samedi 14 septembre 2024

ENTRETIEN avec Romain LELEU, trompettiste, à propos de son nouvel album « Nuit fantastique »…

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Pour son nouvel album « Nuit fantastique », le trompettiste français Romain LELEU bouscule les zones de confort, ose jouer dans une vocalité propre, plusieurs mélodies et pièces originellement lyriques (entre autres) ; de quoi renouveler l’art de la trompette et aussi l’exercice de la transcription. En témoigne ce programme aussi acrobate qu’enchanteur dont chaque pièce a été cousue sur mesure pour la formation qui porte son nom, le « Romain Leleu Sextet », réunissant le trompettiste et le quatuor à cordes augmenté d’une contrebasse. Un album qui est aussi un jalon dans le parcours du musicien qui fonde ainsi son propre label « RL Records » …
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CLASSIQUENEWS : Pour exprimer au plus juste l’univers de la Nuit et le caractère fantastique, – pour reprendre le titre de l’album, comment avez vous choisi et sélectionné les pièces de ce programme ? Selon quels critères ?

ROMAIN LELEU : Nous avions travaillé sur ce thème pour la Folle Journée, et j’ai décidé d’en poursuivre l’exploration car il m’a beaucoup inspiré. La nuit tout est différent et j’aime d’ailleurs beaucoup travailler la nuit lorsque notre cerveau est en ondes Alpha, ce qui permet une concentration différente, un moment presque hors du temps. Mais la nuit peut aussi être source de peurs, d’angoisses, de rêveries, de romances, de fêtes etc.
Les pièces ont été sélectionnées en fonction de l’histoire qu’elles racontent d’une part (le Roi des Aulnes, Nacht & Träume, etc) ; également en fonction de l’idée que je m’en faisais de les jouer à la trompette. Et sur ce travail, nous n’avons pas dû abandonner d’idées tant le plan vocal ou symphonique se prêtait bien à l’ensemble.
J’ai également sélectionné les œuvres qui me paraissaient illustrer tous ces sentiments cités plus haut. Ainsi, la fête jusqu’au bout de la Nuit du Bœuf sur le Toit me plaisait beaucoup, d’autant plus que j’aurais beaucoup aimé partager une soirée en compagnie du Groupe des Six et du fameux Jean Cocteau !

 

CLASSIQUENEWS : Quels bénéfices / Quelles qualités confirme le timbre de la trompette à travers les transcriptions ? Quel éclairage particulier sur les pièces que l’on connaissait dans leur version originale ? Y a t il des pièces qui se prêtent mieux au jeu / au timbre de la trompette ?

ROMAIN LELEU : Le fait de transcrire des œuvres me donne l’occasion d’avoir accès à un autre répertoire et de trouver un équilibre artistique entre ce que je fais en concerto, en récital, et avec le Sextet. C’est très important pour moi, pour ne pas tomber dans une sorte de routine, et j’aime beaucoup découvrir de nouvelles œuvres, à créer, ou à transcrire !
Le timbre de mon instrument peut parfois donner un nouvel éclairage, ou un éclairage différent. Par exemple, le Roi des Aulnes, dont l’arrangement fait tourner les personnages en permanence dans les différentes voix de l’ensemble, me permet de jouer le rôle du narrateur et de l’enfant. Le défi est alors de trouver le timbre qui corresponde le mieux à chacun des personnages. C’est valable pour chaque œuvre car j’aime beaucoup travailler, pas forcément en voyant des couleurs, mais en me représentant certains personnages souvent issus de mon imaginaire !
Je ne suis pas dans l’imitation mais il est vrai que j’aime beaucoup m’inspirer des voix de chanteurs, lyriques ou pas, et que je considère pleinement mon instrument comme un prolongement de la voix humaine.
Je ne sais pas si certaines œuvres se prêtent mieux au jeu ou au timbre de la trompette, je peux juste dire que si les choses sont jouées avec conviction et sincérité, alors elles fonctionnent auprès de l’auditeur !

 

CLASSIQUENEWS : Quels ont été les défis techniques particuliers pour réussir l’interprétation ? Sur quels points avez-vous travaillé avec les cordes du Sextet ?

ROMAIN LELEU : Il a fallu travailler sur le texte, le phrasé et le rythme de chaque œuvre que je voulais programmer sur cet enregistrement. Techniquement, le défi est constant car les œuvres sont physiquement difficiles et les différents caractères à proposer sur chaque pièce demandent un engagement physique total. Je joue beaucoup de trompette en Ut sur ce disque, un instrument réalisé en France par Adrien Jaminet, un artisan d’art, luthier pour vents, qui m’accompagne depuis un moment, et le timbre de ses instruments se marient bien avec les cordes de l’ensemble. Le côté brillant, timbré, vibré, sans jamais être écrasant, crée un bel équilibre sonore. Je suis aussi allé chercher des couleurs que je n’avais jamais exploités jusqu’alors, justement grâce à ce répertoire nocturne !
Avec les cordes, il est souvent question, comme dans chaque formation, d’intonation, de répartition, de placement. C’est un travail qui me passionne toujours et me fait progresser.
J’aime aussi m’inspirer de leurs modes de jeux, très variés, pertinents, et de leurs articulations, dont le spectre me paraît toujours plus large de ce que nous pouvons faire chez les cuivres. Un travail de longue haleine, mais totalement passionnant.

