour son Procida (i Vespri Siciliani). Partition lumineuse et fantastique, Luisa Miller scintille ici par le jeu de lâorchestre, millimĂ©trĂ©, nuancĂ©. HĂ©las, le Walter de Abdrazakov reste dâun terne vibrĂ© qui finit par lasser tant il aplatit tout le texte.
________________________________________________________________________________________________ CD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre MĂ©tropolitain de MontrĂ©al, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon) – Parution en France : le 15 aoĂ»t 2019. ________________________________________________________________________________________________ Argument / Synopsis : Le pasteur Stiffelio prĂŽne la vertu et lâamour fraternel, alors quâil est trahi par son Ă©pouse laquelle aime passionnĂ©ment le jeune aristocrate Raffaele. Le pĂšre de Lina est personnellement affectĂ© par la dĂ©loyautĂ© de sa fille Lina : il assassinera son amant. ConfrontĂ©s Ă ce crime dĂ©sastreux et injuste pour la victime, Stiffelio et Lina se retrouvent, savent se pardonner⊠dans lâamour de Dieu. ________________________________________________________________________________________________ France 2: “Au clair de la lune” – “Stiffelio” de Giuseppe Verdi – jeudi 24 janvier 2019 Ă minuit OpĂ©ra en trois actes de Giuseppe Verdiâšsur un livret de Francesco Maria Piave,  d’aprĂšs Le Pasteur ou l’Ă©vangile au foyer d’Ămile Souvestre et EugĂšne Bourgeois,  créé le 16 novembre 1850 au Teatro Grande de Trieste. Orchestre et chĆur de La Fenice de Venise Distribution EnregistrĂ© en janvier 2016, au Teatro La Fenice
________________________________________________________________________________________________ ________________________________________________________________________________________________ Au I : Attila marche sur Rome, mais frĂ©mit devant lâErmite dont il a rĂȘvĂ© la figure⊠cependant que parmi les vaincus, Foresto (tĂ©nor) rejoint la fiĂšre Odabella (soprano) qui entend se venger des Huns, arrogants, victorieux⊠Au II : Attila dĂ©fie Ezio qui proteste vainement ; tandis que, coup de théùtre, Odabella dĂ©joue la tentative dâempoisonnement dâAtiila par Foresto : elle Ă©pouse mĂȘme le vainqueur Attila⊠Au III : Odabella qui nâen est pas Ă une contradiction prĂšs, se repend, rejoint Foresto et tue son Ă©poux Attila, tandis que les troupes romaines menĂ©es par Ezio, le sauveur, attaquent les Huns⊠________________________________________________________________________________________________ ________________________________________________________________________________________________ Giuseppe Verdi : Attila Ildar Abdrazakov, basse, Attila, roi des Huns (Davide Livermore, mise en scĂšne) ________________________________________________________________________________________________ Plus dâinfos sur le site de la Scala de Milan / Teatro alla Scala : ________________________________________________________________________________________________ Le dĂ©ferlement dâimages et de sons amplifiĂ©s de bombardements, de cris, le bruit et la fureur ajoutĂ©s, stressants, voire terrorisants, sâimpose, parfois au dĂ©triment de la musique. En effet, la pluralitĂ© des sources dâinformation nous interdit de suivre chacun des registres. Choix douloureux, qui laisse un goĂ»t amer dans la mesure oĂč on a le sentiment de perdre une part du message, dâautant plus que cette profusion dâimages phagocyte la musique autant quâelle la renforce. Conscient de nâavoir pu en apprĂ©cier toutes les rĂ©fĂ©rences, tant les renvois abondent dans cette mise en scĂšne incroyablement riche, foisonnante et efficace, on a envie de revoir ce spectacle total, de lâapprofondir tant sa richesse est singuliĂšre. Un dispositif complexe, monumental, descendant des cintres autorise une continuitĂ© musicale et dramatique par des changements Ă vue. Costumes, dĂ©cors et Ă©clairages sont une rĂ©ussite pleinement aboutie. Mais câest encore la direction dâacteur, millimĂ©trĂ©e et juste, qui force le plus lâadmiration. Il nâest pas un mouvement, dâun soliste comme du plus humble des choristes,  qui ne soit porteur de sens. Le chĆur, rassemblant les chanteurs des opĂ©ras de Dijon et de Lille est omniprĂ©sent. Du grand chĆur dâintroduction au finale, on nâĂ©numĂ©rera pas les numĂ©ros tant ils sont nombreux. Evidemment, le cĂ©lĂšbre âVa pensieroâ, chantĂ© dans un tempo trĂšs retenu, avec une longueur de souffle et une progression Ă©tonnantes, est un moment fort, que chacun attend. Il faut souligner non seulement leurs qualitĂ©s de cohĂ©sion, dâĂ©quilibre, dâarticulation et de puissance, mais aussi leur prĂ©sence dramatique, pleinement convaincante. Quatre des solistes de la distribution lilloise, comme le chef, continuent de servir lâouvrage. Commençons donc par les « nouveaux ». Zaccaria est Sergey Artamonov, grand baryton, qui donne Ă son personnage toute lâautoritĂ© du prophĂšte dans les premiers actes, pour redevenir un homme sensible et bon lorsquâil accompagne Fenena au martyre. Les graves sont amples, le legato splendide : le Sarastro de Verdi. MalgrĂ© la similitude de la tessiture avec celle de Nabucco, la caractĂ©risation vocale est idĂ©ale, qui permettrait de les distinguer Ă lâaveugle en ne comprenant pas le livret. Sa priĂšre, avant le chĆur des LĂ©vites, puis la prophĂ©tie, hĂ©roĂŻque, sont deux moments forts. Valentin Dytiuk chante Ismaele, lâamant de Fenena. Câest un beau tĂ©nor dont on apprĂ©cie particuliĂšrement le trio du premier acte. Florian Cafiero, autre tĂ©nor, Abdallo, nâintervient ponctuellement quâaux deux derniers actes, Anna est la sĆur du prophĂšte, Anne-CĂ©cile Laurent lui prĂȘte son timbre pur et clair. Tous ces seconds rĂŽles sont crĂ©dibles et confiĂ©s Ă de solides voix, en adĂ©quation avec les personnages. Evidemment, le rĂŽle-titre retient toutes les attentions. Il exige des moyens superlatifs et une expression dramatique juste, de la puissance impĂ©rieuse du despote aux affres du pĂšre bafouĂ©, en passant par la folie. Nikoloz Lagvilava a toutes les qualitĂ©s requises et campe un Ă©mouvant Nabucco. La voix est sonore, projetĂ©e, aux aigus clairs comme aux graves profonds. Chacune de ses interventions est un moment fort. Il en va de mĂȘme de lâAbigaĂŻlle que vit la grande Mary Elizabeth Williams. PhĂ©nomĂšne vocal autant quâimmense tragĂ©dienne, câest un bonheur constant, car sa technique Ă©blouissante lui permet de se jouer de toutes les difficultĂ©s de son chant ornĂ©, mais aussi de construire un personnage ambivalent, fascinant. La Fenena de Victoria Yarovaya, seule mezzo de la distribution, aux graves soutenus avec des aigus aisĂ©s, donne toute la douceur requise Ă la cavatine comme la violence passionnĂ©e, attendue. La digne fille de son pĂšre. Enfin, rĂŽle mineur, le Grand prĂȘtre de Baal est chantĂ© par une basse impressionnante, Alessandro Guerzoni. Les nombreux ensembles quâĂ©crit Verdi sont remarquablement servis : le deuxiĂšme acte sâachĂšve par un final dâanthologie. LâOrchestre Dijon Bourgogne, que dirigeait dĂ©jĂ Â Robert Rizzi Brignoli pour un extraordinaire Boccanegra, donne toute sa mesure sous la direction de ce grand verdien. DĂšs lâouverture â un peu occultĂ©e par la belle chorĂ©graphie simultanĂ©e â on sait quâun grand Verdi sera lĂ . Puissant, tonitruant comme subtil, Ă©lĂ©giaque, il donne le meilleur de lui-mĂȘme. Le public, malgrĂ© la transposition et la richesse de la mise en scĂšne, fait un triomphe aux interprĂštes. Que demander de plus ? ________________________________________________________________________________________________ Compte rendu opĂ©ra. Dijon,  Auditorium, le 15 novembre 2018. Verdi, Nabucco. Roberto Rizzi Brignoli / Marie-Eve Signeyrole. Nikoloz Lagvilava, Mary Elizabeth Williams, Sergey Artamonov, Victoria Yarovaya. CrĂ©dit photographique © Gilles Abbeg â OpĂ©ra de Dijon /  Nabucco – OpĂ©ra de Lille © FrĂ©dĂ©ric Iovino. Initialement prĂ©vu, le vĂ©tĂ©ran Leo Nucci que nous avions vu Ă la Scala la saison derniĂšre, a dĂ» dĂ©clarĂ© forfait pour raisons de santé ; remplacĂ© par le Mongol Amartuvshin Enkhbat, celui-ci enchante par une musicalitĂ© indĂ©fectible et une diction remarquable, mais déçoit par une langueur pataude et un manque cruel de charisme ; il se rattrape nĂ©anmoins au dĂ©but du quatriĂšme acte, et la scĂšne de la prison est un grand moment de théùtre. Le reste de la distribution confine Ă la perfection. Anna Pirozzi est une Abigaille impressionnante dâaisance et de justesse, loin des clichĂ©s belcantistes dans lesquels Ă©tait tombĂ©e, Ă la Scala, une Martina Serafin indigeste. Dans son grand air du second acte (« Ben io tâinvenni »), elle est proprement prodigieuse, dâune exceptionnelle amplitude vocale, et Ă©meut aux larmes lors de sa priĂšre finale. Grand Zaccaria Ă©galement sous les traits de Riccardo Zanellato qui dĂšs son air dâentrĂ©e dĂ©ploie un timbre de bronze dâune grande homogĂ©nĂ©itĂ© culminant dans la grande prophĂ©tie du troisiĂšme acte (« Oh chi piange »). LâentrĂ©e en scĂšne de lâIsmaele de Massimo Giordano a suscitĂ© quelque frayeur (voix poussive, problĂšmes rĂ©pĂ©tĂ©s de justesse), mais sâest excellemment repris par la suite et son style, par trop « puccinien » aux accents excessivement passionnĂ©s, sâest rĂ©vĂ©lĂ© enfin pleinement verdien. Le rĂŽle de Fenena nâest pas aussi dĂ©veloppĂ© que celui dâAbigaille, mais il est magnifiquement dĂ©fendu par la mezzo albanaise solidement charpentĂ©e dâEnkelejda Shkoza, voix dâairain aux mille nuances, une des belles et grandes dĂ©couvertes de la soirĂ©e (superbe priĂšre « O dischiuso Ăš il firmamento »). Les trois autres rĂŽles secondaires sont impeccablement tenus, en particulier le Grand prĂȘtre de Martin HĂ€ssler, voix solide superbement projetĂ©e ; si le joli timbre du tĂ©nor GrĂ©goire Mour, un habituĂ© de la maison, nâest pas Ă proprement parler une grande voix, sa diction et son sens musical sont sans reproche, tout comme lâAnna dĂ©licate dâErika Balkoff qui complĂšte avec bonheur une distribution de haute tenue. ________________________________________________________________________________________________ Compte-rendu. Lyon, Auditorium, Giuseppe Verdi, Nabucco, 05 novembre 2018. Amartuvshin Enkhbat (Nabucco), Massimo Giordano (Ismaele), Riccardo Zanellato (Zaccaria), Anna Pirozzi (Abigaille), Enkelejda Shkoza (Fenena), GrĂ©goire Mour (Abdallo), Erika Baikoff (Anna), Martin HĂ€ssler (Il Gran Sacerdote), Anne PagĂšs (chef de chant), Orchestre, ChĆurs et MaĂźtrise de lâopĂ©ra de Lyon, Daniele Rustioni (direction). Au I : Attila marche sur Rome, mais frĂ©mit devant lâErmite dont il a rĂȘvĂ© la figure⊠cependant que parmi les vaincus, Foresto (tĂ©nor) rejoint la fiĂšre Odabella (soprano) qui entend se venger des Huns, arrogants, victorieux⊠Sans vraiment de profondeur encore, ni dâambivalence ciselĂ©e, (cf la maniĂšre avec laquelle, les Ă©pisodes et les situations se succĂšdent au III), les personnages dâAttila ne manquent pas cependant de noblesse ni de grandeur voire de noirceur trouble (comme Attila, dĂ©vorĂ© par les songes et les rĂȘves au I, prĂ©figuration des tourments de Macbeth). Le protagoniste ici est une femme, soprano aux possibilitĂ©s Ă©tendues digne dâAbigaille (Nabucco) : ample medium, belcanto mordant, Ă la fois raffinĂ© et sauvage⊠comme la partition de ce Verdi de la jeunesse. A Milan, sur les planches de La Scala, Riccardo Chailly dirige les forces locales, et la basse Ildar Abdrazakov incarne Attila, sur les traces du lĂ©gendaire Nicolai Ghiaurov dans le rĂŽle-titre⊠(Davide Livermore, mise en scĂšne) distribution : Plus dâinfos sur le site de la Scala de Milan / Teatro alla Scala : ASSYRIENS CONTRE HEBREUXâŠÂ Pas encore trentenaire (29 ans), Verdi a bien ficelĂ© sa fresque biblique. Au souffle de lâhistoire antique mĂ©sopotamienne, il associe une intrigue amoureuse, Ă©prouvĂ©e, ⊠Synopsis. ACTE I. A Babylone, les Assyriens menĂ©s par Nabuchodonosor ont vaincu les hĂ©breux. Autour dâIsmael, fils du roi de JĂ©rusalem, sâaffrontent les deux personnages fĂ©minins : Fenena, fille de Nabucco et captive des juifs, et Abigaille, elle aussi amoureuse (mais sans retour) dâIsmael. ACTE II : alors que Fenena se convertit Ă la religion juive, son pĂšre, Nabucco, saisi dâorgueil, est foudroyĂ© aprĂšs sâĂȘtre comparĂ© Ă Dieu. Abigaille en profite pour sâemparer de la couronne de Babylone : elle devient Reine des Assyriens. ACTE III : Abigaille trompe Nabucco affaibli et obtient de lui lâordre royal qui condamne Ă mort tous les juifs (Fenena avec eux puisquâelle sâest convertie). Ceux ci paraissent dĂ©jĂ enchainĂ©s (Va Pensiero) cependant que leur grand prĂȘtre Zaccaria annonce la vengeance divine. ACTE IV : Nabucco reprend ses esprits et comprend lâintrigue dâAbigaille contre Fenena : il implore alors le dieu des juifs (Dio di Giuda) ; un prodige a lieu : la statue de Baal se renverse. Saisi Nabucco ordonne la libĂ©ration des hĂ©breux. Abigaille se repent et se suicide (Su me morente). Fenena peut sâunir Ă Ismael. Concert donnĂ© le 9 novembre 2018 Ă 20h au TCE, Ă Paris Giuseppe Verdi : Nabucco opĂ©ra en quatre actes de Giuseppe Verdi sur un livret de Temistocle Solera (d’aprĂšs le drame “Nabuchodonosor” dâAuguste Anicet-Bourgeois et Francis Cornu) distribution : Leo Nucci, baryton, Nabucco, roi de Babylone – remplacĂ© par Amartuvshin Enkhbat Anna Pirozzi, soprano, AbigaĂŻlle, esclave, prĂ©sumĂ©e fille de Nabucco Massimo Giordano, tĂ©nor, IsmaĂ«l, neveu du roi des HĂ©breux Riccardo Zanellato, basse, Zaccaria, Grand prĂȘtre de JĂ©rusalem Enkelejda Shkoza, mezzo-soprano, Fenena, fille de Nabucco Choeur de l’OpĂ©ra National de Lyon Orchestre de l’OpĂ©ra National de Lyon Direction : Daniele Rustioni A NOTER : Belle fortune de Nabucco Ă lâaffiche de lâopĂ©ra de Vichy (11 nov, 15h) Avec en remplacement de Leo Nucci, vĂ©tĂ©ran gĂ©nial dans le rĂŽle-titre, Amartuvshin Enkhbat. NĂ© en 1986 Ă Sukhbaatar en Mongolie et nommĂ© par son pays “artiste dâhonneur” Ă 24 ans, le baryton Amartuvshin Enkhbat est soliste principal de lâOpĂ©ra dâĂtat dâOulan-Bator. COMPTE RENDU, opĂ©ra. GOZO (Malta), Teatru Astra, le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. LâOPERA comme expĂ©rience collective et populaire. Ce nâest rien dâĂ©crire que lâopĂ©ra Ă Gozo, Ă travers lâoffre de ses 2 théùtres lyriques Ă Victoria rayonne dâun Ă©clat particulier. Ainsi dans la salle du théùtre (Teatru) Astra : le genre est unanimement adoptĂ© par tous. ImmĂ©diatement ce qui saisit le mĂ©lomane amateur dâopĂ©ras, habituĂ©s des salles europĂ©ennes, câest lâambiance bon enfant et ce goĂ»t partagĂ© naturellement par tous pour lâexpĂ©rience lyrique. Lâimplication est au cĆur de chaque reprĂ©sentation car Ă lâoccasion de ce « festival dâopĂ©ras » (festival mĂ©diterranĂ©en / Festival Mediterranea à  Victoria, sur lâĂźle de Gozo, la seconde de lâarchipel maltaise) qui a lieu chaque mois dâoctobre dans la ville de Victoria, le nombre de bĂ©nĂ©voles, incluant une grande communautĂ© de locaux, reste constant, en ferveur, en gĂ©nĂ©rositĂ©, en participation surtout : nombre dâhabitants sont figurants, choristes, personnel de salle⊠autant dâinitiatives qui contribuent Ă renforcer ce lien social qui manque tant en France. Et qui fait du concert, de lâopĂ©ra : une cĂ©lĂ©bration du collectif. La culture, ciment du vivre-ensemble et de la curiositĂ© vers les autres, voilĂ une vertu que lâon redĂ©couvre dans lâHexagone, mais qui est depuis lâaprĂšs-guerre Ă Victoria, une activitĂ© naturelle dĂ©fendue avec passion. De fait, nul ne sâĂ©tonne dans la salle, Ă quelques minutes avant le spectacle, de la ferveur d’un public trĂšs passionnĂ© qui applaudit spontanĂ©ment Ă chaque fin d’air et de tableau collectif. La chaleur se transmet du parterre Ă la scĂšne ; un encouragement permanent pour les solistes qui chantent leur duo sur un praticable devant la fosse dâorchestre et Ă quelques centimĂštres des premiers spectateurs. Cette proximitĂ© ajoute Ă lâintensitĂ© de la reprĂ©sentation. L’opĂ©ra Ă Gozo (Malte) DâemblĂ©e, le cadre intime du Teatru ASTRA, offre une bonne acoustique qui permet de beaux Ă©quilibres entre solistes, orchestre et chĆur. Ce soir sur les terres du tĂ©nor vedette, vĂ©ritable trĂ©sor national vivant et ambassadeur de la culture maltaise, Joseph Calleja, câest une soprano native qui chante le rĂŽle-titre : Miriam Cauchi. La cantatrice maltaise n’a certes pas des trilles prĂ©cises mais la chaleur du timbre et la justesse de l’intention font une Violetta particuliĂšrement digne et Ă©mouvante. Elle nâa pas le physique ni la jeunesse du personnage (du reste qui pourrait chanter Ă 17 ans un rĂŽle qui exige tant de la chanteuse comme de lâactrice?), mais Miriam Cauchi sait soigner un chant crĂ©dible, incarnĂ©, qui reste, vertu de plus en plus, mesurĂ© (combien dâautres divas en mal dâeffets dĂ©monstratifs, cultive un vĂ©risme hors sujet chez Verdi). Face Ă elle, Alfredo ne manque pas d’aplomb ; le tĂ©nor italien Giulio Pelligra a de la vaillance Ă revendre trop peut ĂȘtre car dans ses duos avec sa partenaire, davantage d’Ă©coute de lâautre, plus de dolcezza suave auraient mieux rĂ©ussi ce qui doit exprimer la magie enivrĂ©e de leur premiĂšre rencontre (au I, par exemple, pour le Brindisi final)⊠Reste l’excellent Germon pĂšre du baryton russe Maxim Aniskin qui est la vedette de la soirĂ©e tant sa prestation suscite bien des Ă©loges ; le style, la noblesse humaine, la finesse vocale de sa caractĂ©risation illustrent idĂ©alement le type du baryton verdien (il a la voix et la couleur pour chanter Boccanegra) ; lâacteur clarifie lâĂ©volution du personnage Ă travers sa prĂ©sence Ă lâacte II : il est dâabord conquĂ©rant, sĂ»r et inflexible, puis au contact de la pĂ©cheresse qu’il est venu sermonner et vĂ©ritablement sacrifier (pour l’honneur familial), pĂšre Ă©mu, Ăąme noble et compatissante, saisi par la dignitĂ© sacrificielle de Violetta, cette courtisane magnifique, qui accepte de rompre avec Germont fils. Dans le duo avec Violetta, lui troublĂ©, Ă©mu, compassionnel / elle, Ă©perdue, blessĂ©e-, le chanteur arrondit les angles, caresse chaque nuance de sa partie, s’enlace vĂ©ritablement au chant de la soprano; sans jamais la couvrir trop ; une telle musicalitĂ© accordĂ©e Ă l’autre est exemplaire et donne enfin Ă entendre ce chant chambriste si fin et nuancĂ© ; proche du théùtre et qui doit beaucoup au bel canto bellinien. De son cĂŽtĂ©, lâOrchestre Symphonique de Malte, sous la direction de Philip Walsh, veille Ă la couleur et au caractĂšre de chaque acte : brillant au I ; plus contrastĂ© au II (entre le sacrifice et le renoncement de Violetta, et son humiliation publique Ă Paris) ; tragique, intimiste, crĂ©pusculaire au III. Câest au final une production nouvelle (commande du Teatru Astra) qui rĂ©alise alors un spectacle prenant, poĂ©tiquement juste avec des solistes de haut vol, plutĂŽt convaincants. Il n’y a aucun doute : la tradition de l’opĂ©ra est flamboyante Ă Gozo, et ses manifestations, comme en cet automne 2018, particuliĂšrement sĂ©duisantes. Rendez-vous est dĂ©jĂ pris pour l’automne 2019. ââââââââââââââââââââââââââââââââââââââââââââââââââ COMPTE-RENDU, opĂ©ra. VICTORIA (Gozo, Malte), le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. Cauchi, Aniskin, Stinchelli, Walsh. distribution Violetta ValĂ©ry : Miriam Cauchi (Soprano) Compte-rendu, opĂ©ra. PALERME, 16 oct 2018. VERDI : Rigoletto, Teatro Massimo. Stefano Ranzani / John Turturro… Les femmes y sont rĂ©duites Ă des objets de convoitise, les courtisanes, Ă©videmment, mais aussi Gilda, Maddalena, Giovanna comme la Comtesse de Ceprano. L’histoire du Roi s’amuse, reprise par Piave et Verdi, est connue. Gilda est broyĂ©e entre l’amour possessif et oppressif de son pĂšre et son premier amour pour un libertin dĂ©bauchĂ©. Mais le personnage essentiel, qui a donnĂ© son nom Ă l’opĂ©ra, est bien Rigoletto, le bouffon complice du dĂ©pravĂ© duc de Mantoue. Ironie du sort, l’instigateur de l’enlĂšvement de la Comtesse de Ceprano sera celui de sa propre fille. Fascinant par les multiples composantes de sa personnalitĂ©, complexĂ© par sa difformitĂ©, amuseur cynique, entremetteur, Triboulet-Rigoletto est aussi un pĂšre aimant, qui nous Ă©meut par ses souffrances. Le Teatro Massimo de Palerme, pour cette nouvelle production, a fait appel Ă John Turturro, dont le nom est attachĂ© au cinĂ©ma, qui rĂ©alise ici sa premiĂšre incursion dans le domaine lyrique. Brillante et sobre, humble, propre Ă satisfaire tous les publics, sa mise en scĂšne respecte les cadres souhaitĂ©s par Piave et Verdi , sans pour autant tomber dans une reconstitution datĂ©e. Classique, mais jamais redondante, c’est toujours un plaisir pour l’oeil. Le premier acte se dĂ©roule dans un palais Ă l’abandon. Quelques uns des cadres monumentaux qui ornent le mur de fond de scĂšne sont tombĂ©s, l’un d’eux est brisĂ©. La dĂ©construction lente du monde rĂ©aliste va concentrer l’attention sur les personnages. Le castellet de la chambrette oĂč Gilda est recluse, comme le bouge de Sparafucile et Maddalena, d’un rĂ©alisme cru, s’oublient vite, comme le recours frĂ©quent Ă l’opacitĂ© des fumĂ©es qui captent la lumiĂšre. L’ensemble fonctionne. Les costumes portent la marque d’une aristocratie ancienne, sans pour autant ĂȘtre datĂ©e. Leur beautĂ©, sans ostentation, leur simplicitĂ©, leur caractĂ©risation, qui permet d’identifier chacun des personnages, tout concourt Ă la comprĂ©hension du drame dont nous sommes les tĂ©moins. Le choix des couleurs n’y est pas Ă©tranger. Ainsi le rouge de la cape de Monterone, qui porte la malĂ©diction, se retrouve-t-il dĂ©voilĂ© progressivement lorsque Gilda va mourir dans les bras de son pĂšre. Jamais la moindre vulgaritĂ©, malgrĂ© la dĂ©bauche du Duc et de ses compagnons, malgrĂ© la violence de telle scĂšne. Le melodramma n’est pas du grand guignol. La direction d’acteur, particuliĂšrement soignĂ©e, respecte le naturel tout en composant des ensembles plus beaux les uns que les autres. A cet Ă©gard, il faut souligner la participation opportune du corps de ballet, aux deux premiers actes, qui s’intĂšgre habilement Ă la suite du Duc. C’est Ă Stefano Ranzani, grand chef lyrique dont le nom est attachĂ© Ă celui de Verdi, que l’on doit ce grand moment d’Ă©motion partagĂ©e. Familier de l’oeuvre, dont il connaĂźt chaque phrase comme la construction dramatique, il nous offre un modĂšle de direction, fine, racĂ©e, intense. Tout est lĂ , les progressions, les textures, les phrasĂ©s, avec une attention portĂ©e Ă chacun. On imagine le plaisir des interprĂštes Ă chanter et jouer sous sa conduite. Le geste, clair, prĂ©cis, dĂ©monstratif, est efficace, sĂ©curisant dans son accompagnement de chacun, mais surtout communique une incroyable Ă©nergie qui nous vaut la plus large palette de nuances, assorties d’une Ă©lĂ©gance rare. ________________________________________________________________________________________________ Compte-rendu, opĂ©ra. PALERME, 16 oct 2018. VERDI : Rigoletto, Teatro Massimo. Stefano Ranzani / John Turturro Compte rendu, opĂ©ra. Orange, ChorĂ©gies, le 3 aoĂ»t 2016. Verdi : La Traviata par Ermonela Jaho. Triomphe de la soprano albanaise au Théùtre Antique dâOrange⊠TENDRE ET TRAGIQUE ⊠Comme dans le cas de Butterfly ou Tosca, câest toujours la musique qui fixe dans lâimaginaire collectif une Ćuvre tirĂ©e du roman ou du théùtre, ici, des deux. Remarquons que, mĂȘme avec Greta Garbo et Robert Taylor, le film de George Cukor, Le Roman de Marguerite Gautier, de 1936, considĂ©rĂ© comme un chef-dâĆuvre, nâest plus quâune curiositĂ© pour cinĂ©philes. En revanche, le fameux air du