Londres. ROH : Rossi : L’Orfeo, 1647. 23 octobre > 15 novembre 2015. Déjà salués pour leur Ormindo présenté sur les mêmes planches, Christian Curnyn et The Early Opera Company abordent L’Orfeo de Luigi Rossi dans la réalisation scénique de Keith Warner. L’Orfeo de Rossi est bien connu dans l’histoire de l’opéra en France : c’est le premier opéra italien, dans l’esthétique lyrique romaine du XVIIè qui est représenté à Paris à la fin des années 1640, en 1647 précisément, nouveau jalon de l’apprentissage de l’opéra ultra-montain par les français, quand Mazarin, ex collaborateur des Barberini à Rome, entendait importer le raffinement musical et artistique italien à Paris. Luigi Rossi (1597-1653) étudie à Naples, puis se rend à Rome au service des Barberini. Sa cantate écrite à 35 ans (1632) : Lamento della regina di Svetia, pour Gustave II de Suède lui produre une immense notoriété. Ainsi peut-il rejoindre la cour du pape Urbain VIII en 1641 à Rome : il crée son opéra Il Palazzo d’Atlante incantato (sur le livret du Cardinal Rospigliosi, futur Clément IX).
L’Orfeo est écrit spécialement pour Paris à la demande du cardinal Mazarin, créé le 2 mars 1647 au Petit Bourbon avec les castrats vedettes de l’époque : l’alto Atto Melani (Orfeo) et le soprano Pasqualini (Aristeo). Le succès est tel que l’ouvrage est repris 5 fois ! Un record pour une partition étrangère. Xerse de Cavalli représenté pour le mariage de Louis XIV en novembre 1660 au Louvre, sera loin de connaître le même accueil (et ce sont les ballets de Lulli qui alors au début de sa carrière, attirent a contrario des longues scènes du Vénitien Cavalli, tous les suffrages). Contemporain de Monteverdi, le génie de Rossi est immense. Il aurait créé le genre de la cantate et son oratorio Giuseppe reste aussi un ouvrage d’un raffinement expressif et d’une gravité poétique, irrésistibles.
Sur un livret de Francesco Buti (secrétaire du Cardinal Barberini), L’Orfeo que découvrent les parisiens est un spectacle total : Rossi a pu bénéficié des machineries de Torelli et des chorégraphies de Baldi.
Déjà dans le prologue, la Victoire chante le triomphe des armées française menées par Anne d’Autriche. La victoire du poète chanteur aux Enfers annoncent la victoire finale de la France sur le mal.
A l’époque de la composition de son Orfeo, Luigi Rossi perd son épouse : il restera en France jusqu’en 1649 puis repart pour Rome avec Antonio Barberini. Au sein d’une production qui dura 6 heures, les longs recitatifs italiens spécialité de l’opéra italien ont paru ennuyer parfois l’auditoire s’il n’était la magie des machineries conçues par le magicien Torelli, l’un des plus grands créateurs de son temps (dont outre les plaintes d’Orphée, l’apparition du char du soleil, une image clé qui annonce déjà le mythe solaire du futur souverain versaillais). Le jeune roi, Louis XIV, alors âgé de 8 ans, assiste à 3 représentation sur les 8 au total. Après les 3 actes (précédés par un prologue), Jupiter décrète que Orphée et Eurydice sont changés en constellation et glorifiés. Mercure explique que la lyre immortelle et irrésistible d’Orphée est le Lys royal de la France triomphante. Belle assimilation qui fusionne puissance monarchique française et emblème musical : l’époque est à l’identification du souverain au héros de la fable. Si l’ouvrage de Rossi tend à identifier le Roi à Orfeo, bientôt ce dernier identifié à Hercule ou Xerse (chez Cavalli) atteindra sa nature divine, devenant le soleil lui-même selon le mythe solaire élaboré peu à peu par Louis XIV à Versailles.
La nouvelle production présentée par l’Opéra royal de Londres Covent Garden est une coproduction partagée avec le Théâtre du Globe Shakespeare
Diffusion à la radio : BBC Radio 3, le 28 novembre 2015 (18h30 GMT)
L’Orfeo de Rossi au Royal Opéra House
Covent Garden, Londres
Du 23 octobre au 15 novembre 2015
distribution
Orpheus: Mary Bevan
Eurydice: Louise Alder
Aristeus: Caitlin Hulcup
Charon/Endymion: Philip Smith
Cupid: Keri Fuge
Venus: Sky Ingram
Pluto: Graeme Broadbent
Satiro: Graeme Broadbent
Momus/Old Woman/Jupiter : Mark Milhofer
Aegea: Verena Gunz
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Ensemble musical the Early Opera Company
Christian Curnyn, direction musicale