samedi 20 avril 2024

Compte rendu, opéra. Paris. Théâtre du Châtelet, le 12 février 2015. Michaël Levinas : Le Petit Prince. Jeanne Crousaud, Vincent Lièvre-Picard, Catherine Trottmann, Rodrigo Ferreira… Orchestre de Picardie. Arie van Beek, direction. Lilo Baur, mise en scène.

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La première version lyrique française de l’œuvre emblématique d’Antoine Saint-Exupéry Le Petit Prince, revient en France sur la scène duThéâtre du Châtelet, toujours par ses choix de programmation, éclectique et audacieux. L’opus est de la plume de Michaël Levinas, qui écrit également le livret d’après le conte original de l’écrivain-aviateur. L’Orchestre de Picardie est sous la direction d’Arie van Beek et la plutôt jeune distribution des chanteurs est mise en scène par Lilo Baur.

L’oeuvre incomprise… ma non tanto

petit prince michael levinasLe Petit Prince, conte philosophique habité d’une poésie subtile, est décidément une œuvre très souvent incomprise. Si l’auteur la dédie aux enfants, il ne s’agît surtout pas d’une conte d’enfants ni pour les enfants. Les sujets d’une profondeur métaphysique échappent normalement à l’attention et à la compréhension des pauvres enfants qui sont emmenés à lire le conte. Dans ce sens, la création du compositeur Michaël Levinas, qui remonte à l’automne 2014, fait une justice inattendue à l’esprit de l’œuvre littéraire. Or, la coproduction de l’Opéra de Lausanne, le Grand Théâtre de Genève l’Opéra de Lille et l’Opéra Royal de Wallonie est présenté comme un spectacle pour enfants. Remarquons la forte présence des enfants dans la salle, accompagnés, bien évidemment. Si une intention d’adoucir, voire d’ignorer, les éléments les plus délicats du comte (le suicide notamment) est évidente, la musique et le livret ne sont pas les plus accessibles pour un jeune public. Notre réserve réside dans l’idée, bonne, d’ouvrir les chemins de l’opéra aux enfants et aux jeunes, et si le Petit Prince est idéal ou pas pour ces effets. La réussite ultime et l’idiosyncrasie de l’opéra nous permettent de conclure qu’il l’est au final, mais pas sans réserves.

Le Petit Prince et l’Aviateur sont interprétés avec brio et sensibilité par Jeanne Crousaud et Vincent Lièvre-Picard. La première fait preuve d’une agilité non négligeable requise pour la musique si particulière que Levinas lui réserve. Théâtralement, elle incarne le Petit Prince, tout tourment et naïveté, avec une aisance tendue qui sied bien à l’aspect plus ou moins angoissant de l’histoire. Musicalement, elle est étrange, comme le Petit Prince doit l’être à notre avis. Quand il parle des baobabs, baobabs, baobabs, il chante une sorte de quodlibet vocalisant (quodlibet dans son sens littéraire d’élément aléatoire) sur le mot baobab. L’effet sur l’audience divertie et quelque peu déconcertée est remarquable. L’Aviateur de Lièvre-Picard a un timbre touchant et une belle présence sur scène. Sa musique est moins étrange que celle du Petit Prince, et l’opposition entre la nature des personnages est tout à fait mémorable. Les nombreux rôles secondaires le sont aussi. Remarquons la Rose de Catherine Trottmann, un peu vocalisante, un peu coquette ; le Renard et Le Serpent de Rodrigo Ferreira, qui chante en voix de baryton et en voix de contre-ténor selon les besoins, et qui est toujours saisissant dans son jeu d’acteur. Félicitons donc le travail de Lilo Baur et son équipe pour le très bon travail d’acteurs et la fidélité visuelle par rapport au conte (fabuleuses lumières de Fabrice Kebour).

Et l’Orchestre de Picardie sous la direction d’Arie van Beek ? Fabuleux, même si l’opéra n’a pas une orchestration particulièrement poussée. Le chef adapte sa baguette aux rythmes de danses baroques que Levinas utilise avec facilité, tout comme il maintient la tension musicale avec une frappante économie des moyens. Une création rare qui se prétend accessible au grand -et petit- public qui finit par être un poil trop froide et intellectuelle, éveillant l’intérêt profond des experts et connaisseurs, mais n’inspirant que des rires nerveux et des applaudissements incertains pour une grande partie de l’auditoire. Une œuvre d’une heure et demi à peu près, d’une valeur confirmée… mais pas pour tous.

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