COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. GENEVE, le 15 dĂ©c 2019. RAMEAU : Les Indes Galantes. L Steier / LG Alarcon. Après avoir dĂ©fendu l’œuvre Ă l’opĂ©ra Garnier de Paris (sept 2019, lecture iconoclaste et vide de sens de ClĂ©ment Cogitore), – proposition marquante par son dĂ©ficit de cohĂ©rence sur le plan scĂ©nique, riche en effets gadgets, pauvre en lecture forte, dĂ©truisant l’unitĂ© poĂ©tique de Rameau et l’insolence de sa musique, revoici l’opĂ©ra-ballet, les Indes Galantes par le chef argentin Leonardo GarcĂa AlarcĂłn, Ă Genève cette fois, et autrement plus cohĂ©rent, mĂŞme si la mise en scène de Lydia Steier met Ă mal le cadre de l’œuvre baroque. Sa FlĂ»te enchantĂ©e Ă Salzbourg (2018) n’avait guère convaincu. Plus d’épisodes indĂ©pendants des uns des autres, mais une seule action dans un seul lieu (un théâtre ravagĂ©) oĂą une troupe apeurĂ©e, rĂ©fugiĂ©e en pleine guerre tente de divertir les combattants qui de temps Ă autre, surgissent, plus brutaux et sordides que jamais.
Rameau es-tu lĂ ?
Les ballets et divertissements deviennent dérivatifs salvateurs; faire l’amour plutôt que la guerre. Pour convaincre davantage et mieux servir son propos, la scénographe se fait dramaturge et recompose l’ordre de certaines scènes originales : il est vrai que l’unité originelle des partitions n’a plus lieu et les metteur(e)s en scène défont ce qui a été conçu avec réflexion et sensibilité avant eux. Coupant la sublime Chaconne utlime (le plus morceau de la partition), Lydia Steier rejoint ici ce que fait l’iconoclaste Tcherniakov qui réécrit les relations des personnages ou change carrément la fin des oeuvres (!). Ici la belle et aimante Zima triomphe mais timidement car son grand air (Régnez) est écarté, pour une conclusion grise, bancale (danse du calumet de la paix sous la neige). Là encore, il faut intellectuellement être honnête et afficher non pas les Indes Galantes de Rameau, mais les Indes galantes version Steier, d’après Rameau.
Le divorce avec la fosse et la musique est d’autant plus fort que les musiciens sont très honorables. Davantage qu’à Paris, moins artificiels et contraints, malgré le diktat imposé par Steier et sa vision trop subjective. Parmi les chanteurs, saluons surtout le naturel articulé, nuancé de Valère grâce à l’excellent Cyril Auvity (récemment remarquable Furie dans Isis de Lully).
Bel engagement aussi pour Kristina Mkhitaryan qui apporte à ses rôles, Hébé / Zima, une nouvelle profondeur émotionnelle, délectable. Sans omettre l’articulation tout aussi naturel qu’Auvity, de la basse Renato Dolcini (Osman / Adario), naturellement chantant, au français impeccable. Vous l’aurez compris : non à cette mise en scène irrespectueuse ; oui à l’implication plus fine des musiciens.
________________________________________________________________________________________________
Photos : © Magali Dougados / service presse Gd Théâtre Genève 2019
RAMEAU : Les Indes Galantes
Opéra-ballet en un prologue et 4 entrées
Livret de Louis Fuzelier
Version de 1736
Mise en scène : Lydia Steier
Hébé / Emilie / Zima : Kristina Mkhitaryan
Bellone / Osman / Adario : Renato Dolcini
Huascar / Don Alvar : François Lis
Amour / ZaĂŻre : Roberta Mameli
Valère / Tacmas : Cyril Auvity
Phani : Claire de Sévigné
Don Carlos / Damon : Anicio Zorzi Giustiniani
Fatime : Amina Edris
Ali : Gianluca Buratto
Grand Théâtre de Genève, Ballet, Chœur
Cappella Mediterranea / Leonardo GarcĂa AlarcĂłn, direction
________________________________________________________________________________________________
COMPTE-RENDU, critique, opéra. GENEVE, le 15 déc 2019. RAMEAU : Les Indes Galantes. L Steier / LG Alarcon.