mardi 19 mars 2024

Compte rendu, opéra. Tours. Opéra, les 27,28, 30 et 31 décembre 2014. Strauss II : La Chauve Souris. Aude Extremo, Vannina Santoni… Jacques Duparc, mise en scène. Jean-Yves Ossonce, direction.

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tours-opera-chauve-souris-bal-acte-II-ossonce-Une production délicieusement cohérente. C’est un opéra construit sur l’accomplissement d’une vengeance,  celle de Falke (Michal Partyka) qui entend bien ainsi laver l’humiliation que lui a infligé Eisenstein (très efficace Dider Henry) – vrai petit bourgeois sans relief, époux infidèle démangé par la bagatelle…. de fait un piège lui est tendu avec la complicité d’un collectif aux apparences hétérogènes mais aux motivations et convergences bien soudées : la propre femme de chambre qui rêve déjà de briller sur la scène des théâtres (Adèle), le directeur de la prison Franck,  jusqu’au prince Orlofsky (excellente Aude Extremo),  jeune millionnaire asexué désabusé parfaitement dépressif que l’argent ennuie mais que grise l’idée de railler un petit prétentieux : Le portrait idéal d’un jeune oligarche débauché ?. Il occupe le devant des planches à l’acte II.

 

 

 

Epatante Chauve Souris à Tours

 

En organisant un bal costumé au II (régal visuel en place des habituels fracs noirs et robes de mariées vues habituellement, façon Jean Béraud), le jeune prince permet à chacun de changer d’identité – mais on en est pas au vrai travestissement et identité inversée comme dans les meilleurs opéras vénitiens (voyez les ouvrages de Cesti ou Cavalli,  les deux suiveurs de Monteverdi). Ici chacun devient ce qu’il veut,  « chacun à son goût » comme le précise non sans cynisme et malice le même Orlofsky. Adèle devient une très honorable lady de la haute : Olga qui se rêve actrice (III : voir son trio avec Ida et Franck ; celui là même y devient le Chevalier Renard. …); et Eisenstein qui devrait être en prison, a son habit de galant vert, sous le titre de marquis Renard.

Le tableau ne serait pas complet sans la figure de l’épouse délaissée,  vraie desperate housewife emmurée à Pontoise (- l’opéra de Strauss adapte un boulevard parisien La Réception) : Rosalinde. Celle-ci ne déroge pas à la règle du masque… pour le bal d’Orlofsky au II, elle devient donc une comtesse hongroise en transit : le compositeur inspiré par le sentiment nostalgique et patriote lui dédie logiquement le seul grand air de la soirée, sublime Czardas qui pourrait faire l’air de concert parfait d’un programme de concert  (Mireille Delunsch s’y impose en actrice délurée).

C’est elle qui piège son «  mufle » de mari: en se laissant courtiser par lui,  elle se fait offrir sa fameuse montre,  piège à filles ; en possession de l’épouse vengeresse, l’objet délictueux lui permet au III, de dévoiler l’infidélité du coquin : la honte de l’époux démasqué fera la vengeance de Falke.

tours-opera-chauve-souris-jacques-duparc-582En cours de soirée, le spectacle va crescendo: le I est clairement et très efficacement d’exposition; le II se savoure comme une coupe de champagne, – en présence de leur hôte Orlofsky,  les convives masqués fêtent et trinquent à la santé du «  roi Champagne » (un tableau rêvé pour les directions marketing de tous les producteurs champenois) et une succession de perles solistes et chorales signées du roi de la valse;  le III captive par sa verve théâtrale où perce l’intelligence du metteur en scène Jacques Duparc dont le talent d’acteur,  dévoilé au I en policier cleptomane,  s’affirme davantage dans l’acte de la prison : il fait du chef geôlier  Frosch, un loup désabusé, déjanté, hilare, porté sur la bouteille (son sketch sur la « fine » est mémorable), qui rétablit le théâtre à gags,  délirant,  raffiné,  un contrepoint purement théâtral dans l’enchaînement des airs chantés en allemand.

 

 

Épatante Chauve Souris à l'Opéra de Tours

 

Vannina Santoni, épatante Adèle / Olga

 

 

La révélation de la soirée – dans toute production il y en a forcément une-, reste la pétulante et si subtile Adèle/Olga de Vannina Santoni, nature incandescente pour l’indomptable et malicieuse servante qui se rêve actrice. Au I, son Adèle est capricieuse et indiscrète ; au II, elle du chien en aristocrate improvisée. Puis son air du III dans lequel elle veut convaincre Franck d’être son protecteur est un sublime moment de fragilité virtuose, dans lequel l’actrice pétille et convainc par ses dons d’imitatrice versatile : une véritable soeur de Zerbinette dans l’opéra Ariadne auf Naxos de l’autre Strauss (Richard). Quel timbre généreux et fruité,  suavement articulé,  aux aigus agiles, faciles, colorés. Sa performance est saisissante. Car l’actrice déjà remarquée dans le Cosi fan tutte de Mozart ici même,  avait été tout autant convaincante.

Dans la fosse,  Jean-Yves Ossonce délivre le parfum sensuel et voluptueux,  les couleurs nostalgiques d’une partition parmi les plus raffinées qui soient. Vrai plus de la production,  si les dialogues sont en français,  tous les airs sont en allemand: de quoi mieux comprendre enjeux et situations comme s’il s’agissait d’une comédie de boulevard tout en savourant les délices de chaque air défendu dans la prosodie originelle. De quoi confirmer l’étonnante sensibilité de Strauss sur la scène lyrique.  De quoi aussi constater l’excellence artistique de l’opéra de Tours: une vraie troupe et un chef défendent ici l’art lyrique et symphonique avec engagement et finesse. Preuve est faite pour qui en doute toujours que les initiatives lyriques en province tiennent très haut les promesses de leur affiche. Production idéale pour fêter l’an neuf 2015.  La Chauve Souris de Johann Strauss présenté par l’Opéra de Tours les 27, 28, 30 et 31 décembre 2015.

Comte-rendu, opéra. Tours. Opéra, les 27,28, 30 et 31 décembre 2014. Strauss II : La Chauve Souris. Aude Extremo, Vannina Santoni… Jacques Duparc, mise en scène. Jean-Yves Ossonce, direction.

 

 

Illustrations : © Fr. Berthon pour l’Opéra de Tours 2014

 

LIRE aussi notre présentation de La Chauve Souris à l’Opéra de Tours en décembre 2014

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