DVD, compte rendu critique. Mozart : La Finta Giardiniera (Haïm, 2014). Présentée en mars 2014 à Lille, la production mise en scène par David Lescot révèle en format dvd son intelligence dramaturgique comme sa fine direction d’acteurs. Chez Mozart, la subtilité du bouffa joue avec les vertiges amères nés de la déception amoureuse : on peine à mesurer la maturité poétique et la profondeur expressive de cette fausse jardinière Violante rebaptisée Sandrina qu’un passé chargé, rend très humaine donc touchante. Le sujet sous ses accents comiques cible précisément la fragilité des coeurs et le danger des faux serments quand il engage les sentiments des êtres au-delà de leur apparente maîtrise… Cette école du coeur, cynisme et ivresse mêlés, fera les délices de Cosi fan tutte. Mais dans La Finta Giardiniera, Wolfgang même jeune, est déjà Mozart et la grâce souvent grave de son écriture est bel et bien présente ici. Le drame qui sourd dans l’enchaînement des séquences, la vérité des sentiments plutôt que des types formatés, fait du théâtre mozartien, une scène déjà romantique.
Tout cela paraît dans cette production où la cohérence des chanteurs acteurs, leurs aptitudes à jouer autant qu’à chanter font toute la valeur de la performance. L’opéra est la fusion du théâtre et de la musique et la vision génératrice de ce plaisant plateau le dévoile avec naturel et subtilité. La tempête qui affleure chaque destinée personnelle plonge dans l’intimité des êtres : le travail des acteurs rend explicite une compréhension très nuancée et juste de l’amour, ce que la musique de Mozart exprime avec le génie que l’on sait. Le délire certes mais aussi la folie et la déraison puissante et destructrice qui inféode les individus : Mozart acclimate après Haendel, la tragédie amoureuse d’après L’Arioste, mais avec les accents sincères de son style inimitable. Bien sûr en fin de parcours, Sandrina Violante (Erin Morley) retrouve Belfiore (Enea Scala, vrai ténor agile) mais avant leurs retrouvailles, c’est toute une géographie des coeurs (avec le coup de théâtre à la fin du II) où les êtres se révèlent et se dévoilent à eux-mêmes et aux autres qui transporte et emporte les couples destinés à s’unir finalement autour des deux protagonistes : Arminda (Marie-Adeline Henry, maîtresse dominatrice) et Ramiro (effervescente Marie-Calude Chappuis), Serpetta (Maria Savastano, un rien elle aussi agitée) et Nardo / Roberto (Nicolay Borchev, flexible et sombre)… Seul le podestat (pétillant et subtil Carlo allemano) reste célibataire mais il jure de se marier très vite avec une jardinière aussi avenante…
Inspirée par la tenue scénique et les trouvailles très justes du metteur en scène, la direction d’Emmanelle Haïm semble revitalisée dans la finesse comme l’expressivité. Poésie, justesse, humanité sensible et collectif idéalement canalisé : que demander de mieux ? C’est Mozart qui gagne ici et son opéra de jeunesse injustement sousestimé, est très honorablement réhabilité. CLIC de classiquenews de juin 2015.
DVD, compte rendu critique. Mozart : La Finta Giardiniera. Erin Morley, Carlo allemano, Enea Scala, marie-Adeline Henry, Maria Savastano. Le Concert d’Astrée. Emmanuelle Haïm, direction. David Lescot, mise en scène 2 dvd Erato 08256 461664 5 9. Enregitré à Lille en mars 2014.