OPERA EN LIGNE. Fragments, part I : TEODOR CURRENTZIS JOUE DES EXTRAITS DE LA TRAVIATA DE VERDI

currentzis confinement audio video TRAVIATA fragments critique annonce classiquenews opera critique reviewOPERA EN LIGNE. TEODOR CURRENTZIS JOUE DES EXTRAITS DE LA TRAVIATA DE VERDI. PUDEUR mortuaire et ciselée de Currentzis et de la soprano Nadezhda Pavlova. Pour conjurer les effets asphyxiants du confinement (et la fermeture des maisons d’opéras), le chef Teodor Currentzis et son orchestre MusicAeterna enregistrent plusieurs séquences intitulées « Fragments », à Saint-Petersbourg, dédiées à quelques scènes marquantes de l’opéra ; la première est révélée le 4 déc 20 sur youtube et incarne les derniers instants de La Traviata sur scène… Finesse, pudeur du prélude de l’acte III, aux vibrations arachnéennes qui expriment les attentes d’un cœur éprouvé, celui de la jeune courtisane Violetta Valery. Currentizs joue l’ouverture, puis la dernière scène (« Addio del Passato bei sogni ridenti ») , celle de la femme sacrifiée qui appelle dans son appartement parisien, sa servante « Annina » : malade, aux portes de la nuit, la jeune âme expirante est prête à mourir sur l’autel de la pensée hypocrite bourgeoise. Elle a dû renoncer au seul amour sincère qu’elle connut jamais, celui du jeune Rodolfo qu’elle a quitté à la demande du père de ce dernier, Germont.

 

 

 

NOIR tragique et romantique
La Traviata par Teodor Currentzis et Nadezhda Pavlova

 

 

 

Traviata-currentzis-pavlova-addio-del-passato-critique-opera-review-opera-critique-classiquenewsLa séquence est courte (18mn), filmée en noir et blanc, ralentis, effets d’ombre, serrant de près les instrumentistes et les chanteurs (jamais de face), du chef aux gestes amples, suspendus, dans des ténèbres persistantes et vaporeuses (pas d’issue pour la pêcheresse). Dans une atmosphère d’étuve, presque suffocante, Violetta et sa servante dialoguent comme deux aveugles dans le noir de la solitude et de la souffrance. Currentzis ralentit les tempi ; la prise valorise surtout le chant incarné, tragique « è tardi !… attendo, attendo… » de la soprano aux portes de la mort ; les phrasés sont ciselés, chaque mesure énoncée jusqu’au bout du souffle. La prière « Addio del passato » est comme syncopée (avec hautbois obligé), conçue comme l’ultime respiration d’une mourante (timbre clair et filigrané de la cantatrice Nadezhda Pavlova qui cependant gagnerait à articuler davantage l’italien), rêvant à sa dernière étreinte avec l’être qu’elle aurait jamais aimé vraiment.

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FRAGMENTS / Part I : La Traviata
Teodor Currentzis, MusicAeterna
Avec Nadezhda Pavlova (Violetta Valery, La Traviata) et Julia Saifulmuliukova (Annina)

 

 

 


VOIR la séquence vidéo LA TRAVIATA

/ « Addio del Passato bei sogni ridenti »
par Teodor Currentzis et Nadezhda Pavolova
https://teodorcurrentzis.lnk.to/traviata

 

 

 

 

 

 

REQUIEM de MOZART par TEODOR CURRENTZIS

CURRENTZIS-TEODOR-chef-maestro-reusiem-mozart-concert-paris-classiquenews-cd-critique-classiquenewsPARIS, Châtelet. MOZART : Requiem, dim 27 oct 2019, 15h. T CURRENTZIS. Chef iconoclaste et iconique de la nouvelle génération des baroqueux audacieux, le grec Teodor Currentzis s’est imposé par une radicalité artistique qui prolonge un Harnoncourt. Sa trilogie des opéras de Mozart / Da Ponte en témoigne. Comme dans un répertoire plus récent, sa 6è de Mahler, détone autant qu’elle convainc. Chez Mozart, saisit la fulgurance de vagues chorales, le quatuor dramatique, opératique des chanteurs solistes et surtout avant l’ère romantique, le voile de la mort. Il y faut une clarté absolue et aussi la gravité du lugubre qui saisit. Cet alliage a fait la réussite des meilleures lectures.

Teodor Currentzis fonde en 2004 l’Orchestre MusicAeterna, collectif sur instruments d’époque, auquel il adjoint le Chœur MusicAeterna, puis en 2018 Chœur MusicAeterna Byzantina ; ce qui permet d’aborder des œuvres ambitieuses pour grand effectif dont évidemment la musique sacrée.
Dans cette version du Requiem de Mozart, sujet d’une tournée de l’automne 2019 qui mène les artistes de Russie en Europe (France, Allemagne, Grèce…), le chef imprévisible cède aux combinaisons ailleurs « douteuses », aux collages hasardeux : spécificité du Chœur MusicAeterna, les hymnes byzantins sont intégrés au massif mozartien… au risque d’en rompre l’élan global, l’unité et la cohérence interne ? On a vu qu’une telle expérience s’est révélée plutôt malheureuse et négative dans le cas du dernier festival d’Aix (Requiem par Raphaël Pichon). Le Maestro intègre ici des chants byzantins traditionnels à la partition de Mozart. Une réinterprétation audacieuse ou déconcertante du Requiem de Mozart. A chacun de juger dimanche prochain.

 

 

 

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PARIS, Châtelet : REQUIEM de MOZARTboutonreservation
Dimanche 27 octobre 2019 à 15h
MusicAeterna
Teodor Currentzis

Sandrine Piau, soprano
Paula Murrihy, mezzo-soprano
Sebastian Kohlhepp, ténor
Evgeny Stavinsky, basse

Orchestre MusicAeterna
Chœur MusicAeterna
Chœur MusicAeterna Bizantina

 

 

 

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Pour justifier cette mise en dialogue des choeurs byzantins et de la musique du dernier Mozart, Teodor Currentzis précise :
Je pense que la musique ancienne d’Orient nous permet de voir la musique en général d’un point de vue différent. La musique orthodoxe grecque prend son origine dans cette musique ancienne, où on ne dit pas «je chante», mais où on utilise le mot « ψαλλω », « un psaume ». Il s’agit d’une façon tout à fait différente de communiquer, avec un but différent. ».

 

 

 

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LIRE aussi notre critique du cd 6è de MAHLER par Teodor Currentzis
https://www.classiquenews.com/cd-evenement-critique-mahler-symphonie-n6-musicaeterna-teodor-currentzis-moscou-juillet-2016-1-cd-sony-classical-clic-de-classiquenews-de-decembre-2018/

LIRE aussi notre critique du cd 6è de TCHAIKOVSKI par Teodor Currentzis
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-tchaikovski-symphonie-n6-pathetique-musicaeterna-teodor-currentzis-1-cd-sony-classical-2015/

LIRE aussi notre critique de la Trilogie MOZART par Teodor Currentzis : http://www.classiquenews.com/cd-mozart-cosi-fan-tutte-kassian-currentzis-2013/

Cd événement, critique. MAHLER : Symphonie n°6, MusicAeterna / Teodor Currentzis — Moscou, juillet 2016 (1 cd SONY classical). CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2018

teodor_currentzis_52Cd événement, critique. MAHLER : Symphonie n°6, MusicAeterna / Teodor Currentzis — Moscou, juillet 2016 (1 cd SONY classical). CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2018. Avec ce second opus symphonique, Teodor Currentzis démontre sa mestrià orchestrale : une vision, un geste qui deviennent expérience métaphysique. C’est peu dire que le sens de la caractérisation s’accomplit ici avec une finesse et un mordant exceptionnellement justes. Ce qu’apporte immédiatement Teodor Currentzis, emblématique en cela des chefs qui savent autant diriger le baroque que le romantisme, l’opéra que la matière symphonique, c’est une versatilité permanente qui s’accompagne de nuances spécifique pour chaque séquence. Telle attention à l’intonation, les connotations, les caractères, les couleurs éblouissent véritablement dans le magma martial du Premier mouvement Allegro energico, plus encore dans le second « Scherzo », souvent redondant après le premier parce que les orchestres et les chefs si nombreux en l’occurrence ont déjà tout dit ; chez Currentzis, chaque mesure a sa propre énergie, revendique un caractère particulier, le tout avec une unité et une cohérence organique qui assure le lien et la globalité dy cycle dans son entier. Les cordes danses et rugissent, les cuivres et les percussions sont élastiques, wagnériennes, d’une clameur sourde et articulée, constamment passionnantes.

