jeudi 28 mars 2024

Vienne. Musikverein, le 1er janvier 2012. Concert du Nouvel An. Wiener Philharmoniker. Mariss Jansons, direction.

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Concert du Nouve An
à Vienne 2012


1er janvier 2012




Musikverein, Vienne


Mariss Jansons embrase le Muskverein


Pour son retour à la tête des instrumentistes de l’Orchestre Philharmonique de Vienne, le chef letton Mariss Jansons presque septuagénaire (né en 1942), déjà venu en 2006, renouvelle sa prouesse musicale, entre tempérament, finesse, séduction; doué d’une remarquable subtilité hagogique, le chef qui a fait ses classes avec les légendaires Evgeny Mravinsky ou Herbert von Karajan, défend un programme éclectique; traditionnel, faisant évidemment la part belle aux oeuvres de l’immense Johann Strauss II, mais capable aussi de facéties et de nouveautés; deux marteaux dans les mains, frappant deux enclumes pour faire rebondir la vitalité rythmique d’une polka lente donc « française » de Josef Strauss, (polka feu d’artifice) le chef percussionniste dirige le choeur de garçons des Petits Chanteurs de Vienne… C’est l’un des tableaux imprévus du Concert du Nouvel An à Vienne ce 1er janvier 2012.


Petits chanteurs, Tchaïkovski, Josef Strauss: un concert qui se renouvelle…

C’est d’ailleurs la première fois que les jeunes chanteurs sont associés au concert du Nouvel An de Vienne; la maîtrise viennoise l’une des plus anciennes d’Europe, fondée en 1498, chante, depuis la tribune d’orgue du Musikverein, la Tritsch-Tratsch polka schnell, op.214 de Johann II.

Même nouveauté absolue et pourtant d’une pertinence évidente, l’association de Tchaïkovski, compositeur que Mariss Jansons, très féru en matière de répertoire russe, a abondamment interprété à Saint-Pétersbourg (où il continue de vivre). L’ex assistant d’Evgeny Mravinsky, apporte à Vienne la séduction d’un Tchaïkovski aussi bon compositeur de valses et orchestrateur raffiné que les frères Strauss, Johann et Josef. Chef et maestro jouent deux extraits de La Belle au bois dormant dévoilant la parenté esthétique entre les valses viennoises et le ballet du compositeur russe (créé à Saint-Pétersbourg en 1890).

Programme ciselé

Chaque année, le Concert du Nouvel An à Vienne doit sa réussite à une succession d’épisodes contrastés et diversifiés: les seuls morceaux musicaux alternent valses proprement dites, polkas rapides et lentes (dites « française » dont Josef Strauss s’est fait une spécialité), les polkas mazurkas, les marches et aussi les galops. C’est toute une esthétique de la Vienne impériale qui ressurgit avec d’autant plus de force que le Ballet de l’Opéra de Vienne (dirigé par le français Dominique Meyer) participe au spectacle; cette année à trois reprises: dans la seconde partie du programme très généreux; d’abord pour la grande valse Les joies de la vie (Johann II) où les danseurs habillés de soie orange miment une partie de colin-maillard; puis c’est le rythme à trois temps d’une polka mazurka plutôt lente « amour brûlant » de Josef qu’un couple donne vie au fameux tableau de Gustav Klimt, « le baiser »: à nouveau Josef Strauss mort subitement à 43 ans, et très admiré de son frère ainé Johann II, donne la mesure de son génie mélodiste, ici entre raffinement de l’instrumentation et pudeur de l’écriture; enfin ce sont tous les danseurs du Ballet qui se retrouvent pour le désormais rituel et irrésistible Beau Danuble Bleu, en fin de cycle: en soie cyan et azur vert, conforme à la couleur de la valse la plus célèbre de Johann II, les danseurs montent le grand escalier blanc crème du Pavillon du Belvédère, l’un des palais baroques (néoversaillais) les plus emblématiques de Vienne: c’est d’ailleurs dans les salles des collections de peintures (où l’on aperçoit entre autres les fameux Klimt) que les danseurs évoluent avec un sens maîtrisé de la cadence, leurs arabesques fluides donnant corps à la musique faite grâce et mesure.