champagne, « Libiam ! » et lâair de Violetta « Sempre liberaâŠÂ » sont sĂ»rement connus mĂȘme de gens ne mettant jamais les pieds Ă lâopĂ©ra. Puissance de la musique qui a donnĂ© une forme dĂ©finitive au drame humain de la fille de joie Ă grand prix achetĂ©e, perdue et sauvĂ©e, rachetĂ©e par lâamour. La courtisane historique « Ma chĂšre Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour ĂȘtre aimĂ© comme vous voudriezâŠÂ » Ne pouvant ni lâentretenir, ni ĂȘtre entretenu par elle, il deviendra cĂ©lĂšbre et riche avec son drame qui raconte le sacrifice de la courtisane ruinĂ©e, exigĂ© par le pĂšre de son amant, redoutant que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille oĂč la morale fait loi. Et lâargent : on craint que le fils prodigue ne dilapide lâhĂ©ritage familial en cette Ă©poque, oĂč le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale : « Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante, pudibonde cĂŽtĂ© cour mais dĂ©pravĂ©e cĂŽtĂ© jardin, jardin mĂȘme pas trĂšs intĂ©rieur, cultivĂ© au grand jour des nuits de dĂ©bauche officielles avec des « horizontales », des hĂ©taĂŻres, des courtisanes ou de pauvres grisettes ouvriĂšres, affectĂ©es (et infectĂ©es) au plaisir masculin que les messieurs bien dĂ©nient Ă leur femme lĂ©gitime. RĂALISATION DĂ©jà « vĂ©riste », naturaliste par un sujet contemporain qui fit scandale, rĂ©aliste donc par le thĂšme mais dĂ©rĂ©alisĂ©e par une musique belcantiste virtuose et une langue littĂ©raire dont les tournures concises et recherchĂ©es frĂŽlent la prĂ©ciositĂ© baroque, bourrĂ©e d’hyperbates, des renversements de l’ordre syntaxique naturel (« D’Alfredo il padre in me vedete », ‘D’Alfred en moi le pĂšre voyez’ , « Dunque in vano trovato t’avró », ‘Donc, en vain trouvĂ© je t’aurai’, « Conosca il sacrifizio/ Ch’io consumai d’amore », ‘Qu’il connaisse le sacrifice/ Que je consommai d’amour’, etc), La traviata, malgrĂ© deux scĂšnes de fĂȘte, est un opĂ©ra intimiste et semble s’opposer aux grands dĂ©ploiements exigĂ©s par le gigantisme du théùtre antique. Diego MĂ©ndez Casariego qui, avec de sobres et funĂšbres costumes noirs, en signe la scĂ©nographie, s’en tire par une Ă©lĂ©gante solution : un miroir, symbole de l’intime, de l’interrogation sur soi, de l’introspection, d’autant plus chez une femme dont les appas sont le fonds de commerce, est portĂ© ici Ă l’Ă©chelle du lieu, immense, occupe sans encombrer le fond de la scĂšne, le fameux mur. BrisĂ© comme un rĂȘve trop grand dont les dĂ©bris jonchent le sol, avec un centre obscur pour une traversĂ©e des apparences, un passage symbolique de l’autre cĂŽtĂ© du miroir, de la vie, il a un cadre dorĂ© Ă©galement ruinĂ©, dont des morceaux, en perspective de fuite, figurent une scĂšne dans la scĂšne, théùtre du monde, du demi-monde et sa vanitĂ© des vanitĂ©s : des lustres luxueux projetĂ©s sur la glace et les murs sont la mesure des fastueuses fĂȘtes, juste des reflets donc, mais, Ă jardin, un vrai lustre Ă©croulĂ© au milieu de chaises Second Empire dorĂ©es au siĂšge de velours rouge occupĂ©es par des hommes en noir et, Ă cour, un massif, un parterre de fleurs blanches (des camĂ©lias?), est comme une tombe future autour de laquelle tournoient des femmes aussi en noir. Au milieu du plateau trĂŽne une mĂ©ridienne noire, lit de repos dĂ©jĂ Ă©ternel : cercueil. Cet ensemble Ă©purĂ© et symbolique semble, Ă l’Ă©chelle prĂšs, un allĂ©gorique dĂ©cor d’austĂšre autocramental espagnol, une VanitĂ© baroque. Des projections d’arbres allĂšgeront la charge funĂšbre globale pour l’acte II et le rĂȘve de survie de la fin. De simples Ă©charpes rouges pour les dames et des Ă©ventails Ă©gayeront la fĂȘte de l’acte III, Ă©vacuant avec Ă©lĂ©gance le ridicule habituel de la scĂšne des grotesques toreros. C’est d’un raffinement d’Ă©pure. La mise en scĂšne de Louis DĂ©sirĂ© s’y glisse, s’y coule, avec la beautĂ© sans surcharge d’une Ă©lĂ©gance noble, sans simagrĂ©es ni gestes outrĂ©s, qui joue avec une Ă©motion contenue, sur la tendresse qui lie les personnages, mĂȘme le pĂšre odieux en gĂ©nĂ©ral, ici Ă©mouvant d’affection filiale pour elle qui pourrait ĂȘtre sa fille. Leur comprĂ©hension mutuelle est touchante, humainement vraie dans un juste jeu d’acteurs, comme la caresse et la gifle au fils. DĂšs l’ouverture animĂ©e, la foule noire se presse et oppresse Violetta seule dans « ce populeux dĂ©sert appelĂ© Paris », singularisĂ©e par sa robe rouge, dĂ©signĂ©e victime d’un sacrifice Ă venir. MĂȘme le fameux et joyeux « brindisi » enserre les hĂ©ros qui ne semblent jamais Ă©chapper, hors la parenthĂšse de la campagne, Ă l’omniprĂ©sent et pesant regard du monde sur leur intimitĂ©. Le monologue troublant de Violetta, « à stranoâŠÂ », devant le seuil de ce miroir brisĂ©, le passage Ă l’acte de la rupture avec l’ancienne vie, est finement figurĂ© par l’abandon respectif des amants dont elle refuse cette toujours prĂ©sente fleur au profit de celle offerte Ă Alfredo qu’il rapportera fanĂ©e mais florissante de l’Ă©closion de lâamour. INTERPRĂTATION DĂšs le prĂ©lude, cette douce et poignante brume qui semble se lever et ne devoir jamais finir, est Ă©tirĂ©e vers un infini insondable, tissĂ©e comme une douce soie par le jeune chef Daniele Rustioni. Pour la premiĂšre fois aux ChorĂ©gies, il ne cĂšde pas au piĂšge du grossissement dans le gigantisme du lieu : d’entrĂ©e on sent qu’on est dans une direction musicale d’une qualitĂ© supĂ©rieure. Il estompe avec dĂ©licatesse les « zin-zin /boum-boum » d’un accompagnement de facile fĂȘte foraine de Verdi dans la deuxiĂšme partie de cette ouverture. Ă la tĂȘte des remarquables ChĆurs des OpĂ©ras d’Angers-Nantes, Avignon et Marseille, dirigeant avec ardeurl’Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, il en transcende avec finesse les pupitres, exaltant la palette des timbres et attache une attention que l’on dirait amoureuse aux solistes, les accompagnant en finesse sans jamais les mettre en danger, tout adonnĂ©, engagĂ© en actions physiques expressives dans la musique, la mimique et le jeu. Il faudrait rĂ©entendre comme il enfle le son au grĂ© de la messa di voce de l’exceptionnelle Ermonela Jaho qui augmente le volume passionnel de sa voixdans son dĂ©chirant « Amami Alfredo ! » : c’est une vague, une houle musicale et Ă©motionnelle qui dĂ©ferle sans noyer l’interprĂšte oĂč tant d’autres se perdent. Ă l’Ă©vidence, il y a eu beaucoup d’intelligence et de travail entre le plateau et la fosse pour donner Ă cette Ćuvre tragique toute la tendresse humaine dont elle ne dĂ©borde pas Ă premiĂšre vue dans ce monde cynique et cruel d’un plaisir pas toujours trĂšs raffinĂ©. Tout est traitĂ©, scĂ©niquement et musicalement, dans la nuance. Tous les personnages, mĂȘme Ă©phĂ©mĂšres, sont bien campĂ©s (Giuseppe, RĂ©my Matthieu, Annina, la fidĂšle et douce servante, Anne-Marguerite Werster, le fidĂšle aussiGrenvil Ă belle voix sombre de Nicolas TestĂ©) ; Flora et le Marquis ne sont pas seulement un couple de comĂ©die, mais des amis attentifs aux leurs, Ă Violette et Alfredo (Ahlima Mhandi , Christophe Berry) Dans cette prestigieuse distribution, la dĂ©couverte, ce fut le tĂ©nor Francesco Meli en Alfredo, amant choisi, heureux mais se croyant trahi, fils potentiellement prodigue puis contrit, homme entretenu sans le savoir et dĂ©sespĂ©rĂ© de le savoir. La voix est large, passant aisĂ©ment la rampe orchestrale et la distance, le timbre chaud et, malgrĂ© un vibrato trĂšs vite corrigĂ©, il cisĂšle tout en douceur les nuances de ce rĂŽle, semblant se chanter Ă lui-mĂȘme et non triomphalement tonitruer son air ardent mais intĂ©rieur comme une confidence d’un jeune homme Ă©lu, Ă©merveillĂ© par l’amour d’une femme que tous dĂ©sirent. C’est du grand art au service non du chanteur mais d’un rĂŽle. On ne dĂ©couvre pas PlĂĄcido Domingo, lĂ©gende vivante du monde lyrique que cinĂ©ma, tĂ©lĂ©vision ont popularisĂ© mondialement et « divinisé », s’il n’Ă©tait si attentivement humain aux jeunes talents qu’il favorise, par ailleurs directeur d’OpĂ©ras, chef d’orchestre en plus de demeurer le grand tĂ©nor aux cent-cinquante rĂŽles qu’il a tous marquĂ©s et qui, en Espagnol fidĂšle au rĂ©pertoire populaire hispanique trop mĂ©connu, comme Kraus, CaballĂ©, Berganza, los Ăngeles, Carreras et autres grands interprĂštes espagnols, a portĂ© aux quatre coins du monde les charmes de la zarzuela ibĂ©rique, dont il a mĂȘme imposĂ© certains airs comme passage obligĂ© des tĂ©nors d’aujourd’hui. CrĂ©ateur donc autant qu’interprĂšte exceptionnel. On le retrouvait en baryton, tessiture de ses dĂ©buts, et qu’il a toujours frĂ©quentĂ©e de prĂšs dans les grands rĂŽles de fort tĂ©nor au mĂ©dium corsĂ© comme Othello ou Canio, oĂč sa couleur et puissance faisaient merveille. Ici, en baryton verdien tirant vers l’aigu, il Ă©tait un Germont pĂšre, dĂ©marche lourde sous le poids autant de l’Ăąge que de l’expĂ©rience, dĂ©cidĂ© Ă rĂ©gler une affaire mais vite freinĂ© par les scrupules, la compassion et mĂȘme la complicitĂ© avec son interlocutrice : il s’attend Ă trouver une courtisane vulgaire et avide et trouve cette jeune femme fragile et forte aux bonnes maniĂšres, amoureuse d’un fils qu’il aime et quelque chose passe entre eux. Tout cela est sensible dans le jeu, les hĂ©sitations, les gestes Ă©bauchĂ©s (remarquable travail d’acteur). S’il donne aux fioritures de son air sur la beautĂ© Ă©phĂ©mĂšre de Violetta le tranchant cruel des Ă©vidences, il fait des appoggiatures de la sorte de berceuse Ă son fils, « Di Provenza, il mare il solâŠÂ », de vĂ©ritables sanglots dans le passage « Ah , tuo vecchio genitor, tu non sai quanto sofri ! » On ne cesse de dĂ©couvrir Ermonela Jaho : Micaela, Butterfly, dĂ©jĂ Ă Orange, Mireille, Manon, Marie Stuarda, Anna Bolena, ailleurs, etc, elle m’a toujours confondu d’admiration par ce qui semblait l’identification exacte, vocale, physique et scĂ©nique Ă un rĂŽle. Or, les rĂŽles changent et le mĂȘme bonheur d’adĂ©quation s’impose Ă l’Ă©couter, la voir. Sa Butterfly paraissait unique et bouleversait par son sacrifice intime et grandiose. En Violetta, dans la premiĂšre partie de l’acte I, courtisane adulĂ©e, brillante, lĂ©gĂšre, coquette, la voix brille, s’Ă©lĂšve, badine, cocotte, cascade de rires face Ă Alfredo avec une joliesse irrĂ©sistible, l’Ă©mission facile farde dĂ©licatement toute la technique : l’art, cachĂ© par l’art semble tout naturel. GagnĂ©e par l’amour enveloppant des phrases du jeune homme, elle change de tessiture en apparence, plonge dans le grave du soprano dramatique, mĂ©dium moelleux, mallĂ©able de l’introspection et bondit dans le vertige virtuose de la frivolitĂ©. Elle nous Ă©pargne le faux contre mi bĂ©mol inutilement surajoutĂ© Ă la partition par des voix trop lĂ©gĂšres et s’en tient aux quatre contre rĂ© bĂ©mols vocalisants vraiment voulus par Verdi, vraie couleur du morceau et vĂ©ritĂ© d’une femme qui n’est pas un rossignol mĂ©canique, mais un tendre oiseau Ă l’envol vite brisĂ©. Nous sommes au théùtre, Ă l’opĂ©ra : tout y est vrai et tout est faux. Mais Ermonela Jaho, sans rien sacrifier de la beautĂ© de la voix expressive, est tellement crĂ©dible, si douloureusement vraie en mourante que, pris par l’intensitĂ© de son jeu, on s’Ă©tonne ensuite, aux bravos, qu’elle rĂ©apparaisse si vivante. Sauvant la production en remplaçant au pied levĂ© Diana Damrau souffrante, aprĂšs son inoubliable aussi Butterfly, elle est sacrĂ©e Reine des ChorĂ©gies 2016 dont le succĂšs couronne sans faille le flair de l’autre triomphateur qui les aura programmĂ©es : Raymond Duffaut. Compte rendu, opĂ©ra. Orange, ChorĂ©gies, le 3 aoĂ»t 2016. VERDI : La Traviata par Ermonela Jaho. Daniele Rustioni, direction A lâaffiche des ChorĂ©gies d’Orange, les 3 et 6 aoĂ»t 2016 Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, ChĆurs des OpĂ©ras d’Angers-Nantes (Xavier Ribes), Avignon (Aurore Marchand) et Marseille (Emmanuel Trenque) – Direction musicale : Daniele Rustioni Distribution : Violetta ValĂ©ry : Ermonela Jaho ; Annina : Anne-Marguerite Werster. Alfredo Germont : Francesco Meli ; Giorgio Germont : Placido Domingo ; Illustrations : © Philippe Gromelle, sauf premiĂšre photo : Anne-MargueriteWerster (Annina) au chevet de Ermonela Jaho (Violetta) / © Abadie Bruno & Cyril Reveret Pour certains la distraction engendrĂ©e par la beautĂ© si particuliĂšre des dessins, leur violence et leurs couleurs envahissantes, a nui Ă lâĂ©motion musicale. Concert et spectacle Ă la fois, il est dommage dâavoir eu Ă choisir entre les projections sur le mur et la vision dâartistes engagĂ©s et tout particuliĂšrement la direction Ă mains nues dâune grande beautĂ© de Tugan Sokhiev. France 3 offre Ă partir du 27 juillet ainsi que Culture Box le film qui en a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en une solution hybride que nous souhaitons plus satisfaisante. DIRECTION MAGISTRALE et TENOR EN GRĂCE. Musicalement le théùtre verdien de la Missa da Requiem a Ă©tĂ© portĂ© Ă son apogĂ©e par la direction magistrale de Tugan Sokhiev. LâOrfeĂłn Donostiarra est un chĆur dâune ductilitĂ© totale et dâune beautĂ© confondante, du pianissimo le plus infime au forte le plus spectaculaire du Tuba Mirum. Le RRR roulĂ© des basses dans le Rex tremendae Majestatis prĂ©cĂ©dant la note est un exemple de cette terrible théùtralitĂ©. Le dosage parfait des nuances poussĂ©es Ă leur maximum a Ă©tĂ© de bout en bout le fil rouge de lâinterprĂ©tation. Les couleurs ont Ă©galement Ă©tĂ© dâune grande richesse dans le chĆur comme dans lâorchestre. Chaque tempo choisi a Ă©tĂ© habitĂ© et a semblĂ© Ă©vident. Le chĆur et lâorchestre ont Ă©tĂ© ainsi modelĂ©s Ă main nue, par un chef inspirĂ© dans des phrasĂ©s amples et gĂ©nĂ©reux. Cuivres brillants, cordes soyeuses ou victorieuses, bois dâune grande dĂ©licatesse chaque pupitre a brillĂ©, jusquâaux timbales et grosse caisse ! LâOrchestre du Capitole si riche en couleurs peut les exalter dans cette acoustique chatoyante. Compte-rendu, concert. Orange.ChorĂ©gies 2016, Théùtre Antique, le 16 Juillet 2016 : Giuseppe Verdi (1813-1901) : Messa da Requiem ; Solistes: Erika Grimaldi, soprano ; Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano ; Joseph Calleja, tĂ©nor ; Vitalij Kowaljow, basse ; ChĆur de lâOrfeĂłn Donostiarra, chef de choeur : JosĂ© Antonio Sainz Alfaro ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction. Avec lâOrchestre National du Capitole de Toulouse et le ChĆur de lâOrfeĂłn Donostiarra, sous la direction de Tugan Sokhiev. Solistes : Krassimira Stoyanova, soprano ; Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano ; Joseph Calleja, tĂ©nor et Vitalij Kowaljow, basse. Spectacle enregistrĂ© les 15 et 16 juillet 2016 au Théùtre Antique dâOrange.
Compte rendu, opĂ©ra. Marseille, OpĂ©ra, le 15 juin 2016. Verdi : Macbeth. Steinberg / BĂ©lier-Garcia. Triomphale fin de saison Ă l’OpĂ©ra de Marseille. LâOEUVRE. Contexte théùtral : théùtre de lâhorreur. Tout en sâen dĂ©marquant quelque peu, la tragĂ©die de William Shakespeare (1564-1616), Macbeth (entre 1603 et 1607), demeure, par sa brutalitĂ©, les scĂšnes de meurtre, dans la veine dâun théùtre europĂ©en de lâhorreur Ă cheval sur les XVIe et XVIIe siĂšcles dont, en France, Les Juives de Robert Garnier (1583), par leur violence imprĂ©gnĂ©e de celle des Guerres de religion, demeurent un exemple. Shakespeare, avec son Titus Andronicus (vers 1590/1594), ne dĂ©roge pas Ă cette inspiration barbare des piĂšces Ă©lisabĂ©thaines de la fin des annĂ©es 1580, prodigues en scĂšnes atroces (cannibalisme, mutilation, viol, folie). Il y renchĂ©rit mĂȘme sur les Ćuvres plus que violentes de ses rivaux, tels Christopher Marlowe qui porte Ă la scĂšne avec cruditĂ© la Saint-BarthĂ©lemy (Massacre de Paris, 1593) et la cuve d’huile bouillante de son Juif de Malte (1589) ou Thomas Kyd et sa TragĂ©die espagnole. Macbeth fut le plus grand succĂšs public de Shakespeare, longtemps rejouĂ©e, traduite en allemand par des compagnies itinĂ©rantes. Mais ce mĂ©lange d’horreur et de pathĂ©tique, dĂ©rogeant aux rĂšgles de la biensĂ©ance classique s’imposant au milieu du XVIIe siĂšcle, la piĂšce sera relĂ©guĂ©e aprĂšs avoir rĂ©galĂ© le grand public. Le dramaturge anglais sâinspire librement dâune chronique mĂ©diĂ©vale relatant des Ă©vĂ©nements historiques, la vie de Macbeth, roi des Pictes, qui rĂ©gna en Ăcosse de 1040 Ă 1057 ; il monte sur le trĂŽne en assassinant Duncan, le roi lĂ©gitime. Mais de cet Ă©vĂ©nement, un rĂ©gicide, le meurtre dâun roi, somme toute banal dans lâhistoire, Shakespeare tire la peinture, le portrait dâun assassin ambitieux certes, mais timorĂ©, freinĂ© puis tourmentĂ© par des scrupules moraux. Cependant, il est incitĂ© par sa machiavĂ©lique femme, Lady Macbeth, qui le pousse dans la marche au pouvoir qui ne se soutient que par lâenchaĂźnement inexorable de crime en crime. Le couple maudit, rongĂ© par la crainte dâĂȘtre dĂ©couvert et le remords, acculĂ© Ă la surenchĂšre criminelle pour se maintenir au sommet de la puissance, dans son escalade criminelle, trouve son expiation, son chĂątiment, lui, saisi dâabord dâhallucinations croyant voir mĂȘme dans un banquet, au milieu des courtisans, le fantĂŽme de Banquo, lâami quâil a fait assassiner, elle, Lady Macbeth, son Ăąme damnĂ©e, sombrant dans le somnambulisme qui la trahit, dans la folie, lavant sans cesse des mains tachĂ©es du sang du rĂ©gicide, avant de pĂ©rir. RĂ©alisation et interprĂ©tation Le plateau est admirable. Tour Ă tour valet servile de Macbeth, assassin Ă gages asservi aux noirs desseins du maĂźtre, une apparition puis mĂ©decin de Lady Macbeth, Jean-Marie Delpas, multiplie en peu de phrases une grande prĂ©sence dramatique et vocale, sombre en timbre mais limpide en diction. Fils du roi Duncan assassinĂ©, menacĂ© lui-mĂȘme, fuyant le danger et ne revenant que pour hĂ©riter de la couronne que lui ont conquise ses partisans, Malcolm est un personnage Ă©pisodique et falot, encore rĂ©duit par le librettiste, et l’on ne reprochera pas au tĂ©nor Xin Wang, timbre soyeux, un manque de prĂ©sence que le rĂŽle ne lui accorde pas. Beaucoup plus prĂ©sente par le travail scĂ©nique que lyrique, Vanessa Le CharlĂšs, suivante de Lady Macbeth est traitĂ©e, cheveux courts et habits masculins, comme son obsĂ©dante ombre portĂ©e virile, dont les attouchements furtifs de mains avec sa maĂźtresse laissent supposer une intimitĂ© plus grande que celle d’une simple femme (homme) de chambre. Lorsque on entend enfin les quelques phrases de son joli soprano le contraste est frappant. En Ă©poux et pĂšre douloureux, d’autant qu’on l’avait vu tendrement en scĂšne avec son enfant, Ă©mouvante trouvaille, dĂ©couvrant au milieu de la masse persĂ©cutĂ©e l’horreur du massacre de sa famille, Stanislas de Barbeyrac est bouleversant, dĂ©chirant son timbre lumineux de tĂ©nor de la dĂ©chirure de sa chair, retrouvant en jeune hĂ©ros des accents vengeurs superbes pour terrasser le monstre. Autre pĂšre attentif, veillant sur sa progĂ©niture, son fils, et rĂ©ussissant Ă la sauver dans la forĂȘt du piĂšge, Banquo, auquel les sorciĂšres ont prĂ©dit que, sans rĂ©gner, il aurait une lignĂ©e de rois, est incarnĂ© par la noble allure de Wojtek Smilek. Dans son grand air assailli de noirs pressentiments sur la mort qui le guette, il dĂ©ploie le sombre tissu de sa voix de basse, passant du murmure oppressĂ© Ă son fils Ă l’Ă©clat terrible de la rĂ©vĂ©lation lucide du complot jusqu’Ă un Ă©clatant mi aigu final. OpĂ©ra de Marseille, Orchestre et chĆur (Emmanuel Trenque) de l’OpĂ©ra de Marseille sous la direction de Distribution Photo : © Christian Dresse / OpĂ©ra de Marseille 2016 Compte rendu DON CARLO Ă STRASBOURG… Fin de saison flamboyante Ă Strasbourg. La saison lyrique s’achĂšve Ă Strasbourg avec une nouvelle production de Don Carlo de Verdi, signĂ©e Robert Carsen. L’OpĂ©ra National du Rhin engage pour l’occasion la fabuleuse soprano et Ă©toile montante, Elza van den Heever dans le rĂŽle d’Elisabeth de Valois. L’excellente distribution d’une qualitĂ© rare ainsi que l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg sont dirigĂ©s magistralement par le chef italien invitĂ© Daniele Callegari. Une fin de saison bien plus qu’heureuse … Ă©tonnante mĂȘme, pour plusieurs raisons ! La nouvelle production de Don Carlo Ă Strasbourg remporte tous les suffrages : c’est un succĂšs manifeste Don Carlos, créé Ă Paris en 1867, (chantĂ© en français) est l’un des opĂ©ras de Verdi qui totalise le plus de versions existantes, sans omettre faits divers et controverses. Au fait des derniĂšres recherches sur la genĂšse de l’Ćuvre, le Directeur de l’OpĂ©ra National du Rhin, Marc ClĂ©meur, prĂ©cise selon les derniĂšres recherches, que le livret de MĂ©ry et Du Locle d’aprĂšs le poĂšme tragique Ă©ponyme de Schiller (1787), n’est pas la seule source de Verdi ; la partition emprunte aussi au drame de circonstance d’EugĂšne Cormon intitulĂ© Philippe II Roi d’Espagne datant de 1846. Ensuite, le fait qu’il s’agĂźt bien d’un Grand OpĂ©ra français de la plume d’un grand compositeur italien attise souvent les passions des mĂ©lomanes, dĂ©criant souvent une quelconque influence d’un Wagner et d’un Meyerbeer. Bien qu’il soit bel et bien un Grand OpĂ©ra, c’est aussi du Verdi, indĂ©niablement du Verdi. Et si la version prĂ©sentĂ©e ce soir Ă Strasbourg est la version italienne dite « Milanaise » de 1884, en 4 actes, sans ballet, plus concise et courte que la version française d’origine, elle demeure un Grand OpĂ©ra italianisĂ©, avec une progression ascendante de numĂ©ros privilĂ©giant les ensembles, un coloris orchestral riche en effets spectaculaires, des scĂšnes fastueuses ne servant pas toujours Ă la dramaturgie, mais ajoutant Ă l’aura et au decorum… L’aspect le moins controversĂ© serait donc la question de l’historicité : Verdi dit dans une lettre Ă son Ă©diteur italien Giulio Ricordi « Dans ce drame, aussi brillante en soit la forme et aussi noble en soient les idĂ©es, tout est faux (âŠ) il n’y a dans ce drame rien de vĂ©ritablement historique ». Plus soucieux de vĂ©racitĂ© poĂ©tique qu’historique, Verdi se sert quand mĂȘme de ce drame si faux pour montrer explicitement ses inclinaisons bien rĂ©elles. On pourrait dire qu’il s’agĂźt ici du seul opĂ©ra de Verdi oĂč la vie politique est ouvertement abordĂ©e et discutĂ©e de façon sĂ©rieuse et adulte. Le sĂ©rieux qui imprĂšgne l’opus se voit tout Ă fait honorĂ© ce soir grĂące Ă l’incroyable direction musicale du chef italien Daniele Callegari dirigeant l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg avec maestria et une sophistication et un raffinement des plus rares ! S’agissant d’un des opĂ©ras de Verdi oĂč l’Ă©criture orchestrale est bien plus qu’un simple accompagnant des voix, saisissent directement ici la complicitĂ© Ă©tonnante entre fosse et scĂšne, l’excellente interprĂ©tation des instrumentistes, le sens de l’Ă©quilibre jamais compromis, la tension permanente et palpitante de la performance et surtout les prestations des chanteurs-acteurs de la distribution. La soprano Elza van den Heever reprend le rĂŽle d’Elisabeth de Valois aprĂšs l’avoir interprĂ©tĂ© Ă Bordeaux la saison prĂ©cĂ©dente. Si Ă Bordeaux nous avions remarquĂ© ses qualitĂ©s, c’est Ă Strasbourg que nous la voyons dĂ©ployer davantage ses dons musicaux et théùtraux ! Sa voix large et somptueuse a gagnĂ© en flexibilitĂ©, tout en restant dĂ©licieusement dramatique. Elle campe une performance encore plus profonde avec une superbe maĂźtrise des registres et une intelligence musicale lui permettant d’adapter brillamment l’intensitĂ© de son chant, de nuancer la force de son expression.
