vendredi 19 avril 2024

Verdi: Macbeth (Covent Garden, 2011). Lloyd, Keenlyside1 dvd Opus Arte

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Verdi: Macbeth (Keenlyside, Loyd, Pappano, 2011).
Après avoir tué Banco, puis la famille de Macduff, les Macbeth ressentent l’horreur de leurs actions commises. Tuer pour régner. En cela, Lady Macbeth est dès sa première scène (celle de la lettre que lui adresse son époux Cawdor), est un dragon prêt à rugir pour dévorer… et littéralement poignarder.
Mais ce couple d’intrigants est lui-même manipulé par la horde terrifiante des sorcières qui prophétisent afin d’exciter Macbeth et sa femme.
Désormais, les bourreaux deviennent victimes: et à partir de la fin du II, au moment du banquet du couronnement, quand les convives prennent conscience de la folie psychique du couple régnant, tout bascule au III puis au IV: désormais l’ascension cède le pas au gouffre infernal: à la fin du III, les criminels redoublent d’actions sanguinaires, en vain; c’est la folie coupable et sombre de Macbeth et la mort de son épouse, après sa scène de somnambulisme effrayant (scène 2, IV).
La révolte gronde contre l’usurpateur: c’est le peuple oppressé, comprenant de nombreux réfugiés, conduit par le jeune Malcolm, capitaine anglais, qui fait entendre la plainte populaire et surtout son désir de vengeance , car son père Banquo, ancien compagnon d’armes de Macbeth (et complice de ses premiers faits d’armes) a été sauvagement assassiné et jeté dans la chapelle où gît le cadavre du roi Duncan… ; très vite la guerre opposant les troupes de Macbeth aux hommes de Macduff et de Malcolm, tourne à l’avantage de ce dernier: Macbeth tué, Malcolm est couronné roi d’Ecosse.


Course sanguinaire

Aux querelles politiques et aux affrontement des clans, Verdi oppose avec génie le portrait d’un couple d’intrigants criminels prêts à tout, osant l’inimaginable et l’horreur, quitte à perdre toute raison; bientôt la culpabilité, le remords, la folie ronge ces coeurs pathétiques. Leur souffrance les rend humain et très vite, ils sont balayés par de nouveaux dominants.

Fidèle à Shakespeare, Verdi sait développer les vertiges fantastiques de la partition: à deux reprises les sorcières paraissent, au début sur la lande ventée, pour annoncer à Macbeth son ascension; excitant très habilement son orgueil et sa félonie; puis au début du III, en une nuit de tempête terrifiante, les harpies d’épouvante, prédisent la fin de la gloire et la mort de celui qui se croyait invincible.
La figure de Lady Macbeth est tout autant vertigineuse: solaire, triomphatrice au début du II (air de la lettre), elle finit errante, hallucinée et défaite en ombre suicidaire au IV: quelle déchéance! d’unb out à l’autre, le spectacle londonien permet de comprendre et de mesurer chaque enjeu de chaque scène. Le souci de vraisemblance théâtrale est particulièrement bénéfique.


Superbe réalisation visuelle et dramaturgique

La production londonienne est une réussite exemplaire sur le plan visuel: elle a d’ailleurs réussi une captation live dans les salles obscures tant la précision et le raffinement de la réalisation, l’esthétique des décors et des tableaux, sont… cinématographiques. A cela se joint une réalisation vidéo elle aussi superlative où l’on ne manque rien des regards en plans rapprochés, de la force des scènes collectives, avec préservés pour l’entendement du spectateur, le relief de certains détails qui font l’essentiel: comme la lettre qu’adresse Macbeth à son épouse, tenue, portée par le corps des sorcières, dragon à multiples têtes, et qui déposé sur le lit de la future reine d’Ecosse, permet la continuité d’une scène à l’autre: l’intelligence de la dramaturgie et la cohérence visuelle de la scénographie se rélèvent ainsi et sont admirables.


Plateau vocal convaincant

Côtés solistes, le plaisir ne faiblit pas: Macbeth est bien cet être dévoré par l’ambition mais si lâche..; bête de scène, physique d’acteur et jeu toute en finesse introspective, le baryton Simon Keenlyside compense parfois son manque d’ampleur (aigus verrouillés) par une incarnation très subtile, troublante, contradictoire, humaine grâce aussi à des couleurs et un sens du phrasé remarquables (qui lui ont valu la qualité de ses Posa ou Orfeo). A ses côtés, Lady Macbeth offre une couleur toute aussi rauque et expressive grâce à l’engagement de la soprano slave Liudmyla Monastyrska, puissante soprano dramatique et lyrique qui cependant ne possède pas la finesse ni le style de son partenaire: pourtant quand il faut finir le travail commencé par son mari faible, la terrifiante âme qui se voue dès le départ aux forces diaboliques ne manque ni d’aplomb vocal ni de lueurs lucifériennes. Les seconds rôles (comprimari) sont tous très convaincants, en particulier le Banquo de Raymond Aceto, vraie basse articulée qui donne un nouveau relief au personnage: saisi par l’horreur de son chef dont la folie va crescendo.
Les choeurs sont excellents, tous acteurs et parfaitement conduits: les sorcières sont mordantes, hallucinées sans excès. Magnifique travail.
Dans la fosse, Antonio Pappano fait du Pappano: électrique, torrentiel (dès l’ouverture joué sec et musclé), parfois massivf et couvrant les voix au risque de les forcer, le chef manque souvent de finesse, mais les amateurs de dramatisme intense et exacerbé seront eux ravis. A notre avis, s’il en faisait moins, le maestro serait d’une toute autre vérité (c’est d’ailleurs ce qui fait toute la réussite imprévue de son Werther récent, enregistré chez Deutsche Grammophon, avec au sommet du cast, un Rolando Villazon d’une rare finesse).

Quoiqu’il en soit, ne boudons pas notre plaisir: voici assurément l’une des meilleures productions du Royal Opera House. La production réalisée par Phyllida Lloyd y a été créée dès 2002. Le live ici édité par Opus Arte date du 13 juin 2011. La reprise et sa captation sont totalement justifiées. Production magistrale.

Verdi: Macbeth (1865). Covent Garden, le 13 juin 2011. Simon Keenlyside (Macbeth), Liudmyla Monastyrska (Lady Macbeth), Raymond Aceto (Banquo)… Royal Opera House Chorus & Orchestra. Antonio Pappano, direction. Phyllida Lloyd, mise en scène. 1 dvd Opus Arte. Ref OA 1063 D

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