Limoges, Reims. Donizetti : Lucia di Lammermoor. 1er novembre-1er décembre 2015. A Limoges puis Reims, le sommet lyrique tragique de Donizetti (créé en 1835 au san Carlo de Naples) occupe le haut de l’affiche. Pour Donizetti (1797-1848), Lucia est une amoureuse extatique et ivre dont la fragilité émotionnelle approche la folie hallucinée. Le compositeur qui fait évoluer le bel canto bellinien vers un nouveau réalisme expressif annonçant bientôt Verdi, signe le chef d’oeuvre de l’opéra romantique italien, quelques années après la révolution berliozienne (création de la Symphonie fantastique en 1830). Victime d’une société phalocratique qui décide de son destin contre son gré et son amour (pour Edgardo), la belle Lucia, parti enviable, assassine ce mari dont elle ne veut pas : à peine consciente, abandonnée à la déraison psychique, la diva se doit à la fameuse scène de reprise de conscience, où meurtrière malgré elle, elle retrouve une raison bien éphémère, après avoir compris l’acte qu’elle vient de commettre et avant de mourir. Avec Lucia, Donizetti atteint un sommet dans le registre pathétique noir et sanglant.
En 1835, Donizetti compose le sommet romantique italien
Lucia / Juliette : visages de la folie amoureuse
Le frère de Lucia (Enrico Ashton) s’entête à vouloir marier sa sœur contre sa volonté : or l’amoureuse aime éperdument le beau Edgardo (malheureux héritier du clan rival aux Ashton, les Ravenswood). C’est un peu comme dans Roméo et Juliette : les deux amants ne peuvent pas se marier car ils s’aiment a contrario de la loi fratricide qui oppose les deux clans adverses dont chacun est l’enfant. L’amour ou le devoir : les sentiments ou la famille. Tout l’acte I expose la force de leur amour pur et sans calcul.
Au II, Marieur pervers et terrible manipulateur, Enrico force donc Lucia à épouser le mari qu’il a choisi : Arturo Bucklaw. Revenu de France, Edgardo humilie celle qui pourtant l’aimait… En un sextuor final, concluant le II, tous les protagonistes expriment chacun, son incompréhension et sa solitude dans un climat d’inquiétude oppressant.
Au III, la rivalité entre Enrico et Edgardo redouble. Pendant sa nuit de noce, la jeune mariée tue cet époux imposé avant de tomber inconsciente et morte (au terme de sa fameuse scène de la folie) ; quant à Edgardo, trop naîf, trop manipulable, se donne lui aussi la mort sur le corps de son aimée après avoir compris qu’il avait été abusé par Enrico…
Comme Roméo et Juliette, Edgardo et Lucia sont deux flammes amoureuses, interdits de bonheur, victimes expiatoire d’un monde où les hommes n’ont qu’une motivation, se faire la guerre et défendre leur intérêt. Une sœur est une monnaie d’échange ou le moyen de contracter alliance. La barbarie écrase le cœur des amants purs.
Limoges, Opéra
Les 1er, 3, 5 novembre 2015
Reims, Opéra
Les 27, 29 novembre puis 1er décembre 2015
Allemandi – Vesperini
Gimadieva, Lahaj, Pinkhasovitch, Vatchkov, de Hys, Casari
Illustration : robe ensanglantée, silhouette évanescente bientôt abandonnée à la mort, Lucia (ici la légendaire Joan Sutherland) erre sans but après avoir assassiné l’époux qu’on lui avait imposé…