L’ART DE ROBERT CARSEN. Que dire enfin de la crĂ©ation de celui qui doit ĂȘtre le metteur en scĂšne d’opĂ©ras actuellement le plus cĂ©lĂšbre et le plus sollicité ? Robert Carsen et son Ă©quipe artistique prĂ©sentent un spectacle sobre et sombre, dans un lieu unique dĂ©pouillĂ©, Ă la palette chromatique consistant en noir sur gris sur noir, et quelques Ă©clats des accessoires mĂ©talliques ou diamantĂ©s… Si l’intention de faire une mise en scĂšne hors du temps est bien Ă©vidente, il y a quand mĂȘme une grande quantitĂ© d’Ă©lĂ©ments classiques qui font rĂ©fĂ©rence au sujet… Des religieux catholiques bien catholiquement habillĂ©s, des croix par ci et par lĂ , mais jamais rien de gratuit (sauf peut-ĂȘtre un ordinateur portable Ă peine remarquable mais qui frappe l’oeil puisque quelque peu dĂ©placĂ©). Comme d’habitude chez Carsen le beau, le respect de l’oeuvre et l’intelligence priment. Cette derniĂšre Ă un tel point que le Canadien rĂ©ussi Ă prendre une libertĂ© audacieuse avec l’histoire originale qui dĂ©voile davantage les profondeurs de lâĆuvre. DĂ©jĂ riche en intrigues, le Don Carlo de Verdi selon Carsen explore une lecture supplĂ©mentaire dont nous prĂ©fĂ©rons ne pas donner les dĂ©tails, tellement la surprise est forte et la vision, juste ! Rien ne rĂ©siste Ă l’appel de ce Don Carlo de toute beautĂ©, aucun obstacle pour nos lecteurs de faire le dĂ©placement Ă l’OpĂ©ra National du Rhin, Ă Strasbourg et Ă Mulhouse, pour cette formidable nouvelle production qui clĂŽt l’avant-derniĂšre saison de la maison sous la direction visionnaire de Marc ClĂ©meur. A l’affiche Ă Strasbourg du 17 au 28 juin et puis Ă Mulhouse du 8 au 10 juillet 2016. Compte rendu, opĂ©ra. OpĂ©ra National du Rhin, Strasbourg, le 17 juin 2016. Verdi : Don Carlo (version Milanaise 1884). Stephen Milling, Andrea CarĂ©, Elza van den Heever, Tassis Christoyannis⊠Choeurs de l’OpĂ©ra du Rhin. Sandrine Abello, direction. Orchestre Philharmonique de Strasbourg, orchestre. Daniele Callegari, direction. Robert Carsen, mise en scĂšne. LIRE notre prĂ©sentation annonce de la nouvelle production de Don Carlo Ă l’OpĂ©ra national du Rhin : “Elza van den Heever chante ELisabetta…” Illustrations : K. Beck / OpĂ©ra national du Rhin © 2016 Créé Ă la Scala de Milan en mars 1842 (d’aprĂšs un opĂ©ra initialement Ă©crit en 1836, et intitulĂ© d’abord, Nabuchodonosor), l’opĂ©ra hĂ©roique et tragique de Verdi brosse le portrait d’un amour impossible entre la fille hĂ©ritiĂšre de Nabucco, Abigaille (soprano) qui aime le neveu du roi de JĂ©rusalem, IsmaĂ«l. Mais celui-ci lui prĂ©fĂšre Fenena, l’autre fille de Nabucco, alors prisonniĂšre des Juifs. L’acte II est le plus nerveux, riche en fureur et passions affrontĂ©es. Abigaille, l’Ă©lĂ©ment haineux et irascible, vraie furie noire du drame, profite de l’orgueil dĂ©mesurĂ© de son pĂšre Nabucco qui se dĂ©clarant l’Ă©gal de Dieu, est foudroyĂ© illico : le jeune femme en profite pour prendre le trĂŽne. Au III, devenue reine de Babylone, Abigaille rugit, tempĂȘte, manipule car rien n’est jamais trop grand ni impossible quand il s’agit de conserver le pouvoir : elle dĂ©truit les parchemins sur la nature illĂ©gitime de sa naissance, proclame la destruction de JĂ©rusalem et le massacre des Juifs. Amoureuse rejetĂ©e, la lionne exacerbe le masque de la femme politique : le choeur des hĂ©breux dĂ©chus et soumis (l’ultra cĂ©lĂšbre “Va pensiero”, dans lequel la nation italienne s’est reconnue contre l’oppresseur autrichien), jalonne un nouvel acte d’une fulgurance inouĂŻe. OpĂ©ra de Saint-Etienne Avec Nicolas Cavalier (Zacharia), AndrĂ© Heyboer (Nabucco), CĂ©cile Perrin (Abigaille)… RĂ©servez directement depuis le site de l’OpĂ©ra de Saint-Etienne DAVID REILAND au disque : le chef belge qui rĂ©side Ă Munich,vient de faire paraĂźtre un disque excellent dĂ©diĂ© au symphoniste romantique français, Benjamin Godard (Symphonies n°2 opus 57, “Gothique” opus 23, Trois morceaux symphoniques… avec le MĂŒncher Rundfunkorchester, septembre 2015), parution trĂšs intĂ©ressante rĂ©cemment critiquĂ© par classiquenews :  ”la direction affĂ»tĂ©e, vive, Ă©quilibrĂ©e et contrastĂ©e du chef fait toute la valeur de ce disque qui est aussi une source de dĂ©couvertes.”
Aux cĂŽtĂ©s du tĂ©nor inconsistant, le baryton et la soprano sont les deux victimes expiatoires dâune tragĂ©die particuliĂšrement cynique : emblĂšmes de cette relation pĂšre / fille que Verdi nâ a cessĂ© dâillustrer et dâĂ©claircir dans chacun de ses opĂ©ras : Stiffelio, Simon Boccanegra,⊠Rigoletto de Verdi Ă lâOpĂ©ra Bastille Ă Paris Toutes les infos, les modalitĂ©s de rĂ©servations sur le site de lâOpĂ©ra Bastille Ă Paris A la tĂȘte d’un orchestre « maison » superbement sonnant, le chef français Philippe Auguin â directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Nice – dirige un Verdi sanguin, Ăąpre, peu enclin Ă lâintrospection: lâaccompagnement soulignant les coups de théùtre et dĂ©peignant les conflits psychologiques avec une luxuriance sonore absolument jouissive. Enfin, le ChĆur du Gran Teatre del Liceu – admirablement prĂ©parĂ© par Conxita Garcia – fait montre dâune virtuositĂ© impressionnante, qui lui permet dâaborder notamment le long finale du troisiĂšme acte sans baisse rythmique. Compte-rendu, OpĂ©ra. Barcelone, Gran Teatre del Liceu, le 30 janvier (et 1er fĂ©vrier) 2016. Verdi : Otello. Avec Carl Tanner (Otello), Maria Katzarava (Desdemona), Ivan Inverardi (Iago), Alexey Dolgov (Cassio), Vicenç Esteve Madrid (Roderigo), Roman Ialcic (Lodovico), DamiĂ n del Castillo (Montano), Olesya Petrova (Emilia). Andreas Kriegenburg (mise en scĂšne). Philippe Auguin (direction musicale). Prochains rĂŽles pour Anna Netrebko : PARIS, OpĂ©ra bastille : du 28 janvier au 15 fĂ©vrier 2016. VERDI : Il Trovatore (Leonora) inauguration de la nouvelle saison lyrique scaligĂšne 2015 – 2016 Anna Netrebko, Giovanna D’Arco DurĂ©e : 2h20mn avec entractes La nouvelle production frappe immĂ©diatement par l’absence presque totale de dĂ©cors (il y a quand mĂȘme une croix quelque part, Ă un moment). Remarquons d’ores et dĂ©jĂ la fabuleuse crĂ©ation vidĂ©o de Virgile Koering ; ses projections sur la scĂšne ingrate (sans cintres ni coulisses), habillent le plateau en costumes espagnols, de façon plus qu’habile. Une trĂšs belle excuse pour faire une mise en scĂšne qui est plutĂŽt mise en espace. Les costumes d’Ă©poque de Katia Duflot sont trĂšs beaux et donnent davantage de caractĂšre et d’Ă©lĂ©gance Ă la mise en scĂšne dĂ©pouillĂ©e. Les chanteurs rentrent et sortent du plateau (mais pas les chĆurs, aux siĂšges derriĂšre la scĂšne), certes. Le directeur scĂ©nique laisse donc, «parler la musique ». Soit. Une idĂ©e non dĂ©pourvue de poĂ©sie, surtout en ce qui concerne la partition de Verdi, des plus rĂ©ussies d’un point de vue orchestral, mais trop souvent la chose qu’on dit quand on n’a vraiment rien Ă dire. MatiĂšre Ă rĂ©flexion pour la prochaine direction de la maison. L’Elisabeth d’Elsa van den Heever est remarquable par son interprĂ©tation d’une Reine tourmentĂ©e, aux motivations sincĂšres et dont la noblesse de caractĂšre ne la quitte jamais. La voix large de la jeune cantatrice s’adapte Ă souhait aux besoins expressifs de la partition et elle campe une performance fantastique, en dĂ©pit dâune certaine froideur. Le Don Carlo de Leonardo Caimi (remplaçant de Carlos Ventre) touche par la beautĂ© du timbre et par le charme et la candeur juvĂ©niles qu’il imprime au rĂŽle, mais le chanteur se trouve trĂšs souvent dĂ©passĂ© par celui-ci. Seulement l’intensitĂ© douloureuse de son jeu et vocal et théùtral (et ce dans une mise en scĂšne, disons, Ă©conome) touche l’auditoire. Le Marquis de Posa de Tassis Christoyannis quant Ă lui, touche le public de plusieurs façons. Une belle et bonne projection, une articulation distinguĂ©e mais chaleureuse, et le jeu d’acteur remarquable qui lui est propre, font partie des qualitĂ©s de son interprĂ©tation des plus rĂ©ussies. Le Philippe II d’Adrian SĂąmpetrean, prise de rĂŽle, peine Ă convaincre de son statut. Si ses qualitĂ©s vocales sont toujours lĂ , et nous sommes contents de le dĂ©couvrir dans ce rĂ©pertoire, son attribution paraĂźt un contresens. Ainsi dans le trĂšs beau quatuor vocal du III : « Giustizia, Sire! » avec Elisabeth, Eboli, Posa et Philippe, il est le maillon faible comparĂ© Ă ses partenaires qui y excellent. De la Princesse Eboli de Keri Alkema, dans une prise de rĂŽle, nous retenons Ă©galement l’intensitĂ© mais aussi l’agilitĂ©, Ă©tonnamment. La chanson mauresque qu’elle interprĂšte au II : « Nel giardin del bello saracin ostello » est tout Ă fait dĂ©licieuse. Remarquons aussi l’Inquisiteur de la basse Wenwei Zhang Ă la profondeur sinistre Ă souhait, et les choeurs de la maison avec le choeur Intermezzo, en bonne forme, avec un dynamisme de grand ferveur. Enfin, un dĂ©but de saison plein de qualitĂ©s et plutĂŽt gagnant en dĂ©pit des pĂ©ripĂ©ties et incomprĂ©hensions… Une distribution inĂ©gale mais engageante, une mise en scĂšne trĂšs belle mais absente. Surtout un orchestre fabuleux et un moment d’intensitĂ© lyrique comme on les aime. Encore Ă l’affiche le 30 septembre puis le 2 octobre 2015 Ă l’OpĂ©ra National de Bordeaux. Compte rendu, opĂ©ra. Bordeaux. Auditorium de l’OpĂ©ra National de Bordeaux, le 24 septembre 2015. Verdi : Don Carlo (version Milanaise 1884). Leonardo Caimi, Tassis Christoyannis, Elza van den Heever, Keri Alkema⊠Ensemble Aedes, choeur. Le Cercle de l’Harmonie, orchestre. Paul Daniel, direction. âŠdans Il Trovatore : sa Leonora palpite et se dĂ©chire littĂ©ralement en une incarnation oĂč son angĂ©lisme blessĂ©, tragique, fait merveille : la diva trouve ici un rĂŽle dont le caractĂšre convient idĂ©alement Ă ses moyens actuels (sâil nâĂ©tait ici et lĂ ses notes vibrĂ©es, pas trĂšs prĂ©cises)⊠mais la ligne, lâĂ©lĂ©gance, la subtilitĂ© de lâĂ©mission et les aigus superbement colorĂ©s dans â Dâamore sullâali rosee â âŠÂ (dialoguĂ©s lĂ encore avec la flĂ»te) sont trĂšs convaincants. Elle retrouve lâivresse vocale quâelle a su hier affirmer pour Violetta dans La Traviata. Que lâon aime la soprano quand elle sâĂ©carte totalement de tout Ă©panchement vĂ©riste : son legato sans effet manifeste une musicienne nĂ©e. Sa Leonora, hallucinĂ©e, dâune transe fantastique, dans le sillon de Lady Macbeth, torche embrasĂ©e, force lâadmiration : toute la personnalitĂ© de Netrebko rejaillit ici en fin de programme, dans le volet le plus saisissant de ce rĂ©cital verdien, hautement recommandable. Concernant Villazon, ⊠le tĂ©nor fait du Villazon ⊠avec des nuances et des moyens trĂšs en retrait sur ce quâil fut, en comparaison moins aboutis que sa divine partenaire. Anna Netrebko pourrait trouver sur la scĂšne un rĂŽle Ă sa (dĂ©)mesure : quand pourrons nous lâĂ©couter et la voir dans une Leonora rĂ©vĂ©latrice et peut-ĂȘtre subjugante ? Bravissima diva. Verdi. Le TrouvĂšre, Anna Netrebko, le 3 octobre 2015, 18h55. DurĂ©e : 3h. Avec Anna Netrebko, Dolora Zajick, Yonghoon Lee, Dmitri Hvorostovsky. David McVicar, mise en scĂšne. Marco Armiliato, direction musicale. LIRE aussi Anna Netrebko chante Leonora du TrouvĂšre de Verdi, France Musique le 31 aoĂ»t 2014
Lâenregistrement studio a dĂ©butĂ© en fĂ©vrier 2015 : aux cĂŽtĂ©s du tĂ©nor allemand, Anja Harteros (Aida), Ekaterina Semchuk (Amneris), Ludovic TĂ©zier (Amonasro), Erwin Schrott (Ramfis)⊠complĂštent la distribution rĂ©unie autour dâAntonio Pappano qui pilote le chĆur et lâorchestre dell’Accademia di Santa Cecilia. Aida de Verdi, 3 cd Warner classics. Parution annoncĂ©e le 2 octobre 2015, prochain compte rendu dĂ©veloppĂ© dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com ” LE TROUVĂRE ” de Giuseppe Verdi âšOrchestre national de France et ChĆurs des OpĂ©ras de RĂ©gion âšâšAvec :âšManrico : Roberto Alagna / Leonora : Hui He / Azucena : Marie-Nicole Lemieux ” LE TROUVĂRE ” de Giuseppe Verdi âšOrchestre national de France et ChĆurs des OpĂ©ras de RĂ©gion âšâšAvec :âšManrico : Roberto Alagna / Leonora : Hui He / Azucena : Marie-Nicole Lemieux Pourtant derriĂšre la comĂ©die collective oĂč les Joyeuses commĂšres de Windsor se joue de la naĂŻvetĂ© dĂ©risoire du Chevalier vaniteux, Verdi place plusieurs scĂšne d’une vĂ©ritĂ© irrĂ©sistible dont le duo d’amour de Nanetta et Fenton. Comme il immerge Ă la façon de Shakespeare, toute l’action du village dans une fĂ©erie nocturne oĂč le jardin enchantĂ© se fait scĂšne d’illusion et de dĂ©voilement, poĂ©tique puis ironique : c’est lĂ que Falstaff apprend Ă ses dĂ©pens qu’il est le dindon d’une farce gĂ©nĂ©rale particuliĂšrement cruelle. Depuis 2006, Olivier Desbordes aura certainement fait Ă©voluer sa vision du dernier opĂ©ra de Verdi. Falstaff de Verdi Ă Saint-CĂ©rĂ© Falstaff : Christophe Lacassagne 5 reprĂ©sentations Infos, rĂ©servations : 05 65 38 28 08 Reprise de La Traviata Ă l’OpĂ©ra de Tours Reprise d’une production reprĂ©sentĂ©e Ă Avignon en 2002 Mercredi 20 mai 2015 – 20h OpĂ©ra en quatre parties Direction : Jean-Yves Ossonce Violetta ValĂ©ry : Eleonore Marguerre * Orchestre Symphonique RĂ©gion Centre-Tours *dĂ©buts Ă lâOpĂ©ra de Tours DĂ©jĂ prĂ©sentĂ©e en fĂ©vrier et mars 2008, cette production a montrĂ© ses qualitĂ©s, classiques certes mais efficaces et claires. Les vertus viennent surtout des chanteurs (en l’occurrence de la diva que l’on attendait et qui n’a pas déçu). Si sous la direction du mĂȘme chef (Semyon Bychkov), RenĂ©e Fleming (Desdemona), Johan Botha (Otello) rempilent ici en octobre 2012, le reste de la distribution a changĂ© Ă commencer par le pĂ©ril dans la demeure, l’infĂąme intriguant Iago (Falk Struckmann) et Cassio (Michael Fabiano). Fleming : bouleversante Desdemona âšâšâšDVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Johan Botha · RenĂ©e Fleming, Falk Struckmann… The Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet. Semyon Bychkov, direction. Elijah Moshinsky, mise en scĂšne. Enregistrement live rĂ©alisĂ© au Metropolitan Opera de new York en octobre 2012. Parution internationale le 4 mai 2015. 1 dvd 0440 074 3862 6. DurĂ©e : 2:42. 1 dvd Decca En fĂ©vrier 2014, Lorin Maazel enregistre Ă Munich le Requiem de Verdi, avant de dĂ©cĂ©der 5 mois plus tard… Drame gothique tragique⊠Dans la production parisienne de lâouvrage, Verdi ajoute un ballet selon le goĂ»t français du grand opĂ©ra (3Ăšme partie : la BohĂ©mienne). La violence de lâĂ©criture, lâomniprĂ©sence des flammes dans la rĂ©solution du jeu dramatique, lâexacerbation des passions qui sâopposent (Luna contre Leonora et Manrico, lâapparente impuissance de la sorciĂšre bohĂ©mienne AzucenaâŠ)âŠtout Ćuvre ici pour lâessor dâune tragĂ©die gothique prenante, Ă lâexpressivitĂ© progressive. DâaprĂšs le roman gothique romantique de GutiĂ©rrez, Verdi offre une remarquable caractĂ©risation des rĂŽles solistes : Manrico (tĂ©nor), Leonora (soprano), Luna (baryton), surtout Azucena (mezzo soprano) dont il fait une sorte dâautoritĂ© fĂ©minine sombre et lugubre (cf. le Miserere, chĆur funĂšbre de la 4Ăšme partie : intitulĂ©e â Le Suppliceâ). Contemporain de La Traviata, Le TrouvĂšre est une partition flamboyante, sur un prĂ©texte empruntĂ© au roman historique dont la vocalitĂ© trĂšs investie des 4 solistes frappe immĂ©diatement : Verdi rĂ©ussit un tour de force. Chaque air rĂ©pond Ă la nĂ©cessitĂ© de lâaction. France Musique. Dimanche 29 mars 2015, 20h30. Verdi : Le TrouvĂšre La tribune des critique ParticuliĂšrement dense, le livret pose de façon inĂ©dite, histoire politique et drame individuel sur le mĂȘme plan. Ancien corsaire Ă©lu doge, Boccanegra fait l’expĂ©rience du pouvoir, confrontĂ© aux intrigues des puissants, aux remous d’une foule rĂ©active et manipulable, et aussi aux rebondissements de sa propre saga familiale. OpĂ©ra en un prologue et trois actes de Giuseppe Verdi Amelia : Barbara Haveman Orchestre RĂ©gional Avignon-Provence
L’homme de théùtre norvĂ©gien Stefan Herheim fait cependant du tĂ©nor hĂ©roĂŻque Henri, l’amant de la sicilienne HĂ©lĂšne, pris dans les rets de son amour filiale pour Monfort, le tyran français, la figure archĂ©typale de l’artiste romantique, comme TannhĂ€user, hĂ©ros sacrifiĂ©, maudit, incompris sur l’autel de la bourgeoisie du Second Empire Ă naĂźtre. L’OpĂ©ra de Paris, celui de Garnier, ses ors et sa pompe théùtrale sont copieusement citĂ©s, crĂ©ant le cadre des enjeux politiques Ă l’Ă©poque de Verdi : nationalismes en rĂ©sistance, conscience libertaire des artistes, politique barbare de l’ordre bourgeois.
La battue de Pappano, nerveuse, parfois fougueuse jusqu’Ă l’Ă©clair, Ă©vite justement le grandiloquent pour un continuum haletant oĂč l’on sent la pression de la machine politique Ă©prouvant chaque individu dans ses aspirations les plus intimes : Henri, le fils dĂ©chirĂ© entre l’amour filial qui le lie Ă son pĂšre, et son dĂ©sir d’HĂ©lĂšne, la Sicilienne aimĂ©e. Verdi aime ciseler le relief intĂ©rieur des Ăąmes, fussent-elles au sommet de la hiĂ©rarchie politique : solitude et dĂ©sarroi des puissants qui prĂ©sentent ainsi au dĂ©but du III, Monfort le tyran français, en quĂȘte de l’amour d’un fils auquel il s’est jusque lĂ cachĂ© : Michael Volle affirme une profondeur dĂ©chirĂ©e, une noblesse de sentiments qui attendrit le personnage du potentat, de surcroĂźt dans un français intelligible ; face Ă lui, ardent et tendu, le tĂ©nor montant Bryan Hymel affirme ses aspirations romantiques et amoureuses avec un aplomb, mĂȘme si son français reste diluĂ©, et si l’on note une faiblesse de rĂ©gime en fin d’action. Le relief de l’intrigue tient aussi Ă l’opposition des deux rĂŽles de barytons : si Monfort s’humanise en cours d’action (en se rapprochant de son fils qui bientĂŽt va le reconnaĂźtre en effet), la figure du Sicilien revanchard, chefs des partisans, Jean Procida gagne progressivement en autoritĂ©, en force contre l’oppresseur : l’uruguyen Erwin Schrott, ex compagnon d’Anna Netrebko, impose sa prestance virile et sauvage, une force noire et fĂ©line qui contraste idĂ©alement avec ses ennemis (hĂ©las dans un français bien peu ciselĂ©). Participant au pied levĂ© Ă la production, la soprano armĂ©nienne Lianna Haroutounian chante tant bienque mal HĂ©lĂšne : elle dĂ©ploie son beau timbre intense, mais ne convainc pas dans un français mou et approximatif, et des vocalises guĂšre prĂ©cises.
La production londonienne s’impose indiscutablement par le nerf expressif qui se dĂ©gage de la direction capable d’exprimer et les Ă©clairs intĂ©rieurs du drame hugolien et le souffle de la passion alla Schiller, deux sources si bien cultivĂ©es par le gĂ©nie théùtral de Verdi, et qui font des VĂȘpres l’inverse d’une grande machine artificielle ; la tenue trĂšs honnĂȘte des 3 protagonistes : Monfort, Henri et Procida ajoutent Ă la caractĂ©risation dramatique. Les chĆurs magnifiquement prĂ©parĂ©s savent restĂ©s articulĂ©s, prenants. Superbe expressivitĂ© collective. L’Ćuvre fait partie des partitions les moins bien estimĂ©es de Verdi, Ă©tiquettĂ©e “grand bazar Ă la française” ; c’est mal connaĂźtre l’esprit de la partition et le gĂ©nie verdien Ă l’oeuvre. La production dirigĂ© par Pappano a le mĂ©rite d’Ă©claircir la rĂ©ussite d’un ouvrage rarement donnĂ© en français. d’oĂč notre CLIC de fĂ©vrier 2015.
