COMPTE-RENDU, opéra. BORDEAUX, le 11 fév 2019. ROSSINI : Il Barbiere di Siviglia. Pelly / Leroy-Calatayud. Il est des œuvres que l’on ne présente pas, que l’on se plairait presque à dire que c’est inutile de les revoir ou les retrouver du fait qu’elles sont les fondations du répertoire lyrique universel. L’inévitable Barbiere di Siviglia / Le Barbier de Séville de Rossini, qui a réussi le pari de la postérité face à son illustre prédécesseur signé Paisiello, et que dire ce celui de Morlacchi hélas voué à l’oubli. Mais si un tel poncif opératique semble ne garder aucune surprise pour nous, il est stupéfiant quand l’on redécouvre une œuvre telle, grâce au travail d’une équipe artistique !
Nouveau Barbier à Bordeaux par un Pelly le plus inspiré
LAURENT il magnifico !
Coproduction impressionnante entre le Théâtre des Champs-Elysées, l’Opéra National de Bordeaux, les Opéras de Marseille et de Tours, les Théâtres de la ville de Luxembourg et le Stadttheater de Klagenfurt, cette réalisation réussie voyage d’un bout à l’autre de la France et offre à son cast souvent des prises de rôle. Si bien le premier cast a offert au public Le Figaro puissant de Florian Sempey et le Bartolo idéal de Carlo Lepore, le deuxième cast possède une énergie et une fraîcheur qui convient plus à Rossini et à son Barbier.
Dépoussiérer un « classique » est une affaire délicate, il suffit d’avoir l’imagination débordante de Laurent Pelly. Finis les décors débordant d’ocres style pizzeria du Port d’Hyeres, les personnages telles des noires ou des blanches évoluent sur d’immenses feuillets de papier à musique et la portée devient tour à tour balcon, prison et rideau, une magnifique idée pour présenter l’ambiguïté des situations. Laurent Pelly développe dans ce Barbiere, le meilleur de son talent.
Face à cette mise en scène, en fosse l’extraordinaire Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine allie une richesse fabuleuse de couleurs et des timbres d’une justesse fascinante. Il faut reconnaître que c’est l’un des meilleurs orchestres de France. Grâce à l’aplomb des musiciens, on redécouvre des bijoux dans la partition de Rossini que l’on croyait connaître. Évidemment c’est aussi la direction vive et spirituelle de Marc Leroy-Calatayud qui imprime une belle énergie dans les tempi et une battue claire et raffinée. Son enthousiasme communicatif nous séduit, un talent à suivre absolument. Si Marc Leroy-Calatayud réussit avec simplicité à polir une des partitions les plus jouées au monde, vite qu’on lui donne des raretés pour qu’il leur donne un souffle nouveau !
Cependant, la fosse surélevée n’aide aucunement à la balance entre les chanteurs et la salle. Souvent on entend davantage l’orchestre et c’est bien dommage, surtout pour un cast de jeunes solistes.
Or, nous retrouvons une belle équipe, dont certains profils se détachent nettement. Adele Charvet est une Rosine idéale. Tour à tour garçon manqué et femme de poigne, elle sait jouer son rôle à merveille avec une voix dont les graves de velours nous enveloppent dans une ravissante pelisse d’une musicalité inégalable.
De la même sorte, Anas Seguin campe un Figaro tout en finesse et avec l’énergie picaresque qui sied à merveille au rôle. Sa voix au timbre riche et brillant nous offre un « Largo al factotum » d’anthologie. Un immense artiste à suivre.
Le Basilio de Dimitri Timoshenko a un timbre aux beaux graves mais reste quelque peu timide notamment dans l’inénarrable air de la calomnie.
Nous retrouvons au début de l’opéra le Fiorello de Romain Dayez, qui a la voix et l’énergie pour être un Basilio d’exception. Souhaitons l’entendre bientôt dans un rôle qui nous offre toute l’entendue de sa musicalité.
Dans le petit rôle de Berta, Julie Pasturaud est incroyable. Le seul air du personnage, qui, habituellement est anecdotique, est une petite merveille dans son interprétation. La voix est belle, colorée dans toute son étendue. Vivement une prochaine rencontre avec ce talent.
Dans les rôles de pantomime d’Ambrogio et du Notaire, le comédien Aubert Fenoy excelle dans l’art de faire rire sans artifices. Ses interventions sont remarquées, notamment à l’entracte. La subtilité de son jeu nous rappelle dans la précision de son geste, le comique naturel de Charles Chaplin.
Hélas, nous ne pouvions pas passer outre Elgan Llyr Thomas qui offre à Almaviva une incarnation tout juste physique. Si certaines couleurs semblent belles, l’émission est très diminuée par un souffle inégal. Ce qui est dommage c’est que toutes les vocalises manquent de naturel et de légèreté. C’est bien dommage pour un rôle aussi important. De même, le Bartolo de Thibault de Damas reste vocalement assez peu investi alors que théâtralement il se révèle un interprète intéressant.
En somme nous saluons la belle scénographie imaginée par Laurent Pelly et son équipe et les étoiles montantes de cette distribution, gageons que leur avenir est pavé de productions qui nous offriront leur éclat et l’étendue de leur talent.
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COMPTE-RENDU, opéra. BORDEAUX, Grand Théâtre, le 11 fév 2019. ROSSINI : Il Barbier di Siviglia. Pelly / Leroy-Calatayud.
Gioachino Rossini – Il Barbiere di Siviglia / Le Barbier de Séville
Conte Almaviva – Elgan Llyr Thomas
Rosina – Adèle Charvet
Figaro – Anas Seguin
Don Bartolo – Thibault de Damas
Don Basilio – Mikhail Timoshenko
Berta – Julie Pasturaud
Fiorello – Romain Dayez
Ambrogio / Notario – Aubert Fenoy
Un Ufficiale – Loïck Cassin
Choeur de l’Opéra National de Bordeaux
Orchestre National Bordeaux-Aquitaine
Direction: Marc Leroy-Calatayud
Mise en scène: Laurent Pelly
Illustrations : © Maitetxu Etchevarria / Opéra National de Bordeaux 2019