mardi 19 mars 2024

ENTRETIEN. Un 4 mains prometteur : ZALA et VAL KRAVOS

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ENTRETIEN avec ZALA et VAL KRAVOS… Le talent n’attend pas l’âge ni l’expérience… dans le cas du duo composé par Zala l’ainée et son frère cadet Val Kravos, respectivement 18 et 16 ans au moment de l’enregistrement de leur programme édité par Ars Produktion (été 2021), l’adage est d’autant plus vrai qu’en plus de leur engagement musicien, les deux tempéraments s’accordent en écoute et en complicité, sachant aussi concevoir un cycle de pièces originales et ambitieuses. Très attachés à la culture française, ils jouent les rares Jeux d’enfants de Bizet (version originale pour 4 mains) aux côtés d’un pétillant Mozart et d’un Schubert, amoureux et tragique, hanté par l’esprit de la mort et du renoncement. La justesse et la versatilité des intentions indiquent un duo de pianistes particulièrement prometteur… Aujourd’hui Zala et Val accommodent avec clairvoyance et pragmatisme leur activité en solo et un duo. Retour sur l’enregistrement de 2021 et sur la singularité de leur engagement artistique.
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CLASSIQUENEWS : Comment avez-vous sélectionné les œuvres de votre CD / Ars Produktion ? Selon quels critères ?

Zala et Val Kravos : Pour notre premier enregistrement commun, qui est une sorte de « carte de visite », nous devions évidemment inclure au moins deux œuvres majeures d’époques différentes, mais nous voulions aussi graver du répertoire français ; après tout, nous avons aussi la nationalité française, le français est notre première langue et nous sommes nourris par la culture française. Bizet complétait parfaitement Mozart et Schubert, aussi parce que c’est complètement différent et que l’esprit pétillant de ces miniatures reflète bien notre jeune âge. Nous avons voulu aussi inclure une composition contemporaine, qui avait été écrite pour nous, pour élargir la gamme stylistique. C’était déjà le cas avec le premier album de Zala, enregistré pour le même label en 2017. Nous sommes conscients que la création musicale « sérieuse » ou « classique » est – heureusement – toujours bien vivante. Nous aimons travailler avec les compositeurs contemporains sur leurs nouvelles compositions. C’est inspirant et enrichissant quoique souvent exigeant, mais nous aimons ce genre de défis.

 

 

CLASSIQUENEWS : Dans votre duo, comment le rôle de chacun est-il de principe établi ? Qui joue quoi ? Comment vous répartissez vous chaque partie à jouer ?

Zala et Val Kravos : Nous alternons systématiquement les parties « primo » et « secondo » car elles présentent des défis différents. Ceci est également important pour rester flexible et ne pas être enfermé dans un seul rôle. Nous pensons qu’un pianiste épanoui doit être capable de jouer différents rôles, non seulement dans des duos de piano à 4 mains ou à deux pianos, mais aussi avec d’autres musiciens dans différents ensembles de chambre. Toutes ces expériences sont précieuses en termes de maturité et de développement artistique.

 

 

 

Zala et Val Kravos : 4 mains prometteur !

 

 

CLASSIQUENEWS : Quels sont les défis / difficultés de jouer à 4 mains ? à 2 pianos ?
Comment réussir la synchronicité des 2 jeux ? Y a t il dans votre dernier disque, des compositeurs et des œuvres qui sont plus difficiles et pourquoi ?

Zala et Val Kravos : En général, il faut une bonne dose de compréhension mutuelle et de synchronisation intuitive. Il n’est pas étrange que de nombreux duos de piano, sinon la plupart, soient des fratries ou des couples. Des relations personnelles étroites rendent les choses bien plus faciles, en particulier pour des compositeurs comme Schubert, où des contacts physiques sur le clavier, voulus par le compositeur, sont inévitables.
En tant que fratrie, nous nous comprenons bien même sans communication verbale. Les raisons sont peut-être génétiques, mais aussi épigénétiques, car nous avons grandi ensemble et partagé la plupart d’expériences d’enfants et de préadolescents. C’est difficile de l’exprimer avec des mots car pour nous, c’est quelque chose de naturel et d’instinctif.
Ceci vaut surtout pour le répertoire à 4 mains, qui nous est familier depuis longtemps. Jouer à deux pianos est moins naturel puisqu’il y la distance et la communication est nettement plus difficile. Il faut surtout bien s’écouter.
Le plus grand défi dans ce répertoire était la monumentale Fantaisie de Schubert, véritable poème symphonique pour piano, d’autant plus que c’est une des compositions les plus connues et les plus jouées. Nous l’avons exécutée plusieurs fois en public et avons laissé mûrir notre interprétation.
Cette composition a été écrite, ou du moins dédiée, à une élève noble de qui Schubert, pratiquement mourant, était amoureux sans aucun espoir. Nous avons essayé de privilégier une subtilité émotionnelle à une interprétation plus tonitruante ou excessivement dramatique, puisque le désespoir transparaît d’une manière subtile, étouffé, et alterne avec des passages plus optimistes. Il ne faut pas oublier non plus que les compositions de Schubert étaient jouées surtout dans un cercle privé, relativement intime, notamment lors des Schubertiades, l’équivalent des salons musicaux parisiens, chers à Chopin.

