mardi 19 mars 2024

Festivals, compte rendu critique. Pas de Calais, le 27 septembre 2015. Festival Contrepoints 62

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contrepoints-festival-62-presentation-10-edition-octobre-2015Festivals, compte rendu critique. Pas de Calais. Festival Contrepoints 62, le 27 septembre 2015. Les lumières du Nord : 10 ans de Contrepoints 62. Un réveil insolite se produit quand on arrive dans les villes et villages patrimoniaux du Pas de Calais. Chaque rue silencieuse, chaque bois, chaque prairie est arrosée d’une lumière étonnante. L’Artois du blé et des guerres anciennes et le Calaisis couvert du drap d’or du soleil d’automne. Pour sa dixième édition, le festival Contrepoints 62, fait à nouveau revivre la voix des orgues de ce Pas de Calais riche et méconnu. Pour cette fois, c’est l’Espagne qui s’invite et fait retentir ses musiques dans les villes qui jadis la composèrent. Lointain passé mais ancré encore dans la mémoire des façades et des orgues, qui font retentir à la fois les douces mélopées de la guitare et le martial canon des combats.

Raquel Andueza et La Galania
Chapelle St Jacques de l’Aire sur la Lys.

« Yo soy la locura »

La Galanía
Raquel Andueza – soprano
Jesús Fernández Baena – théorbe
Pierre Pitzl – guitare baroque

Al tiempo que El sol se pone… Dans le cœur de La Chapelle baroque du Saint de Compostelle, au pied du Rédempteur Universel, quelques flaques d’or venues du ciel ont accueilli l’Espagne. La Soprano Raquel Andueza et l’ensemble La Galania ont invoqué la grâce du XVII ème siècle, dans ses soupirs, dans ses complaintes, dans sa sensualité exubérante.  Passant du tragique au comique et du charnel à l’éthérée, Raquel Andueza convoque les muses profanes. Dans sa voix, on saisit le palpitant, le passionnant, le diaphane. Nous avons été littéralement saisis par « Credito es de mi decoro », le lamento de la nymphe Canente, de la zarzuela Pico y Canente de Juan de Hidalgo.  Dans cet air, la nymphe se métamorphose petit à petit en nuage et la musique s’évapore note par note. Une surprenante émotion dans cette découverte.  Il faut dire que Raquel Andueza est une interprète incomparable dans l’émotion et le sens de la musique. Après un léger rayon de soleil et une belle découverte des lieux patrimoniaux de l’Aire sur la Lys, la somptueuse nef de la Collégiale allait ouvrir ses portes pour le concert du soir.

Collégiale de l’Aire-sur-la-Lys
Bach, Liszt, Messiaen, Saint-Saens
Vincent Warnier – orgue
Orchestre National de Lille
Dir. Jean-Claude Casadesus 

L’art de la métamorphose

festival contrepoints 62 pas de calais compte rendu critique CLASSIQUENEWS pedro octavio diazDans ces temps de crises, certains se réfugient dans le sacré, d’autres s’en réclament pour l’iniquité et la barbarie. Mais quand la musique est le calice d’une communion entre l’art et l’homme, ce n’est que pour l’élévation de ceux qui en témoignent. Au sein de la nef immense de la Collégiale de l’Aire-sur-la-Lys, juste au pied de l’orgue, l’Orchestre National de Lille s’apprêtait à nous offrir un programme fastueux.  Entre l’orgue, tel un vaisseau majestueux et les phalanges, un dialogue éleva son message vers des hauteurs inusitées. En effet, l’organiste Vincent Warnier, développant l’agilité et la maîtrise de l’instrument et du répertoire, nous offre à la fois la rigueur et la contemplation du Prélude et fugue en la mineur de Bach. De même, la virtuosité de son jeu, avec une solide précision dans le Prélude et fugue sur le nom BACH de Liszt. Mais l’épanouissement total se produit lors de la conjugaison parfaite de l’orgue et l’orchestre dans la Symphonie n°3 de Camille Saint-Saëns avec orgue. En une compréhension naturelle de l’énergique style de Saint-Saëns, Jean-Claude Casadesus mène l’Orchestre National de Lille vers l’apothéose à chaque mouvement. Vincent Warnier répond de l’orgue, dans la couleur et la sophistication sans faillir à aucun moment à l’équilibre et à l’univers construit par Jean-Claude Casadesus.
Dans la vie d’un chroniqueur, dans le tourbillon des concerts et musiques, il est des moments uniques. Ce concert est, sans hésitation, l’un des plus marquants de ma vie. La nuit tomba sur les rumeurs secrètes de la Lys, au cœur des pierres de la ville, on sentit encore vibrer les orgues comme un murmure lointain.