Au cœur du typhon mahlérien
Teodor Currentzis, magicien poète


currentzis teodor chef maestro review presentation classiquenews sacre du printemps de stravinsky trilogie mozart da ponte critique compte rendu cdQuant à l’harmonie, Currentzis déploie des sommets de couleurs onctueuses, amoureuses, enivrées (les clarinettes, les hautbois, les bassons et les flûtes acquièrent ainsi un relief et une sonorité très détaillés, jamais écoutés avec une telle justesse là encore). Voilà qui creuse dans l’orchestre des champs et contrechamps, des seconds plans propres ; la texture s’enrichit dans l’expressivité, certes pas dans l’épaisseur ou la puissance. 
Ce que nous apporte Currentzis, c’est l’alliage superlatif, du mordant de chaque timbre, caractérisé, millimétré, et l’énergie, la puissance : ce Scherzo est jubilatoire car pas une mesure n’ennuie, mais elle clame son cri, son existence propre. Quel résultat. Ce moelleux des arrières plans prend forme avec une nostalgie d’une ineffable profondeur dans l’ANDANTE moderato dont la courbe tendre (le cor est pur enchantement, cristallisation d’un instant magique, traversé par la grâce). Currentzis se montre là encore : voluptueux et clair, détaillé et architecte, jouant de la légèreté millimétrée de chaque pupitre ainsi mis en dialogue. Quand avons-nous écouté pareil rêve et tendresse, ainsi sculptés dans la pâte orchestrale? Le chef cherche l’au-delà des notes, va au delà de chaque mesure, repoussant toujours et encore la ligne de respiration ; l’intensification du mouvement atteint un sommet d’éloquence intérieure, de plénitude sonore. Voilà du bien bel ouvrage.

De la même façon, le dernier mouvement Sostenuto, Allegro moderato, puis Allegro energico, redouble de vitalité caractétisée où le chef semble faire ressurgir ce qui a été déjà énoncé, en un bel effet de miroir et de boucle symétrique aussi, mais avec une attention décuplée à chaque mesure. La caractérisation saisit par sa justesse là encore, entre volonté, résistance et désespoir. Le conflit qui s’enfle et atteint les cimes de l’exultation, pose très clairement les forces en présence, avec une noblesse d’intonation, superlative. Le chef très inspiré sait aussi récapituler tout ce qui fait cette confession viscérale, amoureuse et radicale de la Symphonie précédente, n°5 (prière voire imploration pour Alma son épouse).
Enivrée, et attendrie, cette dernière séquence conclusive bascule dans la morsure et la désespérance, la convulsion martiale, sarcastique et tendue. Dans le bain conflictuel, l’orchestre est idéalement (et magistralement) balloté, entre frénésie et accalmie. Echevelées, nerveuses, les cordes indiquent ce tumulte, ce désordre intérieur, cette profonde dépression primitive qui scelle le destin de Mahler. En analyste complice, porteur d’un humanisme fraternel, le chef en exprime la forme orchestrale avec une poésie de magicien : là encore, n’écoutez que la dernière séquence (avec le solo de violon à 22’ de l’Allegro energico), ce que le chef réalise en couleurs, timbres, nuances, vision d’architecte est à couper le souffle. Il fait du final, non pas un siphon vers l’abime mais une aspiration hallucinée vers une nouvelle métamorphose. Non pas arrêt mais passage et électrisation. Eblouissant.

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CLIC D'OR macaron 200Cd événement, critique. MAHLER : Symphonie n°6, MusicAeterna / Teodor Currentzis — Moscou, juillet 2016 (1 cd SONY classical). CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2018 – Parution : 26 octobre 2018.

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VISITER AUSSI LE SITE MAHLER / Teodor Currentzis

CD événement, annonce. MAHLER : 6ème Symphonie. Teodor Currentzis (juil 2016, 1 cd Sony classical)

teodor_currentzis_52CD événement, annonce. MAHLER : 6ème Symphonie. Teodor Currentzis (juil 2016, 1 cd Sony classical). Après une autre symphonie, elle aussi intense, tragique et aussi habitée par le sentiment de la résistance et de la reconstruction intime, – 6è Symphonie « pathétique » de Tchaikovski (enregistrée à Berlin en 2015, éditée en février 2018, CLIC de CLASSIQUENEWS). Le chef iconoclaste, radical Teodor Currentzis, dont le questionnement critique fait sens, s’attaque ici à la Symphonie n°6 de Mahler : aussi introspective, profonde, et finalement autobiographique que celle de Tchaikovski. C’est aussi un défi sur le plan interprétatif, une gageure sur le plan instrumental : les mondes sonores, les alliages de timbre définissent ici un imaginaire poétique qui transcende angoisse (dans le cas de Tchaikovski), dépression dans le cas de Gustav Mahler. Sony classical édite en décembre 2018, la nouvelle approche symphonique du maestro souvent provocateur mais dont les options et partis artistiques sont toujours inspirés par une recherche et une exigence fouillées ; le nouveau cd devrait produire une lecture désormais captivante du massif mahlérien.

La 6è symphonie de Mahler est l’une des partitions les plus abouties du compositeur ; hymne personnel du destin humain, expérience intime offerte en partage, la partition qui est la plus sombre de son auteur, exprime la force du destin, l’emprise de la fatalité… Elle permet surtout aux orchestres de démontrer leur valeur. Simon Rattle l’a choisie comme enregistrement d’adieu à sa mandature comme directeur musical du Berliner Philharmoniker (superbe coffret édité en novembre 2018). Dans le cas de Currentzis, l’enregistrement devrait compter tout autant car le chef et son ensemble MusicAeterna ne laissent jamais indifférent, par leur précision expressive, leur engagement, une dramaturgie instrumentale et esthétique particulièrement ciselée. Dans sa lecture, Teodor Currentzis fait surgir cette beauté tragique qui fait écho dans l’esprit souvent noir et dépressif de Gustav Mahler (en particulier dans l’admirable ANDANTE) ; au centre de cette révélation intime, l’ineffable et éternelle fascination pour la Nature, à la fois réconfortante et énigmatique… autant de facettes d’une interprétation parmi les plus passionnantes.

