vendredi 29 mars 2024

Strauss : l’Elektra de Patrice Chéreau (Aix 2013)

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Télé,  Arte. Strauss : Elektra par Chéreau. Dimanche 16 mars 2014, 23h25. Patrice Chéreau nous laisse une vision personnelle et très engagée de la mise en scène à l’opéra. Il reste l’un des plus récents réformateurs du théâtre lyrique. Dans cette production du troisième opéra de Richard Strauss (et son premier ouvrage avec l’immense poète Hugo van Hofmannsthal), Chéreau travaille le corps de ses interprètes comme s’il s’agissait d’une facette de l’âme.  Dans une arène dépouillée qui laisse tout voir du mouvement des figures sur la scène, l’action tragique aux accents expressionnistes hystériques se dévoile retrouvant la noblesse épurée et la grandeur austère des drames d’Eschyle et de Sophocle. Sans à priori le metteur en scène redéfinit les enjeux psychologiques de chacun des protagonistes, en fouillant en particulier le livret parvenu, en interrogeant chaque mot du texte d’Hofmannsthal.

 

elektra,M116011Patrice Chéreau laisse avec Elektra (créé en 1909),  son ultime scénographie à l’opéra,  l’une de ses réalisations les plus abouties.  Fille tiraillée entre le désir de vengeance de celui qui lui a donné l’amour -son père Agamemnon-, et la volonté de tuer celle qui ne lui a rien donné,  sa mère Clytemnestre (qui a tué le père), la pauvre fille crie son impuissante volonté, elle hurle sa douleur solitaire (car sa sœur Chrysostémis elle veut tourner la page et vivre), c’est d’abord une victime blessée,  une ombre errante en quête d’identité;  en s’appuyant sur les intentions de Strauss et de son librettiste, Chéreau brosse un nouveau portrait d’Elektra en éclairant sa relation avec la mère… Interprète familière et qui connaît idéalement le rôle de Clytemnestre, la mezzo incandescente Waltraud Meier répond magnifiquement au travail de Chéreau. .. c’est aussi aux côtés de la fille,  la figure ambiguë et bouleversante de la mère qui frappe immédiatement.
Créée à l’été 2013 (festival d’Aix en Provence juillet 2013), la production d’Elektra que diffuse Arte montre combien Chereau décédé en octobre 2013, plaçait l’humain au centre de son travail avec un sens de l’économie et du rythme sans équivalent (sauf peut être Pina Baush, celle du Sacre du printemps….). Même ivresse fulgurante, même fascination pour le chant du corps embrasé dont la danse/transe relaie la vocalité de la musique quand cette dernière ne suffit plus. Production événement d’autant plus opportune pour l’année 2014 du 150 ème anniversaire de Strass et aussi comme hommage à l’apport de Patrice Chereau à la scène lyrique.

Télé,  Arte. Dimanche 16 mars 2014, 23h25. 

Avec Clytemnestre (Waltraud Meier), Chrysotémis (Adrianne Pieczonka), Elektra (Evelyn Herlitzius)… Mise en scène : Patrice Chéreau. Orchestre de Paris. Esa-Pekka Salonen, direction. Enregistré en juillet 2013 au festival d’Aix en Provence.

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Ce que nous en pensons …..On sait en voyant un spectacle de Chéreau combien le corps, les gestes millimétrés, le jeu des mouvements et des regards et la face expressive des chanteurs acteurs seront mis en avant. De fait, cette Elektra aixoise n’échappe à cette règle. L’homme de théâtre fait de chaque opéra investi et questionnés selon sa grille, d’abord une performance théâtrale et… physique.

Au début, ces laveuses, balais et seaux d’eau (pour enlever les traces des crimes ensanglantés qui y ont été commis?), le dialogue hystérique et exclusivement féminin entre les partisanes de la princesse Elektra et ses dénonciatrices… installent un climat d’abattoir, de terreur, de conspiration à la fois malsaine et animale. Le choix de la grande niche monumentale – vide et néant en miroir de la solitude de la princesse -, mais aussi ombre mouvante avec le soleil qui se déplace comme sur un cadran solaire est magnifique dans son épure austère et antique. Il rappelle aussi que tout se passe ici en une journée.

C’est d’ailleurs le seul insigne de l’Antiquité grecque ici abordée par Strauss et son librettiste Hofmannsthal. C’est peu dire que le travail du scénographe s’est concentré surtout sur la relation entre Elektra et sa mère Clytemnestre : une mère détruite elle aussi, dévorée par ses rêves de terreur et ses nuits sans sommeil. Apeurée, inquiète, mais aussi hallucinée par la nécessité d’un nouveau sacrifice, Waltraud Meier fait une performance saisissante. Plus encore captivante, Elektra elle-même dont Chéreau transmet au delà des cris et des hurlements félins, la blessure secrète d’une âme jeune sevrée trop tôt, en manque d’amour et de tendresse, endeuillée par la mort de son père assassiné qui lui avait tout donné… bouleversante humanité.

Lire aussi notre dossier sur le personnage d’Elektra, figure féminine fascinante de l’opéra de Richard Strauss, aux côtés de Salomé, Daphné, Hélène …

Illustration : P.Victor Artcomart 2014

 

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