COMPTE-RENDU, critique opéra. PARIS, Bastille, le 5 mars 2020. MASSENET : MANON. Yende / Bernheim. Après Bordeaux, le ténor Benjamin Bernheim reprend le rôle du Chevalier Des Grieux à Bastille, amoureux transi de la belle Manon ; mais trahi par elle, il devient l’abbé de Saint-Sulpice, avant de retomber dans les bras de celle qui n’a jamais cessé de l’aimer… Récemment auréolé d’une Victoire de la musique (fév 2020), le chanteur incarne efficacement le personnage dont l’abbé Prévost, premier auteur avant Massenet, souligne la candeur, l’innocence voire une certaine naïveté …fatale. Le ténor reviendra, pour la saison prochaine 2020-2021, à Bastille aussi, incarnant FAUST de Gounod.
Saluée à Paris sur la même scène dans Lucia di Lammermoor (oct 2016), La Traviata en sept 2019 avec déjà B.Bernheim comme partenaire, Pretty Yende incarne Manon faisant rayonner son art coloratoure enchanteur au profit d’une nouvelle prise de rôle rafraîchissante qui manque cependant d’implication textuelle : pas assez articulée, parfois inintelligible, la jeune diva sud-africaine manque sa partie à cause d’une mauvaise diction du français et un format qui paraît parfois sous dimensionné pour le rôle (air du Cours la Reine, et graves inaudibles). Pourtant le caractère est présent et la sincérité du chant, toujours intacte. On est quand même loin des Beverly Sills ou Ileana Cotrubas, voire récemment sur cette même scène, Renée Fleming. Tout cela manque et d’épaisseur et d’émotions. Parmi les seconds rôles, Ludovic Tézier (Lescaut) culmine par sa bravoure racée, onctueuse (un rien trop paternel pour le cousin de Des Grieux), comme Rodolphe Briand (fin Guillot de Mortfontaine, vraie incarnation de l’esprit du Paris Louis XV).
Manon en meneuse de revue
Hélas, le chef Dan Ettinger aborde Massenet comme une rutilante tapisserie néobaroque, pompe et puissance pompier en prime : les voix sont couvertes, les chœurs saturés, et la direction privilégie l’effet sur la respiration. Le ballet néo Versaillais pétille et ronfle à souhait façon revue musicale. Quant à la scène où Manon fait la reconquête de son ex amant devenu abbé, la musique verse des rubans de suavité sirupeuse. La caricature n’est pas loin. Encore une direction surdimensionnée qui affecte la perception du Massenet, subtil peintre des sentiments. D’autant qu’à la subtilité d’un XVIIIè pourtant élégant et parisien dans la partition, le metteur en scène de la nouvelle production parisienne, Vincent Huguet, ex collaborateur de Patrice Chéreau, préfère l’ivresse des Années Folles qui fait de Manon, une meneuse de revue, la véritable reine du Paris libéré. Ce parti pris aux réalisations Art Déco très esthétisantes, n’empêche pas confusion et méli-mélos dans la scénographie et la lisibilité de certaines situations (la fin de la courtisane mourante.…). Les inserts de Joséphine Baker (comme si l’on avait pas compris le parallèle Baker / Manon) coupe la continuité de l’œuvre originelle et finissent par agacer. L’époque est au zapping, au redécoupage, au saucissonage, quitte à dénaturer la partition d’origine. Soit. La production vaut surtout par le duo des chanteurs dans les deux rôles protagonistes. Attention B. Bernheim / P. Yende ne chantent pas sur toutes les dates ; ils sont remplacés par d’autres solistes. Voir le site de l’Opéra Bastille afin d’identifier la distribution qui concerne la date requise. Illustrations : photos ONP © J Benhamou
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LIRE aussi notre présentation de MANON de MASSENET
http://www.classiquenews.com/nouvelle-manon-de-massenet-a-bastille/
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VIDEO : voir le teaser MANON de MASSENET / Opéra Bastille / Yende, Bernheim – mars 2020
https://www.youtube.com/watch?v=1bMXcG8_Nys&feature=emb_logo
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