Prochaine critique à venir dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

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Cd événement, annonce. MAHLER : Symphonie n°6, MusicAeterna / Teodor Currentzis — Moscou, juillet 2016 (1 cd SONY classical). Probable CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2018. A suivre…

CD précédent, critiqué sur CLASSIQUENEWS :

Tchaikovski-Symphonie-numero-6-Pathetique-Opus-74 currentzis musicaeterna par classiquenewsCd, compte rendu critique. TCHAIKOVSKI : Symphonie n°6 « Pathétique », MusicAeterna / Teodor Currentzis (1 cd SONY classical, 2015). La 6è symphonie est le sommet spirituel et introspectif de la littérature tchaikovskyenne : un everest de la poésie intime et interrogative parfois inquiète voire angoissée. Annonçant ce même sentiment de terreur intérieur sublimé d’un Chostakovtich à venir. Les Tchaikovski de Currentzis sont passionnants : ils sont l’autre face d’un voyage artistique habité lui aussi de l’intérieur et qui dans son amplitude élastique, – propre à cette nouvelle génération d’artiste qui traverse tous les répertoires, mais de façon spécialisée – entendez avec l’instrumentarium ad hoc, fourmille d’idées neuves, expressives, remettant les fondamentaux dans un équilibre critique. SONY suit les étapes de ce cheminement expérimental qui exige tout des interprètes réunis sous la coupe du bouillonnant et éclectique maestro. Avec ses instrumentistes de l’ensemble sur instruments d’époque MusicAeterna, Teodor Currentzis a ainsi interrogé Rameau (The Sound of Light), Purcell (avec Peter Sellars : formidable Indian Queen), mais aussi Stravinsky (Le Sacre du Printemps), Mozart (déjà une très intéressante « trilogie » Da Ponte, malgré les faiblesses impardonnables de certains chanteurs dont Kermes en … Comtesse !) ; EN LIRE +

CD, telé, concerts : actualités du chef d’orchestre Teodor Currentzis

Cd & concerts… Actualités du chef d’orchestre, Teodor Currentzis. C’est le trublion de la direction, un tempérament éruptif, prêt à casser toute tradition pour faire surgir la vérité perdue de la partition. Né à Athènes en 1972, Teodor Currentzis, musicien aujourd’hui quadragénaire (44 ans) s’est formé à Saint-Petersbourg auprès d’Ilya Musin, approfondissant cette rigueur critique qui lui permet de relire nombre de partitions avec une énergie expressive désormais emblématique.

 

 

 

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don-giovanni-teodor-currentzis-cd-sony-classical-582-annoncePour SONY classical, l’actuel directeur artistique de l’Opéra de Perm (Russie), vient de conclure sa trilogie Mozart / Da Ponte,avec la sortie imminente (octobre 2016) du dernier volet, Don Giovanni (initialement annoncé à l’automne 2015, mais donc repoussé d’une année). Car le chef est exigeant et n’entend pas publier une version qui ne soit pas totalement conforme à sa vision. Cosa fan tutte, Les Noces de Figaro ont de fait affirmer une attention particulière au rubato, à la motricité rythmique, au relief des instruments (d’époque, grâce aux instrumentistes de son ensemble MusicAeterna). Le choix des voix soliste prête davantage à critiques (LIRE nos comptes rendus critiques de Cosi fan tutte, et des Nozze di Figaro de Mozart par Teodor Currentzis)… Que donnera son Don Giovanni ? Même contestables, ses options pourront heurter quelques oreilles traditionnelles, mais les trouvailles et la réalisation tout du moins orchestrale du maestro grec se révélera passionnante… A suivre, à venir la critique du cd Don Giovanni de Mozart par Teodor Currentzis dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com. Réponse le 4 novembre 2016, jour de parution du Don Giovanni par Teodor Currentzis.

 

 

 

don-giovanni-teodor-currentzis-cd-sony-classical-VIGNETTE carre review announceCD, opéra : Don Giovanni de Mozart. Fin du cycle des opéras Mozart / da Ponte par les musiciens audacieux de Perm : l’opéra représenté en Russie est publié cet hiver chez Sony classical ; la conclusion de ce cycle mozartien affirmera-t-elle les limites et artifices d’un chef trop provocateur, ou révélera-t-elle les qualités d’une approche critique décapante et bénéfique ? Réponse dans notre compte rendu critique à venir sur classiquenews.com. Parution annoncée : début (4) novembre 2016.


 
 
 


arte_logo_2013Télé. ARTE diffuse ce
dimanche 11 septembre 2016, 23h30 : “Currentzis, l’enfant terrible du classique”, un documentaire passionnant dédié au travail du chef sur le métier des opéras de Mozart : exigeance, dépassement, dépoussiérage en profondeur…

 
 
 

currentzis teodor maestroAGENDA : à Paris, trop rare encore dans les salles parisiennes, Teodor Currentzis occupe l’affiche du TCE, Théâtre des Champs-Élysées à Paris, pour un concert unique, L’Enlèvement au Sérail de Mozart / Die Entführung ans dem Serail (1782), le 13 novembre 2016 (avec Peretyatko, De Sévigné, M. Laurenz, Di Pietro… suite de l’aventure mozartienne par Currentzis et ses musiciens rageurs, décapants. Cette production mozartienne occupe à l’Opéra de Zürich, le chef à la tête de l’Orchestre sur instruments anciens maison, La Scintilla, du 6 novembre au 21 décembre 2016 : 9 représentations à l’Opéra de Zurich.

 
 
 

Vissez le site de l’Opéra de Perm, Russie

 
 
 

Discographie

 

 

CLIC D'OR macaron 200CD. Mozart : Cosi fan tutte (Kassian, Currentzis, 2013). Décapant, enivré : le Cosi du chef Teodor Currentzis né grec mais citoyen russe (42 ans). Livré tout chaud des presse Sony en ce 17 novembre 2014, le Currentzis nouveau vient de sortir : la suite après des Noces décapantes, de la trilogie Mozart Da Ponte. Avant Don Giovanni (à paraître automne 2015), voici un Cosi supérieur encore aux Noces de l’an dernier : en énergie mais ciselée, en voix mieux homogènes, en finesse et subtilité (le duo Despina Alfonso fonctionne à merveille), en juvénilité ardente, naïve, celle des fiancés parieurs (Ferrando et Guglielmo) d’un bout à l’autre totalement engagés, et même palpitants. Ces officiers y apprennent l’inconstance et la philosophie d’en accepter le jeu. 

mozart cosi fan tutte teodor currentzis cd sony classical kasyan kassian despinaA Perm, capitale culturelle isolée, à l’extrémité orientale de l’Oural, sévit une baguette embrasée, celle du directeur artistique de l’Opéra local, Teodor Currentzis (depuis 2011). Non content d’être reconnus modialement pour leur interprétation de Casse-noisette de Tchaikvoski grâce aux Ballet maison qui rivalise avec le Kirov et le Mariinsky, Perm gagne même une crédibilité mozartienne avec cette odyssée discographique menée à vive allure et qui s’avère totalement passionnante malgré ses options parfois radicales; ni tiède ni complaisante, la direction du chef entend régénérer fondamentalement notre écoute et notre mémorie sonore de la trilogie mozartienne : le travail sur les tempi, les phrasés, la dynamique et toutes les nuances hagogiques servant l’explicitation des climats et des situations comme l’articulation du texte d’une comédie déjantée restent là encore saisissants. La farce, l’ivresse d’un temps de folie collective, tous les possibles d’une situation née d’un quiproquo époustouflant, le plus impressionnant de l’histoire de l’opéra, sont revivifiés ici avec un tempérament de feu. LIRE notre compte rendu critique complet de COSI FAN TUTTE par Teodor Currentzis

 

 

Mozart_currentzis_nozzeCD.Mozart : Les Noces de Figaro, Le Nozze di Figaro (Currentzis, 2013). On s’attendait à une révélation, de celle qui ont fait les grandes avancées musicologiques et philologiques s’agissant de Mozart sur instruments d’époque (Harnoncourt pour Idomeneo, plus récemment Jacobs pour La Clémence), … avec l’option délicate complémentaire des (petites) voix au format “originelâ€, soitdisant agiles, non vibrées, d’une précision exemplaire (plus adaptée à la balance d’époque : voix/instruments)… Mais Mozart reste un mystère et ce nouvel enregistrement malgré son investissement instrumental échoue à cause du choix hasardeux et finalement défavorable de certains solistes. C’est aussi une question de style concernant une direction survitaminée qui oublie de s’alanguir et de creuser les vertiges et ambivalences liés au trouble sensuel d’une partition où pointe la crête du désir. Le chef d’origine grec Teodor Currentzis multiplie les déclarations fracassantes, exacerbe souvent ses propos quant à ses nouvelles lectures (déviations du marketing?)… souvent comme ici, l’effervescence annoncée pour les Nozze tourne court de la part du musicien qui extrémiste, entend souvent jouer jusqu’à l’orgasme. Certes ici les instruments sont en verve : flûtes, bassons et cors dès l’ouverture avec des cordes et des percussions qui tempêtent sec. Mais cette expressivité mordante, rêche, -âpre souvent-, fait-elle une version convaincante? La fosse rugit (parfois trop), et la plateau vocal reste déséquilibré. Dommage. LIRE notre compte rendu complet des Noces de Figaro, NOZZE DI FIGARO par Teodor Currentzis

