samedi 8 février 2025

CRITIQUE CD événement. Jonathan TETELMAN : The Great PUCCINI / Airs d’opéras (Manon Lescaut, La Bohème, Tosca, Il Tabarro, Turandot, La Rondine…). Prague Philharmonia / Carlo Rizzi – (1 cd Deutsche Grammophon)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Ardente, puissante, mais aussi finement cuivrée sans les maniérismes automatiques de certains de ses confrères (parmi les plus célèbres), la voix subjugue d’un bout à l’autre de ce 2è récital chez DG Deutsche Grammophon.  Le chilien Jonathan Tetelman poursuit son chemin vocal avec une probité exemplaire, ici dédié à la lyre puccinienne (en vue des célébrations Puccini 2024 ?).

 

Outre son indiscutable intensité expressive, le ténor sait aussi phraser, c’est à dire exprimer chaque sentiment du verbe, faire jaillir la diversité et la justesse des émotions au fur et à mesure du texte. Cette qualité du détail et de la profondeur s’entend surtout dans les airs moins connus, ce qui ajoute à la valeur et l’intérêt musicologique du programme : on entend avec bonheur son Calaf, son Cavaradossi….

 

Jonathan Tetelman : vrai puccinien !

 

 

On goûte surtout la finesse de son incarnation théâtral, à la fois articulée et habitée de DesGrieux dans Manon (le premier grand succès de Puccini sur la scène, présent à travers deux airs : « Donna no vidi mai », puis « Ah! Manon, mi tradisce ») ; son Rodolfo, poète enivré, amoureux, éperdu en sa candeur amoureuse captive aussi (La Bohème : excellent duo avec la Mimi de Marina Monzo) ;  même son Pinkerton officier très lâche, revêt une épaisseur renouvelée, celle d’un cœur touché par la loyauté de la geisha qui l’a attendu 3 années durant sans faiblir… idem pour son Johnson de la Fianculla del West : âme incandescente et vibrante totalement vouée à l’amour de Mini… la dernière séquence, théâtrale et déjà cinématographique (Il Tabarro du trittico) engage le duo des amants maudits, condamnés : Giorgetta (excellente Vida Mikneviciute) et le jeune Luigi, bientôt assassinés par le mari jaloux, dévoré, Michele… crépusculaire, d’une inexorable cynisme souterrain, la scène est une réussite totale (l’orchestre mordant, fin, envoûtant dessine pas à pas comme une marche à l’échafaud) ; en effet, à ce travail de diseur vériste (le profil n’est pas si difficile ainsi à incarner et à défendre grâce à Jonathan Tetelman) répond la ciselure instrumentale que sait produire l’excellent chef Carlo Rizzi à la tête de PKF – Prague Philharmonia. On reste saisi par la justesse des couleurs entre amertume et sincérité du Roberto amoureux, nostalgique du bonheur perdu, par l’expression d’une âme dépossédée, et finalement tué par une blessure ineffable : le vrai visage d’un Puccini fataliste et tragique se dévoilerait-il ici grâce à un interprète de première classe, vrai puccinien au vérisme brut, direct, franc. Voilà qui confirme le tempérament hors normes du ténor le plus en vue actuellement et que certains ont déjà salué tel le successeur de Jonas Kaufmann. A suivre. CLIC de CLASSIQUENEWS automne 2023.

 

 

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CRITIQUE CD événement. Jonathan TETELMAN : The Great PUCCINI : airs d’opéras (Manon Lescaut, La Bohème,Tosca, Il Tabarro, Turandot, La Rondine… PKF – Prague Philharmonia. Carlo Rizzi, direction (1 cd Deutsche Grammophon – enregistré à Prague en mars 2023).

