lundi 17 mars 2025

Poitiers. Cinéma « le Castille », le 5 juillet 2015; en direct du Royal Opera House de Londres. Rossini : Guillaume Tell, opéra en quatre actes d’après un livret de Étienne de Jouy et Hippolyte Bis. Gérald Finley, Guillaume Tell; John Osborn, Arnold Melcthal; Malin Byström, Mathilde; Alexander Vinogradov, Walter Furst; Sofia Fomina, Jemmy … Choeur du Royal Opera, Orchestre du Royal Opera; Antonio Pappano, direction. Damiano Michieletto, mise en scène; Paolo Fantin, décors; Carla Teti, costumes; Alessandro Carletti, lumières.

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L’opéra au cinéma est depuis quelques années une pratique plébiscitée qui permet au plus grand nombre, souvent en fauteuils plus confortables que dans les salles habituelles, et à moindre coût, de suivre les saisons lyriques de part le monde. C’est pourquoi CLASSIQUENEWS a fait le choix de rendre compte  des retransmissions d’opéra au cinéma…  C’est le dernier opéra de la saison 2014/2015 qui a été présenté en direct de Londres dans le monde entier en ce dimanche après midi. Pour clore sa saison, le Royal Opera House propose à son public une nouvelle production l’ultime chef d’oeuvre de Gioachino Rossini (1792-1868) : Guillaume Tell. L’oeuvre est présentée dans sa version française, la version originale (créée en1829 à l’Opéra de Paris); celle en italien, la plus jouée pourtant, fut créée à Lucques en 1831. Pour cette nouvelle production le Royal Opera House a invité une distribution internationale avec quelques artistes de premier plan comme Gérald Finley, John Osborn, Nicolas Courjal; et c’est le metteur en scène Damiano Michieletto qui a été convoqué pour monter ce Guillaume Tell.

 

 

 

Chanteurs crédibles mais scène visuelle provocante, ce Guillaume Tell londonien marque les esprits

Guillaume Tell occupe le Royal Opera House

 

finley guillaume tell rossini royal opera house covent garden comptre rendu critique classiquenewsSi Damiano Michieletto fourmille d’idées, notamment pour marquer l’oppression de la Suisse par l’armée autrichienne, il n’était peut-être pas nécessaire de réaliser une mise en scène aussi brutale dont le summum est  atteint dans la scène de viol au troisième acte. D’ailleurs le scandale a été tel (des huées ont, semble-t-il ponctué ladite représentation et ont vilipendé le metteur en scène aux saluts finaux) que Michieletto a été contraint d’édulcorer sérieusement la scène en question (plus de scène de nudité, plus de cris de détresse). Inutile aussi le finale de l’acte deux au cours duquel Guillaume, Walter et le choeur se mettent torse nu pour s’asperger de sang de synthèse; Que Michieletto veuille centrer sa mise en scène autour de l’oppression autrichienne, soit, ce parti pris est acceptable et assez crédible, mais il pousse son concept trop loin : – l’allusion est mère de poésie et d’équilibre théâtral : en montrant trop et de façon aussi répétitive finit par agacer. Ce que nous regrettons aussi au milieu de décors, plutôt réussis (la présence de terre sur tout pour signifier la terre nourricière, l’amour de la terre, au sens amour de la patrie – s’avère être une idée excellente), et de lumières superbes, ce sont des costumes et des accessoires totalement hors sujet. Soit, au XIVe siècle le canon avait fait son apparition (il était arrivé en France vers 1313) mais les mitraillettes, mitrailleuses et autres revolvers étaient totalement inconnus en 1307, n’ayant fait leur apparition dans l’équipement militaire qu’au XXe siècle, et évoluant sans cesse entre les deux guerres (elles équipaient les armées américaines et européennes pendant la seconde guerre mondiale). Dommageable également l’idée de faire évoluer solistes et choeur dans un espace réduit alors que la scène du Royal Opera House permet de faire plus et mieux. (Photo ci avant : Gerald Finley)