 
 

rameau courrentzis musicaeterna tteodor currentzis sound of lightCD. Rameau : the sound of light (Currentzis, 2012). Voici un Rameau qui fait réagir : lisez d’abord le titre de cette anthologie, The sound of light, le son de la lumière… Lumineux et même solarisé (serait-ce une référence indirecte à son appartenance à une loge comme à ses nombreux ouvrages pénétrés de symboles et rituels maçonniques : de Zaïs à Zoroastre…?). Frénétique, motorique, surexpressive… la lecture de Teodor Currentzis, jeune chef athénien formé dans la classe d’Illya Musin à Saint-Pétersbourg (à 22 ans) qui est passé par l’Opéra de Novossibirsk puis actuellement Perm, – où il est directeur artistique, ne laisse pas indifférent : sa baguette suractive exaspère comme elle transporte.
Pour le 250ème anniversaire de sa mort, le compositeur vit une année 2014 finalement florissante : aux concerts (Le Temple de la gloire, Zaïs… resteront de grands moments de redécouverte… à l’Opéra de Versailles), ou à l’opéra (Castor et Pollux, Les Indes Galantes, Platée...), s’ajoutent plusieurs réalisations discographiques dont ce programme pourtant enregistrée déjà en juin 2012 à Perm (Maison Diaghilev, Oural). Le champion de la direction nerveuse, survitaminée au risque de paraître … hystérique fait feu de tout bois, en l’occurrence sa faculté motorique qui frise la surenchère souvent, s’accommode idéalement de la science rythmique d’un Rameau jamais en reste d’une idée ou d’une forme neuve. Le Rameau défricheur, expérimentateur, inventif trouve ici une démonstration éloquente voire spectaculaire, continûment investie. Evidemment les partisans du compositeur fulgurant et tendre regretterons cette outrance, ce jeu pétaradant, certes dramatique et théâtral mais agressif (écoutez les Boréades et Dardanus… trop caricaturaux). Musette et surtout tambourin pour Terpsichore des Fêtes d’Hébé sont à la limite du trait percussif. Pourtant dans cette violence et cette détermination surgit une autre facette du talent de Rameau : son insolence géniale. LIRE notre compte rendu complet du cd RAMEAU par Teodor Currentzis

 
 
 

Portrait de Teodor Currentzis


arte_logo_175currentzis teodor portrait sacre du printemps stravinsky cd sony review critique compte rendu CLASSIQUENEWSARTE. Portrait du chef Teodor Currentzis, dimanche 11 septembre 2016, 23h30
. Le chef grec Teodor Currentzis, 44 ans,  est un chef interprète qui s’est taillé depuis 10 ans une solide réputation d’iconoclaste et provocateur hors normes… très médiatisé, notamment parce qu’il dédaigne les règles d’un système musical beaucoup trop règlementé à son goût : formaté, insipide, consensuel, il demeure sans concessions, prêt à piloter des projets musicaux, artistiquement exigeants voire innovants. A l’Opéra de Perm (Russie), qu’il dirige depuis 2011, le maestro s’est lancé dans l’interprétation de la trilogie des opéras composé par Mozart sur les livrets de Lorenzo Da Ponte… Deux premiers opéras en découlent : Les Noces de Figaro (automne 2014), Cosi fan tutti (automne 2015). Mais son intransigeance est totale à la mesure de l’engagement qu’il demande à ses équipes : immersion radicale, sessions de répétition set de travail préalables exceptionnellement préparées et préservées… Ajourd’hui, le volet final de la trilogie n’est pas prêt d’être publié car Teodor Currentzis n’hésite pas à récuser le résultat des enregistrements réalisés de longue haleine, et son Don Giovanni qui était prévu pour l’automne 2015 tarde toujours à être publié…

Pour mettre en pratique ses propres idées, le chef a créé son propre ensemble sur instruments d’époque : MusicAeterna. Pilotés par une main d’acier mais électrisés quant aux défis et enjeux esthétiques promis, les musiciens ont répété jusqu’à quatorze heures par jour pour arriver à un résultat que leur chef juge … satisfaisant. De fait ses Noces de Figaro (diapason à 430 hz) et Cosi fan
démontrent aujourd’hui une fougue orchestrale séduisante, parfois enivrante, mais le choix des solistes au niveau vocal, laisse plus dubitatif : la caractérisation instrumental phénoménale est contredite par le déséquilibre des voix (mauvais choix pour la Comtesse de l’impossible et maniérée Simone Kermes pour les Noces), mais choix en or pour la Despina d’Anna Kassyan, lauréate récente du Concours International Vincenzo Bellini (Cosi). Que donnera (s(il sort) son Don Giovanni ?

Teodor Currentzis dépoussière le SacreAutour des sessions de travail à l’Opéra de Perm, le documentaire  présente un Currentzis qui, sous ses airs de dandy original, cache un artiste d’une rigueur extrême, en quête de perfection. Le film entend dévoiler le tempérament d’un chef habité par l’idéal, monstre de travail et d’acharnement dont la fougue parfois intempestive voudrait inconsciemment rivaliser avec les premiers baroqueux, Harnoncourt, Christie, Hogwood, Garrido… quand le défrichement était porté par des tempéraments expressifs et esthétiques volontaires autant qu’audacieux. Le docu suit le chef de Perm jusqu’en Allemagne où l’ensemble Musica Aeterna réalisait une tournée…

ARTE. Dimanche 11 septembre 2016, 23h30
Currentzis : l’enfant terrible du classique
Documentaire de Christian Berger (Autriche, 2016, 52mn)

 

DVD, compte rendu critique. PURCELL : The Indian Queen (Musica Aeterna, Currentzis, Sellars) Madrid 2013 (2 dvd Sony classical)

purcell indian queen currentzis peter sellars dvd sony review comte rendu classiquenews CLIC de classiquenewsDVD, compte rendu critique. PURCELL : The Indian Queen (Musica Aeterna, Currentzis, Sellars) Madrid 2013 (2 dvd Sony classical). PURCELL FRATERNEL, HUMANISTE, réactualisé. Au coeur de la guerre imaginaire entre Incas du Pérou et mexicains Aztèques menés par le conquérant Montezuma, Purcell développe et cultive les avatars de la guerre amoureuse ; ainsi l’astucieux Montezuma vainc la reine Zempoalla, le prince Acacis, son ami, et le général Traxalla. Parmi les vaincus incas se distingue la belle Orazia qui aime d’un amour réciproque le brillant vainqueur. Arrêtés les deux amants issus des camps opposés sont séparés puis réunis grâce à Acacis. Zempoalla et Traxalla finissent par se suicider, et Montezuma peut simposer à tous car il réunit les deux peuples du fait même de son ascendance :  il est le fruit des amours entre la reine Aztèque Amexia et un Inca. Même opposés, les peuples sont tôt ou tard appelés à pactiser. Une telle vision finalement pacifiste, humaniste, surtout fraternelle, ne pouvait que séduire et inspirer Peter Sellars. D’autant plus que le metteur en scène a depuis longtemps le goût de la culture amérindienne, précolombienne, latine.

