vendredi 19 avril 2024

CD, événement. Denis Matsuev, piano : Rachmaninov, Stravinsky, Shchedrin (1 cd Mariinsky)

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CLIC D'OR macaron 200CD, événement. Denis Matsuev, piano : Rachmaninov, Stravinsky, Shchedrin (1 cd Mariinsky). Versatile mais pas artificiel, le piano de Denis Matsuev impose avec un style irrésistible sa furia interprétative : un volcan, un dragon capable d’audace et d’intériorité. Ce programme moins éclectique qu’il n’y paraît, Rachamaninov, Stravinsky, Shchedrin en témoigne : la puissante magie du sorcier Matsuev s’y déverse et y cisèle une digitalité sûre, électrique, d’une prodigieuse assurance, combinant, expressivité et poésie.

Fluidité et virilité du Concerto n°1 de Rachmaninov : nervosité scintillante, un feu d’une rare vitalité grâce à un toucher alliant énergie et ductilité. La vélocité digitale dont est capable Denis Matsuev, ne sacrifiant jamais la finesse allusive sur l’autel de la facile virtuosité, s’impose à nous dans ce premier volet dont il sait exprimer toutes les nostalgies et les langueurs à peine tenus assumées par l’expatrié Rachma,toujours profondément tenté par le démon des gouffres lisztéens (dernière séquence du I « Vivace »).

matsuev denis review compte rendu classiquenews CLIC de classiquenews compte rendu critique Cover_MAR0587_1024x1024Dans sa version tardive de 1949, le Capriccio pour piano et orchestre de Stravinsky prépare à la mécanique apocalytique de Shchedrin, par sa coupe syncopé, ses accents tragico-cyniques auxuquels Matsuev aime à ciseler mais sans dureté chaque trait incisif. Là encore, la maîtrise expressive et suggestive, la mise en place assurée par le maestro Gergiev, un partenaire fiable assurant la réussite de ses deux artistes en pleine complicité, contribuent à la grande séduction du morceau, formidable mouvement de bascule permanent entre tragique et comique ; s’y insinuent évidemment la morsure du cynisme, de l’angoisse rentrée, la peur et le visage de toutes les terreurs politiques, proches en cela de Chostakovitch. Sérieux, insouciant, fantaisiste ou profond… tout l’art de l’insaisissable Stravinsky est magistralement exprimé. L’andante Rapsodico et ses délires néobaroques ou néoclassiques aprofondit encore la portée d’autodérision et de satire à peine voilée. Le toucher précis, contrôlé du pianiste offre au mouvement, une grandeur tendre, une coloration de sincérité (malgré les masques que le compositeur aime y user jusqu’à l’écœurement), totalement irrésistible.

 

 

 

Rachmaninov, Stravinsky, Shchdrine, un triptyque de la modernité russe…

Piano fauve et allusif du félin Matsuev

 

 

matsuev denis piano russe classiquenewsLe Concerto pour piano n°2 de  Rodion Shchedrin (Chédrine, né en 1932) s’impose plus encore par sa carrure de l’étrange, un cycle d’atmosphères et de climats qui perturbent et déstabilisent. L’opus composé en 1966 et dédié comme l’ensemble de ses 6 Concertos à son épouse la danseuse étoile Maïa Plissetskaïa (décédée en 2015) témoigne de l’inspiration contrastée, ardente, efficace de son auteur. Morsures hallucinées, et inquiétudes finales quasi murmurées (entre désespoir et renoncement total) de « Dialogues » (I); rythmicité mécanique d’Improvisations : allegro (très courts scherzo parfois grimaçant et sec) ; l’intériorité du compositeur s’affirme véritablement dans le dernier et troisième mouvement noté « Contrastes : Andante – allegro » où le cadre là encore resserré, fait l’inventaire d’un champs de ruines, dévasté, criant d’effrayante vérité. Le piano à la fois funambule et comme hagard de Matsuev saisit par sa juste pudeur, introspective, ténue, mesurée où des gouffres s’ouvrent sans filet, contrastant avec des séquences jazzy d’une inconscience / insouciance d’autant plus inquiétante que la dualité des deux climats paraît bien être le miroir de notre époque : déni collectif des sociétés consommatrices et violence barbare en plein expansion… tout le mouvement dernier tire sa force hypnotique du contraste né des deux styles. Shchedrin a ressenti le dérèglement profond de notre société dans un Concerto déconcertant à bien des égards. Déstabilisant mais terriblement éloquent. La musique nous tend le miroir… ce que nous  voyons, grâce au pianiste en transe, relève de l’horreur absolu. Le récital, conçu tel le triptyque de la modernité russe captive du début à la fin. Le piano fauve et allusif du félin Mastuev saisit par sa précision, son mordant, sa justesse, sa maturité et sa musicalité. CLIC de classiquenews de janvier 2016.

CD, événement. Denis Matsuev, piano : Rachmaninov (Concerto pour piano n°2, version de 1917), Stravinsky (Capriccio pour piano et orchestre, version de 1949), Shchedrin (Concerto pour piano n°2). Mariinsky Orchestra. Valery Gergiev, direction – Enregistrement réalisé en 2014 (Rachma), avril 2015 à Saint-Petersbourg, Mariinsky Theatre Concert Hall – 1 cd SACD Mariinsky MARO 587.

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