samedi 8 février 2025

CRITIQUE, récital. LISBONNE, Grand Auditorium de la Fondation Gulbenkian, les 4 et 5 janvier 2024. JONATHAN TETELMAN / OFG / F. Chaslin.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

8 jours exactement après son inoubliable récital (avec piano) au Gstaad New Year Music Festival, c’est à Lisbonne – et cette fois avec comme écrin le formidable Orchestre de la Fondation Gulbenkian (dirigé par le chef français Frédéric Chaslin) – que nous retrouvons le ténor star Jonathan Tetelman, que beaucoup considèrent comme la valeur montante (et la plus sûre !) parmi les ténors de sa génération.

 

 

Mais pour fêter l’an nouveau, l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian nous régale d’abord en jouant les inusables valses symphoniques de Johann Strauss fils (Valse de l’Empereur en ouverture de soirée, puis Tritsch-tratsch Polka, l’Ouverture du Baron Tzigane, sans omettre la non moins célèbre Pizzicato Polka, composée avec son frère Josef et, en dessert irrésistible mais hautement digeste, le Beau Danube bleu…). Aux vertiges symphoniques, la phalange lisboète ajoute plusieurs extraits lyriques selon une formule éclectique qui tient désormais l’affiche des grands théâtres lyriques européens chaque début d’année (cette même proposition fait le bonheur des spectateurs de La Fenice à Venise au même moment…), mais particulièrement choyés à Lisbonne, puisqu’ils peuvent compter avec la voix du ténor américano-chilien Jonathan Tetelman – et quelle voix ! Le chanteur vedette du label Deutsche Grammophon est en passe de devenir le « nouveau » Kaufmann – dont il possède la ravageuse beauté physique en même temps que la même mâle assurance, l’égale puissance vocale et le même souverain registre aigu.

 

C’est un plaisir encore décuplé à Lisbonne (par rapport au piano « maigrelet » de Gstaad…) grâce à la présence de l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian cette fois – autant détaillé et engagé dans les valses viennoises que pour les morceaux opératiques. Le ténor charismatique chante Verdi avec ce qu’il faut d’aplomb et de souffle, de puissance et de sincérité (« Questa o quella » dans Rigoletto et « O figli, o figli miei » dans Macbeth), mais il confirme surtout ensuite un tempérament magistralement maîtrisé chez Puccini, le sujet de son dernier album « The Great Puccini », distingué par un CLIC de CLASSIQUENEWS en septembre 2023) : il y déploie l’intensité expressive mais aussi l’élégance de phrasés de très grande classe, à mille lieues des effets et maniérismes ordinairement de mise au nom du vérisme. L’album confirmait un interprète ardent et profond, doué d’une intelligence et d’une justesse psychologique de premier plan, ce dont un public lisboète venu en masse (le concert affichait complet depuis longtemps sur les deux soirées…) peut se rendre compte en « live ».

On retrouve dans la capitale portugaise deux personnages qu’il a choisi d’incarner (entre autres) dans le programme de l’album édité par DG l’automne dernier : Des Grieux dans Manon Lescaut (le premier succès véritable de Puccini), et plus particulièrement le personnage de Mario Caravadossi (dans Tosca) avec un « E lucevan le stelle » qui suscite l’enthousiasme du public : qualité du timbre et qualité du style, énergie et sensibilité… autant de nuances qui donnent chair et vie au héros puccinien… décidément Jonathan Tetelman a tout pour réussir une immense carrière ! Voilà qui augure le meilleur pour ses prochains engagements très attendus (et dans Puccini justement) au Metropolitan Opera de New York (en mars et début avril 2024) pour y incarner Ruggero dans La Rondine (aux côtés d’Angel Blue), avant d’y chanter Pinkerton dans Madama Butterfly (fin avril et en mai)… 

 

 

En bis, il offre tour à tour un « Nessun Dorma » extrait de Turandot qui emporte tout sur son passage par l’ardeur des accents, mais il fait surtout chavirer le coeur des lisboètes avec la célébrissime Canzona de Nino Rota « Parla piu piano » (accompagnée à la mandoline – et immortalisée par le film « Le Parrain« ), détaillée pianissimo, et plus encore avec le bouleversant « No puede ser » (de Sorozabal) que Jonathan Tetelman délivre comme s’il y jouait sa vie.

Complice tout aussi fervent – qui lui déroule une scène orchestrale affûtée et dramatique -, le chef français Frédéric Chaslin se montre à la hauteur de l’événement, sachant exploiter toutes les ressources expressives (et mêmes oniriques) des formidables instrumentistes de l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian – selon nous la meilleure des phalanges que compte le Portugal, et donc un écrin digne de la voix d’or du plus enthousiasmant ténor du moment !

 

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CRITIQUE, récital. LISBONNE, Grand Auditorium de la Fondation Gulbenkian, les 4 et 5 janvier 2024. Johann Strauss II, Verdi, Puccini… JONATHAN TETELMAN / OFG / F. Chaslin. Photos (c) Emmanuel Andrieu.

 

 

VIDEO : Jonathan Tetelman chante « No puede ser » extrait de la zarzuela « La Taberna del puerto  » de Pablo Sorozabal

 

 

 

LIRE aussi notre critique du CD « The Great Puccini » par Jonathan Tetelman : 

 

CRITIQUE CD événement. Jonathan TETELMAN : The Great PUCCINI / Airs d’opéras (Manon Lescaut, La Bohème, Tosca, Il Tabarro, Turandot, La Rondine…). Prague Philharmonia / Carlo Rizzi – (1 cd Deutsche Grammophon)

 

 

Plus d’infos sur Jonathan Tetelman : https://www.jonathantetelman.com/spring-2024

 

 

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