lundi 7 octobre 2024

CD, critique. Jean-Philippe Rameau : Les Indes galantes (Vashegyi, 2018, 2cd Glossa)

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rameau-indes-galantes-gyrorgy-vashegyi-cd-glossa-critique-cd-classiquenews-opera-baroqueCD, critique. Jean-Philippe Rameau : Les Indes galantes (Vashegyi, 2018, 2cd Glossa). Certes voici une version annoncée comme d’importance, – de 1761 ; affaire de spécialistes et de chercheurs (Prologue plus ramassé, inversion dans l’ordre des entrées). Vétilles de musicologues. Ce qui compte avant tout et qui fait la valeur de la présente production (créé au MUPA de Budapest en février 2018), c’est assurément le geste sobre, souple, équilibré du chef requis pour piloter les solistes (plus ou moins convaincants), surtout le chœur et l’orchestre, – Purcell Choir et Orfeo Orchestra – deux phalanges créées in loco par le maestro György Vashegyi. Osons même écrire que ce dernier incarne pour nous, le nouvel étalon idéal dans la direction dédiée aux œuvres françaises du XVIIIè, celles fastueuses, souvent liées au contexte monarchique, mais sous sa main, jamais droite, tendue ni maniérée ou démonstrative. La sobriété et l’équilibre sont sa marque. Un maître en la matière.

 

 

le chef hongrois György VASHEGYI confirme qu’il est un grand ramiste
Intelligence orchestrale

 

 

 

D’abord, saluons l’intelligence de la direction qui souligne avec justesse et clarté combien l’opéra-ballet de Rameau est une formidable machinerie poétique et aussi dans son Prologue avec Hébé, une évocation tendre et presque languissante de l’amour pastoral ne serait ce que dans les couleurs de l’orchestre souverain, d’une formidable flexibilité organique grâce au geste du chef ; Vashegyi est grand ramélien jusqu’en Hongrie : il nous rappelle tout ce qu’un McGegan poursuit en vivacité et fraîcheur en Californie (Lire notre critique de son récent enregistrement du Temple de la Gloire de Rameau, version 1745, enregistré à Berkeley en avril 2017).
S’agissant de György Vashegyi, sa compréhension des ressorts de l’écriture symphonique, les coups de théâtre dont le génie de Rameau sait cultiver l’effet, entre élégance et superbe rondeur, fait merveille ici dès l’entrée en matière de ce Prologue donc, qui est un superbe lever de rideau ; on passe de l’amour enivré à l’appel des trompettes et du front de guerre… les deux chanteurs Hébé et Bellone, sont dans l’intonation, juste ; fidèles à la couleur de leur caractère, MAIS pour la première l’articulation est molle et l’on ne comprends pas 70% de son texte (Chantal Santon) ; quand pour le baryton Thomas Dollié, que l’on a connu plus articulé lui aussi, le timbre paraît abimé et usé ; comme étrangement ampoulé et forcé. Méforme passagère ? A suivre.
A l’inverse, le nerf et la vitalité dramatique de l’orchestre sont eux fabuleux. Il y a dans cette ouverture / Prologue, à la fois majestueuse et grandiose, versaillaise,  pompeuse et d’un raffinement inouï, cette ivresse et cette revendication furieuse que défend et cultive Rameau avec son sens du drame et de la noblesse la plus naturelle : György Vashegyi l’a tout à fait compris.

Chez Les Incas du Pérou (« Première entrée »), la tenue du choeur et de l’orchestre fait toute la valeur d’une partition où souffle l’esprit de la nature (airs centraux, pivots  «Brillant soleil » puis après « l’adoration du soleil », air de Huascar et du chœur justement : « Clair flambeau du monde » , la force des éléments (tremblement de terre qui suit)… indique le Rameau climatique doué d’une sensibilité à peindre l’univers et la nature de façon saisissante. Heureusement que le chœur reste articulé, proche du texte. ce qui n’est pas le cas du Huascar de Dollié, là encore peu convaincant. Et la phani « grand dessus » plutôt que soprano léger (version 1761 oblige) ne met guère à l’aise Véronique Gens.
Jean-François Bou, Osman d’un naturel puissant, associé à l’Emilie bien chantante de Katherine Watson, est le héros du Turc généreux (« Deuxième entrée ») ; son engagement dramatique, sans forcer, gagne une saine vivacité grâce à l’orchestre impétueux, électrisé dans chaque tableau allusif : tempête, marche pour les matelots de provence, et les esclaves africains, rigaudons et tambourins…
Enfin Les Sauvages, troisième et dernière entrée, doit à l’orchestre son unité, sa cohérence dramatique, une verve jamais mise à mal qui électrise là encore mais avec tact et élégance la danse du grand calumet de la paix, puis la danse des Sauvages, avant la sublime Chaconne, dans laquelle Rameau revisite le genre emblématique de la pompe versaillaise.
Par la cohésion sonore et expressive de l’orchestre ainsi piloté, se détache ce qui manquait à nombre de lectures précédentes, un lien organique entre les parties capables de révéler comme les volet d’un vaste triptyque (avec Prologue donc) sur le thème de l’amour galant, selon les latitudes terrestres. Au Pérou, en Turquie et aux Amériques, coule un même sentiment éperdu, alliant convoitise, désir, effusion finale.

 
 

 
 

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CLIC_macaron_2014La lecture confirme l’excellente compréhension du chef hongrois, son geste sûr et souple, rythmiquement juste, choralement maîtrisé, orchestralement articulé et précis. La tenue des voix – volontairement assumées « puissantes » posent problème pour certaines d’entre elles car outrées, affectées ou totalement inintelligibles. Depuis Christie, on avait compris que le baroque français tenait sa spécificité de l’articulation de la langue… Souvent le texte est absent ici. On frôle le contresens, mais cela pointe un mal contemporain : l’absence actuelle d’école française de chant baroque. Ceci est un autre problème. Cette version des Indes Galantes 1761 mérite absolument d’être écoutée, surtout pour le geste généreux du chef. Malgré nos réserves sur le choix des voix et la conception esthétique dont elles relèvent, la vision globale elle mérite un CLIC de classiquenews.

 
 

  

 
 

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CD, critique. Jean-Philippe Rameau : Les Indes galantes, ballet héroïque (1735) / Version de 1761 

 
Chantal Santon-Jeffery : Hébé, Zima
Katherine Watson : Emilie
Véronique Gens : Phani
Reinoud Van Mechelen : Dom Carlos, Valère, Damon
Jean-Sébastien Bou : Osman, Adario
Thomas Dolié, : Bellone, Huascar, Dom Alvar
Purcell Choir
Orfeo Orchestra
György Vashegyi, direction
Glossa / Référence GCD 924005 / durée 2h3mn / parution annoncée le 1err mars 2019

 

 

 

 

 

 

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