samedi 14 septembre 2024

CRITIQUE, festival. PERALADA (Espagne). 38ème Festival Castell de Peralada (Iglesia del Carmen) le 3 août 2024. Récital de Yunchan Lim (piano).

A lire aussi
Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Malgré le statu quo des travaux qui devait lui permettre de se doter d’un nouvel Auditorium, le prestigieux festival calatan Castell de Peralada n’en propose pas moins une offre lyrique toujours aussi impressionnante, notamment au travers de récitals affichant les stars les plus en vue du monde opératique : Piotr Beczala, Sonya Yoncheva, Ismaël Jordi, Anna Pirozzi, Julian Prégardien, Sara Blanch et Paolo Bordogna en duo (nous y reviendrons), mais aussi les pianistes les plus médiatisés et brillants de notre temps, Yuja Wang chez les dames, et le tout jeune pianiste coréen Yunchan Lim (né en 2004), star mondial des réseaux sociaux mais également artiste de génie – comme le récital auquel nous avons pu assisté, en ce samedi 3 août dans la superbe Église del Carmen, nous l’a confirmé.

 

 

Les précédentes apparitions (parisiennes) de Yunchan Lim – en février 2023 à la Fondation Louis Vuitton (voir vidéo plus bas), puis à la Philharmonie de Paris au printemps dernier – ont révélé au public français ce jeune pianiste de tout juste 20 ans. Lors du Concours Van Cliburn, édition 2022, ceux qui l’ont découvert en direct ou à travers les streamings et les vidéos l’ont nommé “ovni” ou “extraterrestre”, compte tenu de son univers particulier qui n’appartient qu’à lui. Hors les deux courtes pièces introductives (Deux Romances sans paroles, toute en poésie, de Felix Mendelssohn), c’est un programme entièrement russe qu’il délivre ce soir, au travers des deux pièces peut-être les plus emblématiques du répertoire russe : Les Saisons de Piotr Ilitch Tchaïkovsky et les célébrissimes Tableaux d’une exposition de Modest Moussorgski

Dans les douze numéros des Saisons de Tchaïkovski, vignettes composées en un temps heureux où la musique paraissait en feuilleton dans la presse mensuelle, Yunchan Lim sait leur donner toute leur saveur, imprimant ici à une sonorité plus colorée, là un ton plus tendre et confidentiel, voire spirituel, totalement à l’aise dans une musique avec laquelle il respire avec le plus complet naturel. On savoure tout au long de cette promenade romantique les parfums qui semblaient s’échapper des plus merveilleux ballets de Tchaïkovski, comme des bribes de thèmes qui auraient pu être empruntés à la thématique de ses symphonies et opéras, même si le grand moment est évidemment la Barcarolle de juin, celle qui servit à Jean-Jacques Annaud dans son film L’Ours, ici délivrée avec une bouleversante tendresse et intimité. Les parties plus dynamiques des mois suivants intéressent tout autant et sont développées sans accrocs par le pianiste : il revient à des intonations plus tristes et plus pensives dès la Chanson d’Automne d’octobre pour présenter ensuite en novembre une Troïka particulièrement retenue dans sa dynamique, avant un Noël qui rappelle le style du ballet Casse-Noisette.

Mais c’est dans Les Tableaux qu’il impressionne le plus, l’ouvrage lui permettant une liberté de ton qu’il ne se refuse pas de prendre. Bien que très contrôlée, son interprétation ne bride pas l’expression, et encore moins l’émotion, jouant sur les failles et déchirures caractéristiques du compositeur, en les accentuant même pour plus d’effet sur un public médusé, et allant même jusqu’à rajouter des ornementations ou effets qui n’apparaissent pas dans la partition originale, telles ces octaves doublées dans le registre grave dans le Ballet des poussins ou l’inclusion d’un glissando avant l’accord culminant du Baba-Yaga. Le discours va toujours de l’avant, avec plus ou moins de précipitation et un usage assez systématique du rubato, avec parfois la volonté d’articuler clairement (“Tuileries”, “Limoges”, ou encore tomber avec délice dans les excès (“La Grande Porte de Kiev”). On est ici dans une volonté de sacrifier plus à la virtuosité et au spectacle qu’à la perfection (mais dans le cas présent, le jeune prodige coréen parvient aux deux !), multipliant à l’envie tout un éventail de nuances dynamiques, qui ne manquent pas d’éblouir l’audience qui se lève comme d’un seul homme après la dernière renversante mesure qui couronne cette pièce majeure de la littérature pianistique. En bis, il lui offre la transcription de Wilhelm Kempff de la Sicilienne extraite de la Sonate pour flûte n°2 BWV 1031 de Jean-Sébastien Bach.

Vivement de retrouver ce véritable phénomène du piano mondial !

_____________________________________

CRITIQUE, festival. PERALADA (Espagne). 38ème Festival Castell de Peralada (Iglesia del Carmen,) le 3 août 2024. Récital de Yunchan Lim (piano). Photos (c) Miquel Gonzalez.

 

VIDEO : Yunchan Lim en récital à La Fondation Louis Vuitton (2023)

 

 

Lire aussi notre présentation du Festival Castell de Peralada 2024 :

https://www.classiquenews.com/festival-peralada-2024-espagne-du-19-juillet-au-11-aout-2024-sonya-yoncheva-anna-pirozzi-carlos-acosta-yuja-wang-yunchan-lim/

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

THEATRE DE NORDHAUSEN. Benjamin PRINS met en scène CARMEN de Bizet, 20 sept > 14 déc 2024. LOH-Orchester Sondershausen / Swann Van Rechem (direction).

 Benjamin PRINS, directeur de la section opéra au Théâtre de Nordhausen,  met en scène Carmen de Georges Bizet, une...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img