Purcell-portraitPURCELL COMPLÉTÉ. De la fantaisie exotique amérindienne inventée par John Dryden, Peter Sellars suit la direction du donneur d’ordre de cette production soit Gérard Mortier, l’ex et regretté directeur de l’Opéra de Paris pour lequel l’opéra est d’abord du théâtre engagé. Pour illustrer le choc entre les deux civilisations, Peter Sellars et Teodor Currentzis complètent The Indian Queen de Purcell, en choisissant les textes ajoutés extraits d’une nouvelle, ‘”La niña blanca y los pajaros sin pies” (La jeune fille blanche et les oiseaux sans pieds), écrite par Rosario Aguilar, écrivaine nicaraguayenne qui est devenue, en 1999, la première femme membre de l’’Academia Nicaragüense de la Lengua”, cénacle motivée pour défendre la langue espagnole au Nicaragua. La nouvelle évoque le destin de six femmes, dont celles qui au XVIème siècle accompagnent les conquistadors dans l’épopée vers le Nouveau Monde, mais aussi l’histoire d’amour de deux journalistes, une jeune Nicaraguayenne et un reporter espagnol, chargés de couvrir la campagne électorale de 1990 qui scelle la défaite du sandiniste Daniel Ortega. Toujours, la rencontre de deux nations, l’union espérée, éprouvée, reportée de deux peuples… Ainsi toute la musique de Purcell originelle soit 50 mn est intégrée à un vaste cycle poétique et musical entrecoupé de textes de Rosario Aguilar, lesquels traduits en anglais sont récités par Maritxell Carrero, jeune actrice portoricaine, sorte de sybille moderne exprimant sur scène, par la gestuelle exclamative, la forte tension passionnelle de chaque situation.

Il en découle un spectacle total – avec danses conçues par le chorégraphe Christopher William, de plus de 3h de durée avec ouverture et prologue.
Dès l’ouverture, les esprits de la terre accompagnent et manipulent chacun des protagonistes. L’intrusion du début joue de la double lecture historique : les militaires en treillis qui surgissent en véhicule blindé, accompagnés par le prêtre incontournable qui donne la cou e être morale, sont autant les Espagnols d’Hernan Cortes qui découvrent les Tlaxcalans, que les Marines débarquant au Nicaragua dans les années 30 pour mater la guérilla conduite par le général Augusto Sandino.

Le Prologue correspondant au I de l’Indian Queen de Purcell dénonce les désastres de la guerre. Difficile ici d’accepter le timbre de soprano aigu et acide-aigre du coréen Vince Yi ; la couleur est exotique à souhaits mais l’âpreté de sa voix dérange ; en revanche, Julia Bullock est l’indigène Teculihuatzin, une figure brillante et profonde qui se distingue nettement.
Au I s’affirme alors Nadine Koutcher en Doña Isabel, sÅ“ur émouvante  (O, solitude), d’une sincérité indiscutable. A la douceur voluptueuse des airs de Purcell tels donc : “O, solitude”, “I will sing unto the Lord as long as i live”, “Blow up the trumpet”, le sublime et tendure “Sweeter than roses” répond sur le plan narratif la violence irréversible avec laquelle les Mayas sont convertis au catholicisme, menacés par les armes. De même le général favori de Cortes, Don Pedro de Alvarado (impeccable Noah Stewart), est présenté à Teculihuatzin et l’épouse. Le II reprend tout le second acte d’Indian Queen où se détache évidemment la nuit amoureuse des deux jeunes mariés. Christophe Dumaux offre une belle caractérisation du prêtre Ixbalanqué, lequel envoûte et manipule à souhaits le général espagnol  Pedro. Saluons aussi la forte présence du prêtre maya dont le baryton noir, Luthando Qave, fait une incarnation très convaincante. Plusieurs airs complètent le déroulé du II dont “See, even night herself is here”, “Music for a while”, “Il love and I must”,  surtout, l’implorante prière “Hear my prayer, O Lord”, seule conclusion chorale imaginable après le massacre des Mayas, perpétré par le conquistador espagnol, génocide aussi sanglant que celui commis, plus tard, par les marines au Nicaragua. Alors la récitante Maritxell Carrero, se place seule, devant une immense toile rouge sang au pied de laquelle repose le peuple abattu : image d’un massacre ignoble qui conclut comme un linceul obsédant l’acte II.
CLIC_macaron_2014Ce sont les deux femmes pacificatrices qui apportent la voie de la réconciliation fraternelle après les exactions et violences perpétrées par Alvarado. Loi des hommes, des armes contre douceur des femmes-mères; L’engagement de chaque interprète, chanteurs, orchestre, acteurs est saisissant et restitue à la musique de Purcell, son charme et séduction irrésistible ; à la lecture poétique et contextualisée de Sellars, sa force critique et satirique. Dans la fosse, Teodor Currentzis s’implique au delà de l’habituel pour exprimer la part humaine et fraternelle de la musique. Un must.

DVD, compte rendu critique. PURCELL : The Indian Queen (Musica Aeterna, Currentzis, Sellars) Madrid 2013 (2 dvd Sony classical)

The Indian Queen (Henry Purcell)
Nouvelle version Peter Sellars (durée 3h05)
Représentation du 9 novembre 2013
Teatro Real de Madrid

Hunahpu: Vince Yi
Teculihuatzin: Julia Bullock
Doña Isabel: Nadine Koutcher
Don Pedrarias: DavilaMarkus Brutscher
Don Pedro de Alvarado: Noah Stewart
Ixbalanque: Christophe Dumaux
Sacerdote maya: Luthando Qave
Leonor: Maritxell Carrero
Tecun Uman: Christopher Williams
Leonor: Celine Peña
Dioses mayas: Burr Johnson, Takemi Kitamura, Caitlin Scranton, Paul Singh

Mise en scène: Peter Sellars
Scénographie: Gronk
Chorégraphie: Christopher Williams
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Perm (MusicaAeterna)
Direction Musicale: Teodor Currentzis

CD. Stravinsky : Le Sacre du printemps, 1947. Teodor Currentzis, MusicAeterna, 2013, 1 cd Sony classical)

currentzis, stravinsky, sacre du printempsCD. Stravinsky : Le Sacre du printemps, 1947. Teodor Currentzis, MusicAeterna, 2013, 1 cd Sony classical).  Tout est fait dans ce nouveau cd pour brouiller les cartes et provoquer l’acuité critique de l’auditeur. La couverture dérange en son alignement optique trouble et courbe comme un Vasarely pointilleux critique acide, ou une figure mouvante et géométrique qui dérange l’oeil : Teodor Currentzis, lui dérange l’oreille et au-delà l’écoute/. Une vision plus soutenue décèle cachées sous cette grille, les lettres du titre : “CURRENTZIS STRAVINSKY”. Le chef vedette de l’écurie Sony classical réitère un coup d’éclat, un coup de maître ici, alors qu’il parachève son intégrale de la trilogie Mozart / Da Ponte (et avec le même fabuleux orchestre : Le Nozze di Figaro puis Cosi fan tutte font toujours débat… on attend Don Giovanni courant 2016).