 

 

 

 

Teaser vidéo :

 

 

Précédent CD de Jonathan Tetelman sur CLASSIQUENEWS :

CRITIQUE CD. Jonathan Tetelman, ténor : ARIAS / Ponchielli · Giordano · Verdi (1 cd Deutsche Grammphon) – Tetelman a l’intensité fauve de Kaufman et presque l’éclat des phrasés Pavarotti. C’est dire le potentiel du ténor qui vient de signer un contrat d’exclusivité chez DG à l’été 2022. Ce premier récital discographique est saisissant et donc prometteur pour une carrière encore à construire. Vaillance, rondeur cuivrée du timbre, sens du verbe et souci de l’articulation, avec certains phrasés très racés voire élégants, et une couleur sombre d’un fini très séduisant… les qualités du baryton américano-chilien Jonathan Tetelman sont manifestes : il excelle entre autres dans le répertoire sombre des héros verdiens et véristes. Ses Puccini à l’appui de son Pimkerton ici, enivré à souhait et cependant précis, proche du texte, seront à suivre assurément (Cavaradossi, Rodolfo, … ).

 

 

L’américano-chilien serait-il le Kaufman de demain ?

Jonathan Tetelman, ténor assoluto

En français (comme son Werther : « Pourquoi me réveiller? ») : son Bizet (Don José) ne manque pas de conviction fauve, de surcroit doué d’une belle diction ; délectable, la projection du timbre demeure sobre, sans affectation d’aucune sorte ; le chanteur se concentrant sur la pureté de l’émission sans forcer. Ce qui importe ici et qui est particulièrement remarquable, c’est une sonorité grave voire lugubre (enrichissant la caractère tragique de l’incarnation) mais éclairée par un travail sur l’émission tout en finesse, et la richesse des harmoniques, soucieuse de sincérité et de justesse. De tous les récents ténors sur la scène lyrique, voici le plus sérieux des candidats à la succession de Jonas Kaufman.

D’autant que l’orchestre requis ici sous la direction du très articulé Karel Mark Chichon ne manque pas lui aussi d’attention au détail, à la caractérisation instrumentale de chaque séquence (belle tension tragique de « La vità è inferno », suivi d’une impeccable, éperdu et enivré « O tu che in seno agli angeli » avec clarinette obligée, de La Force du destin de Verdi). Même virilité tendre, racée, aux couleurs vaillantes pour son Manrico (Il trovatore, avec lequel s’achève le programme).
Chez Zandonai (Francesca da Rimini d’après d’Annunzio), le ténor propose une vaste scène de l’acte 3, laissant se déployer sa carrure dramatique et tragique, « Paola datemi pace! », puis « Perche volete voi ch’io rinnovi », cette dernière séquence de presque 10 mn, avec la soprano Vida Mikniviciute, idéalement passionnée) – le destin des amants maudits, destinés à la mort mais sublimés par l’apothéose que leur permet la musique, est palpable dans ce duo très intelligemment investi.
Idéalement héroïque et tragique, son Turiddu (« Mama, mama… », Cavaleria Rusticana de Pietro Mascagni) est proche de l’idéal, tant par l’intelligence de la caractérisation expressive que la maîtrise vocale, sur le fil. Tendre, éperdu, mais virile et faible, le héros qui trahit, revêt ici une réalisme irrésistible. Aucun doute, voici une voix, un tempérament, indiscutable chez les Véristes comme chez Verdi. Mais si le ténor travaille encore dans ce naturel vaillant, voire athlétique, la subtilité des phrasés, l’éloquence et ses couleurs intérieures, il se pourrait qu’il atteigne à l’excellence de l’élégantissime et subtil Pavarotti chez les véristes. Croisons les doigts que le ténor nous lise et exauce notre souhait de perfectionnement. Le niveau de ce cd est déjà … superlatif. CHOC absolu, donc CLIC de l’automne 2022.