Lianna Haroutounian – Helene
Royal Opera Chorus Direction musicale / Amaury du Closel Le Duc de Mantoue / Alex Tsilogiannis Orchestre OpĂ©ra Nomade ReprĂ©sentations: âšDe 10 Ă 48⏠Les costumes, simples mais Ă©lĂ©gants, participent de cette atmosphĂšre intime, loin de tout faste grandiloquent, surprenante de prime abord mais dâune belle justesse Ă©motionnelle. Nancy. OpĂ©ra National de Lorraine, 25 novembre 2014. Giuseppe Verdi : Nabucco. Livret de Temistocle Solera. Avec Nabucco : Giovanni Meoni ; Abigaille : Raffaella Angeletti ; Zaccaria : Alexander Vinogradov ; Fenena : Diana Axentii ; Ismaele : Alessandro Liberatore ; Le Grand-PrĂȘtre de Baal : Kakhaber Shavidze ; Abdallo : Tadeusz Szczeblewski ; Anna : Elena Le Fur ; LâHomme : Yves Breton. ChĆur de lâOpĂ©ra National de Lorraine. Chef de chĆur : Merion Powell. ChĆur de lâOpĂ©ra-Théùtre de Metz MĂ©tropole. Chef de chĆur : Jean-Pierre Aniorte. Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy. Direction musicale : Rani Calderon. Mise en scĂšne : John Fulljames ; DĂ©cors : Dick Bird ; Costumes : Christina Cunnigham ; LumiĂšres : Lee Curran ; ChorĂ©graphie : Maxine Braham OpĂ©ra Bastille, le Don Carlo de Warlikowski
FRANCE MUSIQUE, sam 25 janv 2020. VERDI : Don Carlo. Luisi. DON CARLO de VERDI Ă Bastille. Exit la mise en scĂšne indigente et laide de Warlikowski, digne dâune piĂšce de théùtre sans enjeux ni perspective, uniquement centrĂ©e sur les conflits intĂ©rieurs qui dĂ©chirent chaque protagoniste. La cour dâEspagne nâest pas rĂ©jouissante loin de lĂ : le Roi Philippe II souffre de nâĂȘtre pas aimĂ© par Elisabeth de Valois, laquelle lui prĂ©fĂšre toujours son premier fiancĂ©, le propre fils de Philipe II, Lâinfant Don Carlo. Mais la Princesse Eboli aime quant Ă elle, vainement, ce Carlo qui apparaĂźt toujours en dĂ©calĂ©, comme un cĆur amoureux impropre Ă la rĂ©alitĂ© (il nâest pas un hĂ©ros de Schiller pour rien)⊠Et dâailleurs pour le sauver de cette situation inextricable, oĂč pĂšse aussi le poids Ă©crasant de la religion Ă travers la figure du grand inquisiteur, vĂ©ritable pĂšre la morale qui infĂ©ode jusquâau roi lui-mĂȘme, un deus ex machina sort des cintres et exfiltre littĂ©ralement Carlo, dĂ©muni, solitaire, impuissantâŠ
La reprise de la mise en scĂšne de Warlikowski créée in loco en 2007 fixe aussi la version de Don Carlo de 1886 sur les planches parisiennes. France Musique diffuse la reprise  d’un spectacle finalement triste, et sans vĂ©ritable vision théùtrale, sinon les Ă©lucubrations du metteur en scĂšne, soucieux d’expliquer par la vidĂ©o, les tourments intĂ©rieurs des protagonistes (comme si la musique de Verdi n’y suffisait pas). Quelques solistes sauvent le plateau et la tension du spectacle : aux cĂŽtĂ©s de Roberto Alagna, toujours aussi impliquĂ© dans le rĂŽle-titre, distinguons le Philippe blessĂ©, Ăąpre et cynique de la trĂšs solide basse RenĂ© Pape ; le tendre et trĂšs humain Rodrigo du baryton canadien Etienne Dupuis (Ă lâĂ©loquence ciselĂ©e et Ă©lĂ©gante) ; lâEboli Ă©galement trĂšs solide et embrasĂ©e de Anita Rachvelishvili ; enfin, le timbre charnel dâAlexandra Kurzak qui incarne une Elisabeth Ă la fois humaine et fragile mais aussi habitĂ© par la dignitĂ© de son rang, princesse digne mais elle aussi blessĂ©e. Dans la fosse, Fabio Luisi soigne les Ă©quilibres, fait jaillir des joyaux fantastiques, exploitant le choeur maison impeccable, en particulier dans le tableau final oĂč surgit le spectre de Charles Quint, sauveur de Carlo dĂ©muni. Illustration : ONP / V Pontet / Service de presse OpĂ©ra national de Paris
Adaptation italienne de “Don Carlos”, « grand opĂ©ra Ă la française » en cinq actes sur un livret de Joseph MĂ©ry et Camille du Locle, d’aprĂšs la tragĂ©die “Don Carlos” de Friedrich von Schiller
Roberto Alagna, ténor, Don Carlo
Etienne Dupuis, baryton, Rodrigo
Vitalij Kowaljow, basse, Il Grande Inquisitore
Sava Vemic, basse, Un frate
Aleksandra Kurzak, soprano, Elisabetta di Valois
Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano, La Principessa Eboli
Eve Maud Hubeaux, mezzo-soprano, Tebaldo
Tamara Banjesevic, soprano, Una Voce dal cielo Julien Dran, ténor, Il Conte di Lerma
Pietro di Bianco, baryton-basse, député flamand Daniel Giulianini, baryton, député flammand
Mateusz Hoedt, baryton-basse, député flamand
Tomasz Kumiega, baryton, député flamand
Tiago Matos, baryton, député flamand
Alexander York, baryton, député flamand
Vincent Morell, ténor, Un Araldo (Un hérault)
Vadim Artamonov, basse, Inquisitor Fabio Bellenghi, basse, Inquisitor
Marc Chapron, basse, Inquisitor
Enzo Coro, basse, Inquisitor
Julien Joguet, basse, Inquisitor
Kim Ta, basse, Inquisitor
Bernard Arrieta, baryton, Corifeo (Coryphée)
Orchestre de l’OpĂ©ra national de Paris
Direction : Fabio LuisiRIGOLETTO de VERDI
France Musique, dim 8 dĂ©c 2019, 16h : RIGOLETTO de Verdi. La tribune des critiques de disques : et vous, quelle est la meilleure versions enregistrĂ©e de lâOpĂ©ra de Verdi, Rigoletto ? Il y faut un quatuor de superbes chanteurs, Ă la fois puissants et dramatiques, mais aussi nuancĂ©s et subtils. A savoir, dâabord une Gilda, soprano coloratoure, agile, angĂ©lique, mais ardente. Un baryton vrai acteur, dense, profond, intĂ©rieur, fin (le fameux baryton verdien) qui est le rĂŽle titre : Rigoletto,, pĂšre de la dite Gilda ; un tĂ©nor aĂ©rien, souple, suave, aristocratique : le Duc de Mantoue, ĂȘtre sans morale ni scrupule dont est tombĂ©e amoureuse Gilda (pour sa perte), enfin une basse profonde, noire, hallucinĂ©, Sparafucile : le tueur engagĂ© par Rigoletto pour sa terrible vengeance (qui tourne quand mĂȘme au fiasco)⊠VoilĂ du beau monde lyrique. Sans omettre un chef lui aussi veillant Ă lâarchitecture et au souffle dramatique, comme Ă la finesse de chaque portrait psychologique⊠Parmi les grands verdiens qui ont marquĂ© le rĂŽle : Leo Nucci, Renato BrusonâŠ
Voici donc un drame gothique noir, dans lâItalie des Romantiques, celle des trahisons, tueries, meurtres et intrigues au parfum Ă©cĆurant, dĂ©lĂ©thĂšre.
Ă Mantoue, au XVIe siĂšcle, Rigoletto, bouffon Ă la cour du duc de Mantoue, â sĂ©ducteur dĂ©pravĂ©, pense protĂ©ger sa fille Gilda Ă lâabri des regards et des convoitises. Mais Gilda est dĂ©couverte et enlevĂ©e par des courtisans qui la mĂšnent jusquâĂ la chambre du duc obscĂšne, irresponsable. Trop naĂŻve, la jeune vierge sâenflamme pour son amant volage, son premier amour. Que fera le pĂšre pour se venger ? Que peut le bouffon Rigoletto contre la tribu courtisane, vĂ©ritable horde sauvage et cynique ?
A travers la chute et le deuil de Rigoletto, sâaccomplit la malĂ©diction dont le bouffon Ă©tait lâobjet ; au dĂ©but du drame, le comte de Monterone maudit le vil serpent qui le raille, alors quâil est exilĂ© par le Duc⊠A travers le drame hugolien, Verdi traite un thĂšme qui lui est cher : lâamour paternel, celui dâun bouffon humiliĂ© qui souhaite protĂ©ger sa fille, bien vainement.COMPTE-RENDU, critique CONCERT. PARIS. Eglise St-Sulpice, le 13 nov 2019. VERDI: REQUIEM. Euromusic Symph Orch. H. Reiner
COMPTE-RENDU, CONCERT. PARIS. Eglise Saint Sulpice, le 13 Novembre 2019. G.VERDI. REQUIEM. Euromusic Symphonic Orchestra. Choeur International Hugues Reiner. H.REINER. Il est moments musicaux qui sont inclassables et ce Requiem de Verdi, donnĂ© Ă Saint-Sulpice le 13 novembre 2019, est lâun de ceux qui resteront dans les mĂ©moires. Ainsi le trĂšs long silence qui a terminĂ© le Requiem reprĂ©sente le plus bel hommage et les plus belles minutes de silence possibles. Et le public incrĂ©dule dâabord, puis silencieux, a finalement applaudi gĂ©nĂ©reusement un tel moment de grĂące. Car comment parler dâun concert si porteur dâĂ©motions sans le dĂ©naturer ? Hugues Reiner a portĂ© ce projet avec toute sa gĂ©nĂ©rositĂ©, invitant lâassociation Live for Paris Ă lâĂ©vĂ©nement commĂ©moratif des tueries du 13 novembre 2015. Il y a eu beaucoup dâĂ©motions dans la vaste Ă©glise malgrĂ© le froid et lâacoustique difficile. Il faut dire que dĂšs le concerto de trompette de Marcello qui ouvrait le concert, Guy Touvron aprĂšs son vibrant hommage Ă son collĂšgue et ami avait donnĂ© le ton : la musique vivante console de la mort comme rien d’autre. Le vaste Requiem de Verdi est composĂ© Ă lâenvers.
Un Requiem pour ne pas oublier
et pour que vive la liberté !
Le quatuor de solistes est utilisĂ© comme dans un opĂ©ra. Câest la soprano qui est la plus exposĂ©e mais personne nâest secondaire. La soprano Blerta Zhegu est remarquable de suretĂ© dâĂ©mission et de beautĂ© de ligne vocale. LâhomogĂ©nĂ©itĂ© de la voix lui donne de lâautoritĂ© comme une grande tendresse. Elle a remplacĂ© au pied levĂ© Isabelle Ange malade et a appris sa partie en moins de six jours ! Guillemette Laurens faisait lĂ une prise de rĂŽle attendue. En effet la diva sombre du baroque pour fĂȘter ses 47 ans de carriĂšre osait une entrĂ©e dans le rĂ©pertoire romantique quâelle affectionne tant. Son timbre prenant, sa diction faite drame et ses phrases ciselĂ©es, avec de grands contrastes, ont fait merveille. Dans toute sa partie, que se soit en solo, en duo, trio ou quatuor, elle apporte une diction vivifiante et un sens de la fusion des timbres dignes de lâextraordinaire madrigaliste quâelle est. Le tĂ©nor Joachim Bresson avec un engagement trĂšs Ă©mouvant a chantĂ© sa partie avec une grande musicalitĂ© ; quand dâaucuns ne sont que voix large, lui nuance et phrase dĂ©licatement sa partie. La voix au grain noble permet de porter loin une Ă©motion non feinte. Il est bien rare de voir un artiste vivre si intensĂ©ment ce quâil chante. La basse Robert Jezierski apporte beaucoup de force et de stabilitĂ© avec un art du chant verdien bien maĂźtrisĂ©. Lâaccord entre les voix des quatre chanteurs a Ă©tĂ© remarquable avec la constante recherche dâun bel Ă©quilibre. Il faut dire que le travail sur les parties solistes avec Hugues Reiner, semble particuliĂšrement abouti.
Bien souvent des choses trĂšs fines ont Ă©tĂ© perceptibles qui sont souvent noyĂ©es dans les dĂ©cibels et qui ce soir ont livrĂ© la quintessence de lâart vocal de Giuseppe Verdi. Lâorchestre et le chĆur, tous trĂšs engagĂ©s, ont parfaitement Ă©tĂ© Ă la hauteur de lâĂ©vĂ©nement. Et la direction souple et digne dâHugues Reiner a magistralement fait avancer le drame sans jamais rien lĂącher. Tempi Ă©lĂ©gants, articulations fines des choeurs, belles couleurs orchestrales, excellent dosage des nuances entre tous, son Requiem de Verdi est un grand opĂ©ra construit dans une dramaturgie assumĂ©e. Le dĂ©but pianissimo fantomatique, les fresques chorales, les trompettes spacialisĂ©es de la terreur du Dies Irae, comme le tendresse du duo de lâAgnus Dei ont emportĂ© le public dans les Ă©motions contrastĂ©es attendues.
Et ces minutes finales de silence, en hommages au morts de novembre 2015 resteront comme un moment de magie de la vie. Voila un magnifique Requiem porté par des musiciens, engagés totalement dans la dramaturgie sublime de Verdi. Cela méritait bien le voyage à Paris !PARIS, Exposition : LE GRAND OPERA : 1828 -1867 (Palais Garnier)
PARIS, Palais Garnier, Exposition : LE GRAND OPERA : 1828 -1867. Dans les galeries de la BibliothĂšque-MusĂ©e du Palais Garnier sâouvre cette semaine lâexposition qui devrait enfin faire le point sur le genre lyrique par excellence : le grand opĂ©ra. La formule naĂźt sous lâEmpire avec Cherubini, Spontini, Lesueur ; et la Restauration avec RossiniâŠ
Quand l’opĂ©ra a rendez vous avec l’Histoire
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Maquette pour Vasco de Gama – L’Africaine de MeyerbeerAinsi le spectateur peut recomposer le fil dâune histoire oĂč le spectaculaire et les effets ont compter avant toute chose : grandiose des dĂ©cors, grandiose du ballet, virtuositĂ© et puissance des voix, sĂ©duction et souffle de lâorchestre⊠Câest un spectacle total auquel Wagner puisera pour forger son propre théùtre lyrique Ă Bayreuth (Il a admirĂ© Meyerbeer). Aujourdâhui que les piĂšces maĂźtresses de ce dernier sont oubliĂ©es y compris de lâOpĂ©ra national de Paris (seuls les Huguenots sont jouĂ©s de temps Ă autre), lâexposition LE GRAND OPERA rĂ©capitule une odyssĂ©e musicale Ă redĂ©couvrir, câest lâapogĂ©e des arts du spectacle au XIXĂš, quand lâopĂ©ra rivalisait avec la peinture dâhistoire.
Maquette pour Charles VI de Halévy (1843) / la Basilique Saint-Denis, évocation gothique
Maquette pour Vasco de Gama – L’Africaine de MeyerbeerGIACOMO MEYERBEER⊠Les salles Meyerbeer, prĂ©sentĂ© en majestĂ©, grĂące entre autres Ă son buste magistral ; Il est la figure tutĂ©laire du grand opĂ©ra français sous la Monarchie de juillet (soit avant la Seconde RĂ©publique dĂ©crĂ©tĂ©e en 1848 ; avant le Second Empire proclamĂ© en 1852) ; son apport est prĂ©sent Ă travers lâĂ©vocation de Robert le diable (nov 1831),  du ProphĂšte (créé en 1849) ; le grand tableau de Camille Roqueplan, Valentine et Raoul extrait des Huguenots ; les costumes et surtout le dĂ©cor de Vasco de Gama ou lâAfricaine (maquette en volume reprĂ©sentant le pont du navire Ă lâacte III 1865) ;
BALLET DE / DANS LâOPERA⊠Le rĂŽle du ballet, Ă©lĂ©ment imposĂ© et emblĂ©matique du genre, situĂ© au IIIĂš acte, dont le sujet est en rapport ou non avec lâaction principal de lâopĂ©ra. Ainsi lâexemple du ballet de la PĂ©rĂ©grina (la perle) dans Donc Carlos de Verdi, nâa aucun rapport avec lâintrigue principal et mĂȘme devient une Ćuvre autonome, divertissement indĂ©pendantâŠ
Tous les jours de 10h Ă 17h (accĂšs jusquâĂ 16h30), sauf fermetures exceptionnelles.
BibliothĂšque-musĂ©e de lâOpĂ©ra
Palais Garnier â Paris 9Ăšme
EntrĂ©e Ă lâangle des rues Scribe et Auber
TARIFS : Plein Tarif : 14⏠Tarif RĂ©duit : 10âŹ
https://www.classiquenews.com/expo-paris-palais-garnier-le-grand-opera-1828-1867-le-spectacle-de-lhistoire-jusquau-2-fevrier-2020/EXPOSITION : LE GRAND OPĂRA, 1828 – 1867, LE SPECTACLE DE LâHISTOIRE, les 5 volets clĂ©s de l’exposition
EXPOSITION : LE GRAND OPĂRA, 1828 – 1867, LE SPECTACLE DE LâHISTOIRE – PARCOURS DE LâEXPOSITION ; les 5 volets clĂ©s de lâexposition parisienne. AmorcĂ© sous le Consulat, le grand opĂ©ra Ă la française se prĂ©cise Ă mesure que le rĂ©gime politique affine sa propre conception de la reprĂ©sentation spectaculaire, image de son prestige et de son pouvoir, instrument phare de sa propagande. Le genre mĂ»rit sous lâEmpire avec NapolĂ©on, puis produit ses premiers exemples aboutis, Ă©quilibrĂ©s
Ă la veille de la RĂ©volution de 1830. La « grande boutique » comme le dira Verdi Ă lâapogĂ©e du systĂšme, offre des moyens techniques et humains considĂ©rables â grands chĆurs, ballet et orchestre, digne de sa crĂ©ation au XVIIĂš par Louis XIV.
Les sujets ont Ă©voluĂ©, suivant lâĂ©volution de la peinture dâhistoire : plus de lĂ©gendes antiques, car lâopĂ©ra romantique français prĂ©fĂšre les fresques historiques du Moyen Ăge et de la Renaissance.
Louis-Philippe efface lâhumiliation de Waterloo et du TraitĂ© de Vienne et cultive la passion du patrimoine et de lâHistoire, nationale Ă©videmment. Hugo Ă©crit Notre-Dame de Paris ; Meyerbeer compose Robert le Diable et Les Huguenots. Les hĂ©ros ne sont plus mythologiques mais historiques : princes et princesses du XVIĂš : le siĂšcle romantique est passionnĂ©ment gothique et Renaissance.A l’opĂ©ra, les sujets et les moyens de la peinture d’Histoire
Le goĂ»t change : Verdi et son Don Carlos (en français) huĂ© Salle Le Peletier en 1867 (5 actes pourtant avec ballet), est oubliĂ© rapidement ; car 6 mois plus tard, le nouvel opĂ©ra Garnier et sa façade miraculeuse, nouvelle quintessence de lâart français est inaugurĂ©e. Câest lâacmĂ© de la sociĂ©tĂ© des spectacles du Second Empire, encore miroitante pendant 3 annĂ©es jusquâau traumatisme de Sedan puis de la Commune (1870).
2. LA RĂVOLUTION EN MARCHE
3. MEYERBEER : LES TRIOMPHES DU GRAND OPĂRA
4. DERNIĂRES GLOIRES
5. UN MONDE SâĂTEINT
Du 24 octobre 2019 au 2 février 2020
Tous les jours de 10h Ă 17h (accĂšs jusquâĂ 16h30), sauf fermetures exceptionnelles.
LIEU
BibliothĂšque-musĂ©e de lâOpĂ©ra
Palais Garnier – Paris 9e
EntrĂ©e Ă lâangle des rues Scribe et Auber
INFORMATIONS PRATIQUES
TARIFS
Plein Tarif : 14⏠Tarif RĂ©duit : 10âŹFalstaff de Verdi, d’aprĂšs Shakespeare
FRANCE MUSIQUE, sam 12 oct 2019, 20h. VERDI : Falstaff. France Musique diffuse la production londonienne du dernier Verdi, celui gĂ©nial et visionnaire qui sur les traces de Shakespeare, renouvelle le genre comique et tragique Ă la fois, trouvant dans le personnage de Falstaff, comme un double en miroir de lui-mĂȘme : un ĂȘtre ambivalent, vieux bouffon antisocial mais gĂ©nĂ©reux et mĂȘme enfantin, sainte et miraculeuse rĂ©gressionâŠ
Capitaine dâindustrie sur le tard, Falstaff est une Ă©pave et un corsaire ; un joueur invĂ©tĂ©rĂ©, un fieffĂ© menteur, sacrĂ© manipulateur affublĂ© de ses deux compĂšres, toujours prĂȘts Ă le tromper, Bardolfo et Pistola, qui pourtant devant femme aguichante a gardĂ© son Ăąme de sĂ©ducteur, parfois crĂ©dule, toujours infantile. Se faire berner malgrĂ© lui, voilĂ la trame de lâaction. Mais au final, comme beaucoup de parodie humaine et de satire sociale, le chevalier fantasque bouffon et magnifique nous tend le miroir : une leçon de vĂ©ritĂ© Ă lâadresse de tous. Qui peut dire quâil nâa jamais Ă©tĂ© la proie de la vindicte, du mensonge, de la mauvaise foi ?
Cette victime placardĂ©e et vilipendĂ©e pourrait tĂŽt ou tard ĂȘtre chacun de nous. Falstaff dĂ©voile lâinhumanitĂ© et nous invite Ă cultiver lâhumanitĂ©.
Câest un compositeur octogĂ©naire qui enfante ce Falstaff Ă la fois lĂ©onin et enfantin, créé Ă la Scala de Milan en 1893. Jamais Verdi ne fut plus efficace dramatiquement ni mieux inspirĂ© musicalement. Un chef dâoeuvre de finesse, de vĂ©ritĂ©, de satire enivrĂ©e.
Opera buffa en trois actes tirĂ© des Joyeuses CommĂšres de Windsor et Henry IV (parties I et II) de Shakespeare, créé Ă la Scala de Milan le 9 fĂ©vrier 1893  -  Arrigo Boito, librettiste dâaprĂšs William Shakespeare
Ana Maria Martinez, soprano : Alice Ford, épouse de Ford
Simon Keenlyside, baryton : Ford, un homme riche
Anna Prohaska, soprano : Nanetta, la fille des Ford
FrĂ©dĂ©ric Antoun, tĂ©nor : Fenton, l’un des prĂ©tendants de Nannetta
Marie-Nicole Lemieux, contralto : Mrs Quickly
Marie MacLaughlin, mezzo-soprano : Meg Page
Peter Hoare, ténor : Dr Caius
Michael Colvin, ténor : Bardolfo, serviteur de Falstaff
Craig Colclough, basse : Pistola, serviteur de Falstaff
Orchestra of the Royal Opera House
Nicola Luisotti, directionCD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre Métropolitain de Montréal, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon)
CD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre Métropolitain de Montréal, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon). Voilà le déjà 2Ú cd réalisé par la basse vedette et le chef à qui tout semble réussir, pour Deutsche Grammophon.
ATTILA fait valoir lâĂ©lasticitĂ© sombre et noble du ruban mĂ©lodique dont est capable la basse Ildar Abdrazakov : le chanteur colore, Ă©tire, sur le souffle, sans jamais Ă©craser. Dans la priĂšre langoureuse du roi Felipe II, monarque auquel est refusĂ© le bonheur et lâamour : Ella giamma mâamo! (DON CARLOS), il faut un diseur capable de nuancer toutes les couleurs de lâamertume frustrĂ©e, mais lĂ aussi, dignitĂ© de la personne, dans la noblesse et aussi une certaine tendresse, car cet air contrairement Ă ce qui prĂ©cĂšde dans lâopĂ©ra, concerne la dĂ©voilement dâun sentiment (voire dâune tragĂ©die) intime : osons dire que la basse malgrĂ© son souci du texte et du caractĂšre de la piĂšce, Ă©crase un peu, lissant le tout dans une couleur monochrome⊠Dans NABUCCO I (« Sperate, o figli » de Zaccaria), le soliste plafonne davantage dans un air qui manque de ciselure, déçoit par son gris terne, rond certes mais dĂ©pourvu de relief caverneux, ce qui est dâautant plus dommage car le chĆur et lâorchestre (basson) sont impeccables, riches en vitalitĂ© intĂ©rieure. Dans la cabalette, la voix pourtant intense, manque de brillant ; finit par ĂȘtre couverte par les choristes et les instrumentistes. Et si les vrais vedettes de ce rĂ©cital verdien orchestralement passionnant, Ă©taient les instrumentistes montrĂ©alais et leur chef charismatique ?Ildar Abdrazakov est-il un verdien affĂ»tĂ© ?âŠ
Basse moyenne, un rien monochrome.
Par contre lâorchestreâŠ
Dommage. La direction de Yannick NĂ©zet-SĂ©guin est, elle, inspirĂ©e, hallucinĂ©e, dĂ©taillĂ©e⊠dâune conviction nuancĂ©e Ă©gale Ă son rĂ©cent Mozart en direction de Baden Baden (Die Zauberföte / La FlĂ»te enchantĂ©e : clic de classiquenews de lâĂ©tĂ© 2019). Abdrazakov nâest pas Nicolai Ghiaurov : verdien autrement mieux colorĂ©s et diseurs, mĂȘme avec sa voix ample et caverneuse.Stiffelio de Verdi
France 2. VERDI : Stiffelio, jeudi 24 janvier 2019, minuit. MĂȘme en ses annĂ©es « de galĂšre » (de 1842 Ă 1850) comme il le dit lui-mĂȘme, le jeune Verdi maĂźtrise comme personne la coupe frĂ©nĂ©tique et dramatique, rĂ©ussissant Ă rĂ©gĂ©nĂ©rer par son nerf et sa fougue virile, le genre opĂ©ratique dans lâItalie romantique, bientĂŽt libĂ©rĂ©e du joug autrichien. Tous ses opĂ©ras, avec leur action qui porte la volontĂ© et lâautodĂ©termination des peuples rĂ©voltĂ©s, trouvent un Ă©cho immĂ©diat auprĂšs du peuple italienne, cette nation qui nâest pas encore unifiĂ©e mais qui est sur le point de lâĂȘtre. On insistera jamais assez sur la modernitĂ© et lâactualitĂ© prééminente des ouvrages verdiens Ă leur Ă©poque. Verdi est en phase avec la vibration de son temps et rĂ©pond, entretient, nourrit lâĂ©lan libertaire et lâesprit rĂ©volutionnaire des Italiens.
En 8 années, le compositeur génial compose prÚs de 14 opéras, depuis le triomphe de Nabucco, son premier succÚs.