currentzis teodor portrait sacre du printemps stravinsky cd sony review critique compte rendu CLASSIQUENEWSAucune Å“uvre n’a mieux pressenti les secousses telluriques de son époque que Le Sacre du Printemps, entre sauvagerie et gouffres poétique, sensualité instrumentale et abstraction musicale. La partition de Stravinsky que le chef d’origine grecque a choisi est celle de 1947, plus instrumentalement calibrée, plus incisive dans sa portée musicale aux timbres affinés, à l’équilibre des pupitres plus homogènes et plus mordants aussi, est enregistrée à Cologne en octobre 2013. La vitalité caractérisée des instrumentistes de MusicAeterna fait merveille dans la ciselure symphonique avec une acuité gorgée d’énergie, de précision et de souffle dramatique qui font du ballet imaginé par Stravinsky à Paris pour Diaghilev, la partition la plus moderne et la plus visionnaire du XXè. Tout cela fourmille d’idées, d’éclats, d’éclairs sertis au service d’une vision allante et poétique, où enjeu premier de l’ouvrage, l’éloquence orgasmique voire extatique des instruments requis est mise en avant : exposée, optimisée, radicalisée : la Danse des adolescentes est rugueuse et étincelante, habitée par les convulsions primitives que souhaitaient le compositeur en imaginant son ballet inspiré par l’idée d’un paganisme des premiers âges. Les Rondes printanières où convulsent les cordes, rugissent les cuivres, font entendre la grande crispation de la terre matricielle et le jaillissement des énergies primitives : ce Sacre organique dont les palpitations régulières obligent l’orchestre à tout donner (frénésie et aspiration, enfin résonance sauvage des Jeux des cités rivales). Puis c’est l’immersion dans le mystère le plus léthal du sage et de son Cortège, avant la dernière convulsion la plus engageante et ses frottements inouïes aux cordes dans une Danse de la terre qui semble concentrer la vitalité de toutes les forces rassemblées.
La Sacrifice débute comme le décompte d’un champs de ruines, nocturne et dépressif (la séquence la plus longue du ballet) à mesure que s’étend une ombre menaçante et mystérieuse et qui s’achève par une courte phrase de conclusion au violoncelle : l’ivresse éperdue du Cercle mystérieux des adolescentes, entre apaisement (flûte, clarinettes…) et inquiétude fait toute la valeur de la séquence suivante… Avec la Glorification de l’Elue (triste désignation jusqu’à son sacrifice finale), les spasmes de l’orchestre redoublent entre hystérie sanguinaire et derniers cris de la victime consciente de son futur sacrifice.
L’action rituelle des Ancêtres se fait danse sacrificielle aux lueurs secrètes d’une dangereuse séduction à 1’05 : de la flûte au basson, c’est un décompte méticuleux qui cache son intention criminelle… avant le déferlement de la Danse sacrale finale : où Sacre signifie sacrifice et pour l’orchestre,un défi permanent aux équilibres redoutables, à la mise en place rythmique éruptive autant que millimétrée (en deux séquences symétriques avec une courte respiration, brêve pause à 2’57, avant la mise à mort de l’adolescente ainsi désignée).

CLIC D'OR macaron 200currentzis teodor chef maestro review presentation classiquenews sacre du printemps de stravinsky trilogie mozart da ponte critique compte rendu cdIntention. Les mots intentionnels de  Teordor Currentzis pour expliquer son approche sont “sacre” évidemment, subconscient et délire, “steppe de l’art tribal”, où le printemps éternel revient cycliquement par un sacrifice “cruel et vertical”, une révolution, une rupture rédemptrice ; de fait dans la Danse sacrale finale, on ne pense pas barbarie mais bien régénération et ascension vers la lumière. Une rampe de plus en plus éblouissante. Currentzis dans sa préface assez sybilline où curieusement prophétique, il laisse aller son admiration lyrique pour Stravinsky dont l’audace et la vérité ont réinscrit l’esprit rural (celui de la steppe) comme facteur premier de modernité. En mettant le feu, Stravinsky produit la petite étincelle d’un grand brasier rédempteur : celui de la transe collective qui à l’échelle des danseurs ou ici des instrumentistes, se fait énergie primitive d’essence folklorique. Il faut savoir parfois se brûler pour prendre conscience. Et voir et ressentir. Si le texte de Currentzis reste confus et alambiqué (il faut absolument le lire relevant d’une mystique post moderne et bourgeoise), son Å“uvre comme chef reste elle passionnante et infiniment plus vivante. De fait cette lecture du Sacre compte autant que celle des Siècles dirigé par François-Xavier Roth, autre ambassadeur zélé inspiré de Strasvinsky et qui a été comme nul autre avant lui, très très loin dans la restitution criante de vérité des instruments parisiens, utilisés, adaptés, voulus par Stravinsky lui-même au moment de la création, en 1913. Evidemment la posture idéologique et artistique du chef perturbateur provocateur en agacera plus d’un ; mais le geste qui déconstruit pour reconstruire proposant une vision entière cohérente passionnée donc subjective donc discutable de Currentzis nous paraît stimulante, face au politiquement correct de tant de versions et productions que l’on nous sert comme toujours plus faussement neuves et constructives. Sa force de curiosité, son désir de défrichement critique rappelle les meilleurs artisans de la dernière révolution musicale, celle des Baroqueux : Christie, Harnoncourt en tête. Pour nous, l’avenir de la musique et du classique a encore de beaux jours, grâce à des personnalités comme Teodor Currentzis. Lecture événement.

CD. Stravinsky : Le Sacre du printemps, 1947. Teodor Currentzis, MusicAeterna, 2013, 1 cd Sony classical). Enregistrement réalisé à Cologne en octobre 2013.

CD. Rameau : the sound of light (Currentzis, 2012)

rameau courrentzis musicaeterna tteodor currentzis sound of lightCD. Rameau : the sound of light (Currentzis, 2012). Voici un Rameau qui fait réagir : lisez d’abord le titre de cette anthologie, The sound of light, le son de la lumière… Lumineux et même solarisé (serait-ce une référence indirecte à son appartenance à une loge comme à ses nombreux ouvrages pénétrés de symboles et rituels maçonniques : de Zaïs à Zoroastre…?). Frénétique, motorique, surexpressive… la lecture de Teodor Currentzis, jeune chef athénien formé dans la classe d’Illya Musin à Saint-Pétersbourg (à 22 ans) qui est passé par l’Opéra de Novossibirsk puis actuellement Perm, – où il est directeur artistique, ne laisse pas indifférent : sa baguette suractive exaspère comme elle transporte.
Pour le 250ème anniversaire de sa mort, le compositeur vit une année 2014 finalement florissante : aux concerts (Le Temple de la gloire, Zaïs… resteront de grands moments de redécouverte… à l’Opéra de Versailles), ou à l’opéra (Castor et Pollux, Les Indes Galantes, Platée...), s’ajoutent plusieurs réalisations discographiques dont ce programme pourtant enregistrée déjà en juin 2012 à Perm (Maison Diaghilev, Oural). Le champion de la direction nerveuse, survitaminée au risque de paraître … hystérique fait feu de tout bois, en l’occurrence sa faculté motorique qui frise la surenchère souvent, s’accommode idéalement de la science rythmique d’un Rameau jamais en reste d’une idée ou d’une forme neuve. Le Rameau défricheur, expérimentateur, inventif trouve ici une démonstration éloquente voire spectaculaire, continûment investie. Evidemment les partisans du compositeur fulgurant et tendre regretterons cette outrance, ce jeu pétaradant, certes dramatique et théâtral mais agressif (écoutez les Boréades et Dardanus… trop caricaturaux). Musette et surtout tambourin pour Terpsichore des Fêtes d’Hébé sont à la limite du trait percussif. Pourtant dans cette violence et cette détermination surgit une autre facette du talent de Rameau : son insolence géniale.

currentzis teodorLes autres qui aspirent à plus de trouble et d’ambivalence, de profondeur et de poésie voire de tendresse en seront certainement pour leurs frais. Pourtant le phénomène Currentzis, il y a déjà 2 ans, se distingue par une capacité hors norme à exprimer la vitalité et l’intensité radicale des partitions qu’il a choisi : ses premiers Mozart (ceux de la trilogie da Ponte en cours, – hier Les Noces ; aujourd’hui pour Noël 2014 : Cosi ; et demain Don Giovanni… à l’automne 2015) en font foi : l’urgence, l’intensité fulgurante imposent ici, d’abord le chant et l’engagement de l’orchestre ; ensuite les voix (qui ne sont pas toutes totalement convaincantes il est vrai…). Mais le caractère entier, passionné, la volonté du chef font table rase de tout ce qui a été réalisé et entendu jusque là ; une juste et très attachante remise en question de tous les fondamentaux : Teodor Currentzis a cette faculté de tout reprendre à zéro : exprimer avec conviction et engagement un point de vue, révélant les Å“uvres à leur propre force de motricité, dévoilant souvent grâce à une travail de plus en plus nuancé, la richesse des écritures, la vitalité des inspirations, le fini d’une orchestration.