Vienne la magnifique

La réalisation fait réfléchir; en plus de la qualité du programme musical, il s’agit d’un concert parmi les plus médiatisés du monde, où toutes les forces vives viennoises font la démonstration de leur attractivité: musiciens du Wiener Philharmoniker, danseurs de l’Opéra de Vienne, compositeurs viennois de prestige et depuis quelques années, emblème de ce kitsch cathodique d’une surprenante séduction, visages de la ville et de l’architecture de Vienne: escaliers et dorures de l’Hôtel de ville néogothique (Rathausball-Tänze, waltz, op.438 de Johann II: c’est effectivement à partir de 1890 que les fameux bals de Vienne ont lieu dans la grande salle des fêtes de l’Hôtel de ville de Vienne où sont jouées les oeuvres des Strauss entre autres); de même, l’Albion polka de Johann II permet d’admirer la façade blanche du palais de Saxe Cobourg, composée dans le style néogrec, d’une double galerie colonnade: c’est le berceau de la famille du Prince époux de Victoria); le point d’honneur du programme 2012 demeure le choix du Belvédère où toutes les séquences dansées ont été tournées; en plus de l’évolution des danseurs, de l’élégance de l’orchestre dont les qualités sont indiscutables, voici que toute la culture viennoise s’invite à ce qui est désormais une superbe carte postale vantant les mérites touristiques de Vienne; où voit-on ailleurs des danseurs sauter et tourner au milieu des chefs d’oeuvres de la peintures anciennes et modernes? Au Louvre? Inimaginable!

Les Viennois osent chaque 1er janvier ce pari insensé dont les retombées en terme d’image sont inestimables. D’autant plus que la capitale autrichienne a récemment été élue, ville où la qualité de vie est la plus élevée! Voilà qui devrait donner des idées aux autres capitales européennes. Regrettons que sur ce point la France soit à la traîne: cette année, les touristes étrangers venus fêter le passage à 2012 sur « la plus belle avenue du monde » restaient déçus qu’il n’y ait ici ni musique ni feux d’artifices. A quand un concert du Nouvel An d’une telle qualité d’enchantement: ce n’est pas les musiques légères et ciselées signées Offenbach ou Lecocq entre autres qui manquent… Peut-être un orchestre chevronné capable de relever le défi!?

Si Paris veut garder son monopole de première capitale touristique mondiale, il faudra bientôt imaginer un nouveau rituel fédérateur de ce type, de surcroît télédiffusé à l’échelle internationale (et Internet alors? )… Après Vienne, Venise n’a pas attendu son heure: en partenariat avec la chaîne Arte, La Fenice retransmet désormais son « concert du nouvel an », cette année bel canto et choeurs verdiens sous la baguette du jeune chef vénézuélien à suivre, Diego Matheuz, créent l’événement… Il semble que les capitales culturelles en Europe jouent leur image planétaire à grands coups musicaux et médiatiques. Alors Paris?