Conçu en 1850, quasi simultanĂ©ment Ă Rigoletto, Stiffelio Ă©voque les souffrances dâun Pasteur trompĂ© par sa femme. Le sujet, scandaleux, dĂ©clencha les foudres de la censure : Verdi dut revoir sa copie originelle. Lâamour, le devoir⊠y forment un terreau fertile en confrontations et situations conflictuelles, entre Stiffelio (vrai tĂ©nor verdien, Ă la fois passionnĂ© et tendre, dâune nouvelle Ă©paisseur psychologique) et son Ă©pouse Lina. Au couple principal (Stiffelio / Lina), Verdi imagine aussi, celui du pĂšre et de sa fille, Stankar / Lina, tout autant fouillĂ© et bouleversant : leurs scĂšnes trĂšs ciselĂ©es, rĂ©vĂ©lant une relation profonde et complexe, annoncent sur le mĂȘme thĂšme, – pĂšre / fille, Rigoletto (Gilda), ou Simon Boccanegra (Amelia)⊠ne relation essentielle dans les opĂ©ras de maturitĂ© de Verdi, lui-mĂȘme, ayant Ă©tĂ© particuliĂšrement foudroyĂ© par le destin car il perdit son Ă©pouse et ses deux fillesâŠ
A Venise, la mise en scĂšne de Johannes Weigand, dans cette production prĂ©sentĂ©e en 2016 Ă La Fenice, reste claire et intense, rĂ©duite Ă un immense portail mĂ©tallique, ouvert ou fermĂ© selon les sĂ©quences dramatiques, Ă©voquant le temple oĂč prĂȘche Stiffelio, le cimetiĂšre, lâintĂ©rieur du chĂąteauâŠ
Direction musicale : Daniele Rustioni
ChĆur et Orchestre du Teatro La Fenice
Mise en scĂšne : Johannes Weigand
Stiffelio : Stefano Secco
Lina : Julianna Di Giacomo
Stankar : Dimitri Platanias
Raffaele : Francesco Marsiglia
Jorg : Simon Lim
Federico di Frengel : Cristiano Olivieri
Dorotea : Sofia KoberidzeNOTRE AVIS. Nul doute que le nerf du jeune chef Daniele Rustioni apporte Ă cette production de Stiffelio, opĂ©ra mĂ©connu mais superbe en intensitĂ©, lâĂ©nergie idĂ©ale. Dans cette version de 1850, et sur le livret de Piave, qui Ă©crit aussi celui de Rigoletto contemporain, la partition Ă©blouit par sa coupe dramatique, faisant se succĂ©der duos, trios, quatuor (jusquâau septuor), sans interruption et avec une rĂ©elle gradation expressive et musicale, que permet quand elle est servie parfaitement, lâĂ©criture continue dâun Verdi peu adepte des airs fermĂ©s. Comme Luisa Miller dâaprĂšs Schiller, Stiffelio est un drame noir, oĂč les passions sâembrasent et crĂ©pitent. Vivant, percutant, Ă lâaise dans le rĂŽle-titre, le tĂ©nor Stefano Secco relĂšve le dĂ©fi de la passion noire qui traverse lâesprit impuissant du prĂȘtre dĂ©muni (mĂȘme sâil est missionnĂ© par Dieu). On note un lĂ©ger manque de naturel chez la Lina de Julianna Di Giacomo et chez le Stankar de Dimitri Platanias dont le bronze vocal cependant emporte lâadhĂ©sion. Leur couple vocal gagne en vraisemblance et intensitĂ©. Production rĂ©alisĂ©e Ă la Fenice en janvier et fĂ©vrier 2016. DurĂ©e : 2h
MILAN, Scala. Riccardo Chailly joue ATTILA de VERDI
FRANCE MUSIQUE, Ven 7 dĂ©c 18 : 20h. VERDI: ATTILA, Chailly. En direct (ou presque) de La Scala de Milan, lâopĂ©ra de Verdi créé Ă la Fenice de Venise le 17 mars 1846, ouvre ainsi sur le petit Ă©cran mais en quasi direct, la nouvelle saison du théùtre scaligĂšne. On sait combien le librettiste de dĂ©part Solera, qui pourtant dut partir avant de livrer la fin de lâintrigue, se brouilla avec Verdi : celui ci commanda Ă Piave, un nouveau final, non pas un chĆur comme le voulut Solera, mais un ensemble (et quel ensemble! : un modĂšle du genre). Du nerf, du sang, du crime⊠le premier Verdi semble sâessayer Ă toutes les ficelles du drame sanglant et terrible. Au VĂš siĂšcle, la ville dâAquilĂ©e prĂšs de Rome, fait face aux invasions des Huns et Ă la superbe conquĂ©rante dâAttila (basse). Ce dernier, cruel et barbare en diable, refuse toute entente pacifique avec le romain Ezio (baryton) ; câest pourtant ce dernier qui a lâĂ©toffe du hĂ©ros, patriote face Ă lâennemi Ă©tranger (« Tu auras lâunivers, mais tu me laisses lâItalie » / une dĂ©claration qui soulĂšve lâenthousiasme des spectateurs de Verdi, Ă quelques mois de la RĂ©volution italienneâŠ).
Sans vraiment de profondeur encore, ni dâambivalence ciselĂ©e, (cf la maniĂšre avec laquelle, les Ă©pisodes et les situations se succĂšdent au III), les personnages dâAttila ne manquent pas cependant de noblesse ni de grandeur voire de noirceur trouble (comme Attila, dĂ©vorĂ© par les songes et les rĂȘves au I, prĂ©figuration des tourments de Macbeth). Le protagoniste ici est une femme, soprano aux possibilitĂ©s Ă©tendues digne dâAbigaille (Nabucco) : ample medium, belcanto mordant, Ă la fois raffinĂ© et sauvage⊠comme la partition de ce Verdi de la jeunesse. A Milan, le directeur musical de La Scala, Riccardo Chailly devrait dĂ©fendre la partition avec intensitĂ© et profondeur, malgrĂ© les Ă©videntes maladresses et dĂ©sĂ©quilibres de la partition de 1846…  Le chef dirige les forces locales, et la basse Ildar Abdrazakov incarne Attila, sur les traces du lĂ©gendaire Nicolai Ghiaurov dans le rĂŽle-titreâŠ
OpĂ©ra en un prologue et trois actes sur un livret de Temistocle Solera et Francesco Maria Piave tirĂ© de la tragĂ©die de Zacharias Werner : “Attila, König der Hunnen »
Saioa Hernandez, mezzo-soprano, Odabella, fille du seigneur d’Aquileia
Simone Piazzola, baryton, Ezio, général romain
Fabio Sartori, ténor, Foresto, chevalier aquiléen
Francesco Pittari, tĂ©nor, Uldino, jeune breton esclave d’Attila
Gianluca Buratto, basse, Leone, vieux romain
Choeur et Orchestre de la Scala de Milan
Direction : Riccardo Chailly
http://www.teatroallascala.org/en/index.htmlCompte-rendu, opéra. Dijon, le 15 nov 2018. VERDI : Nabucco. Rizzi Brignoli / Signeyrole.
Compte rendu opĂ©ra. Dijon,  Auditorium, le 15 novembre 2018.  Verdi, Nabucco. Roberto Rizzi Brignoli / Marie-Eve Signeyrole. Les ouvrages lyriques dont on sort abasourdi, voire bouleversĂ© et rĂ©joui, sont rares. Le Nabucco coproduit par les opĂ©ras de Lille et de Dijon est de ceux-lĂ . La lecture trĂšs actuelle que nous impose la mise en scĂšne de Marie-Eve Signeyrole, dans le droit fil du message politique de Verdi, est un soutien clair aux victimes contemporaines de lâoppression. La richesse dâinvention en est constante, conjuguant tous les moyens pour atteindre la plus grande force dramatique. Lâaction qui se dĂ©roule sur le plateau, suffisante en elle-mĂȘme, est dĂ©multipliĂ©e par la vidĂ©o, et renforcĂ©e par des chorĂ©graphies bienvenues. Les images, dĂ©mesurĂ©es, simultanĂ©es, empruntĂ©es Ă une actualitĂ© fĂ©roce, ou simplement grossies des visages des chanteurs, les actualitĂ©s en continu, avec interview, titres des chapitres et versets bibliques (citĂ©s en exergue dans la partition), se superposent au chant.
Nabucco viva !
Compte-rendu critique, opĂ©ra. LYON, le 5 nov 2018. VERDI : Nabucco, Orch de lâOpĂ©ra de Lyon, Daniele Rustioni.
Compte rendu critique, opĂ©ra. LYON, Auditorium, le 5 novembre 2018. Giuseppe VERDI, Nabucco, Orchestre de lâopĂ©ra de Lyon, Daniele Rustioni. Prolongement heureux du Festival Verdi de la saison derniĂšre, le Nabucco dirigĂ© par Rustioni en version de concert Ă©tait trĂšs attendu, aprĂšs la rĂ©ussite exemplaire, en version concert et dans les mĂȘmes lieux, dâAttila, chronologiquement proche du premier triomphe verdien. Casting de grande classe, malgrĂ© une lĂ©gĂšre dĂ©ception pour le rĂŽle-titre.
Un Nabucco bouillonnant voire anthologique
Nabucco est aussi et dâabord un grand opĂ©ra choral et, une fois de plus, les forces de lâopĂ©ra de Lyon, cornaquĂ©es par Anne PagĂšs, ont livrĂ© une interprĂ©tation magistrale, en particulier dans les deux chĆurs cĂ©lĂšbres (« à lâAssiria una regina » et « Va pensiero ») dont la lâimpeccable lecture restera gravĂ©e dans les mĂ©moires. Mais le grand vainqueur de la soirĂ©e est encore lâincroyable direction de Daniele Rustioni magistral dĂšs lâouverture, bouillonnante, nerveuse mais sans excĂšs, rĂ©vĂ©lant avec une prĂ©cision entomologique et une grande lisibilitĂ© les contrastes et la variĂ©tĂ© des pupitres, dont le concentrĂ© dâĂ©nergie parvient Ă faire oublier la relative pauvretĂ© harmonique et le cĂŽtĂ© parfois naĂŻf de lâorchestration du jeune Verdi. Au final, malgrĂ© dâinfimes rĂ©serves, un Nabucco dâanthologie.MILAN, Scala : ATTILA de VERDI
ARTE, le 7 dĂ©c 2018, 22h20. VERDI : ATTILA. En direct (ou presque) de La Scala de Milan, lâopĂ©ra de verdi créé Ă la Fenice de Venise le 17 mars 1846, ouvre ainsi sur le petit Ă©cran mais en direct, la nouvelle saison du théùtre scaligĂšne. On sait combien le librettiste de dĂ©part Solera, qui pourtant dut partir avant de livrer la fin de lâintrigue, se brouilla avec Verdi : celui ci commanda Ă Piave, un nouveau final, non pas un chĆur comme le voulut Solera, mais un ensemble (et quel ensemble! : un modĂšle du genre). Du nerf, du sang, du crime⊠le premier Verdi semble sâessayer Ă toutes les ficelles du drame sanglant et terrible. Au VĂš siĂšcle, la ville dâAquilĂ©e prĂšs de Rome, (au nord de lâAdriatique) fait face aux invasions des Huns et Ă la superbe conquĂ©rante dâAttila (basse). Ce dernier, cruel et barbare en diable, refuse toute entente pacifique avec le romain Ezio (baryton) ; câest pourtant ce dernier qui a lâĂ©toffe du hĂ©ros, patriote face Ă lâennemi Ă©tranger (« Tu auras lâunivers, mais tu me laisses lâItalie » / une dĂ©claration qui soulĂšve lâenthousiasme des spectateurs de Verdi, Ă quelques mois de la RĂ©volution italienneâŠ)
Au II : Attila dĂ©fie Ezio qui proteste vainement ; tandis que, coup de théùtre, Odabella dĂ©joue la tentative dâempoisonnement dâAtiila par Foresto : elle Ă©pouse mĂȘme le vainqueur AttilaâŠ
Au III : Odabella qui nâen est pas Ă une contradiction prĂšs, se repend, rejoint Foresto et tue son Ă©poux Attila, tandis que les troupes romaines menĂ©es par Ezio, le sauveur, attaquent les HunsâŠ
Attila : Ildar Abdrazakov
Odabella : Saioa HernĂĄndez
Ezio : George Petean
Foresto: Fabio Sartori
Uldino : Francesco Pittari
Leone : Gianluca Buratto
http://www.teatroallascala.org/en/index.htmlNabucco de Verdi (1842)
France Musique, Dim 18 nov 2018,19h30. VERDI : NABUCCO. NABUCCO, premier sommet lyrique de jeunesse⊠et grand triomphe pour le jeune Verdi⊠Il inscrit le drame biblique mĂ©sopotamien dans lâItalie du Risorgimento ; le peuple opprimĂ© des hĂ©breux Ă Babylone, sâidentifiant naturellement dans lâesprit des spectateurs italiens de la premiĂšre, aux compatriotes opprimĂ©s par les Autrichiens (cf le chĆur cĂ©lĂšbrissime « Va pensiero »). Dans le chant verdien, le peuple italien a trouvĂ© lâhymne de toute une nation unifiĂ©e, rassemblĂ©e contre lâoccupant autrichien⊠Avec Nabucco qui devint hymne de ralliement des libertaires patriotes italiens, Verdi remporta le premier grand succĂšs de sa carriĂšre (crĂ©ation Ă La Scala de Milan en 1842) et depuis, cultiva un lien viscĂ©ral, indissoluble avec le peuple italien.
LâopĂ©ra du jeune Verdi surprend et convainc par son efficacitĂ© dramatique. La force des tableaux, les passions contrariĂ©es, façonnent un drame terrible et parfois sauvage. Le compositeur peint admirablement lâĂ©paisseur crĂ©dible des personnages : Nabucco, vrai baryton verdien, dâabord fou de pouvoir et dâune arrogance suicidaire, puis pĂšre aimant, protecteur (envers Fenena) ; sa (fausse) fille, Abigaille, monstre ambitieux, prĂȘte Ă tout pour possĂ©der la couronne assyrienne ; puis Ăąme dĂ©faite, dĂ©vorĂ© par la culpabilitĂ©. Verdi offre Ă un baryton et une mezzo sombre, deux rĂŽles magnifiques.
COMPTE-RENDU, opéra. VICTORIA (Gozo, Malte), le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. Cauchi, Aniskin, Stinchelli, Walsh.
La fiĂšvre du lyrique intacte au Teatru Astra de Victoria
Puis son grand air oĂč il sermonne cette fois son fils en le rappelant Ă plus de maĂźtrise et de sagesse est lĂ©gitimement plĂ©biscitĂ© : le soliste est un immense interprĂšte, dans le style, la nuance. Un rĂ©gal lyrique.
Alfredo Germont : Giulio Pelligra (Tenor)
Giorgio Germont : Maxim Aniskin (Baritone)
Flora Bervoix : Oana Andra (Mezzo-soprano)
Philip Walsh, direction. Enrico Stinchelli, mise en scĂšne.
Orchestre Philharmonique de Malte / MPO Malta Philharmonic Orchestra, choeurs du Festival Méditerranée de Gozo.Compte-rendu, opéra. PALERME, 16 oct 2018. VERDI : Rigoletto, Teatro Massimo. Stefano Ranzani / John Turturro
Un opéra des hommes ?
Plusieurs distributions sont offertes, dont les premiers rĂŽles se combinent, pour les huit reprĂ©sentations (en 9 jours). Rigoletto connaĂźt ainsi trois de ses meilleurs interprĂštes : Leo Nucci, dont la santĂ© physique et vocale force l’admiration, George Petean et Amarturshwin Enkhbat, le benjamin dĂ©jĂ consacrĂ©. Ce sera ce dernier que nous Ă©couterons, avec Ruth Iniesta en Gilda, et Ivan Ayon Rivas comme Duc de Mantoue. SinguliĂšrement, aucun chanteur italien pour les trois premiers rĂŽles, mais, rassurons-nous : leur italien est en tous points parfait et les chanteurs de la pĂ©ninsule se partagent les dix autres rĂŽles. La distribution de ce soir se distingue par sa jeunesse et son engagement.
Enkhbat Amartuvshin est un baryton mongol, consacrĂ© par de nombreux et prestigieux prix. Familier du rĂŽle sur les grandes scĂšnes italiennes, il est peu connu en France, oĂč on finira bien par le dĂ©couvrir. Sa voix est sonore, colorĂ©e et trouve toutes les inflexions pour traduire toutes les expressions du personnage. L’aigu est facile, puissant sans jamais sentir l’effort, le legato admirable, assorti d’un phrasĂ© noble et d’une Ă©mission oĂč la plainte est sincĂšre. Un trĂšs grand baryton verdien, du plus haut niveau. Ses qualitĂ©s dramatiques nous valent un Rigoletto crĂ©dible, juste et Ă©mouvant. Ivan Ayon Rivas, tĂ©nor pĂ©ruvien, a la prestance, la projection, les aigus faciles qui lui permettent de camper un Duc de Mantoue, assurĂ©, sĂ©ducteur et jouisseur dĂ©sinvolte. La voix est puissante, jeune, lumineuse. Son physique de jeune premier renforce sa crĂ©dibilitĂ© dramatique. « La donna Ăš mobile », a la vaillance attendue. Le « Questa o quella », morceau de bravoure, soulĂšve l’enthousiasme. Gilda est espagnole. Ruth Iniesta, a la lĂ©gĂšretĂ©, la fraĂźcheur, l’agilitĂ© et les colorature qui font oublier les caricatures que donnent certaines sopranos dramatiques de cette adolescente. Son « Caro nome », oĂč elle rĂȘve de son bien-aimĂ© Gualtier MaldĂ©, traduit Ă merveille sa puretĂ© comme sa sensualitĂ© naissante. Luca Tittolo, le tueur Ă gages Sparafucile, est remarquable et fait forte impression. La voix est ample, profonde, tranchante et agile, sa large tessiture lui permet une aisance constante. Le beau contralto de Martina Belli et son physique Ă ensorceller le diable nous valent une Maddalena plus vraie que nature. La voix est sonore, chaude, corsĂ©e. On regrette presque que Verdi attende les ensembles du dernier acte pour nous l’offrir. Aucune faiblesse n’est Ă relever dans les seconds rĂŽles que l’on ne dĂ©taillera pas. Les choeurs sont superbes d’aisance vocale et dramatique, de cohĂ©sion et de prĂ©cision.
Une captation de cette réalisation exceptionnelle est visible sur OperaVision, avec un autre trio de solistes (Georges Petean, Stefan Pop et Maria Grazia Schiavo), moins jeunes, mais tout aussi valeureux.
La production migrera au Teatro Regio de Turin, Ă l’opĂ©ra de Shanxi, puis Ă l’OpĂ©ra Royal de Wallonie-LiĂšge, coproducteurs. A ne pas rater !
Compte rendu, opĂ©ra. Orange, ChorĂ©gies, le 3 aoĂ»t 2016. Verdi : La Traviata par Ermonela Jaho. Triomphe de la soprano albanaise au Théùtre Antique dâOrangeâŠ
FatalitĂ© des reprises des Ćuvres phare du rĂ©pertoire lyrique, nous voilĂ encore Ă reprendre, mais enrichie, lâaventure de cette traviata, ‘dĂ©voyĂ©e’, sortie de la voie’, de la bonne voie s’entend, de cette Violetta ValĂ©ry verdienne tirĂ©e du roman autobiographique La Dame aux camĂ©lias (1848) dâAlexandre Dumas fils : il en fera un mĂ©lodrame en 1851, qui touchera Verdi. Câest sa musique qui fixe dans lâimaginaire collectif le drame humain de la courtisane rĂ©dimĂ©e par lâamour. De son vrai nom Rose Alphonsine Plessis dite Marie Duplessis (1824-1847),puis tout de mĂȘme comtesse de PerrĂ©gaux par son mariage Ă Londres, un an avant sa mort, avec un jeune amant noble qui ne l’abandonnera jamais, et lui offrira mĂȘme, arrachant son corps Ă la fosse commune des indigents, le tombeau, toujours fleuri, que l’on peut voir au cimetiĂšre de Montmartre, inspire Ă Dumas fils, amant de cĆur, le personnage de Marguerite Gautier qu’il fait entrer dans la lĂ©gende. AprĂšs une enfance misĂ©rable et divers petits mĂ©tiers, dĂ©jĂ cĂ©lĂšbre Ă seize ans, contrairement Ă tant d’autres de ses consĆurs, elle avait appris Ă lire et Ă Ă©crire, s’Ă©tait Ă©duquĂ©e mondainement et cultivĂ©e et tenait mĂȘme un salon frĂ©quentĂ© par des artistes et des Ă©crivains, dont Gautier et pas moins que Liszt, elle fut sa maĂźtresse, il envisageait de vivre avec elle : dans une lettre elle le supplie de la prendre avec lui dans une de ses tournĂ©es qui l’amenait en Turquie. Par sa grĂące et ses grĂąces, c’Ă©tait une maĂźtresse que l’on pouvait afficher sans honte dans le demi-monde sinon le monde, entretenue luxueusement par des amants qui se la disputaient, arborant dans ses cheveux dans sa loge au théùtre ou en calĂšche au Bois, dit-on, le fameux camĂ©lia blanc, signal des jours « ouvrables » pour les clients et rouge pour les jours d’indisposition fĂ©minine, ou pour les amateurs. Elle meurt Ă vingt-trois ans de tuberculose, criblĂ©e de dettes, et le roman de Dumas fils commence par la vente aux enchĂšres de ses biens, ses meubles (il lui en restait assez) pour dĂ©frayer ses crĂ©anciers. Le jeune et (relativement) pauvre Alexandre, son amant durant un an, offrira plus tard Ă Sarah Bernhardt, pour la remercier dâavoir assurĂ© le triomphe mondial de sa piĂšce, sa lettre de rupture avec celle quâon appelait la Dame aux camĂ©lias, dont il rĂ©sume lâun des aspects cachĂ©s du drame vĂ©cu :
; mĂȘme le Baron (Laurent Alvaro), le protecteur officiel de Violetta, s’il empoche (pour elle, pour lui?) l’argent qu’Alfredo lui a gagnĂ© au jeu et n’a pas jetĂ© au visage de son amante mais plus Ă©lĂ©gamment remis entre ses doigts, paraĂźt ĂȘtre solidaire de celle qui l’avait pourtant abandonnĂ© et pour laquelle il sera blessĂ© en duel.
Mise en scĂšne : Louis DĂ©siré ; ScĂ©nographie et costumes : Diego MĂ©ndez Casariego ; LumiĂšres : Patrick MĂ©uĂŒs.
Flora Bervoix : Ahlima Mhandi  ;
Gastone di LetoriÚres : Christophe Berry
:Il barone Douphol ; Laurent Alvaro :Il marchese d’Obigny : Pierre Doyen ; Il Dottore Grenvil : Nicolas Testé ; Giuseppe, RĂ©my Matthieu.Compte-rendu concert. Orange,ChorĂ©gies 2016, Théùtre Antique, le 16 juillet 2016. Verdi: Messa da Requiem… Calleja, Sokhiev
Compte-rendu concert. Orange,ChorĂ©gies 2016, Théùtre Antique, le 16 juillet 2016. Verdi: Messa da Requiem… Calleja, Sokhiev. LE TRIOMPHE DE TUGAN SOKHIEV et de JOSEPH CALLEJA. Les ChorĂ©gies 2016 ont programmĂ© une interprĂ©tation théùtrale et Ă©mouvante du si beau Requiem de Verdi. A deux soirs de la tuerie de Nice, ce Requiem a Ă©tĂ© dĂ©diĂ© aux victimes voisines mais il avait dâabord Ă©tĂ© question dâannuler ce concert. La vie reste notre bien le plus prĂ©cieux, la culture le clame trĂšs fort et tout concert annulĂ© est une victoire des oppresseurs de la vie libre. Ce concert a Ă©tĂ© dĂ©butĂ© dans un immense recueillement. Lâacoustique inouĂŻe du Théùtre Antique est bien connue de Tugan Sokhiev aussi a-t-il pu obtenir des sonoritĂ©s Ă©vanescentes des cordes et un chant pianissimo du magnifique chĆur OrfeĂłn Donostiarra dĂšs les premiĂšres mesures. Lâapparition des images de la voie lactĂ©e sur lâimmense mur a proposĂ© un voyage dans lâimaginaire si riche du dessinateur et scĂ©nariste de bande dessinĂ©e Philippe Druillet. Ses dessins ont Ă©tĂ© projetĂ©s et animĂ©s sur les reliefs du mur du Théùtre antique. Les diffĂ©rentes Ćuvres, telles  âNosferatuâ et âLone Sloaneâ, ont ainsi accompagnĂ© le rĂ©cit du spectaculaire Requiem de Verdi.
Las, les solistes ont eu pour certains du mal Ă habiter aussi bien leurs parties. La soprano italienne Erika Grimaldi,  venue en remplacement in extremis, ne bĂ©nĂ©fice pas dâune voix idĂ©ale pour cette terrible partie. Le timbre assez ingrat est affublĂ© dâun large vibrato. La voix nâest pas homogĂšne et les graves sont trop sourds. Dans le Libera me final, câest son engagement qui lui a permis de conquĂ©rir in fine le succĂšs public. La mezzo soprano Ekaterina Gubanova a un timbre agrĂ©able et a su nuancer ses interventions avec art. Tout particuliĂšrement le dĂ©but du Lacrymosa trĂšs Ă©mouvant. La Basse Vitalij Kowaljow a Ă©tĂ© le seul Ă dĂ©livrer un texte parfaitement comprĂ©hensible. Avec aplomb, il a tenu parfaitement sa partie dâune voix trĂšs homogĂšne et agrĂ©able jusque dans les emportements terribles. Câest Joseph Calleja, tĂ©nor extrĂȘmement attachant, qui a su trouver appui sur les vastes phrases proposĂ©es par Tugan Sokhiev, les habitant toutes jusquâau fond de lâexpressivitĂ©. EngagĂ©, concentrĂ© et dâune voix trĂšs touchante, le tĂ©nor, vĂ©ritable star vĂ©nĂ©rĂ©e dans son pays natal, Malte-, a su rejoindre lâorchestre et le choeur dans une Ă©motion musicale poignante. La beautĂ© du timbre, sa clartĂ© ont fait merveille tout du long et son Ingemisco a Ă©tĂ© un moment de pure grĂące, comme la maniĂšre dont il aborde Hostias Ă©galement.
Les ChorĂ©gies 2016 ont programmĂ© une magnifique interprĂ©tation théùtrale et Ă©mouvante du si beau Requiem de Verdi. LâOrfeĂłn Donostiarra et lâOrchestre du Capitole nâont fait quâun avec la direction de Tugan Sokhiev. Cette musique si forte est apte Ă accompagner la tristesse de notre Ă©poque dans les attaques faites Ă notre mode de vie tout en mobilisant notre dĂ©sir de vie et dâaccĂšs Ă la beautĂ©.Requiem de Verdi dirigĂ© par Tugan Sokhiev
France 3. Requiem de Verdi, mercredi 27 juillet, 20h50. Focus festif sur les ChorĂ©gies dâOrange, avec un regard rĂ©trospectif sur les grandes heures dâOrange suivi par France TĂ©lĂ©vision depuis 6 annĂ©es dĂ©jĂ : extraits des rĂ©citals et performances in loco des plus grands solistes lyriques, câest Ă dire Joseph Calleja, Ermonela Jaho, Vittorio Grigolo, Christophe Willem, Salvatore Adamo, Julie Fuchs, Alexandre Duhamel, Armando Noguera, Nathalie Manfrino, Florian Sempey,⊠airs dâopĂ©ras, grands choeurs, danse, un choix Ă©quilibrĂ© de spectacles dĂ©jĂ donnĂ©s illustre ce best of made in Orange.
A 22h45, Requiem de Verdi, dans lâinterprĂ©tation donnĂ©e en juillet 2016 par lâOrchestre du Capitole de Toulouse et son chef attirĂ©, Tugan Sokhiev. Le Requiem de Verdi Ă Orange est mis en images par le dessinateur Philippe Druillet, comme Carmina Burana il y a 2 ans, pour un spectacle total qui embrase le Théùtre Antique. Philippe Druillet crĂ©e pour cet Ă©vĂ©nement une quinzaine de peintures originales, travaillĂ©es en infographies et projetĂ©es par mapping vidĂ©o sur le mur monumental. Les crĂ©ations ainsi projetĂ©es accompagne lâoeuvre magistrale de Verdi, un Requiem spectaculaire, au dramatisme, digne dâun opĂ©ra. LĂ sâĂ©lĂšve la voix humaine contre la tragĂ©die de la mort : Verdi y concentre tout son talent de gĂ©nial auteur pour le théùtre lyrique. La derniĂšre plainte, Ă la fois priĂšre et renoncement de la soprano et du choeur, Ă lâĂ©noncĂ© des paroles ultimes, Requiem aeternam, donne la chair de poule par sa dĂ©chirante vĂ©ritĂ©.
Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra, le 15 juin 2016. Verdi : Macbeth. Steinberg / Bélier-Garcia
MACBETH, un théùtre de lâhorreur
Shakespeare ajoute au drame historique une dimension surnaturelle : ce sont des sorciĂšres, qui, aprĂšs une glorieuse bataille, saluant Macbeth, seigneur de Glamis, du titre supĂ©arieur de seigneur de Cawdor, seront les agents de sa fulgurante ascension politique et de sa chute. En prophĂ©tisant ce titre inattendu de seigneur de Cawdor, que lui dĂ©cerne sur le champ le roi Duncan pour prix de sa victoire sur les NorvĂ©giens envahisseurs, et en lui prĂ©disant quâil sera Ă©galement roi dâĂcosse, les sorciĂšres enclenchent la mĂ©canique de lâambition, qui dĂ©clenche la tragĂ©die. Elles sont peut-ĂȘtre la manifestation de son inconscient. Ă son ami, lâautre gĂ©nĂ©ral, Banquo, elles prĂ©disent Ă©galement que, sans rĂ©gner lui-mĂȘme, il sera lâorigine dâune lignĂ©e de roi. Quoiquâil en soit, Macbeth Ă©crit ces prĂ©dictions Ă sa femme et met en route en elle lâambition fatale qui les perdra tous deux.
Sentences cĂ©lĂšbres de Macbeth : « Ce qui est fait, est faitâŠÂ », « Qui aurait dit que le corps de ce vieillard pouvait contenir autant de sang ? », dit la femme fatale, « Notre vie est une piĂšce de théùtre pleine de bruit et de fureur racontĂ©e par un idiot, et qui n’a pas de sens » , conclut le hĂ©ros maudit.
Le livret de Francesco Maria Piave est remarquable de concision, supprimant des scĂšnes qui s’Ă©loignent du noyau du drame qu’il resserre, notamment celle, comique, du portier ivre, contraste nĂ©cessaire du drame baroque anti-aristotĂ©licien qui mĂȘle les registres. Le massacre de la femme et des enfants de Macduff est rĂ©duit Ă la plainte dĂ©chirante de l’Ă©poux et pĂšre, qui se dressera en vengeur valeureux. De la premiĂšre version de Florence en 1847 Ă celle de de Paris en 1865, Verdi a aussi resserrĂ© et intensifiĂ© la musique d’un opĂ©ra qui, dĂ©rogeant aux conventions de l’opĂ©ra romantique qui exalte l’amour, en fait un drame lyrique nouveau oĂč rĂšgne seul l’amour du pouvoir ou la voluptĂ© dans le crime et le vertige du remords dans un couple maudit.
Théùtre baroque du monde, mais une scĂšne au fond d’une salle classique livide aux rigiditĂ©s linĂ©aires de froid Ă©difice d’architecture fasciste, Ă©clairĂ©e de deux suspensions Arts DĂ©co. Pilastres engagĂ©s, rainurĂ©s, accentuant l’angoisse des raides verticales, trumeaux aveugles au-dessus des portes latĂ©rales (scĂ©nographie, Jacques Gabel). DĂ©coupĂ©es en carreaux Ă©gaux impĂ©nĂ©trables, les mystĂ©rieuses portes frontales seront celles par oĂč se glisse insidieusement Ă tour de rĂŽle le couple meurtrier, lui, pour tuer le roi, elle, plus froidement, pour assassiner les serviteurs et leur faire porter le poids du rĂ©gicide. La lumiĂšre glaciale (Roberto Venturi) tombe d’entrĂ©e, progressivement, d’une verriĂšre gĂ©omĂ©trique aux vitres brisĂ©es sur l’ombre des murs : quelque chose de pourri, sinon dans le royaume du Danemark d’Hamlet, dans celui d’Ăcosse de Macbeth. Ombre et lumiĂšre comme clair-obscur de la luciditĂ© trouant les tĂ©nĂšbres de l’Ăąme, indĂ©cise pĂ©nombre de la conscience morale assoupie comme le sommeil goyesque de la raison qui engendre des monstres. Les Ă©clairages seront ensuite plus gĂ©nĂ©raux qu’individuels, comme Ă l’Ă©poque baroque, avec ces fonds opaques et glauques de cloaque oĂč grouille un cauchemar de choses inconnues, les sorciĂšres consultĂ©es par Macbeth, incarnation objective d’une conscience subjective gagnĂ©e par le mal, mais ici surgies en nombre de l’ombre, scĂšne intĂ©rieure extĂ©riorisĂ©e, dĂ©mons intimes matĂ©rialisĂ©s, pour peupler une sorte d’asile d’aliĂ©nĂ©s Ă la Michel Foucault, théùtre oĂč figure aussi, avec un poussah misĂ©rable, le Pape et le Roi prĂšs du gueux, image encore d’une vanitĂ© baroque de l’inanitĂ© des richesses, de la puissance face Ă l’Ă©galitĂ© de tous devant la mort. Peuple « idiot » qui, s’il ne raconte pas cette « histoire de bruit et de fureur » qu’il a mise en branle, sera, tout au long, l’implacable spectateur, tĂ©moin de la farce tragique du pouvoir qui se joue devant lui. Lueurs de l’abondance du sang du meurtre et sa fatale multiplication.
Une colossale colonne gagnĂ©e de mousse ou de pourriture, descendra lourdement des cintres pour s’encastrer, au centre, reliant ciel et terre, objet lascif d’enlacements de Lady Macbeth, phallique symbole de la puissance du mĂąle dont s’empare cette virile femme face Ă un Ă©poux veule et vil, peut-ĂȘtre impuissant, copulation monstrueuse Ă l’Ă©chelle de son ambition et de la voluptĂ© du pouvoir qui la hante et qu’elle chante, ou anticipation de l’Ă©crasement du couple monstrueux sans descendance.
Les sombres costumes (Catherine et Sarah Leterrier), hors de longs manteaux en gĂ©nĂ©ral d’Ă©poque et les intemporelles robes des sorciĂšres, pourpoints, hauts de chausses et bottes pour les hommes, s’ourlent au col d’une frise de fraises Ă la Greco de l’Enterrement du Comte d’Orgaz, et, Ă©largis en dĂ©licate collerette au cou des enfants, progĂ©niture sauve de Banquo mais promise au massacre de Macduff, en dit d’avance la fragilitĂ© de papillons Ă©pinglĂ©s plus tard par les poignards des sbires de Macbeth : tĂȘtes comme sur le plateau des larges cols Ă godrons de futurs dĂ©capitĂ©s. Les robes des dames Ă©claireront de gaies couleurs les scĂšnes de cour mais jamais Ă©clairer la teinte obscure gĂ©nĂ©rale du drame. Les insolites fauteuils Louis XV sont-ils une mĂ©taphore de raffinement pervers dans la brutalitĂ© du reste du mobilier, d’intemporalitĂ© ou une coquetterie Ă la mode usĂ©e de mĂȘler les Ă©poques? La table, un piano, renversĂ©s sont des signes connus de dĂ©cadence et chute, de rĂ©volution, chez FrĂ©dĂ©ric BĂ©lier-Garcia qui signe cette mise en scĂšne.
On admire la qualitĂ© plastique, l’agencement pictural des groupes, de ce chĆur pratiquement omniprĂ©sent et admirablement prĂ©parĂ© par Emmanuel Trenque, notamment les sorciĂšres qui, sous la baguette nuancĂ©e et puissante de Pinchas Steinberg, passent du murmure sardonique au ricanement sarcastique, d’autant plus inquiĂ©tantes d’ĂȘtre traitĂ©es scĂ©niquement en femmes banales, presque en voisines : le mal est parmi nous. Le chef, dĂšs le prĂ©lude, donne aux cordes un frĂ©missement de vol effarĂ© d’effroi d’oiseaux de mauvais augure, trilles angoissants, pincements aigus de flĂ»tes affutĂ©es et claquement effrayant de cuivres, un Ă©clair, un Ă©veil de cauchemar, glisse l’angoissante onirique et dĂ©solĂ©e de la scĂšne du somnambulisme. Tout au long de l’Ćuvre, il nous fera goĂ»ter les mĂȘmes qualitĂ©s de relief dĂ©licat pour les dĂ©tails des divers pupitres et de violence dĂ©chaĂźnĂ©e sans jamais brouiller les lignes, les volumes d’une Ćuvre polie par Verdi pendant prĂšs de vingt ans.
PLATEAU ADMIRABLE
On sait que Verdi, toujours soucieux de vĂ©ritĂ© dramatique, voulait, pour sa Lady Macbeth, un timbre laid mais expressif, ce qui fut la chance de Callas selon son propre aveu quand elle fut choisie Ă la Scala par Toscanini soucieux de respecter le vĆu du compositeur. On ne dira pas que la soprano dramatique hongroise Csilla Boross remplit le rĂ©quisit verdien de laideur vocale en revanche, mĂȘme si l’expression dramatique dans la scĂšne du somnambulisme semble paradoxalement trop sommeiller, sa voix charnue, immense, remplit pleinement toutes les exigences du rĂŽle : largeur et couleur Ă©gale du timbre, passant avec aisance des notes les plus corsĂ©es de la tessiture terrible du rĂŽle aux sauts d’aigus pleins et triomphants. Un triomphe assurĂ©ment. Ă ses cĂŽtĂ©s, en Macbeth, scĂ©niquement et vocalement, le baryton Juan JesĂșs RodrĂguez, triomphe pareillement : Ă©gale aussi sur tout le registre, sa voix d’airain aux teintes bronzĂ©es se joue de la difficultĂ© de ce rĂŽle Ă©crasant sans en ĂȘtre Ă©crasĂ©. Homme du doute, Ă peine entrĂ© dans le premier degrĂ© du crime, poussĂ© par sa femme, il traduit si sensiblement ses remords qu’il en deviendrait humain et touchant. Un grand artiste que l’on dĂ©couvre. Triomphale fin de saison Ă l’OpĂ©ra de Marseille.
Macbeth de Verdi
Livret de Francesco Maria Piave dâaprĂšs la tragĂ©die de Shakespeare
Coproduction Opéra Grand Avignon
7, 10, 12, 15 juin 2016
Pinchas Steinberg. Mise en scÚne : Frédéric Bélier-Garcia. Scénographie : Jacques Gabel ; costumes : Catherine et Sarah Leterrier. LumiÚres : Roberto Venturi.
Macbeth : Juan JesĂșs Rodriguez ; Lady Macbeth : Csilla Boross ; Banquo : Wojtek Smilek : Macduff : Stanislas de Barbeyrac ; suivante de Lady Macbeth :  Vanessa Le CharlĂšs ; Malcolm : Xin Wang ; serviteur de Macbeth, un sicaire, une apparition, le mĂ©decin : Jean-Marie Delpas ; un hĂ©rault : FrĂ©dĂ©ric Leroy.
Compte rendu, opéra. Opéra National du Rhin, Strasbourg, le 17 juin 2016. Verdi : Don Carlo. Robert Carsen
Don Carlo chic et choc
Le Don Carlo du jeune tĂ©nor italien Andrea CarĂš est prometteur. Bien que moins fort dans l’expression lyrique, il a une voix chaleureuse qui sied bien au personnage et une technique assez solide. Certains lui rapprocheront ne pas ĂȘtre un Domingo ou un Alagna (selon les goĂ»ts), pourtant il s’est donnĂ© Ă fond dans un rĂŽle oĂč la difficultĂ© ne rĂ©side pas, malgrĂ© le type de voix plutĂŽt lĂ©ger, dans la virtuositĂ© vocale mais dans le style et l’expression globale. Dans ce sens nous ne pouvons que louer l’effort, et remarquer particuliĂšrement le timbre qui se distingue toujours dans les ensembles.
Tassis Christoyannis en Posa montre aussi une Ă©volution par rapport Ă Bordeaux l’annĂ©e passĂ©e. Toujours dĂ©tenteur des qualitĂ©s qui lui sont propres, comme la prestance et un je ne sais quoi dâextrĂȘmement touchant, Ă Strasbourg, il est davantage malin et Ă la chaleur du timbre, le baryton ajoute du brio presque autoritaire. Le tout prĂ©sentĂ© d’une façon Ă©lĂ©gante et dynamique Ă souhait. Remarquons le duo de la libertĂ© avec Don Carlo, au 1er acte tout hĂ©roĂŻco-romantique sans ĂȘtre frivolement pyrotechnique. Quant Ă la virtuositĂ© vocale et aux feux d’artifices vocalisants, parlons maintenant de la mezzo russe Elena Zhidkova dans le rĂŽle de la Princesse Eboli. Tout en ayant un timbre veloutĂ© et une belle prĂ©sence scĂ©nique, elle a dĂ» mal avec son air du 1er acte « Nel giardin del bello saracin Ostello », – pourtant LE morceaux le plus mĂ©lodique et virtuose de la partition ! Il est en l’occurrence plutĂŽt … mou. Ce petit bĂ©mol reste vĂ©tille puisque la distribution est globalement trĂšs remarquable. Continuons avec le Roi Philippe II de la basse danoise Stephen Milling, Ă la voix large et profonde, campant au 3Ăšme acte une scĂšne qui doit faire partie des meilleures et des plus mĂ©morables pages jamais Ă©crites par Verdi : « Ella giammai m’mamo » , grand aria avec violoncelle obbligato, oĂč la douleur contenue du souverain est exprimĂ©e magistralement. Ou encore son duo avec le Grand Inquisiteur de la basse croate Ante Jerkunica, dont nous avons Ă©galement fortement apprĂ©ciĂ© la prestation et vocale et théùtrale. Remarquons finalement l’instrument et la prĂ©sence de la jeune soprano espagnole Rocio Perez, chantant Thibault le page de la Reine, avec des aigus cĂ©lestes, … divins. Divine aussi la performance surprenante des choeurs de l’OpĂ©ra, sous la direction de Sandrine Abello.
Nabucco Ă Saint-Etienne par David Reiland
SAINT-ETIENNE, OpĂ©ra. David Reiland dirige Nabucco de Verdi : les 3, 5 et 7 juin 2016. Avant Verdi, Haendel avait traitĂ© dans Belshazzar (LIRE notre critique de la lecture jubilatoire de William Christie et des Arts Florissants), - oratorio anglais de la pleine maturitĂ©, l’arrogance du prince assyrien, conquĂ©rant victorieux siĂ©geant Ă Babylone dont l’omnipotence l’avait menĂ© jusqu’Ă la folie destructrice. Mais Nabucco ne meurt pas foudroyĂ© comme Belshaazar : il lui est accordĂ© une autre issue salvatrice. C’est un thĂšme cher Ă Verdi que celui du politique rongĂ© par la puissance et l’autoritĂ©, peu Ă peu soumis donc vaincu a contrario par la dĂ©raison et les dĂ©rĂšglements mentaux : voyez Macbeth (opĂ©ra créé en 1865). Ascension politique certes, en vĂ©ritĂ© : descente aux enfers… l’exemple de la princesse Abigaille, en est emblĂ©matique. Devenue toute puissante, la lionne se rĂ©vĂšle rugissante, Ă©trangĂšre Ă toute clĂ©mence.
Nabucco en clĂ©mence, Abigaille de fureur…
Le IV voit le retour de Nabucco qui renverse sa fille indigne et barabre Abigaille, devenue despotique et comprenant que cette derniĂšre va tuer Fenena, son autre fille, s’associe aux HĂ©breux qui sont dĂ©sormais les bienvenus dans leur patrie : Nabucco humanisĂ©, sait pardonner, et Abigaille doit renoncer, en cĂ©lĂ©brer le succĂšs du mariage d’IsmaĂ«l avec Fenena. D’une Ă©criture fĂ©line, sanguine, fulgurante en effet, l’opĂ©ra fut un triomphe, le premier d’une longue sĂ©rie pour le jeune Verdi : jouĂ© plus de 60 fois dans l’annĂ©e Ă la Scala aprĂšs sa crĂ©ation, record absolu. La folie du politique, l’amoureuse Ă©conduite dĂ©formĂ©e par sa haine, la brutalitĂ© royale et l’oppression des peuples firent beaucoup pour le succĂšs de l’ouvrage dans lequel tout le peuple italien, Ă l’aube de son unitĂ© et de son indĂ©pendance, s’est aussitĂŽt reconnu. Verdi devenait le nouveau Shakespeare lyrique, champion de la nouvelle cause sociĂ©tale et politique.Ne manquez pas cette nouvelle production d’un chef d’oeuvre de jeunesse de Verdi : fougueux, impĂ©tueux, fonciĂšrement dramatique, et psychologique. Dans la fosse, rĂšgne la fougue analytique du jeune maestro belge David Reiland, directeur musical et artistique de l’Orchestre de chambre du Luxembourg depuis septembre 2012, et premier chef invitĂ© et conseiller artistique de l’OpĂ©ra de Saint-Etienne. Mozartien de cĆur, grand tempĂ©rament lyrique, le jeune chef d’orchestre qui est passĂ© aussi par Londres (Orchestre de l’Ăge des LumiĂšres / Orchestra of the Age of Enlightenment) devrait comme il le fait Ă chaque fois, nous… convaincre voire nous Ă©blouir par son sens de la construction et des couleurs. Trois reprĂ©sentations Ă Saint-Etienne, Ă ne pas manquer.
Nabucco de Verdi
Les 3, 5 et 7 juin 2016
JC Mast, mise en scĂšne
David Reiland, direction
Orchestre symphonique Saint-Etienne LoireNouveau Rigoletto signĂ© Claus Guth Ă l’OpĂ©ra Bastille
Paris, Bastille. Nouveau Rigoletto par Claus Guth : 9 avril-30 mai 2016. DâaprĂšs Le roi sâamuse de Hugo, Verdi aborde le thĂšme du politique et de lâarrogance punies dans leur propre rouage : ceux qui, intrigants crapuleux et mĂ©prisants, maudissent, punissent, invectivent ou ironisent, agressent ou ridiculisent, feraient bien re rĂ©flĂ©chir Ă deux fois avant de dĂ©nigrer. Le bouffon nain Rigoletto paie trĂšs cher son arrogance : sa propre fille sera mĂȘme sacrifiĂ©e, dĂ©truite, immolĂ©e. Et le pauvre nain en son pouvoir dĂ©risoire nâaura en fin dâaction que ses larmes pour rĂ©conforter le corps refroidi de Gilda, la fille quâil aurait du protĂ©ger avec plus de discernement. Mais Verdi surprend ici moins dans le traitement de lâhistoire hugolienne dont il respecte presque Ă la lettre la fureur barbare, lâoeil critique qui dĂ©nonce lâhorreur humaine Ă vomir, que dans sa nouvelle conception du trio vocal romantique. Dans Rigoletto, le tĂ©nor nâest pas la victime mais le bourreau inconscient, ou plutĂŽt dâune insouciance irresponsable qui reste effrayante : le Duc de Mantoue sâil considĂšre la femme comme volage (souvent femme varie) chante en rĂ©alitĂ© pour lui-mĂȘme ; en paon superbe et narcissique, volubile et infidĂšle, sĂ©ducteur collectionneur, il viole la pauvre vierge Gilda, tristement enamourĂ©e ; la horde de serpillĂšres humaines qui lui sert de courtisans conclut le portrait de la sociĂ©tĂ© humaine : une arĂšne dâacteurs infects oĂč rĂšgne le dĂ©sir dâun prince lascif et inconsistant. Dans ces eaux opaques, Rigoletto pense encore sâen sortir. Mais le stratagĂšme quâil met en Ćuvre en sollicitant le concours du tueur Ă gages, Sparafucile, pour tuer le Duc se retourne indirectement contre lui : sa fille Gilda sera la victime dâune nuit de cauchemar (dernier acte). Fantastique, musicalement efficace et mĂȘme fulgurante, la partition de Rigoletto impose dĂ©finitivement le gĂ©nie dramatique de Verdi, un Shakespeare lyrique.
Rigoletto Ă lâopĂ©ra⊠ce nâest pas la premiĂšre fois quâun naif se fait duper et mĂȘme tondre totalement sur lâautel du pouvoir … Dans l’ombre du Duc, pensait-il qu’en singeant les autres, c’est Ă dire en invectivant et humiliant les autres, il serait restĂ© intouchable ? Le nain croyait-il vraiment quâil avait sa place dans la sociĂ©tĂ© des hommes ? La Cour ducale de Mantoue, le lieu oĂč se dĂ©roule le drame, semble incarner la sociĂ©tĂ© toute entiĂšre : chacun se moque de son prochain, et celui qui ridiculise, de moqueur devient moquĂ©, nouvelle dupe dâun traquenard quâil nâavait pas bien analysé⊠Que donnera la nouvelle production qui tient lâaffiche de lâOpĂ©ra Bastille Ă Paris, signĂ©e Claus Guth (rĂ©putĂ© pour sa noirceur et son Ă©pure théùtrale – en particulier ses Mozart Ă Salzbourg) ? Cette nouvelle production remplace le dispositif scĂ©nographiĂ© par JĂ©rĂŽme Savary, créé  in loco en 1996 et repris jusqu’en 2012… RĂ©ponse Ă partir du 9 avril 2016 et jusquâau 30 mai 2016. A ne pas manquer, car il sâagit de la nouvelle production Ă©vĂ©nement Ă Paris au printemps 2016.
Du 9 avril au 30 mai 2016 â 18 reprĂ©sentations
Claus Guth, mise en scĂšne
Nicola Luisotti, direction musicaleCompte-rendu, Opéra. Barcelone, Liceu, le 30 janvier,1er février 2016. Verdi : Otello. Carl Tanner, Philippe Auguin.
Provenant de la Deutsche Oper de Berlin, la production d’Otello signĂ©e par Andreas Kriegenburg – actuellement Ă l’affiche au Liceu de Barcelone â est un beau ratage auquel l’institution catalane ne nous a guĂšre habituĂ© jusqu’Ă prĂ©sent. Le metteur en scĂšne allemand semble en effet se moquer complĂštement du drame de Shakespeare (et du livret d’Arrigo Boito), lui prĂ©fĂ©rant notre actualitĂ© la plus brĂ»lante, celle des rĂ©fugiĂ©s affluant en Europe, ici parquĂ©s dans une structure mĂ©tallique montant jusqu’aux cintres, aussi peu pratique qu’inesthĂ©tique. Les protagonistes passent ici au second plan, ce qui est une totale hĂ©rĂ©sie. Passons vite…
Contre toute attente aussi â mĂȘme si ce n’est finalement pas si inhabituel au Liceu â c’est la seconde distribution qui nous aura le plus enthousiasmĂ©e, alors que la premiĂšre affichait rien moins que JosĂ© Cura (avec une voix qui a dĂ©sormais perdu toute puissance et brillance) et Ermonela Jaho (dont le timbre sonnait Ă©tonnamment mĂ©tallique le soir oĂč nous l’avons entendue…).
Cette seconde distribution, en alternance, mettait Ă l’affiche, dans le rĂŽle-titre, le tĂ©nor amĂ©ricain Carl Tanner qui possĂšde vĂ©ritablement une voix capable de rendre justice au personnage d’Otello : sombre, chaleureuse, sĂ»re, arrogante dans lâaigu et robuste dans le mĂ©dium, avec une diction et une tenue musicale par ailleurs probantes. ScĂ©niquement, il campe un Otello aux abois, Ă©corchĂ© vif, incapable de se maĂźtriser, dont il parvient Ă exprimer les tourments, notamment dans un bouleversant « Dio ! Mi potevi scagliar » et un non moins Ă©mouvant « Niun mi tema ».
De son cĂŽtĂ©, la soprano mexicaine Maria Katzarava prĂȘte Ă DesdĂ©mone son timbre dense et riche, sensuel et lumineux, qui convient parfaitement Ă lâĂ©pouse du Maure, et qui fait merveille dans le premier duo « GiĂ nella notte densa », qu’elle dĂ©livre avec d’infinies nuances. On mettra Ă©galement Ă son crĂ©dit des phrasĂ©s magnifiquement diffĂ©renciĂ©s, des piani de toute beautĂ©, un « air du saule » – puis un « Ave Maria » – Ă vous tirer les larmes.
Iago trĂšs intĂ©riorisĂ©, dâune noirceur qui sourd de chacun de ses gestes, le baryton italien Ivan Inverardi incarne de saisissante façon cette figure shakespearienne, incarnation mĂȘme du Mal. TrĂšs homogĂšne et remarquablement puissante, sa voix impressionne par sa noirceur et son mordant, notamment dans le fameux « Credo », Ă faire froid dans le dos. On admire Ă©galement chez lâartiste sa maĂźtrise du mot, qui flatte lâoreille dans son rĂ©cit du rĂȘve de Cassio. Ce dernier rĂŽle est tenu par le jeune tĂ©nor sibĂ©rien Alexey Dolgov Ă la belle prestance et Ă la voix claire mais bien projetĂ©e. Quant aux voix de la basse moldave Roman Ialcic et du baryton andalou DamiĂ n del Castillo, elles permettent aux personnages de Lodovico et de Montano de se profiler comme d’authentiques ressorts de lâintrigue. Quant Ă Vicenç Esteve Madrid, il campe un Roderigo convaincant tandis qu’Olesya Petrova Ă©corche l’oreille des auditeurs avec un timbre dĂ©jĂ usĂ© (l’artiste est pourtant jeune).Anna Netrebko chante la nouvelle Giovanna d’Arco de la Scala
Milan, Scala. Verdi : Giovanna d’Arco. Anna Netrebko, 7-23 dĂ©cembre 2015. Pour lancer sa nouvelle saison lyrique 2015-2016, La Scala produit un opĂ©ra créé sur ses planches en 1845, Giovanna d’Arco, ardente fresque historique Ă laquelle Verdi offre un Ă©clairage psychologique particulier en soulignant le lien entre le pĂšre de Giovanna (au dĂ©but opposĂ© Ă sa fille qu’il dĂ©nonce comme sorciĂšre) puis proche et loyal Ă ses cĂŽtĂ© jusqu’Ă sa mort. On sait quelle importance revĂȘt ensuite, opĂ©ra par opĂ©ra, le rapport pĂšre / fille dans les opĂ©ras verdiens. Giovanna d’Arco est le dernier des ouvrages de jeunesse de verdi, ses fameuses annĂ©es de galĂšre oĂč il Ă©crivait plus de un ouvrage par an, s’affirmant par un sens de l’occupation et du nombre mais surtout par une sensibilitĂ© dramatique alors inouĂŻe faisant imploser les conventions de l’opĂ©ra italien.