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment choisissez-vous votre piano ? Selon quels critères ? Par exemple dans le cas du cd Ars Produktion …

Zala et Val Kravos : La plupart des pianistes ne peuvent pas choisir l’instrument sur lequel ils jouent ; ce sont les organisateurs des concerts ou des enregistrements qui s’en chargent. Nous avons certes parfois la possibilité d’influencer ce choix, mais c’est plutôt l’exception qui confirme la règle. Pour nos enregistrements – celui de l’album solo de Zala en 2017 et ce nouvel album – c’était bien le label qui nous a fourni l’un des meilleurs instruments disponibles puisqu’ils ont une grande expérience et des contacts avec les fournisseurs qui louent les pianos. Nous étions contents de leurs choix, de la préparation du piano et de son réglage quotidien pendant les séances d’enregistrement.
Ce qui nous paraît même plus important que le choix de l’instrument, c’était le choix de l’endroit de l’enregistrement : ce n’était pas un studio mais une église transformée en salle de concert, ce qui veut dire que l’acoustique était naturelle et aucun traitement électronique du son lors de la postproduction n’était nécessaire. De plus, l’ingénieur du son est l’un des meilleurs et des plus expérimentés en Allemagne.

 

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Quels sont vos prochains projets au concert et au disque ? Quel répertoire ?
Zala et Val Kravos : Nous poursuivons nos carrières de pianistes solistes et – dans une moindre mesure – chambristes, mais après la parution de ce disque, nous aurons plusieurs concerts promotionnels et nous devons l’assumer. Nous avons déjà préparé et partiellement joué un programme complémentaire, par exemple, le fameux Allegro en la mineur, « Lebensstürme » de Schubert, mais aussi une nouvelle sonate de Mozart, plus complexe que celle que nous avons enregistrée et nous préparons des morceaux plus courts de Grieg ou encore Dvořák. En revanche, il est bien trop tôt pour envisager un nouveau disque et les nouveaux projets d’enregistrements seront peut-être solo avant de revenir au répertoire à quatre mains ou deux pianos.

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment chacun conciliez-vous votre carrière de soliste et l’activité de votre duo de pianos ?

Zala et Val Kravos : Ce n’est en effet pas évident, d’autant plus que nous sommes encore étudiants. Nous croyons avoir trouvé un bon compromis pour « ménager la chèvre et le choux » en proposant des programmes divisés en trois tiers : deux parties solos et une partie à quatre mains. Ceci nous permet aussi de profiter conjointement de différentes invitations et le public semble apprécier une telle approche, qui donne aux concerts une dynamique spécifique. Cependant, nous sommes conscients que cela n’a pas que des avantages dans le monde excessivement concurrentiel et centré sur les performances et personnalités individuelles voire individualistes.

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Une anecdote liée à l’enregistrement du cd ? Dans le travail et l’enregistrement du cd, avez-vous découvert un élément d’un compositeur, d’une œuvre que vous ne connaissiez pas ?

Zala et Val Kravos : Lors d’une longue discussion au domicile de l’ingénieur du son et de son épouse, Zala s’est trouvée en légère hypoglycémie, a titubé, renversé et très légèrement endommagé une lampe design au grand dam de la maîtresse de maison… D’autres anecdotes sont liées à l’ingénieur du son, qui est un bon vivant et gourmand, et il nous a fait découvrir quelques endroits intéressants pour se restaurer et – évidemment – une multitude de bonnes bières allemandes !
Nous avons enregistré le programme que nous avions déjà joué en public à maintes reprises et ainsi mijoté pendant un certain temps, à l’exception de la composition de Mme Choveaux. La compositrice, qui est aussi pianiste, est venue et nous a guidés dans l’interprétation d’une manière bien rigoureuse.

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment entendez-vous enrichir encore et encore le répertoire des œuvres pour 2 pianos / 4 mains ?

Zala et Val Kravos : Nous avons en effet plusieurs projets en cours. Nous présenterons bientôt, en création mondiale, une pièce composée pour nous par Camille Kerger, compositeur luxembourgeois. Peu après, nous allons rejouer une récente composition de Mme Choveaux qui a été écrite pour le quatuor Stanislas et nous et que nous avons récemment jouée, également en création mondiale, à Nancy.
Nous aimerions aussi jouer plus souvent du répertoire pour deux pianos, ce qui est, d’un point de vue organisationnel, évidemment plus compliqué. Nous avons bien aimé jouer la Valse de Ravel sur deux pianos au « Rungis Piano Piano Festival » en 2021 et, plus récemment, un double concerto de Bach en Slovénie.

Propos recueillis en février 2023

Photos : © Jean-Paul Kieffer

 

 

 

 

 

CRITIQUE CD

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Les Kravos sont promis à un bel avenir… D’emblée, c’est la complicité des deux jeunes pianistes qui saisit ; leur sonorité affûtée, contrastée, pétille littéralement chez Mozart ; c’est le fruit d’une fratrie rare autant que complémentaire qui s’accomplit dans une programme plutôt très équilibré. La vingtaine à peine (Zala a 20 ans, soit 2 ans de plus que son cadet Val)… et déjà une sensibilité mûre qui enchante et séduit. L’électricité joyeuse, d’une motricité percutante et brillante de Mozart (Sonate KV 381) s’assombrit en songe plus intérieur et même grave dans sa partie centrale (pudique et presque sombre Andante, très développé soit plus de 9mn). Tous deux slovènes, l’ainée Zala et son cadet Val s’entendent, s’écoutent, dialoguent avec finesse et nuances…. CRITIQUE CD événement. Zala & Val KRAVOS : Mozart, Schubert, Bizet (1 sacd Ars Produktion) – CLIC de CLASSIQUENEWS janvier 2023 – enregistrement réalisé en juin et juillet 2021 à Wuppertal

 

 

 

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