vendredi 29 mars 2024

CRITIQUE, opéra. Paris. Opéra Comique, le 26 janvier 2015. André Campra : Les Fêtes Vénitiennes. Marc Maullion, Reinoud van Mechelen, François Lis, Emmanuelle de Negri, Rachel Redmond, Emilie Renard… Les Arts Florissants. William Christie, direction. Robert Carsen, mise en scène.

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CRITIQUE, opéra. Paris. Opéra Comique, le 26 janvier 2015. André Campra : Les Fêtes Vénitiennes. Marc Maullion, Reinoud van Mechelen, François Lis, Emmanuelle de Negri, Rachel Redmond, Emilie Renard… Les Arts Florissants. William Christie, direction. Robert Carsen, mise en scène   –   Les Arts Florissants et William Christie reviennent à l’Opéra Comique pour une résurrection d’un opéra-ballet du début du XVIIIe siècle Les Fêtes Vénitiennes d’André Campra (1710). Pour ce nouveau défi, la maison fait appel à nul d’autre que Robert Carsen pour la mise en scène et la compagnie Scapino Ballet Rotterdam pour la danse. Dans la jeune distribution, Willima Christie a retenu quelques-uns des meilleurs lauréats de son Académie vocale du Jardin des Voix. Le divertissement de circonstance par excellence est donc ranimé d’un souffle nouveau. Mais pourquoi et comment ?

 

 

La danse éclate dans une Venise rouge écarlate

 

 

 

 

 

 

L’opéra-ballet est un genre populaire de la musique baroque française, loin de la tragédie lyrique de Lully. Il s’agît d’un divertissement de circonstance où la danse et la musique de danse ont une place prépondérante. La structure du genre est en épisodes ou « entrées » indépendantes les unes des autres, le spectacle commence par un prologue. André Campra (1660-1744) a vécu sous le joug de l’institution musicale créée par Lully. Or, peu après la mort de ce dernier en 1687, Campra est nommé maître de musique à Notre-Dame de Paris. Avec la création de son Europe Galante en 1697, il s’affirme en tant que compositeur d’opéra-ballets. S’il compose de la musique théâtrale jusqu’à la fin de sa vie (et en est une figure d’envergure), il focalise sur la musique sacrée, domaine peu exploré par Jean-Philippe Rameau qui a de facto pris le relais de Lully. La musique de Campra a donc les qualités typiques de la période de transition entre Lully et Rameau, avec un côté italianisant confirmé et une légèreté très affirmée dans l’invention musicale. En ce qui concerne sa musique sacrée, elle est avant-gardiste par l’usage des instruments populaires.

 

Les talents combinés de Robert Carsen et de William Christie sont la seule raison d’être du spectacle parisien. Certes, l’intérêt historique, la revalorisation du baroque Français, est une mission importante. En ce qui concerne Les Fêtes Vénitiennes, saluons très bas l’engagement des interprètes. La mise en scène de Carsen situe l’action comme le titre l’indique à Venise. Une Venise imaginée, fantasmée, une Venise où des touristes de notre époque vont pour se divertir, comme ça fut le cas au XVIIIe siècle (même si c’est le siècle qui voit son déclin ultime). Ils arrivent, ils se déshabillent, devant le publique, par terre, bien évidemment ; ils mettent des costumes rouge écarlate (beaux costumes de Petra Reinhardt), et puis ils s’amusent. Ils dansent, ils chantent. Ils se tripotent les uns les autres. Une gondola va et vient de temps en temps, le tout très beau, voire spectaculaire. Le carnaval se fête toujours dans la grandeur. La folie, les jeux et les désirs interviennent, jouent, dansent. Et chantent. Il y a un bal, une sérénade, même un opéra dans l’opéra à la fin de l’œuvre. Un divertissement très chic mais pas si choc que ça. C’est très bien. Carsen sait bien comment caresser la vue, parfois inspire des réflexions même.

C’est aux Arts Florissants d’enchanter l’ouïe. William Christie dirige un orchestre en une complicité évidente, en l’occurrence une véritable boîte magique, aux couleurs très variées, avec l’éclat typique des partitions légères. Les chanteurs-acteurs sont peut-être les moins flattés musicalement, mais ils sont si investis dans la totalité du show que leur performance demeure ravissante, comique, piquante… un tourbillon savamment mesuré non dénué de poésie. Une Rachel Redmond régale l’auditoire notamment avec son chant en italien et en français. Si l’instrument, le style et l’agilité sont impeccables chez elle, pour cette première, nous trouvons pour la première fois (nous la suivons depuis long) un léger accent anglais qu’elle pourrait améliorer, notamment ces dernières syllabes. Marcel Beekman est une force de la nature dans son jeu d’acteur, mais sa musique touche parfois le grotesque. Les haute-contres Reinoud Van Mechelen et Cyril Auvity sont autant investis et brillent d’une lumière particulière. Emmanuelle de Negri et Emilie Renard débordent de classe et de style, dans leur ligne de chant comment dans l’action qu’elles représentent. Que dire d’Ed Wubb, chorégraphe du Scapino Rotterdam Ballet ? La danse d’allure classique, ma non troppo, est très bien intégrée dans l’œuvre et les danseurs ajoutent davantage de beau, de piquant, mais aussi de poésie avec leurs mouvements. Ils illustrent et parfois éclairent l’action ainsi… Mais puisqu’il n’y a pas vraiment beaucoup d’action, la danse fait partie des nombreux divertissements, feux d’artifices et des paillettes de la production, composant le principal attrait d’un divertissement surtout décoratif.

 

Un divertissement pur et dur, riche en couleurs, musicales et visuelles, servi par des équipes bien huilées et complices… Une nouvelle production à l’Opéra Comique qui est de surcroît applaudie lors des saluts longs et nombreux. Une joie légère d’autant plus délectable en temps de guerre ! A voir à l’Opéra Comique les 26, 27, 29, 30 janvier ainsi que les 1er et 2 février 2015, puis en tournée à Toulouse fin février puis à Caen en avril 2015.

 

Illustrations : Vincent Pontet (DR)

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