Sur un sujet qui se passe en France en 1429 quand Charles VII abdique sous la pression des anglais, mĂȘme introspectif, Verdi Ă©blouit par son sens et de l’architecture (enchaĂźnement d’Ă©pisodes contrastĂ©s) et dans ses scĂšnes collectives (finale vers la CathĂ©drale du I, et aussi dĂ©nonciation par le pĂšre devant la foule prĂȘte au lynchage Ă la fin du II). Le profil de Giovanna qui s’Ă©lĂšve vers son sacrifice final est particuliĂšrement bien traitĂ© : dans ce rĂŽle qui annonce les grandes hĂ©roĂŻnes angĂ©liques et fortes (Leonora, Traviata, Gilda…), Tebaldi ou Anderson se sont particliĂšrement illustrĂ©es. Aujourd’hui une diva charnelle, intense et voluptueuse relĂšve le dĂ©fi, avec d’autant plus de maĂźtrise annoncĂ©e qu’elle a fait de Verdi, son compositeur presque exclusif : dĂ©voilant sa fĂ©minitĂ© expressive dans le rĂŽle de Leonora (Le TrouvĂšre / Il Trovatore), surtout plus rĂ©cemment Lady Macbeth (Macbeth : prise de rĂŽle que beaucoup jugeait suicidaire). En dĂ©cembre 2015, voici donc sa Giovanna : Ă la puretĂ© de la ligne, Netrebko saura-t-elle ajouter l’Ă©lĂ©gance vocale, entre expressivitĂ© et finesse ? RĂ©ponse Ă partir du 7 dĂ©cembre 2015 Ă Milan. Deutsche Grammophon a Ă©ditĂ© l’enregistrement de l’opĂ©ra  Giovanna d’Arco avec la diva austrorusse Anna Netrebko (avec Placido Domingo dans le rĂŽle du pĂšre Giacomo, et Francesco Meli en Carlo, 2013).
DRESDE, Semperoper : Du 19 au 29 mai 2016. WAGNER : Lohengrin (Elsa)
VIENNE, Staatsoper : Du 20 au 30 juin 2016. PUCCINI : Manon Lescaut (Manon)
BERLIN, Schiller Théùtre : Les 8,11 et 14 juillet 2016. VERDI : Il Trovatore (Leonora)Les 7,10,13,15,18,21, 23 décembre 2015
Giovanna d’Arco de Verdi Ă la Scala de Milan
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Nouvelle production
Francesco Meli, Carlo VII
Carlos Alvarez, Giacomo
Riccardo Chailly, direction
M Leiser et P Caurier, mise en scĂšneTĂ©lĂ©. DiffusĂ© sur l’antenne d’ARTE en diffĂ©rĂ© le 7 dĂ©cembre 2015, 22h20
Compte rendu, opĂ©ra. Bordeaux. Auditorium de l’OpĂ©ra National de Bordeaux, le 24 septembre 2015. Verdi : Don Carlo (version milanaise de 1884). Leonardo Caimi, Tassis Christoyannis, Elza van den Heever, Keri Alkema⊠Ensemble Aedes, choeur. Le Cercle de l’Harmonie, orchestre. Paul Daniel, direction.
L’ouverture de la saison lyrique de l’OpĂ©ra National de Bordeaux a lieu dans le nouvel Auditorium de la maison en cette soirĂ©e d’automne. Le dĂ©but de la fin du mandat de Thierry Fouquet, directeur sortant, commence avec le Don Carlo de Verdi, dans une nouvelle production signĂ©e Charles Roubaud. AprĂšs quelques annulations, souffrances et remplacements, la direction musicale des deux premiĂšres prĂ©sentations est tenue admirablement par le directeur de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Paul Daniel. La distribution tourne autour de la fabuleuse Elsa van den Heever dans le rĂŽle d’Elisabeth de Valois et compte avec des personnalitĂ©s frappantes mĂȘme si inĂ©gales. Un retour Ă Bordeaux pour la soprano citĂ©e, aprĂšs Anna Bolena et Norma les deux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, retour de facto, Ă ne pas manquer !
Don Carlo ou le grand-opéra revisité
AprĂšs l’excellente performance de l’orchestre sous la baguette de Paul Daniel, malgrĂ© un rĂ©pertoire auquel ne va pas sa prĂ©dilection, le maestro a des choses Ă dire. IntĂ©ressantes en plus. Sa direction est Ă la fois passionnante et raffinĂ©e, avec des belles subtilitĂ©s au cours des quatre actes. Les contrastes sont privilĂ©giĂ©s, sans pourtant offenser lâouĂŻe par des procĂ©dĂ©s faciles (rappelons qu’il s’agĂźt d’un grand opĂ©ra Ă la française sous la plume de Verdi). Le choix de produire la quatriĂšme version de l’opus (Milan,1884), Ă la base Don Carlos, en français, créé pour l’OpĂ©ra de Paris en 1867, non sans d’innombrables pĂ©ripĂ©ties culturelles et stylistiques-, sâavĂšre trĂšs juste. La derniĂšre version de Modena Ă©tant en vĂ©ritĂ© la version Milanaise + le premier acte de la version de Paris, donc avec une certaine discordance stylistique, puisque le compositeur remania l’orchestration et parties vocales pour Milan. Cette version, plus concise, raconte toujours l’histoire trĂšs librement inspirĂ©e de la vie de l’Infant Don Carlos, petit-fils de Charles-Quint, devenu personnage romantique sous la plume de Schiller, modĂšle des librettistes de Verdi, Joseph MĂ©ry et Camille du Locle. Amoureux d’Elisabeth de Valois, nouvelle femme de son pĂšre Philippe II, Carlo termine dans les mains de l’Inquisition Ă cause de cet amour impossible.
En direct, Anna Netrebko chante Leonora au Met
CinĂ©ma. Verdi. Le TrouvĂšre, Anna Netrebko, le 3 octobre 2015, 18h55. Dans les salles de cinĂ©ma, en direct du Metropolitan Opera de New York, l’hyperfĂ©minine et ardente Anna Netrebko reprend aprĂšs Berlin (2011) et Salzbourg, le rĂŽle de Leonora, Ăąme passionnĂ©e et dĂ©terminĂ©e jusqu’au sacrifice, inaugurant la nouvelle saison lyrique du théùtre New yorkais. Elle y avait crĂ©er Lady Macbeth du mĂȘme Verdi : plus verdienne que jamais, la superdiva chante les vertiges de l’amour (son fameux air suspendu irradiant exigeant un vrai soprano lyrico spinto, agile et dramatique, subtil et puissant : “Di tale amor che dirsi “, d’un rythme haletant, Ă©perdu…), comme inspirĂ©e et portĂ©e par le charme du TrouvĂšre, jusqu’Ă l’extase sacrificielle. D’autant que dans ce drame noir et resserrĂ©, une BohĂ©mienne (rĂŽle Ă©crasant mais spectaculaire pour mezzo, cf son air “Stride la vampa”) se perd mais triomphe en conjectures hallucinatoires et brĂ»lantes, deux frĂšres s’entretuent sans savoir qu’ils sont du mĂȘme sang. Le trouvĂšre serait-il l’opĂ©ra sentimental et fantastique, le plus rĂ©ussi avec Macbeth ?
Direct incontournable dans toutes les salles de cinĂ©ma partenaires de l’opĂ©ra les opĂ©ras du Metropolitan en live et au grand Ă©cran.SirĂšne lyrique. A 44 ans, Anna Netrebko (nĂ© en 1971) est la tĂȘte dâaffiche de cette production produite Ă Salzbourg en aoĂ»t 2014 ; la diva russe a donnĂ© quelques indices (dĂ©jĂ trĂšs convaincants) de sa prise de rĂŽle de Leonora, dans un disque Verdi, saluĂ© par la RĂ©daction cd de classiquenews (cd Verdi par Anna Netrebko, 1 cd Deutsche Grammophon). Voici les termes de la critique de notre rĂ©dacteur au moment de la sortie du cd Verdi par Anna Netrebko en octobre 2013 :
CD, Ă paraĂźtre : Nouvelle AIDA de Verdi avec Jonas Kaufmann en RadamĂšs chez Warner classics (octobre 2015)
CD, Ă paraĂźtre : Nouvelle AIDA de Verdi avec Jonas Kaufmann en RadamĂšs chez Warner classics⊠Les nouvelle productions lyrique au disque sont rares. depuis des annĂ©es, ce sont non plus des enregistrements studio qui se sont perpĂ©tuĂ©s mais plutĂŽt des live habilement saisis sur le vif au hasard des opportunitĂ©s. AprĂšs une TURANDOT impressionnante de vitalitĂ© et de sensibilitĂ© signĂ©e Zubin Mehta (surprise de lâĂ©tĂ© 2015 (rĂ©vĂ©lant entre autres le baryton mexicain German Olvera dans le rĂŽle de Pang), voici une production qui fait suite à lâintĂ©grale Tristan une Isolde rĂ©alisĂ© par Emi en 2005 : confirmant les ambitions verdiennes du plus grand tĂ©nor actuel, le munichois Jonas Kaufmann, Warner classics annonce donc dĂ©but octobre 2015, une somptueuse AIDA de Verdi avec dans le rĂŽle du gĂ©nĂ©ral victorieux et couvert de lâor de Pharaon mais en fin de drame, saisi par lâamour de la belle esclave Ă©thiopienne Aida, Jonas Kaufmann.
Le tĂ©nor nous avait stupĂ©fait dans un rĂ©cital totalement dĂ©diĂ© Ă la lyre verdienne, intitulĂ© sobrement solennellement ” the VERDI album” (2013) : un rĂ©cital inoubliable par sa justesse expressive, sa franchise, sa sincĂ©rité (dont un Otello anthologique sur les traces de Jon Vickers). Un cas unique oĂč le tĂ©nor aux graves harmoniques, au mĂ©dium charnu, Ă lâĂ©locution Ăąpre et prĂ©cise, percutante et mĂ©tallique emboĂźte le pas Ă un certainâŠ. Placido Domingo. Jonas Kaufmann devrait y renouveler le succĂšs de son novel album Sony : Nessun forma dĂ©diĂ© aux hĂ©ros pucciniens⊠(critique Ă venir sur classiquenews).
Roberto Alagna chante Le TrouvĂšre de Verdi
France 2. Verdi : Le TrouvĂšre, en direct d’Orange, le 4 aoĂ»t 2015, 22h. Jean-François Zygel prĂ©sente l’Ă©vĂ©nement lyrique des ChorĂ©gies d’Orange 2015, il en explique les enjeux, en direct, depuis le Théùtre Antique. Sous la direction musicale du chef français Bertrand de Billy, avec le tĂ©nor Roberto Alagna associĂ© aux cantatrices Marie-Nicole Lemieux et Hui He dans les rĂŽles de Azucena et de Leonora, respectivement la mĂšre et la fiancĂ©e du TrouvĂšre.
Créé en 1853 au Teatro Apollo de Rome, Il Trovatore n’est en rien cette partition compliquĂ©e voire confuse que certains aiment Ă regretter. Verdi fin connaisseur des poĂštes, soucieux du drame autant que de l’enchaĂźnement des tableaux avait suffisamment de discernement et d’autoritĂ© pour imposer ses vues et donc prĂ©server la cohĂ©rence et le rythme de son opĂ©ra; c’est mĂȘme dans l’oeuvre verdienne, l’une de ses partitions les plus spectaculaires, rĂ©gĂ©nĂ©rant ce style frĂ©nĂ©tique hĂ©ritĂ© de Gluck. Les priĂšres de l’angĂ©lique et ardente Leonora, l’ivresse extatique de son amant le TrouvĂšre, Manrico et face Ă eux les noirs et diaboliques Luna comme Azucena, grand rĂŽle de mezzo-alto, la gitane Ă demi sorciĂšre,vraie manipulatrice au final qui venge le meurtre de son fils et expie les visions incandescentes et de flammes qui dĂ©vorent chacune de ses nuits. Verdi renouvelle ici et l’opĂ©ra romanesque et le genre fantastique : au final, l’amoureuse se suicide par poison et Luna dĂ©capite Manrico avant d’apprendre par Azucena qu’il s’agissait de son frĂšre ! Pour relever les dĂ©fis d’une histoire aussi sanglante et noire, la musique de Verdi s’enflamme elle mĂȘme en crĂ©pitements et Ă©clairs, ajustant chaque Ă©pisode pour mieux faire rugir une action saisissante. Energie, rythme, lyrisme flamboyant : Le TrouvĂšre / Il Trovatore fera vos dĂ©lices. Remercions France 2 de diffuser ce temps fort lyrique de l’Ă©tĂ© avec d’autant plus de pertinence que notre tĂ©nor national Roberto Alagna s’empare du rĂŽle-titre. L’opĂ©ra fait aussi les dĂ©lices des festivaliers de Salzbourg en aoĂ»t 2015 avec Anna Netrebko autre tempĂ©rament de braise, idĂ©al pour enflammer l’ardente amoureuse Leonora.
en direct sur France 2 et sur France Musique
OpĂ©ra en 4 actes de Giuseppe Verdi,âšsur un Livret de Salvatore Cammarano
d’aprĂšs El Trovador d’Antonio Garcia GutiĂ©rrez
Direction musicale : Bertrand de Billy
Mise en scĂšne : Charles Roubaud
Scénographie : Dominique Lebourges
Costumes : Katia Duflot
Eclairages : Jacques Rouveyrollis
Vidéos : Camille Lebourges
InÚs : Ludivine Gombert / Il Conte de Luna : George Petean / Ferrando : Nicolas Testé
Ruiz : Julien Dran/ Un Vecchio Zingaro : Bernard Imbert / Un Araldo : Yann Toussaint
Durée : 2h 40mnLe TrouvÚre en direct sur France Musique
Verdi : Le TrouvĂšre, en direct d’Orange, les 1er et 4 aoĂ»t 2015. France musique retransmet l’opĂ©ra le 1er aoĂ»t Ă partir de 21h30. Puis sur France 2, le 4 aoĂ»t Ă 22h, Jean-François Zygel prĂ©sente l’Ă©vĂ©nement lyrique des ChorĂ©gies d’Orange 2015, il en explique les enjeux, en direct, depuis le Théùtre Antique. Sous la direction musicale du chef français Bertrand de Billy, avec le tĂ©nor Roberto Alagna associĂ© aux cantatrices Marie-Nicole Lemieux et Hui He dans les rĂŽles de Azucena et de Leonora, respectivement la mĂšre et la fiancĂ©e du TrouvĂšre.
Créé en 1853 au Teatro Apollo de Rome, Il Trovatore n’est en rien cette partition compliquĂ©e voire confuse que certains aiment Ă regretter. Verdi fin connaisseur des poĂštes, soucieux du drame autant que de l’enchaĂźnement des tableaux avait suffisamment de discernement et d’autoritĂ© pour imposer ses vues et donc prĂ©server la cohĂ©rence et le rythme de son opĂ©ra; c’est mĂȘme dans l’oeuvre verdienne, l’une de ses partitions les plus spectaculaires, rĂ©gĂ©nĂ©rant ce style frĂ©nĂ©tique hĂ©ritĂ© de Gluck. Les priĂšres de l’angĂ©lique et ardente Leonora, l’ivresse extatique de son amant le TrouvĂšre, Manrico et face Ă eux les noirs et diaboliques Luna comme Azucena, grand rĂŽle de mezzo-alto, la gitane Ă demi sorciĂšre,vraie manipulatrice au final qui venge le meurtre de son fils et expie les visions incandescentes et de flammes qui dĂ©vorent chacune de ses nuits. Verdi renouvelle ici et l’opĂ©ra romanesque et le genre fantastique : au final, l’amoureuse se suicide par poison et Luna dĂ©capite Manrico avant d’apprendre par Azucena qu’il s’agissait de son frĂšre ! Pour relever les dĂ©fis d’une histoire aussi sanglante et noire, la musique de Verdi s’enflamme elle mĂȘme en crĂ©pitements et Ă©clairs, ajustant chaque Ă©pisode pour mieux faire rugir une action saisissante. Energie, rythme, lyrisme flamboyant : Le TrouvĂšre / Il Trovatore fera vos dĂ©lices. Remercions France 2 de diffuser ce temps fort lyrique de l’Ă©tĂ© avec d’autant plus de pertinence que notre tĂ©nor national Roberto Alagna s’empare du rĂŽle-titre. L’opĂ©ra fait aussi les dĂ©lices des festivaliers de Salzbourg en aoĂ»t 2015 avec Anna Netrebko autre tempĂ©rament de braise, idĂ©al pour enflammer l’ardente amoureuse Leonora.
en direct sur France 2 et sur France Musique
OpĂ©ra en 4 actes de Giuseppe Verdi,âšsur un Livret de Salvatore Cammarano
d’aprĂšs El Trovador d’Antonio Garcia GutiĂ©rrez
Direction musicale : Bertrand de Billy
Mise en scĂšne : Charles Roubaud
Scénographie : Dominique Lebourges
Costumes : Katia Duflot
Eclairages : Jacques Rouveyrollis
Vidéos : Camille Lebourges
InÚs : Ludivine Gombert / Il Conte de Luna : George Petean / Ferrando : Nicolas Testé
Ruiz : Julien Dran/ Un Vecchio Zingaro : Bernard Imbert / Un Araldo : Yann Toussaint
Durée : 2h 40mnFalstaff à Saint-Céré
Saint-CĂ©rĂ©. Falstaff de Verdi : 1er-14 aoĂ»t 2015. Au ChĂąteau de Castelnau Bretenoux, Olivier Desbordes reprend une ancienne production conçue en 2006. De l’unique opĂ©ra de Verdi, une comĂ©die dĂ©lirante oĂč l’auteur dĂ©nonce Ă la façon de Rameau dans PlatĂ©e, que le monde est une farce, grinçante certes mais universelle, Olivier Desbordes souligne la pirouette finale d’un gĂ©nie de l’opĂ©ra italien romantique ; il dĂ©masque chez Verdi, le geste fantastique et sublime du saltimbanque, son rire salvateur, sa bouffonnerie remarquable conçue dans un “Ă©lan baudelairien”. De cette Ă©nergie qui fait exploser le cadre bourgeois du théùtre, naĂźt une piĂšce ivre, sauvage, oĂč le Chevalier Falsaff en sa taverne minable/palatiale est le dindon de la farce, un ridicule magnifique qui ici rĂ©unit tous les personnages de Verdi, “dĂ©guisĂ©s dans un carnaval burlesque, une sorte de chahut d’enfant retrouvant de vieux costumes, un grotesque, un irrespect, une folie, une libertĂ© de ton…”. C’est un “bric brac de souvenirs, un jour de carnaval”.
ComĂ©die lyrique en 3 actes. Livret en français d’Arrigo Boito
d’aprĂšs “Les Joyeuses commĂšres de Windsor” de Shakespeare
Mise en scĂšne : Olivier Desbordes
Direction musicale : Dominique Trottein
Ford : Marc Labonette
Fenton : Laurent Galabru
Alice Ford : Valérie Maccarthy
Nanette : AnaĂŻs Constans
Mrs Quickly : Sarah Laulan
Meg Page : Eva Gruber
Bardolfo : Jacques Chardon
Docteur CaĂŻus : Eric Vignau
Pistola : Josselin Michalon
Nouvelle crĂ©ation d’aprĂšs la production de 2006
Saint-Céré. Falstaff de Verdi : 1er-14 août 2015
ChĂąteau de Castelnau-Bretenoux
VOIR le site du festival de Saint-CéréNouvelle Traviata à Tours
Tours, OpĂ©ra. Verdi : La Traviata. Les 20,22,24,26 mai 2015. InspirĂ©e de La Dame aux CamĂ©lias (Alexandre Dumas Fils), La Traviata est avant tout une histoire dâamour bouleversante et rĂ©aliste, dans laquelle le rĂŽle principal, -focus scandaleux-, est rĂ©servĂ©, pour la premiĂšre fois, Ă une courtisane. Elle est jeune, jolie, surtout malade donc condamnĂ©e. Dumas fils doit faire mourir son hĂ©roĂŻne pour qu’elle expie ses fautes commises par irrĂ©vĂ©rence des convenances, au mĂ©pris de la morale bourgeoise…
Sobre et essentiellement intimiste, c’est Ă dire huit clos Ă 3 personnages : la soprano amoureuse, le tĂ©nor “trahi”, le baryton (pĂšre la morale) -, La Traviata (la fourvoyĂ©e en italien), bouleverse par le sacrifice consenti par la pĂšcheresse, soucieuse de se sacrifier pour sauver l’honneur de la famille Germont, le fils qu’elle a aimĂ©, et le pĂšre qui le lui demande.Violetta, mythe sacrificiel
Verdi construit le drame par Ă©tape, chacune accablant davantage la prostituĂ©e qui entretient son jeune amant Alfredo. L’acte I est toute ivresse, Ă Paris, dans les salons dorĂ©s de la vie nocturne : c’est lĂ que Violetta se laisse sĂ©duire par le jeune homme ; au II, le pĂšre surgit pour rĂ©tablir les biensĂ©ances : souhaitant marier sa jeune fille, le dĂ©shonneur accable sa famille : Violetta doit rompre avec Alfredo le fils insouciant. A Paris, les deux amants qui ont rompu se retrouvent et le jeune homme humilie publiquement celle qu’il ne voit que comme une courtisane (il lui jette Ă la figure l’argent qu’il vient de gagner au jeu) ; enfin au III, mourante, au moment du Carnaval, retrouve Alfredo mais trop tard : leur rĂ©conciliation finale scelle le salut et peut-ĂȘtre la rĂ©demption de cette Madeleine romantique. LIRE notre dossier spĂ©cial La Traviata Ă Tours
La Traviata de Verdi Ă l’OpĂ©ra de Tours
Nadine Duffaut, mise en scĂšne
Jean-Yves Ossonce, direction
Vendredi 22 mai 2015 – 20h
Dimanche 24 mai 2015 – 15h
Mardi 26 mai 2015 – 20h
Livret de Francesco Maria Piave, d’aprĂšs Alexandre Dumas Fils
Création le 6 mars 1853 à Venise
Editions Salabert-Ricordi (édition critique)
Mise en scĂšne : Nadine Duffaut
Flora Bervoix : Pauline Sabatier
Annina : Blandine Folio Peres *
Alfredo Germont : Sébastien Droy
Giorgio Germont : Enrico Marrucci
Baron Douphol : Ronan Nédelec
Docteur Grenvil :Â Guillaume Antoine *
Gastone : Yvan Rebeyrol
Le Marquis : François Bazola
Choeurs de l’OpĂ©ra de Tours et Choeurs SupplĂ©mentairesDVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Fleming, Botha (Bychkov, Metropolitan, octobre 2012, 1 dvd Decca)
DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Fleming, Botha (Bychkov, Metropolitan, octobre 2012, 1 dvd Decca). Le dernier Verdi sait crĂ©er de sublimes atmosphĂšres psychologiques dont profite Ă©videmment son Otello. Suivant son cher Shakespeare dans l’expression d’un drame noir et Ă©touffant, le compositeur outre le rĂŽle d’Otello confiĂ© Ă un tĂ©nor stentor (au format wagnĂ©rien) offre surtout au rĂŽle de Desdemona, l’Ă©pouse abusivement outragĂ©e d’Otello, par son mari mĂȘme, un sublime personnage lyrique pour les sopranos, qui tire sa dignitĂ© et sa profonde loyautĂ©, sa bouleversante sincĂ©ritĂ© dans l’air du saule et sa priĂšre au IV, avant que le maure ivre de jalousie (et manipulĂ© par Iago) ne la tue en l’asphyxiant dans l’oreiller de sa couche. Verdi offre sa meilleure intrigue : resserrĂ©e, nuancĂ©e, contrastĂ©e et profonde. Avec Boito, il a rĂ©visĂ© son Boccanegra (1881) et s’apprĂȘte bientĂŽt Ă composer Falstaff. Créé en 1887 Ă La Scala, Otello est un immense succĂšs. Au cĆur du sujet, portĂ© par les vers taillĂ©s, ciselĂ©s de Boito, Verdi rejoint l’arĂȘte vive et sanglante des drames abrupts et profonds, pourtant poĂ©tiques de Shakespeare.
Au I, RenĂ©e Fleming sait revĂȘtir sa couleur vocale d’une rĂ©elle candeur, celle d’une adolescente encore pure, d’une sensualitĂ© lumineuse sans l’ombre d’aucune pensĂ©e inquiĂšte (âGiĂ nella notteâ). La diva nuance avec habiletĂ© l’Ă©volution de son personnage, de la beautĂ© lisse Ă l’inquiĂ©tude de plus en plus sombre enfin vers la rĂ©signation suicidaire (IV). La façon dont elle construit son personnage et le colore progressivement de prĂ©monition noire, demeure exemplaire : la chanteuse sait ĂȘtre une actrice. C’est bien ce que souhaitait Boito comme Verdi : le dernier rĂąle de la victime Ă l’adresse de sa suivante Emilia (Addio) rejoint la grandeur tragique et intimiste du théùtre : voilĂ la force de Verdi et l’intelligence de RenĂ©e Fleming. L’ouvrage aurait Ă©videmment pu s’intituler Desdemona : la performance de la diva amĂ©ricaine le dĂ©montre sans rĂ©serve.
Le sens des nuance et l’intelligence intĂ©rieure de la soprano contraste de fait avec le style sans guĂšre de finesse du sud africain Johan Botha qui a la puissance mais pas la sincĂ©ritĂ© du personnage d’Otello. Quel dommage. Certes au III, son monologue ( âDio mi potevi scagliarâ) exprime l’intensitĂ© de ses dĂ©chirements intĂ©rieurs mais le style comme la projection (faciles) demeurent unilatĂ©raux, sans ambiguitĂ©, avec force dĂ©monstration.
Il y a du Scarpia dans le Iago verdien : vivacitĂ© noire, manipulation, perversitĂ© rationalisĂ©e et donc dĂ©monisme efficace … Falk Struckmann se tire trĂšs honnĂȘtement des dĂ©fis d’un personnage aux apparitions courtes mais denses qui exigent une franchise et une subtilitĂ© crĂ©pitante immĂ©diates. Pari relevĂ© car lĂ aussi on s’Ă©tonne de dĂ©masquer chez lui, des trĂ©fonds de souffrances silencieuses, un abĂźme de ressentiments illimitĂ©s, en somme ce qui a intĂ©ressĂ© Shakespeare avant de fasciner Verdi et Boito : les vertiges et tourments que cause la folie humaine.
