jeudi 28 mars 2024

ENTRETIEN. RAFFAELLA MILANESI dans Il BOEMO de Petr Vaclav… Incarner Marchesi, chanter face à la caméra ; vivre, brûler et mourir sur scène

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SOPRANO ÉLECTRIQUE, SULFUREUSE douée d’un fort tempérament de caractérisation, Raffaella Milanesi n’en finit pas de surprendre. A croire que jamais en panne d’un défi ou d’une expérience nouvelle, le métier de chanteuse pour elle, doit toujours s’enrichir comme repousser les limites ordinaires. Nous l’avions suivie dans une sublime prise de rôle attendue autant que périlleuse : Alcina de Haendel, défendue avec un style inoubliable à Shanghai (déc 2015), accompagnée par Opera Fuoco / David Stern. Sens du texte, nuances expressives millimétrées, timbre incandescent (air O mio cor), la diva a tout pour toucher et bouleverser. LIRE notre compte rendu d’Alcina par Raffaella Milanesi :
https://www.classiquenews.com/shanghai-sso-hall-les-1819-et-20-decembre-2015-draft/

Puis ce fut une égale adhésion pour le rôle de Donna Anna du Don Giovanni de Mozart, dans une production elle aussi mémorable (production Fornasetti, Florence, janvier 2017 – Coffret édité par Warner en 2018) :

CD, critique. MOZART : Il dissoluto punito ossia il Don Giovanni (Milanesi, TONI, 3 cd FORNASETTI / Warner classics)

 

 

 

 

IL BOEMO, un défi cinématographique…

 

Aujourd’hui Raffaella MILANESI illumine le grand écran en conseillant les acteurs d’Il Boemo de Petr Vaclav : biopic très réussi sur la vie de Giuseppe Myslivecek, « le Mozart Praguois » (sortie en France le 21 juin 2023). En réalité, l’écriture du compositeur qui a influencé Mozart et l’a rencontré, n’est pas une découverte. Déjà avec le chef Vaklav Luks, Raffaella Milanesi participait à la recréation de l’Olimpiade de Myslivecek, production magistrale passée à Caen en mai 2013 avec la soprano Simona Houda-Saturova, également collaboratrice au film Il Boemo ; c’est la seconde voix vedette du film :

 https://www.classiquenews.com/compte-rendu-caen-theatre-de-caen-le-15-mai-2013-myslevecek-lolympiade-raffaella-milanesi-simona-houda-saturova-orchestre-collegium-1704-vaclac-luks-direction-ursel-hermann-mise-en-s/

 

 

Pour classiquenews, Raffella Milanesi évoque sa participation au tournage d’Il Boemo, film événement ; en particulier, la cantatrice aux milles visages incarne dans une dernière scène marquante du film, le castrat Marchesi dont elle chante en vrai, face caméra, un air particulièrement troublant : celui qu’elle chantait en 2013, donnant vie et souffle au personnage central de Megacle de l’Olimpiade (drame évoqué par Petr Vaclav dans son film – cf. nos photos illustrant cet article). Car le vrai sujet d’Il Boemo, est certes la musique, surtout le chant et la voix. A l’image se dévoile la fragilité et l’intensité du chanteur qui se consume à mesure qu’il chante sur scène ; à la fois acte cathartique, tragique, transcendant, bouleversant. Entretien exclusif. 

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Raffaella Milanesi et Philippe Jaroussky dans IL BOEMO, scène de la création de l’Olimpiade de Myslivecek, dans le film de Petr VACLAV (DR)

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Quelle est votre participation dans le film ? Sur quels aspects avez-vous travaillé en particulier ? En quoi cela était-il délicat ?

RAFFAELLA MILANESI : J’ai participé au magnifique film de Petr Vaclav qui sait privilégier à l’écran la vie et la voix, au vrai sens du terme ; en particulier quand j’ai incarné le castrat Marchesi, une véritable star de l’époque, avec Caterina Gabrielli, chantant en direct (au moment du tournage), les airs de Megacle de l’opéra l’Olympiade de Myslivecek (1);les prises ont été réalisées sur la scène du Teatro Sociale à Côme, transformé pour le tournage des scènes musicales en un véritable théâtre d’époque, avec des candélabres et un immense lustre de bougies,. 

Ce qui reste à la fois singulier et magique était aussi de guider et de soutenir l’actrice Barbara Ronchi, dans le rôle de Caterina Gabrielli, pour le doublage des airs réellement chantés par Simona Saturova. Barbara a su, vraiment chanter, respirer parfaitement ; grâce à sa sensibilité et son intelligence, elle permet de ressentir et transmettre les émotions qu’un chanteur d’opéra ne ressent que sur scène, à la fois nu et fragile devant une partition techniquement difficile et un public en attente du triomphe.

(1) dans l’une des dernières scènes d’opéra

 

En perruque blanche XVIIIè, Raffaella Milanesi devient Marchesi, castrat vedette que le film de Petr Vaclav ressuscite dans une scène finale qui rétablit face à la caméra la fragilité incandescente du chant lyrique (DR)

 

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Qu’apporte la place importante de la musique et des airs lyriques dans le film ?

La musique est le protagoniste. Les airs et les mélodies de Myslivecek sont le contrepoint de sa vie ; ils vont et viennent indistinctement dans son esprit et dans nos oreilles pendant que nous regardons le film, pour nous transporter dans une vie qui EST LA MUSIQUE ABSOLUE.