 

 

 

Rameau solarisé, survitaminé… électrocuté

 

currentzis teodor cosi fan tutte mozart dirige baltasar neumannVoilà qui nous change de la standardisation polie de rigueur, dans bien des concerts et programmes enregistrés : son Rameau exulte, regorge de frénésie théâtrale, de force dramatique… parfois dure voire âpre.  Une énergie comme celle des pionniers baroqueux, osant tout, risquant tout… Et cette seule capacité à dépasser la simple exécution pour une interprétation qui dérange ou enchante, renouvelle même la place de l’auditeur : autant dire que notre écoute est ici active ; et lorsque les chanteurs partagent l’engagement du chef, ses délires aussi, quand ceux ci sont justes et mesurés, le résultat est très convaincant : c’est le cas de l’actuel Cosi fan tutte (publié ce 17 novembre 2014 : dont la Despina de la soprano – bellinienne – Anna Kassyan est anthologique, de finesse, d’intelligence, de subtilité expressive : un régal) ; c’est assurément le cas aussi pour Nadine Koutcher, soprano biélorusse qui affirme ici une technicité expressive de premier ordre pour le rôle déjanté de la Folie de Platée. Un personnage que seul Rameau pouvait imaginer, et qui est la personnification de toute ce que peut et doit la musique – selon le compositeur théoricien de grande valeur-. Ce Rameau dramatique, exalté est la meilleure réalisation née de la complicité du chef et de la soprano.

L’énergie vindicative qui semble refaire le monde et réorganiser le cosmos pour l’ouverture de Naïs, se perd, à la fois brouillon et absent à la nostalgie rêveuse, dans la prière d’Aricie d’Hippolyte : rien à faire, la tendre langueur, la profondeur sont absentes, et Currentzis rate l’air qui aurait dû bercer par sa caresse allusive. Pourtant l’entrée des Muses des Boréades (plage 3) laissait présager une tendresse revivifiée, une juvénilité tendre et profonde. Voilà peut-être la limite d’une direction trop nerveuse qui s’éloigne du cÅ“ur et du sentiment.

CLIC D'OR macaron 200Cependant, depuis 2012, les instrumentistes ont gagné une nouvelle épaisseur, un nouveau sentiment dans ce Cosi fan tutte anthologique (édité en décembre 2014) qui frappe par sa nervosité palpitante et touche aussi par la finesse émotionnelle de ses couleurs (voyez l’exceptionnelle étoffe instrumentale qui porte la pétillance de Despina, comme nous le disions).  Même la tonicité motorique et la tension expressive des deux contredanses des Boréades sont expédiées sans guère de nuances, dans la force et la démonstration outrées… quant à la fin des Tambourins de Dardanus, la transe tourne à … l’hystérie (c’est réducteur et bien mal connaître Rameau que d’exécuter ainsi l’oeuvre). Nonobstant ce Rameau force l’admiration par la rage conquérante dont font preuve chef et instrumentiste de MusicAeterna. Comme il agace par l’outrance expressive de certains passage. Cependant, Currentzis n’étant pas à une exception près, l’ineffable douleur tragique de ” Tristes apprêts ” de Télaïre dans Castor et Pollux se réalise ici par la caresse de la lecture, véritable aurore, le commencement d’une ère nouvelle. De cela, par ses visions jamais neutres, sachons reconnaître au chef, cette audace de la baguette qui tranche avec bon nombre de ses confrères trop lisses, trop conformes. Décidément le geste de Currentzis fait rupture et débat. La Rédaction de classiquenews a choisi son camp : l’énergie, la fougue complétée par son Cosi récent confirme la valeur du chef. Sa direction détonne, renouvelle. Ce Rameau saisit, frappe, agace… tel était assurément le cas à l’époque du compositeur si jalousé et critiqué. Changer de regard et de perspective reste une valeur à laquelle nous tenons. Merci au chef de nous surprendre dans ce disque qui suscitera évidemment de vives réactions. Son Rameau non conforme, outrancier ne pouvait mieux tomber en cette année Rameau 2014.

 

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : The sound of Light. Extraits des Fêtes d’Hébé, Zoroastre, Les Boréades, Les Indes Galantes, Platée, Six Concerts, Naïs, Hippolyte et Aricie, Dardanus, Castor et Pollux… MusicAeterna. Teodor Currentzis, direction. Enregistré à Perm (Oural, maison Tourgheniev, juin 2012). 1 cd Sony classical 88843082572.

 

 

CD.Mozart : Les Noces de Figaro, Le Nozze di Figaro (Curentzis, 2013)

Mozart_currentzis_nozzeCD.Mozart : Les Noces de Figaro, Le Nozze di Figaro (Currentzis, 2013). On s’attendait à une révélation, de celle qui ont fait les grandes avancées musicologiques et philologiques s’agissant de Mozart sur instruments d’époque (Harnoncourt pour Idomeneo, plus récemment Jacobs pour La Clémence), … avec l’option délicate complémentaire des (petites) voix au format “originel”, soitdisant agiles, non vibrées, d’une précision exemplaire (plus adaptée à la balance d’époque : voix/instruments)… Mais Mozart reste un mystère et ce nouvel enregistrement malgré son investissement instrumental échoue à cause du choix hasardeux et finalement défavorable de certains solistes. C’est aussi une question de style concernant une direction survitaminée qui oublie de s’alanguir et de creuser les vertiges et ambivalences liés au trouble sensuel d’une partition où pointe la crête du désir. Le chef d’origine grec Teodor Currentzis multiplie les déclarations fracassantes, exacerbe souvent ses propos quant à ses nouvelles lectures (déviations du marketing?)… souvent comme ici, l’effervescence annoncée pour les Nozze tourne court de la part du musicien qui extrémiste, entend souvent jouer jusqu’à l’orgasme.
Certes ici les instruments sont en verve : flûtes, bassons et cors dès l’ouverture avec des cordes et des percussions qui tempêtent sec. Mais cette expressivité mordante, rêche, -âpre souvent-, fait-elle une version convaincante? La fosse rugit (parfois trop), et la plateau vocal reste déséquilibré. Dommage.

Nozze inégales

Si la fosse nous semble au diapason de la vivacité souvent furieuse du chef, les voix sont souvent… contradictoires à cet esthétique de l’exacerbation expressive et de la palpitation souvent frénétique. L’éros qui soustend bien des scènes reste …. saccades et syncopes, et même Cherubino dans son fameux air de panique émotionnelle manque singulièrement de trouble (Non so più cosa son, I)… Pire, mauvais choix : Figaro et le Comte manquent ici de caractérisation : les deux voix sont interchangeables (avec pour le premier des problèmes de justesse) ; notre plus grande déception va cependant à la Comtesse de Simone Kermes, d’une asthénie murmurante, minaudante totalement hors sujet : elle paraît pétrifiée en un repli serré et étroit. Son retrait s’oppose de fait à l’engagement proclamé et effectif du chef et de ses musiciens. Il n’ y a que finalement la Susanna de Fanie Antonelou qui se détache du lot avec des abbellimenti (variations) vraiment assumées et investies, une évolution du personnage qui suit avec plus de nuances et surtout de naturel comme d’humanité, le caractère de la jeune mariée (très bel air au IV : Deh vieni non tardar… serenata mêlée d’inquiétude et d’excitation comme là encore d’ivresse sensuelle…) ; idem pour le Basilio au legato souverain de Krystian Adam, vrai ténor di grazia dont les airs semblent enfin rétablir cette fluidité vocale qui manque tant à ses partenaires : soudain chant et instruments se réconcilient avec bénéfice (très convaincant In quegl’anni à l’acte IV…) . Le pianoforte envahissant dans récitatifs et airs finit par agacer par ses multiples ornementations. L’air de Figaro qui raille Cherubino et dont le chef nous vante un retour au rythme juste reste … mécanique, de surcroît avec la voix courte d’un Figaro qui patine et dont la justesse comme la ligne font défaut. Et souvent, cette précision rythmique empêche un rubato simple et naturel tant tout paraît globalement surinvesti. Les claques de l’acte V sont elles aussi électriques et mauvais trucs de studio, d’un factice artificiel : plus proches des volets qui claquent que d’une main vengeresse…