Dimanche 27 septembre 2015

NIELLES LES ARDRES
Eglise

Pas loin de Calais, se situe la petite ville d’Ardres, et dans sa conurbation se trouve le charmant village de Nielles-lès-Ardres. Au cœur des champs et entre les souvenirs des tombes anciennes se dresse l’Eglise – grange.  Quand on pénètre dans ses entrailles, on découvre des beautés insoupçonnées. Et notamment un orgue remarquable datant de 1692. Tout en bois et aux motifs marins, le bois sculpté fit jaillir des dauphins et des sirènes, dont le chant parmi les jeux, allait nous émouvoir.

11h – L’ORGUE ESPAGNOL ET FLAMAND
Daniel Oyarzabal – orgue

Il est toujours rare d’entendre le répertoire ibérique et découvrir sous les doigts experts de Daniel Oyarzabal. Le son acéré et aigu de cet instrument permet de rendre un parfum quasiment espiègle à ces musiques, pour la plupart sacrées.

15h – IN PARADISO – Musiques sacrées du baroque
Raquel Andueza & La Galania
Daniel Oyarzabal – orgue

L’après-midi, au pied de l’orgue marin de Nielles, on retrouve la sirène Raquel Andueza pour un programme sacré.  Du Lamento della Maddalena de Monteverdi au Stabat Mater de Sances, Raquel Andueza évoque avec bonheur le recueillement dramatique des œuvres baroques dédiées au culte Marial. La soprano perpétue avec ce programme, l’interprétation splendide du répertoire  qu’elle maîtrise ostensiblement. Sans tomber dans le pathos extrême et en montrant une solide capacité de coloriste, Raquel Andueza nous surprend par l’émotion et le talent.

TOURNEHEM-SUR-LA-HEM
Eglise

Dans les pérégrinations des orgues, notre route nous mena vers le site perché de Tournehem-sur-la-Hem. On arrive au cœur d’une joyeuse localité, avec une belle petite église dominant les toits.  Comme une caverne de merveilles, l’intérieur de l’église de Tournehem-sur-la-Hem éblouit par la profusion d’art sacré. Du bois, des ornements en stuc doré, des tableaux pieux et un orgue baroque monumental.

17h15 – HOSANNA TO THE HIGHEST
Musique sacrée à trois voix d’hommes de Henry Purcell

Jeffrey Thompson – ténor
Marc Mauillon – baryton
Geoffroy Buffière – basse
La Rêveuse
Florence Bolton & Benjamin Perrot
Pierre Gallon – orgue

Passer de l’Espagne à l’Angleterre dans cette région est tout aussi habituel que les nuées qui évoluent sur son ciel lumineux.  Pour conclure notre voyage au cœur du patrimoine du Pas de Calais, c’est l’émouvante voix de la piété britannique qui nous offrit un beau corollaire. Les psaumes et hymnes sacrés de Purcell sont parmi les plus belles manifestations du répertoire religieux.  Dans le bel écrin de l’église de Tournehem, chaque note frissonna dans les sculptures, dans les dorures et les boiseries.
La magie de la trans substantation s’opéra grâce à la splendide équipe artistique. Tout d’abord La Rêveuse qui, dans ce répertoire offre une réelle maîtrise et une richesse dans l’ornementation.  Les solistes se complètent très bien dans les nuances. Ceux qui ont ébloui l’audience sont Marc Mauillon avec un timbre contrasté, et riche et le dramatisme hallucinant de Jeffrey Thompson. Geoffroy Buffière en revanche pèche par un certain retrait et quelques faiblesses dans les nuances. La fin du concert révéla, à l’extérieur, un crépuscule de feu sur les prairies vallonnées de Tournehem.

Visiter Contrepoints 62, nous a offert l’occasion de découvrir les palpitants témoignages de l’Histoire dans un territoire abreuvé de la passion de la musique. Chaque orgue nous a conté dans chaque nervure du bois ancien, et dans le souffle de leur voix, un récit venu d’ailleurs. La richesse du Pas de Calais est dans sa culture, dans la sensibilité de son patrimoine.  En quittant les riches terres d’Artois, encore empreints du chant des brillants contrepoints, on fait le vœu de revenir suivre la route des orgues qui mériterait bien devenir plus que l’apanage des terres flamandes, mais le patrimoine reconnu de toute l’humanité.

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