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CRITIQUE CD. Jonathan Tetelman, ténor : ARIAS / Ponchielli · Giordano · Verdi (1 cd Deutsche Grammphon) – Ponchielli · Giordano · Verdi, Flotow · Bizet · Cilea, Zandonai · Massenet · Mascagni
Puccini… Jonathan Tetelman, ténor – Orquesta Filarmónica De Gran Canaria – Karel Mark Chichon, direction – Parution : 12 août 2022. CLIC de classiquenews / automne 2022. Enregistré à l’Alfredo Kraus Auditorium in Las Palmas de Gran Canaria

Plus d’infos sur le site DG Deutsche Gramophon : https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/arias-jonathan-tetelman-12721

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VIDEO
ARIAS Jonathan Tetelman, ténor
Verdi: I due Foscari – Non maledirmi, o prode

 

 

 

 

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CRITIQUE STIFFELIO par Jonathan Tetelman (Strasbourg, oct 2021)

CRITIQUE, opéra. STRASBOURG, le 10 oct 2021. VERDI : Stiffelio. Tetelman, Bassénz Andrea Sanguinetti / Bruno Ravella.

L’Opéra National du Rhin propose une nouvelle production de l’opéra rare de Verdi, Stiffelio (1850), signée Bruno Ravella. Décrié, censuré, remanié, puis oublié, l’opus voit dans cette résurrection alsacienne la seule création française d’après l’édition critique de la partition (2003). L’excellente distribution des solistes (pour leur majorité en prise de rôle et en début à Strasbourg), sont dirigés par Andrea Sanguineti qui fait aussi ses débuts à l’Opéra en tant que directeur musical.

 

Élégante résurrection 

L’œuvre, jugée blasphématoire par la censure italienne à sa création, en raison de quelques spécificités du livret de Piave (d’après Émile Souvestre et Eugène Bourgeois), est souvent présentée comme sujet sur l’adultère. L’histoire à nuancer, est celle de Stiffelio, pasteur protestant charismatique, trompé par sa femme Lina. Elle le trompe avec le gentilhomme Raffaele qui sera tué par le père, Stankar, pour l’honneur de la famille. Stiffelio, pasteur à la sérénissime compassion, côté jardin, fou de rage meurtrière, côté cour, rappelle à la fin que le devoir d’un chrétien est de pardonner ; il accepte le repentir de sa femme (après la signature d’un divorce quand même !).

Censuré officiellement en raison des éléments jugés « immoraux »  (représentation scénique mondaine d’un objet de culte, citations bibliques dans une œuvre profane, évocation du divorce…), l’opéra d’une grande richesse musicale est à la fois un défi majeur pour les metteurs en scène ainsi qu’une opportunité parfaite pour montrer combien l’art lyrique, un art vivant, est intimement lié aux sensibilités de son public… Nous y reviendrons.

Avant le lever du rideau le ténor protagoniste est annoncé souffrant, mais il assurera néanmoins la représentation. Le spectacle commence avec une pétillante ouverture pot-pourri, marquée par un certain imbroglio instrumental que nous oublions rapidement grâce à la remarquable prestation de la trompette, avec sa délicieuse et charmante mélodie. Le ténor Jonathan Tetelman dans le rôle-titre entre sur scène avec un tel panache théâtrale et une projection vocale sans défaut que nous nous étonnons qu’il soit souffrant ! Un rôle vocalement exigeant pour tout ténor, mais aussi une superbe occasion de montrer l’ampleur de ses talents, Tetelman l’interprète dignement. Son timbre solaire, son beau chant trouvent un contraste heureux avec son jeu d’acteur, passionné et passionnant ; habité, plus théâtralement que musicalement, le ténor éclaire l’affreuse dualité entre l’amour christique qu’est sa fonction / mission et la rage meurtrière aveuglante de l’homme blessé qui ronge son cœur. Si elle manque parfois de force sombre, la prise de rôle à Strasbourg bien est plus que remarquable… époustouflante : une révélation ! Ses duos avec la soprano Hrachuhi Bassénz (Lina) sont excellents, en raison des spécificités et ambiguïtés de l’œuvre et du parti pris de la production. Si les aigus cristallins sont là et que son legato ne fait pas défaut, sa réussite se trouve ailleurs, précisément dans la distance qu’elle établit avec presque tout le monde : il s’agît après tout d’une femme qui vit dans une communauté fermée et qui a peur.