Reste que ce 1er janvier 2012, Vienne séduit par son sens de l’apparat, du faste… et de la subtilité.
Facétieux (quand il fait paraître un énorme réveil sonnant l’alarme à la fin de la tic tac polka de Johann II) et doué de nuances enchanteresses, le chef letton Mariss Jansons, à l’épreuve de l’élégance viennoise, convainc sans faiblir : la marche persane de Johann II ou le Valse délire de son frère Josef captivent d’un bout à l’autre par la précision des attaques, la couleur, le brio, la finesse et la délicatesse des dynamiques (qu’on a tort de parler toujours et encore de clinquant et de sucreries.. qui peut jouer les valses viennoises avec autant de feu nerveux et de sensibilité suggestive?) ; le programme défendu cette année est beaucoup plus novateur comme nous l’avons signalé (présence de Tchaïkovski, participation des Petits Chanteurs de Vienne…) que le commentateur de France 2 ne le dit: aux côtés des oeuvres de la dynastie Strauss: le père (Johann I), les 3 fils (Johann II, Josef et Edouard), désormais incontournables, le chef sait encore dévoiler quelques perles méconnues d’un répertoire qui semble inépuisable: la danse diabolique de Joseph Hellmesberger; le galop hommage au chemin à vapeur : Steam Railway du danois Hans Christian Lumbye (clin d’oeil à la prochaine présidence de l’Union européenne par le royaume du Danemark) ou ce panorama revisité de Carmen de Bizet par le cadet des Strauss, Edouard. C’est d’ailleurs à partir de cet esprit du pot pourri, riche en références et citations que Mariss Jansons a bâti son programme. Plusieurs oeuvres citent d’autres morceaux plus connus offrant selon le concept de la réminiscence ou de la variations tout un monde sonore riche en allusions expressives. Pour conclure, après Le Beau Danube Bleu (scénarisé avec un couple de touristes venu visiter le Belvédère! : quelle meilleure invitation à l’adresse de tous les esthètes et mélomanes du monde entier pour venir à Vienne?), et donc sur les premières mesures amorcées, les bon voeux du maestro et des instrumentistes, c’est enfin la marche de Radetzky qui conclue le concert, offrant au public spectateur sous les lustres de la Salle dorée du Musikverein, l’occasion de participer activement à l’événement de musique classique le plus regardé au monde. Chapeau pour le chef invité, chapeau pour la réalisation télévisuelle qui nous est offerte. Les jaloux aigris disent: kitscherie !; les mélomanes comblés, comme nous, applaudissent en reconnaissant le caractère unique et décidément excellemment rodé du programme. L’année prochaine pour le 1er janvier 2013, c’est le chef Franz Welser Möst (déjà invité) qui succède à Mariss Jansons. Nos places sont déjà réservées.

Vienne. Grosser Saal, Musikverien, le 1er janvier 2012. Concert du Nouvel An. Valses, Polkas, galops, marche, extraits de Joahnn Strauss I et II, Josef et Edouard Strauss, Carl Michael Ziehrer, Joseph Hellmesberger, Piotr Illytch Tchaïkovski. Wiener Philharmoniker. Mariss Janssons, direction

Concert du Nouvel An à Vienne, 1er janvier 2012

Johann Strauss / Josef Strauss
Vaterländischer Marsch

Johann Strauss
Rathausball-Tänze, waltz, op.438
Entweder-oder!, polka schnell, op.403
Tritsch-Tratsch polka schnell, op.214

Carl Michael Ziehrer
Wiener Bürger, op.419

Johann Strauss
Albion Polka, op.102

Josef Strauss
Jockey Polka, polka schnell, op.278

Joseph Hellmesberger
Danse diabolique

Josef Strauss
Künstler-Gruss, polka française, op.274

Johann Strauss
Freuet euch des Lebens, waltz, op.340

Johann Strauss (père)
Sperl Galopp, op.42

Hans Christian Lumbye
Steam Railway, galop

Josef Strauss
Feuerfest, polka française, op.269

Eduard Strauss
Carmen-Quadrille

Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Panorama, from ‘The Sleeping Beauty’
Waltz, from ‘The Sleeping Beauty’

Johann Strauss / Josef Strauss
Pizzicato Polka, op.25

Johann Strauss
Persian March, op.289

Josef Strauss
Brennende Liebe, polka mazur, op. 129
Delirien, waltz, op.212

Johann Strauss
Donner und Blitz, polka

Johann Strauss
Tik-Tak, polka schnell, op.365, after motifs from ‘Die Fledermaus’

Ballet de l’Opéra de Vienne
Orchestre Philharmonique de Vienne

Mariss Jansons, direction

cd et dvd du concert du Nouvel An

Tous les concerts du Nouvel An à Vienne sont enregistrés par Decca et Deutsche Grammophon. Sélection des meilleures éditions:
Concert du Nouvel An à Vienne

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