Il s’agît d’un des plus beaux et impressionnants oratorios de la période classique, exemple resplendissant de l’immense talent de » papa Haydn « , véritable père de la trinité du Classicisme viennois (composée à ses côtés de Beethoven et Mozart). Le livret anonyme est inspiré de quelques livres de la Bible ainsi que du poème épique de John Milton « Le Paradis Perdu », le tout adapté et traduit en allemand par le commanditaire de l’oratorio, le Baron van Swieten.
L’humanité anoblie par la lumière
L’Orchestre de Chambre de Paris est plein d’enthousiasme comme les chanteurs de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris. Si la direction du chef et violoniste autrichien Thomas Zehetmair paraît parfois réservée, les musiciens débordent en empathie et surprennent l’auditoire notamment lors des descriptions musicales. D’ailleurs, la désunion entre le geste du chef et l’énergie du collectif orchestral a souvent été manifeste. Le violoniste aussi virtuose soit-il comme soliste a-t-il l’étoffe d’un chef ?
Nonobstant nos réserves, saluons l’engagement global des effetifs. Ainsi la « lumière » est éblouissante, la « mer » agitée, le « lion » impétueux et le « doux agneau » d’une beauté tout à fait champêtre. De même, l’orchestre a du coeur ; il est très impliqué pendant les morceaux singspiel-esques comme dans le contrepoint haendelien. Dans ce sens les vents sont souvent divins et l’accompagnement au clavecin de Bruno Procopio reste très précis et plein de vivacité. Le choeur s’harmonise parfaitement, il est davantage glorieux et d’une grande ferveur. Il commence avec un certain recul qui relève de la spiritualité et monte progressivement vers un sommet de brio et d’expression sans égale. Sous la voûte de la Cathédrale de Notre-Dame de Paris, leur maîtrise du contrepoint est merveilleuse et ravissante. Pari réussi donc, avec zèle et maestria pour chef du choeur, Lionel Sow.
Les trois solistes invités ont une présence extraordinaire malgré leur différences de tempérament. La soprano Sophie Karthäuser est un archange Gabriel et une Ève au chant d’une beauté spectaculaire. Si elle paraît plutôt respectueuse de l’oeuvre et du lieu, sa ligne vocale est d’une pureté céleste et sa virtuosité n’est surtout pas dépourvue de tendresse. Le ténor mozartien Werner Güra dans le rôle de l’archange Uriel offre une prestation pleine de charme lumineux. Le baryton Matthew Brook interprète les rôles de l’archange Raphaël et d’Adam avec une grande ferveur. Il a une voix immense, d’une grande chaleur et d’une belle couleur. Il est fortement ému par l’occasion et orne son chant avec des belles modulations, toujours à fleur de peau.
Si le livret peut paraître légèrement sexiste et désuet pour notre sensibilité contemporaine, il est pourtant d’un optimisme rafraîchissant, bel exemple de la philosophie des Lumières (plus précisément de l’Aufklärung germanique) : la raison divine triomphant sur les ténèbres, l’évolution historique de l’humanité par la création de la lumière.