antonelou_fanie_soprano_susanna_nozze_mozart_currentzis_sony-classicalNous restons donc mitigés, et quelque peu réservés sur la cohérence du plateau vocal dont la plupart des solistes ne sont pas au format d’un projet dont on nous avaient vanté la ciselure, l’expressivité supérieure. Vif et habile, le chef grec Teodor Currentzis n’a jamais manqué d’énergique audace mais il sacrifie trop souvent la sincérité du sentiment sur l’autel de l’effet pétaradant. Nous lui connaissons des opéras plus introspectifs (écoutez son Din et Enée de Purcell par exemple, plus profond, plus pudique…).  Avoir choisi Kermes pour La Comtesse est une erreur regrettable qui ne pourra pas faire oublier les Margaret Price ou Kiri Te Kanawa ni plus récemment les Dorothea Röschmann, infiniment plus nuancées et profondes. Nous attendons néanmoins avec impatience la suite de cette trilogie mozartienne dont le seul mérite reste parfois un travail assez étonnant réalisé sur la texture orchestrale, révélant des associations de timbres souvent passées sous silence, une nette ambition de clarté et d’articulation instrumentale mais qui souvent se développe au mépris de la justesse de l’intonation comme d’une réelle profondeur poétique. A trop vouloir en faire, le chef semble surtout démontrer plutôt qu’exprimer. Qu’en sera-t-il à l’automne prochain pour son Don Giovanni : on lui souhaite des choix de chanteurs plus judicieux.

Mozart : Le Nozze di Figaro, Les Noces de Figaro. Avec Simone Kermes, Fanie Antonelou, Mary-Ellen Nesi, Andrei Bondarenko, Christian Van Horn, Krystian Adam… Musicaeterna. Teodor Currentzis, direction. 3 CD Sony Classical. Enregistrement réalisé à l’Opéra Tchaïkovski de Perm (Oural), 2013. A venir à l’automne, Don Giovanni sous la direction de Teodor Currentzis.

Illustration : on dit oui à la Susanna de Fanie Antonelou, et définitivement non à la Comtesse de Simone Kermes.

CD. Mozart : les nouvelles Noces de Figaro par Teodor Currentzis

Mozart_currentzis_nozzeCD à venir. Mozart : Les Noces de Figaro. Musicaeterna. Teodor Currentzis, direction. 3 cd Sony classical. Un sang neuf nous viendrait-il de Russie ? Celui qui scrupuleux dans la précision des options interprétatives restitue comme Harnoncourt depuis le début de son aventure, chez Monteverdi hier … aujourd’hui chez Mozart, une frénésie suractive qui rétablit l’énergie sanguine, physique, organique de la musique, devrait se distinguer dans ces nouvelles Nozze de Mozart à paraître chez Sony classical en février 2014. Teodor Currentzis (né en Grèce en 1972) s’attèle à un projet ambitieux où le chant mozartien a usé maints baroqueux et des plus illustres. Le challenger de Gergiev, nouveau maestro initié aux approches historiquement informées,  inaugure son contrat nouvellement signé avec Sony. L’élève d’Ylia Musin à Saint-Pétersbourg (comme Gergiev et Byshkov), dont on a ici même loué Didon et Enée de Purcell (avec déjà la déconcertante Simone Kermes – laquelle aimerait tant rivaliser avec Cecilia Bartoli…), s’attaque  sur instruments anciens (ceux de son orchestre Musicaeterna), à la trilogie mozartienne avec ce premier volet dédié aux Nozze. Cosi puis Don Giovanni suivront ensuite chez le même éditeur, respectivement à l’automne 2014, puis d’ici la rentrée 2015.

 

 

 

Teodor Currentzis signera-t-il pour Sony des Nozze décisives ?

Réinventer les Noces

 

L’Athénien impétueux défend ses conceptions musicales depuis Perm, ancienne cité florissante grâce à la fabrication des armes dont il fait depuis quelques années (à partir de 2011 précisément quand il fut nommé directeur musical de l’Opéra local) un nouveau foyer lyrique et musical de premier plan… C’est à Perm que le chef a réuni instrumentistes et chanteurs pour enregistrer Les Noces de Figaro de Mozart. Révélé comme chef principal à l’Opéra de Novosibirsk (2004-2010), Currentzis a affirmé un tempérament intensément dramatique avec son partenaire et homme de théâtre Dmitri Tcherniakov dont la scénographie expressionniste et âpre, dévoilant les fissures profondes d’être décalés ou inadaptés a de facto renouvelé la perception des oeuvres abordées avec le chef grec : Aida (2004), Macbeth (2008), Wozzeck (2009), Don Giovanni (2010, présenté à Aix)…

En vérité sa première approche des Nozze remonte à 2008 : déjà dépoussiérées et comme révitalisées par une direction palpitante voire haletante. Fougueux, prêt à toutes les audaces comme à tous les défis, le jeune maestro aime relire, dépoussiérer, réinventer ce geste audacieux qui a fait la valeur des pionniers de la révolution baroque depuis les années 1960. C’est pourquoi afficher son nom sur une production est souvent l’indice d’une réappropriation originale et personnelle de la partition concernée.
Pour autant, sa furie énergique est-elle juste et légitime dans ses choix ? Que vaut son Mozart et sa direction lyrique au regard des options et des choix esthétiques assumés ?

 

 

Currentzis, directeur électrique

 

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Côtés chanteurs, les variations et cadences improvisées sont rétablies (abellimenti – embellissements, usage familier à l’époque) ; les vibrato évidemment exclus sauf s’ils sont justifiés par la situation ; en chef esthète critique et analytique, Currentzis surprend surtout par l’activité de la musique, la palette dynamique d’un orchestre pétillant, pétulant, sémillant où la participation permanente du pianoforte (récitatifs et tutti orchestraux, comme si Mozart lui-même dirigeait tout en improvisant et jouant de son forte-piano – hammerklavier-), la couleur fondante et liante du luth (plus inhabituel) … font la différence ; les cors redoublent de mordant, les cordes exultent souvent. Or il ne s’agit pas uniquement d’une affaire de détails. La vitalité fiévreuse qu’affirme et cisèle le chef quadra exprime souvent vertiges, aspirations, langueurs, la sauvagerie comme la spiritualité d’une partition essentiellement de rupture et révolutionnaire. Tout s’agence pour une relecture vive et haletante du chef d’oeuvre de Mozart et de Da Ponte. L’architecture et la gestion des contrastes, la pulsation, l’équilibre des balances, le jeu nerveux et hypersensible du chef pourrait bien signer une nouvelle référence de l’opéra mozartien. Contre les effets de la simplification, voilà un geste engagé qui rugit et murmure avec une intensité éruptive. Et les milles détails s’invitant dans le tourbillon du geste comme du banquet orchestral préservent surtout la furieuse tension de la partition. De quoi nous mettre en appétit et annoncer ainsi une trilogie à suivre… Tant de louables intentions et la réalisation dramatique sauront-ils nous séduire ?

 

 

Réponse dans le mag cd de classiquenews.com d’ici début février prochain. Parution des Nozze di Figaro par Teodor Currentzis : le 17 février 2014 (3 cd Sony classical).