 

Les rôles secondaires, légèrement moins complexes, sont dignement interprétés par les solistes. Le baryton Dario Solari (Skandar, père de Lina), est touchant dans son chant plein d’esprit. Son air et cabaletta du 3e acte « Lina, pensai… O gioia inesprimibile » est un moment de grand impact. La basse Önay Köse (Jorg, l’ancien) est hyper convaincant à tout niveau, archaïque, menaçant comme il le faut. Finalement le ténor Tristan Blanchet dans le rôle de Raffaele brille par la force gaillarde du chant ; il offre une prestation à l’espièglerie nonchalante très efficace. La distribution rayonne encore plus et davantage lors des nombreux duos et dans les fins d’acte, très beaux.

 

« L’infamie ne vous suffit point, vous voulez être lâche ! »  – Skandar

Pour revenir à la mise en scène, efficacité et pragmatisme paraissent être des mots-maîtres de la conception… C’est simple, épuré, beau. Comme un tableau de Raphaël que nous aimons tous et qui ne choque personne. Bruno Ravella situe l’action, de façon tout à fait ingénieuse et sage, dans une communauté religieuse fermée, à l’Amish. Le décor unique évoque le temple autour duquel tout se passe (décors et costumes d’Hannah Clark, lumières de Malcolm Rippeth). Les matières sont belles et élégantes dans leur simplicité, les lumières efficaces, souvent tamisées. Or, dans cet opéra où nous parlons de crimes d’honneur, où nous sommes encore à nouveau exposés à la souffrance « coupable » d’une femme, violée, nous trouvons la transposition en terre Amish, politiquement correcte et bouleversante, comme s’il y avait peut-être une volonté de ne pas froisser quelqu’un. Mais qui ? Matière à réflexion. Si l’occasion de parler à notre époque est quelque peu ratée, la création demeure agréablement efficace, sans plus.

La direction du chef Andrea Sanguineti est, elle, parfois tendue. Nous constatons l’évolution progressive de la performance, souvent le cas dans une première, à vrai dire, et l’Orchestre symphonique de Mulhouse prend un certain temps à trouver une dynamique cohérente et sa régularité. La performance des instrumentistes se révèle parfois très belle (cf. les vents, comme le hautbois sublime du duo « Opposto è il calle che in avvenire » au 3e acte). Les chœurs de l’Opéra, plutôt cosmétiques, sont corrects.

 

L’œuvre rare de Verdi est à découvrir et redécouvrir à l’Opéra National du Rhin, avant tout et surtout pour la beauté du chant. A l’affiche les 10, 12, 14, 16 et 19 octobre à Strasbourg, puis les 7 et 9 novembre à Mulhouse.

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CRITIQUE, opéra. Strasbourg. Opéra National du Rhin, le 10 oct 2021. VERDI : Stiffelio. Jonathan Tetelman, Hrachuhi Bassénz, Dario Solari, Tristan Blanchet, Önay Köse… Orch symphonique de Mulhouse. Andrea Sanguinetti, direction / Bruno Ravella, mise en scène.  Photos : © Klara Beck / ONR 2021.

 

 

A propos de Stiffelio, un opéra méconnu de Verdi, LIRE aussi :

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Notre dossier Stiffelio de Verdi

http://www.classiquenews.com/stiffelio-de-verdi/

 

Notre présentation du Stiffelio de Verdi à l’affiche de l’Opéra de Strasbourg en octobre 2021 :

http://www.classiquenews.com/stiffelio-a-strasbourg-et-mulhouse-10-oct-9-nov-2021/

 

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