La musique de ce film est une nécessité et a été magistralement gérée par Petr Vaclav, en fin connaisseur et amoureux du répertoire baroque tardif. C’est un connaisseur sensible des voix et des âmes qui les sous-tendent : tout cela se concrétise à l’image. 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Connaissiez-vous Myslivecek ? Travailler sur le film vous a-t-il appris des éléments de sa vie que vous ne connaissiez pas ?

J’ai découvert myslivecek en 2013, il y a 10 ans, dans le rôle ardu de Megacle, mis en scène par Vaclav Luks. La découverte de sa musique m’a obligé à chercher une nouvelle interprétation, qui n’appartient guère à Mozart, par exemple. Il n’y a qu’une seule façon de réussir les affetti et les récitatifs très longs accompagnés : leur sens est à découvrir entre les lignes ; la clé se dévoile seulement après avoir passé un certain temps à chercher la meilleure interprétation.

Petr Vaclav a suivi toutes les répétitions de ces splendides olympiades à Prague, et à travers elles, il a composé un documentaire musical sur Myslivecek. A l’époque, nous nous consultions avec Petr et avec Vaclav Luks en partageant des histoires, des informations, des sensations et des émotions. Le film est le magnifique résultat de ce cheminement de longue date.

 

CLASSIQUENEWS : Quel est votre regard sur le scénario de Petr Vaclav et qu’apporte-t-il comme éclairage et vision sur Myslivecek ?

J’aime à dire que Petr Vaclav est Federico Fellini et qu’il ne le sait pas ;sa vision est profonde, respectueuse, ironique, sensible, surprenante.

Ce qui se dévoile à l’écran c’est le génie de Myslivecek ; sa générosité, son immense fragilité, dans un voyage sombre et léger à la fois. L’homme artiste émerge avec toute sa véhémence. Seul un grand réalisateur et scénariste peut exprimer cela.

 

 

CLASSIQUENEWS : Comme chanteuse d’opéra, en quoi est-il enrichissant / intéressant de participer à une telle expérience cinématographique ?

Quand je chante j’entre dans une autre dimension, qu’il s’agisse d’une répétition, d’une représentation ou d’un tournage comme dans ce cas. Il n’y avait pas de différence dans les sensations. La magie était de passer des heures et des heures dans les splendides costumes d’Andrea Cavalletto à attendre le moment de chanter, sans ressentir le poids de l’attente ; comme si j’étais prise dans la magie de ce qui se passe autour de soi sur un plateau de tournage !

 

 

CLASSIQUENEWS : Avec Vaclav Luks sur quels aspects du chant avez-vous travaillé ?

Comme je l’ai évoqué précédemment, nous nous connaissons depuis de nombreuses années, et avons travaillé ensemble. Le travail avec lui et son orchestre Collegium 1704 se fait maintenant presque tout seul, comme par magie. Vaclav est un brillant musicien, et à ce titre, la communication et la transmission des idées et des inspirations se font parfaitement, sans avoir à se forcer pour trouver un code de fonctionnement.

 

 

Propos recueillis en février 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Approfondir

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LIRE tous les articles Raffella Milanesi sur CLASSIQUENEWS

https://www.classiquenews.com/?s=raffaella+milanesi&post_type=post

 

 

 

LIRE aussi notre présentation du FILM IL BOEMO de Petr VACLAV, biopic sur la vie et les opéras de Myslivecek / Sortie le 21 juin 2023 :

 

 

Le réalisateur praguois Petr Vaclav s’intéresse à la vie de Josef Myslivecek, surnommé le Mozart tchèque, ou « Il Boemo » (car il est né en 1737 alors en Bohème). Josef fut un compositeur prolifique à l ‘opéra. Son œuvre inspire Haydn et Mozart dont il devient l’ami… Il assimile la virtuosité italienne en particulier napolitaine (comme Mozart) ; à Naples, Venise, alors capitale européenne des plaisirs (et de la débauche), Myslivecek reste une figure aussi essentielle pour le XVIIIè que mésestimée. Le biopic de Petr Vaclav restitue le fond social et politique d’une époque sensible au raffinement opératique où le statut du compositeur, même auteur d’opéras, de surcroît très applaudis, reste précaire ; aussi fragile et exposé que les dieux de la scène, castrats et divas. : https://www.classiquenews.com/cinema-il-boemo-de-petr-vaclav-le-biopic-evenement-sur-la-vie-de-josef-myslivecek/

 

 

LIRE aussi notre dossier complet et notre critique du film de Petr VACLAV, IL BOEMO / Sortie : le 21 juin 2023 : https://www.classiquenews.com/cinema-il-boemo-de-petr-vaclav-le-biopic-choc-sur-la-vie-et-les-operas-du-tcheque-myslivecek-presentation-et-critique-sortie-le-21-juin-2023/

 

CINÉMA. Il BOEMO de Petr Vaclav : le biopic choc sur la vie et les opéras du Tchèque Myslivecek – présentation et critique (sortie le 21 juin 2023)

 

 

 

 

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Raffaella MILANESI en vidéo

 

NAPLES, expo Artemisa GENTILESCHI /Récital de RAFFAELLA MILANESI jusqu’au 19 mars 2023 – docu RAI) – Ardente et hallucinée, la soprano Raffaella Milanesi chante les affetti baroques à l’occasion de l’exposition événement dédié par les GALLERIE D’ITALIA de NAPLES à la peintre géniale Artenisa Gentileschi, fille d’Orazio, lui-même peintre caravagesque de grand talent – En italien : 5 mn / reportage RAI, mars 2023

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