Dans la fosse Bychkov Ă©claire les orages et les passions d’une partition essentiellement shakespearienne. Du nerf, du muscle, mais peu de nuances au diapason de Fleming, pourtant souvent les brĂ»lures tragiques sont bien lĂ et entraĂźnent le spectateur jusqu’au choc tragique final.CD. Compte rendu critique. Verdi : Requiem (Lorin Maazel,fĂ©vrier 2014, 1 cd Sony classical)
CD. Compte rendu critique. Verdi : Requiem (Lorin Maazel,fĂ©vrier 2014, 1 cd Sony classical). L’adage veut que parvenus au soir de leur carriĂšre, les artistes offrent le meilleur d’eux-mĂȘmes, faisant surgir un je ne sais quoi de sublime et de supĂ©rieur sans forcer leur nature. Ce disque comme le dernier Abbado (9Ăšme Symphonie de Bruckner, DG) ne dĂ©roge pas Ă la rĂšgle. Le Maazel de Munich vaut bien l’Ababdo de Lucerne… des prophĂštes qui semblent nous parler depuis l’autre monde. Heureuse fin, bouleversante et d’une gravitĂ© qui suscite l’admiration. EnregistrĂ© en fĂ©vrier 2014 soit quelques mois avant sa disparition (juillet 2014 Ă 84 ans), ce Requiem verdien peut ĂȘtre vĂ©cu comme le chant du cygne du chef Lorin Maazel. De fait Ă Munich, le maestro exprime avec les qualitĂ©s que nous lui connaissons l’ample ferveur incarnĂ©e si dramatique de la Messe des morts de Giuseppe Verdi. Nous sommes bel et bien Ă l’opĂ©ra ici, tant la violence juste des chĆurs (superbes vagues chorales des basses surtout), l’engagement des solistes, l’orchestre trĂšs expressif et souple Ă la fois (cuivres flamboyantes et mordantes) tissent une lecture vive, parfois attendrie donc intĂ©rieure, Ă mille lieues de bien des approches plus pĂ©remptoires et purement dĂ©monstratives. Le chef n’oublie pas le sens du recueillement, le souffle des tĂ©moignages en particulier dans le Recordare, suite d’interventions pour les quatre solistes : le tĂ©nor corĂ©en seul montre d’abord d’Ă©videntes faiblesses dans la tenue de la ligne, avec une propension malgrĂ© la beautĂ© du timbre Ă surjouer et en faire trop. Heureusement, il se reprend en cours de flux, s’accordant progressivement Ă la ligne d’humilitĂ© de ses partenaires. L’unitĂ© de ton entre les solistes est donc Ă souligner grĂące Ă la baguette scrupuleuse du chef.
Testament spirituel de Maazel
L’Offertoire qui ouvre le cd 2 saisit par son introspection tendre, presque innocente : Hostias remarquablement tenu et d’une douceur surprenante. La basse (Georg Zeppenfeld) comme l’alto (Daniela Barcellona) sont irrĂ©prochables : exaltĂ©s, vivants, humains avec humilitĂ©. Idem pour Le lux aeternam : autre moment d’effusion dans la communion. Le ton est constamment justes. Le soprano parfois vibrĂ© et instable d’Anja Harteros, malgrĂ© elle aussi la distinction du timbre, faiblit en cours de cycle mais dans le cd 2 rĂ©vĂšle ses qualitĂ©s expressives en particulier dans le Libera me final, vraie confession panique d’une Ăąme pĂȘcheresse en quĂȘte de salut comme de paix : comment ne pas penser ici Ă la Desdemona d’Otello, et aussi dans sa priĂšre exacerbĂ©e enivrĂ©e Ă la Tosca de Puccini. De toute Ă©vidence, avec son nez lĂ©gendaire, au dĂ©part, Maazel rĂ©unit de trĂšs solides solistes. L’ultime section Ă l’Ă©noncĂ© du Requiem par la soprano atteint une puretĂ© d’intention rĂ©ellement jubilatoire, d’autant que les chĆurs sont prĂ©sents, murmurĂ©s, palpitants eux aussi (superbe prise de son spacialisĂ©e).
En maĂźtre lyrique incontestĂ©, Maazel mĂšne ses troupes avec une tension somptueuse, soulignant les arĂȘtes vives d’essence opĂ©ratiques de la partition. Les passages et les transitions sont ciselĂ©es dans le sens de l’intĂ©rioritĂ© suave. Cet hĂ©donisme qui puise ses racines dans l’opĂ©ra ravira les amateurs du Verdi opĂ©ratique, de fait si prĂ©sent dans son Requiem : les puristes pour des voix plus angĂ©liques moins Ă©paisses maintiendront d’Ă©videntes rĂ©serves. Pourtant la cohĂ©rence du style, l’Ă©quilibre de l’intention sans dĂ©bordement composent une lecture prenante, dĂ©veloppe un juste accord entre expressivitĂ© et ferveur. VoilĂ qui laisse un tĂ©moignage plutĂŽt convaincant s’agissant du dernier Maazel. Par sa sincĂ©ritĂ© rayonnante qui s’affirme peu Ă peu la Missa da Requiem du dernier Maazel mĂ©rite le meilleur accueil, c’est donc un CLIC de classiquenews d’avril 2015. In memoriam maestro.Verdi : Messa da Requiem. Anja Harteros, Daniela Barcellona, Wookyung Kim, Georg Zeppenfeld. MĂŒnchner Philharmoniker. Philharmonischer Chor MĂŒnchen. Lorin Maazel, direction. Enregsitrement rĂ©alisĂ© Ă Munich en fĂ©vrier 2014. 1 cd Sony classical
Le TrouvĂšre de Verdi
France Musique. Dimanche 29 mars 2015, 20h30. Verdi : Le TrouvĂšre. La tribune des critique sâintĂ©resse Ă lâopĂ©ra le plus prenant et fantastique (scĂšne de magie, feux Ă©vocatoires, meurtre dâenfants et vengeance irrĂ©sistibleâŠ) de Verdi : un chef dâĆuvre au dramatise noir qui appartient Ă la maturitĂ© triomphale de Verdi, et qui curieusement est toujours taxĂ© de complexitĂ© et de faiblesse Ă cause dâun livret « trop confus ». Or lâĂ©coute prĂ©cise de lâouvrage rĂ©vĂšle un drame fort, sauvage, aux contrastes incandescents (angĂ©lisme amoureux de Leonora, ivresse Ă©perdue du TrouvĂšre Manrico, diabolisme du Conte de Luna : soit la sublimation du trio vedette Ă lâopĂ©ra : soprano, tĂ©nor, baryton). Les critiques de France Musique sauront-ils discerner les qualitĂ©s de lâouvrage et distinguer les meilleurs interprĂštes ? Dont Callas dirigĂ©e par Karajan entre autres⊠LâopĂ©ra depuis a trouvĂ© une nouvelle soprano de choc : Anna Netrebko (Berlin, 2013 ; Salzbourg, Ă©tĂ© 2014) : sensuelle, pure, lumineuse et ardente.
Créé Ă Rome en 1853, dâaprĂšs El Trovador de GutiĂ©rrez, 1836), Le TrouvĂšre de Verdi saisit par sa fiĂšvre dramatique, une cohĂ©rence et une caractĂ©risation musicale indiscutable malgrĂ© la complexité romanesque de lâintrigue. Lâaction se dĂ©roule en Espagne, dans la Saragosse du XVĂšme, oĂč le conte de Luna est Ă©conduit par la dame dâhonneur de la princesse de Navarre, Leonora dont il est Ă©perdument amoureux : la jeune femme lui prĂ©fĂšre le troubadour Manrico. Dans le camps gitan, Azucena, la mĂšre de Manrico, est obsĂ©dĂ©e par lâimage de sa mĂšre jetĂ©e dans les flammes dâun bĂ»cher, et de son jeune frĂšre, Ă©galement consommĂ© par le feu. Manrico dĂ©cide de fuir avec Leonora. Mais il revient dĂ©fier Luna car sa mĂšre est condamnĂ©e Ă pĂ©rir sur le bĂ»cher elle aussi. EmprisonnĂ© par Luna avec sa mĂšre, Manrico maudit Leonora qui semble sâĂȘtre finalement donnĂ©e au Conte : elle a feint et sâest versĂ©e le poison pour faire libĂ©rer son aimĂ©. En vain, Luna comprenant quâil nâaura jamais celle quâil aime (Ă prĂ©sent morte), ordonne lâexĂ©cution par les flammes de Manrico. Au comble de lâhorreur, Azucena lui avoue quâil vient de tuer son propre frĂšre : leur mĂšre avait Ă©changer les enfants sur le bĂ»cher. De sorte que lâopĂ©ra sâachĂšve sur la vengeance dâAzucena (elle a enfin vengĂ© la mort de sa mĂšre par Luna) et le sacrifice des deux amants (Leonora et Manrico). La mezzo apparemment dĂ©munie a manipulĂ©e le baryton jaloux, vengeur⊠aveuglĂ© par sa haine.
Otello de Verdi Ă Sao Paolo
Sao Paolo, Teatro Municipal. Verdi : Otello. Les 12, 14, 15, 17, 18, 21, 22, 24, 27 mars 2015. Avec Kunde, Kos, Esteves, sous la direction de Neschling et dans la mise en scĂšne de Del Monaco. Ici s’affronte deux virilitĂ©s : l’une manipulatrice et destructrice, Iago ; l’autre, lumineuse mais influençable, Otello. Chypre est le théùtre de la vengeance haineuse du premier : Iago (baryton) qui prĂ©cipite la chute de son rival le capitaine Cassio (qu’il enivre) et dont il fait insidieusement l’amant supposĂ© de DesdĂ©mone ; ainsi, Iago suscite aussi la folie du gĂ©nĂ©ral victorieux : rongĂ© par le soupçon quant Ă la loyautĂ© fidĂšle de son Ă©pouse DesdĂ©mone. DĂ©truit et atteint, Otello finit par la tuer puis se suicider en comprenant son erreur et la machination dont il est la victime aveugle. Verdi et Boito ont portraiturĂ© avec soin le visage diabolique de Iago dont il font un ĂȘtre façonnĂ© par le mal et la jalousie (son credo mephistofĂ©lique au dĂ©but du II). C’est lui qui tire les ficelles, avec d’autant plus de facilitĂ© que DesdĂ©mone, Otello, Cassio paraissent bien crĂ©dules voire passifs sur l’Ă©chiquier de ses intrigues. Otello semble mĂȘme impressionnable et faible : il gifle et violente son Ă©pouse devant les ambassadeurs vĂ©nitiens (III), avant d’Ă©touffer son Ă©pouse au IV… Fervent admirateur de Shakespeare (avec Schiller), Verdi atteint au sublime tragique dans ce drame noir et crĂ©pusculaire oĂč le hĂ©ros s’aperçoit trop tard de son aveuglement haineux et criminel. AprĂšs avoir composĂ© surtout de sublimes rĂŽles pour voix de baryton (souvent des pĂšres aimants et gĂ©nĂ©reux : tels Stiffelio, Rigoletto, Boccanegra…), Verdi offre Ă tous les tĂ©nors les plus dramatiques, un superbe rĂŽle mettant en avant surtout leur performance d’acteur. C’est logiquement dans ce rĂŽle que la planĂšte lyrique attend l’indiscutable et charismatique Jonas Kaufmann.
Otello de Verdi au Teatro Municipal de Sao Paolo.
Les 12,14,15,17,18,21,22,24,27 mars 2015.
Avec Kunde, Kos, Esteves,
sous la direction de Neschling et dans la mise en scĂšne de Del Monaco.Simon Boccanegra Ă Avignon
Avignon, OpĂ©ra. Verdi : Simon Boccanegra. Les 20,22 mars 2015. Simon Boccanegra de Verdi est lâhistoire dâun homme de pouvoir, le doge de GĂšnes, touchĂ© par la vertu et le sens du bien public auquel Verdi attribue, pour renforcer la charge humaine, une histoire familiale difficile : aprĂšs lâavoir perdue, Simon Boccanegra retrouve sa fille Maria⊠Comme Rigoletto, Stiffelio, Simon Boccanegra aborde une thĂšme cher Ă Verdi : la relation pĂšre / fille : amour total qui rĂ©vĂšle souvent une force morale insoupçonnĂ©e. Simon Boccanegra offre un superbe rĂŽle Ă tous les barytons de la planĂšte lyrique : homme fier au dĂ©but, dans le Prologue, encore manipulĂ© par lâintriguant Paolo ; puis politique fin et vertueux qui malgrĂ© lâempoisonnement dont il est victime, garde Ă l’esprit, sans sourciller lâintĂ©rĂȘt du peuple.
PĂšre et doge Ă la fois…
La genĂšse de lâopĂ©ra fut longue et difficile : dans sa version rĂ©visĂ©e plus tardive, Verdi sâassocie au jeune poĂšte et compositeur Arrigo Boito (avec lequel il composera Otello, 1887 et Falstaff, 1893) : il resserre lâintrigue, la rend plus clair. Lâouvrage est créé en 1857 Ă La Fenice, puis recréé dans sa version finale Ă La Scala en 1881. Outre lâintelligence des Ă©pisodes dramatiques, vraies sĂ©quences de théùtre, Simon Boccanegra touche aussi par la coloration marine de sa texture orchestrale, miroitements et scintillements nouveaux rĂ©vĂ©lant toujours le gĂ©nie poĂ©tique de lâinfatigable Verdi.Simon Boccanegra de Verdi Ă l’OpĂ©ra d’Avignon
Vendredi 20 mars 2015 Ă 20h30
Dimanche 22 mars 2015 Ă 14h30
Livret de Francesco Maria Piave et Arrigo BoĂŻto
Direction musicale : Alain Guingal
Direction des chĆurs : Aurore Marchand
Etudes musicales : Kira Parfeevets
Mise en scĂšne : Gilles Bouillon
Décors : Nathalie Holt
Costumes : Marc Anselmi
LumiĂšres : Michel Theuil
Un ancella di Amelia : Violette Polchi
Simon Boccanegra : George Petean
Jacopo Fiesco : Wojtek Smilek
Gabriele Adorno : Giuseppe Gipali
Paolo Albiani : Lionel Lhote
Pietro : Patrick Bolleire
Un capitano : Patrice Laulan
ChĆur de lâOpĂ©ra Grand AvignonDVD. Verdi : Les VĂȘpres Siciliennes (Volle, Schrott, Hymel, Pappano, 2013. 2 dvd Warner)
DVD. Verdi : Les VĂȘpres Siciliennes (Volle, Schrott, Hymel, Pappano, 2013. 2 dvd Warner). Rares les productions des VĂȘpres verdiennes chantĂ©es en français selon la crĂ©ation parisienne de 1855 (Salle Le Peletier). Cette production trĂšs honnĂȘte et souvent convaincante sait soigner les accents du pur drame psychologique (Monfort en quĂȘte de son fils Henri) en dĂ©pit des nombreuses scĂšnes collectives historiques qui font basculer Les VĂȘpres vers le grand opĂ©ra français façon HalĂ©vy, Meyerbeer… La mise en scĂšne traite froidement la barbarie et le cynisme du pouvoir politique, la violence qui sous-tend toute l’intrigue puisqu’il est question ici d’un thĂšme essentiel Ă l’Ă©poque de Verdi : la rĂ©sistance d’un peuple (les siciliens menĂ©s par Jean Procida) contre l’oppression d’une autoritĂ© Ă©trangĂšre (les Français). De fait, le livret de Scribe s’inspire du soulĂšvement des Siciliens de mars 1282 contre les Français… Les cloches de la noce finale d’Henri et d’HĂ©lĂšne donnent le signal du soulĂšvement : l’amour bascule dans le sang. Triste progression oĂč les armes sont plus fortes que la volontĂ© des coeurs. Ici, le dĂ©cor prolonge l’espace du théùtre d’opĂ©ra : preuve que la rĂ©alitĂ© des spectateurs peut bientĂŽt ĂȘtre contaminĂ©e par le rĂšgne de la tyrannie et des manipulations reprĂ©sentĂ© sur scĂšne. Tout cela fonctionne bien car l’enjeu des situations demeure lisible.
DVD. Verdi : Les VĂȘpres siciliennes (version française de 1855). Lianna Haroutounian (HĂ©lĂšne), Bryan Hymel (Henri), Michael Volle (Monfort), Erwin Schrott (Procida), Royal Opera Chorus, Orchestra of the Royal Opera House. Antonio Pappano, direction. Stefan Herheim, mise en scĂšne. 2 dvd Warner Classics 2564616434. Live enregistrĂ© Ă Londres en octobre 2013.
Bryan Hymel – Henri
Erwin Schrott – Procida
Michael Volle – Guy de Montfort
Michelle Daly – Ninetta
Neal Cooper – Thibault
Nico Darmanin – DaniĂ©li
Jung Soo Yun – Mainfroid
Jihoon Kim – Robert
Jean Teitgen – Le Sire de BĂ©thune
Jeremy White – Le Comte de Vaudemont
Orchestra of the Royal Opera House
Antonio Pappano, direction
Stefan Herheim, mise en scÚne, régieNouveau Rigoletto à Clermont-Ferrand
Clermont-Ferrand, OpĂ©ra. Verdi : Rigoletto. Les 14 et 17 janvier 2015. Le bossu maudit. En jouant l’arrogance des courtisans infects, le fou du Duc (de Mantoue) croit tirer les ficelles : mais en devenant le dindon trompĂ©, il perd jusqu’Ă la vie de son bien le plus prĂ©cieux : sa fille Gilda… Ăąme trop angĂ©lique sacrifiĂ©e dans l’arĂšne d’une humanitĂ© parfaitement barbare et cynique. Le ton est donnĂ© et la musique de Verdi suit Ă la lettre, la plume acerbe et touchante, critique, voire satirique et brĂ»lante du grand Victor Hugo qui lui a soufflĂ© sa trame (l’opĂ©ra de Verdi reprend le sujet du Roi s’amuse). Sous couvert d’un drame de cour, Verdi brosse le portrait d’une assemblĂ©e de politiques ignobles et railleurs, parfaits libertins, dont le seul souci est de meurtrir les cĆurs surtout purs. Voyez comment Gilda, jeune femme innocente et trop naĂŻve, se fait dĂ©vorer par cette humanitĂ© corrompue.
De la piĂšce hugolienne, Verdi et son librettiste Piave font un huit clos Ă 3 : le Duc prĂ©dateur ; le bouffon dĂ©passĂ© ; sa fille manipulĂ©e, sacrifiĂ©e ; soit le tĂ©nor, le baryton, la soprano. A trop avoir raillĂ©, on est raillĂ© et perdu soi-mĂȘme : voilĂ la triste fable de Rigoletto, bossu amuseur Ă Mantoue qui sans le savoir, offre au Duc son patron, sa propre fille comme offrande sacrificielle.
L’acte I dĂ©bute par la malĂ©diction de Rigoletto par l’une de ses victimes, Monterone, que le bossu a raillĂ© alors que le Duc a dĂ©shonorĂ© sa fille… un tel sort attend le bossu. Mais il ne le sait pas encore.
Au II, Rigoletto Ă qui on vient d’enlever sa fille Gilda, la dĂ©couvre sortant (dĂ©pucelĂ©e) de la chambre du Duc. Dans un air final, Rigoletto jure de se venger.
Au III, le Duc magnifique s’enflamme Ă l’Ă©vocation de ses conquĂȘtes et de la lĂ©gĂšretĂ© des femmes (air fameux : la donna Ăš mobile...). Mais Rigoletto lui a prĂ©parĂ© un piĂšge en payant le service du tueur Sparafucile et de sa sĆur Maddalena. En une nuit de terreur oĂč Verdi fait souffler la violence d’une tempĂȘte, Rigoletto croit tenir le sac qui contient le corps assassinĂ© du Duc impi : c’est sa fille Gilda qui s’est prĂ©sentĂ©e Ă sa place sous la lame vengeresse. L’agneau a sauvĂ© le dĂ©cadent.Un pĂšre maudit et meurtri
En une action violente et terriblement efficace, Verdi aborde la barbarie humaine, surtout la souffrance d’un pĂšre qui pleure difficilement la perte de sa fille (dĂšs la fin de l’acte I, quand les courtisans ont enlevĂ© Gilda pour la livrer au Duc ; surtout dans la scĂšne finale oĂč le pĂšre dĂ©couvre le corps de son enfant sacrifiĂ© dans son sac/linceul…). La force de Verdi vient de la justesse et de la profondeur des sentiments qu’il est capable d’exprimer : n’a-t-il pas lui-mĂȘme Ă©tĂ© particuliĂšrement frappĂ© par la perte de ses filles et de son Ă©pouse ? ApretĂ© cynique, tendresse Ă©perdue, barbarie noire… l’opĂ©ra maniĂšre Verdi atteint un souffle et un rĂ©alisme jamais vu avant lui, d’une violence grotesque Ă la mesure de sa source hugolienne. AprĂšs Macbeth et Luisa Miller, – inspirĂ© par Shakespeare et Schiller, Rigoletto, créé Ă La Fenice en mars 1851, incarne avec Le TrouvĂšre et La Traviata, la trilogie de la maturitĂ© triomphante : un sommet Ă trois couronnes qui scelle dĂ©finitivement le gĂ©nie de Verdi sur la scĂšne lyrique italienne et europĂ©enne.
Rigoletto de Verdi Ă l’OpĂ©ra de Clermont-Ferrand
OpĂ©ra en 3 actes. âšLivret de Francesco Maria Piave dâaprĂšs Le Roi sâamuse de Victor Hugo. CrĂ©ation : Venise, 11 mars 1851. Les 14 (20h) et 17 janvier 2015 (15h).
Mise en scĂšne / Pierre Thirion-Vallet
Décor / Frank Aracil
Création Costumes / Véronique Henriot
RĂ©alisation Costumes / VĂ©ronique Henriot, CĂ©line Deloche,âšLaure Picheret et Charlotte Richard
LumiÚres / Véronique Marsy
Surtitrage / David M. Dufort
Rigoletto / Lars Fosser
Gilda / Mercedes Arcuri
Sparafucile / Federico Benetti
Maddalena / Juliette de Banes Gardonne
Le Comte Monterone / Ping Zhang
Marullo et un huissier de la cour / Matthias Rossbach
Matteo Borsa / Pablo Ramos Monroy
Comte Ceprano / Ronan Airault
Giovanna / Emmanuelle Monier
Comtesse Ceprano et un page / Héloïse Koempgen-Bramy
Hommes de cour / Renaud de Rugy et Joseph Kauzman
Opéra-Théùtre de Clermont-Ferrand
Mercredi 14 janvier 2015 / 20h00
âšSamedi 17 janvier 2015 / 15h00
2h30 entracte compris
Chanté en italien, surtitré en françaisCompte rendu, opéra. Nancy. Opéra National de Lorraine, le 25 novembre 2014. Giuseppe Verdi : Nabucco. Giovanni Meoni, Raffaella Angeletti, Alexander Vinogradov, Diana Axentii, Alessandro Liberatore. Rani Calderon, direction musicale. John Fulljames, mise en scÚne
Peu reprĂ©sentĂ© dans lâHexagone, le Nabucco de Verdi a eu bien de la chance grĂące Ă cette nouvelle production montĂ©e par lâOpĂ©ra National de Lorraine. La maison nancĂ©enne a fait appel au mĂȘme metteur en scĂšne que pour sa triomphale ClĂ©mence de Titus la saison derniĂšre : John Fulljames. Le scĂ©nographe anglais a imaginĂ© un unique dĂ©cor surprenant, reproduisant jusque dans ses moindres dĂ©tails une synagogue dâEurope centrale, bĂątiment laissĂ© Ă lâabandon au cĆur duquel se retrouvent les fidĂšles qui perpĂ©tuent la mĂ©moire de leur foi. Bien souvent, on se prend Ă penser que lâhistoire qui nous est contĂ©e nâest elle-mĂȘme quâune reprĂ©sentation théùtrale qui permet au groupe de cimenter sa ferveur pour garder force et cohĂ©sion. Les nombreux enfants prĂ©sents sur le plateau, qui escortent le roi de Babylone, reprĂ©sentent lâindispensable transmission, vitale pour toute spiritualitĂ©. On nâoubliera pas de sitĂŽt la valse lente que dansent les hĂ©breux sur la musique de leur supplice au quatriĂšme acte, comme la nostalgie dâun passĂ© dĂ©sormais rĂ©volu. Et ce mystĂ©rieux vieil homme, qui paraĂźt veiller sur les destinĂ©es de chacun et de tous, dont lâomniprĂ©sence muette dans lâombre du plateau ne cesse dâinterroger sur son identitĂ© humaine ou⊠divine.
Un Nabucco de mémoire
Cette proximitĂ© se voit renforcĂ©e par la direction remarquable de Rani Calderon, audiblement adoptĂ© par lâorchestre. Nonobstant quelques regrettables dĂ©calages, la pĂąte sonore dĂ©veloppĂ©e par le chef israĂ©lien sert magnifiquement la musique de Verdi, toute de legato et de profondeur. Les airs lents se voient ainsi superbement phrasĂ©s et le chĆur « Va pensiero » tant attendu sâĂ©lĂšve avec une pudeur qui transparaĂźt jusque dans les voix du chĆur, admirable dâhomogĂ©nĂ©itĂ© et de justesse.
La distribution, comme Ă lâordinaire, a Ă©tĂ© particuliĂšrement soignĂ©e. MĂȘme lorsque la fatalitĂ© â et la chance â sâen mĂȘlent. Initialement prĂ©vue dans le rĂŽle dâAbigaille, la soprano allemande Silvana Dussmann a du ĂȘtre remplacĂ©e par Elizabeth Blancke-Biggs, que nous avions applaudie Ă GenĂšve au printemps dernier. La loi des sĂ©ries ayant dĂ©cidĂ© de continuer son Ćuvre, la chanteuse amĂ©ricaine sâest vue contrainte de dĂ©clarer forfait aprĂšs la rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale. Et câest sur lâitalienne Raffaella Angeletti que le rideau sâest levĂ© en ce soir de premiĂšre. Une rĂ©vĂ©lation, pas moins. Visiblement accoutumĂ©e aux rĂŽles rĂ©putĂ©s inchantables, cette valeureuse artiste paraĂźt ne rien craindre de lâĂ©criture terrible du personnage. Aigus triomphants, graves sonores, mĂ©dium charnu et arrogance des accents, elle subjugue dĂšs son entrĂ©e par son port altier et son magnĂ©tisme en scĂšne. Avant dâĂ©tonner dans la deuxiĂšme partie avec une cantilĂšne piano chantĂ©e archet Ă la corde, dans une suspension du son quâon nâimaginait pas, et conduite avec lâart dâune grande musicienne. Toute la reprĂ©sentation se dĂ©roule ainsi, avec Ă©vidence, jusquâĂ une mort poignante qui achĂšve de nous faire admirer cette cantatrice trop mĂ©connue.
Face Ă elle, on rend les armes devant le chant invariablement racĂ© et chĂątiĂ© de Giovanni Meoni, percutant dans lâattaque, mordant dans lâĂ©mission et imperturbable dans la ligne vocale. Sa grande scĂšne est Ă ce titre Ă©loquente, grĂące Ă un « Dio di Giuda » qui rappelle une fois de plus Renato Bruson par la noblesse de son exĂ©cution, et une cabalette Ă la fiertĂ© conquĂ©rante, couronnĂ©e par un la bĂ©mol aigu de toute beautĂ©, une note quâon nâattendait pas chez le baryton italien.
Mention spĂ©ciale au Zaccaria surprenant dâAlexander Vinogradov, tant la silhouette adolescente de cette jeune basse ne laisse rien prĂ©sager de lâampleur de lâinstrument quâelle abrite. Une voix puissante et riche, parfois un rien engorgĂ©e, mais dont on admire le grave caverneux et lâaigu robuste.
AprĂšs son Des Grieux liĂ©geois, le tĂ©nor Alessandro Liberatore trouve en Ismaele un rĂŽle qui convient mieux Ă sa vocalitĂ© transalpine, tandis que Diana Axentii profite de son air dans la derniĂšre partie pour faire valoir la puretĂ© de son timbre et le raffinement de son chant. Belle surprise Ă©galement avec le Grand-PrĂȘtre de Baal incarnĂ© avec force et conviction par Kakhaber Shavidze.
Un beau spectacle, chaleureusement saluĂ© par le public au rideau final, qui prouve quâil nâest pas impossible de servir dignement le drame verdien.