 

CLASSIQUENEWS : Dans ce programme : une pièce favorite / un enchaînement clé particulièrement réussi ?

ROMAIN LELEU : Il y en a plusieurs, mais comme le programme est bien sûr décliné en plusieurs versions de concerts, l’enchainement « Round Midnight / Night in Tunisia » est particulièrement intéressant à jouer. J’ai beaucoup de plaisir à aborder « la Danse Macabre », justement en allant chercher des articulations plus poussées, sans en faire une pièce de bravoure pour autant. Une danse qui permet de s’installer dans cette Nuit Fantastique et de se laisser aller à l’aventure !
J’ai aussi un faible pour « Nacht und Träume », qui me permet de m’exprimer profondément, mais simplement. Les choses les plus belles sont souvent les plus simples !

 

CLASSIQUENEWS : Une anecdote / un souvenir lié à la conception du programme, et au moment de son enregistrement ?

ROMAIN LELEU : Beaucoup de bons souvenirs et d’anecdotes en effet !
D’abord la conception a été un vrai plaisir, mais aussi une recherche, afin de trouver quelle pièce pourrait évoquer tel ou tel sentiment ou ressenti de cette Nuit Fantastique.
Au moment de l’enregistrement, nous avons eu le plaisir, une fois les répétitions faites, de travailler en totale immersion, dans le cadre de la Ferme de Villefavard, qui offre la possibilité de travailler dans des conditions particulièrement sereines. Nous étions totalement immergés dans le projet pendant plusieurs jours, loin du bruit et du stress de la ville, pour une résidence / enregistrement précieuse et importante pour moi, notamment grâce au soutien de Génération Spedidam. Un accompagnement parfait qui nous a permis d’aller au fond des choses.
L’anecdote ou le souvenir marquant est que toute cette aventure s’est programmée en 24 heures ; nous avons pu avoir, les équipes, le lieu, et l’ingénieur du son que je voulais, preuve que les planètes étaient bien alignées !

 

CLASSIQUENEWS : Que représente cet album à ce moment précis de votre vie de musicien ?

ROMAIN LELEU : C’est d’abord une étape importante car ce disque marque la création du label RL Records, lié à notre structure.
Cela trottait dans mon esprit depuis un moment, et nous nous sommes, avec mes équipes, lancés dans cette nouvelle aventure avec engagement et abnégation. Je suis également ravi de pouvoir proposer une déclinaison de cet album en LP, et en Dolby ATMOS. Je tenais à ces formats également.
Ce disque n’est pas non plus un album de plus à mes yeux car il représente une évolution significative du parcours de l’ensemble, une nouvelle étape dans l’exploration d’une thématique, une recherche du timbre plus poussée, et ouvre une nouvelle page à travailler pour l’avenir ! Et j’en suis ravi !

 

 

CLASSIQUENEWS : D’une façon générale, que vous apporte le fait de jouer au sein de votre propre Sextet ?

ROMAIN LELEU : Je prends beaucoup de plaisir à construire les différents programmes, et à les jouer en concert. Le sextet est l’un de mes projets personnels phares, initié il y a 15 ans. Avec ce projet j’ai pu changer l’image de mon instrument, parfois un peu poussiéreuse ou désuète, ou même « drôle » ! J’aime donner ces programmes qui font plaisir à écouter, mais qui sont également intéressants à jouer. L’idée n’est jamais de tomber dans une certaine facilité, cela ne me ressemble pas.
Alors, je prends autant de plaisir à jouer un lied de Schubert, ou la suite du Bœuf sur le Toit, qu’une musique de film ou une chanson…selon moi, étant donné que les œuvres ont été soigneusement « sélectionnées », magnifiquement arrangées, et interprétées avec sincérité, alors elles sont tout aussi acceptables ou valables qu’une œuvre du répertoire. C’est ce que je défends avec conviction.
Le fait de jouer avec l’ensemble me donne aussi beaucoup de souplesse et de diversité.
J’aime beaucoup jouer en concerto, j’aime également le cadre intimiste d’un récital avec piano par exemple, mais ce que je développe avec l’ensemble est tout à fait différent, car tout le répertoire est réellement fait sur mesure pour nous, c’est donc tout à fait passionnant et unique.

Propos recueillis en juillet 2024

 

 

CD

LIRE aussi notre CRITIQUE complète du cd Nuit fantastique par le Romain Leleu Sextet (RL records) / CLIC de CLASSIQUENEWS été 2024 : https://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-nuit-fantastique-romain-leleu-sextet-1-cd-rl-records-schubert-milhaud-mozart-rota-porter-rossini-monk-gillespie/

CRITIQUE CD événement. NUIT FANTASTIQUE, ROMAIN LELEU SEXTET (1 cd RL records) – Schubert, Milhaud, Mozart, Rota, Porter, Rossini, Monk, Gillespie…

 

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