Vocalement, en revanche, nous n’avons que des satisfactions. Guillaume Tell étant présenté dans sa version originale, la version française, nous pouvions nous inquiéter pour la diction; contredisant nos craintes, elle était excellente, même si elle était parfois aléatoire dans quelques scènes de choeur. Pour le rôle titre, le Royal Opera House a invité le baryton canadien Gérald Finley; Il est dans une forme exceptionnelle et campe un Guillaume impérial d’un bout à l’autre de la représentation. Finley nous montre un Guillaume certes tiraillé par des sentiments contradictoires mais prenant les bonnes décisions quand il le faut, soutenu en cela par sa femme et son fils puis par Mathilde, soutien de toute la famille Tell à partir du troisième acte. Saluons également une diction quasi parfaite et l’ovation largement méritée qu’il reçoit tant pour son interprétation de la prière « Sois immobile » et aux saluts finaux. C’est John Osborn qui prête ses traits et sa voix à Arnold Melcthal; le ténor américain, qui connait bien le répertoire rossinien, et Guillaume Tell en particulier a évolué de façon surprenante et de façon très positive. La voix et ferme et les aigus balancés avec une assurance remarquable; et tout comme Finley la diction est excellente. Tiraillé entre son amour pour Mathilde et son amour pour son pays, c’est l’assassinat de son père par Gessler qui le pousse à rejeter l’ennemie de sa patrie, dut-il pour cela sacrifier l’amour qu’il lui porte; Osborn reçoit un accueil chaleureux très mérité pour son interprétation d’ « Asile héréditaire » projeté, incarné avec une sensibilité poignante. Côté femmes saluons la très belle Mathilde de Malin Byström et l’honorable Hedwige de Enkelejda Shkosa; Sofia Fomina campe certes un Jemmy juvénile et courageux mais elle est un cran en dessous de ses deux collègues. Complétant avec talent la distribution des rôles principaux, Nicolas Courjal incarne un Gessler cruel à souhait; et si la mise en scène dessert Mathilde et les Suisses, elle permet à Courjal de s’épanouir telle une fleur … mortellement venimeuse. Parmi les rôles secondaires, saluons les très belle performances de Eric Halfvarson (Melcthal), Alexander Vinogradov (Walter Furst) et Michael Colvin (Rodolphe). Si les solistes ont réalisé des prouesses remarquables, le choeur, personnage à part mais indispensable dans Guillaume Tell, a été lui aussi exceptionnel. Les effectifs ont été quasiment doublés pour l’occasion et ont été parfaitement préparés par leur chef de choeur, Renato Balsadonna. Musicalement et vocalement, la performance est idéale et la diction est presque parfaite car au cours de quelques scènes, notamment dans les ensembles, elle n’était pas toujours très nette.

 

 

 

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Dans la fosse, l’Orchestre du Royal Opera House, survolté, joue à la perfection. Antionio Pappano qui connait le chef d’oeuvre de Rossini par coeur, ses explications durant les reportages d’entractes sont d’ailleurs parfaitement claires et très concises, dirige son orchestre avec maestria, ciselant chaque,scène, chaque note, tel l’orfèvre travaillant un chef d’oeuvre; généreux en tempi vifs, Pappano parvient à trouver un juste milieu entre la fosse et le plateau. Une fois passés les aléas de la première avec sa dose de scandale, de huées et autres interpellations à son égard, Pappano peut enfin diriger une oeuvre qu’il aime tout particulièrement et pour laquelle il trouve toujours de nouveaux angles d’approche. L’ouverture, joyau instrumental est menée tambour battant donnant ainsi le ton de la soirée. Et les « bravo » qui fusent après entre la fin de l’ouverture et le début du premier acte saluent à juste titre une interprétation dynamique.

Musicalement et vocalement, cette nouvelle production de Guillaume Tell, -absent à Londres depuis 1992-, est remarquable par la réunion de multiples talents qui se transcendent pour sublimer l’ultime opéra de Rossini; en revanche scéniquement Damiano Michieletto donne un coup d’épée dans l’eau. Certes il y a beaucoup d’idées mais aucune n’est véritablement mise en valeur tant la mise en scène est brutale, lourde et souvent répétitive, inutilement sanguinolente, inutilement sauvage. La scène de viol au troisième acte, toute édulcorée qu’elle soit, n’était pas nécessaire – même si comme le précise Kasper Holten (le directeur général du Covent Garden) chaque occupation est oppressive et entraine forcément des exactions de ce type. Souhaitons tout de même que le succès soit au rendez-vous des dernières représentations de la série et donc de la fin de la saison 2014/2015 du Royal Opera House.

 

 

 

Poitiers. Cinéma « le Castille », le 5 juillet 2015; en direct du Royal Opera House de Londres. Gioachino Rossini (1792-1868) : Guillaume Tell, opéra en quatre actes d’après un livret de Étienne de Jouy et Hippolyte Bis. Gérald Finley, Guillaume Tell; John Osborn, Arnold Melcthal; Malin Byström, Mathilde; Alexander Vinogradov, Walter Furst; Sofia Fomina, Jemmy ; Enkelejda Shkosa, Hedwige; Nicolas Courjal, Gessler; Eric Halfvarson, Melctal; Michael Colvin, Rodolphe; Samuel Dale Jonhson, Leuthold; Enea Scala, Ruodi. Choeur du Royal Opera, Orchestre du Royal Opera; Antonio Pappano, direction. Damiano Michieletto, mise en scène; Paolo Fantin, décors; Carla Teti, costumes; Alessandro Carletti, lumières.

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