jeudi 18 avril 2024

CRITIQUE, opéra. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 23 nov 2022. MASSENET : Hérodiade. Nicole Car, Jean-François Borras, Etienne Dupuis… Orchestre de l’Opéra national de Lyon / Daniele Rustioni (direction).

A lire aussi
Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

CRITIQUE, opéra. LYON, le 23 nov 2022. MASSENET, Hérodiade. Nicole CAR… Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Daniele Rustioni (direction) – Massenet est à l’honneur durant cette saison : Hérodiade, présentée à Lyon, est co-produite avec le théâtre des Champs-Élysées et le Palazzetto Bru Zane, tandis que Grisélidis achèvera la saison à Paris et à Montpellier. Si l’œuvre est rarement jouée, qui requiert des voix rompues aux exigences du Grand opéra à la française, la production lyonnaise a été superbement défendue avec une distribution exemplaire, n’était-ce le rôle-titre.

 

Hérodiade électrise l’AO

 

Il s’agit en effet d’une des partitions les plus exigeantes et les plus dramatiques du compositeur stéphanois. Créé à Bruxelles en décembre 1881, deux ans plus tard en France à Nantes, puis en 1885 à Lyon, le livret de Millet et Grémont, inspiré de l’un des Trois contes de Flaubert, n’atteint pas hélas le même niveau littéraire. Massenet, qui n’a pas encore quarante ans et n’a composé que deux opéras (Don César de Bazan et Le Roi de Lahore), pare en revanche l’intrigue de toute la volupté et la sensualité typiquement orientalisantes qu’il retrouvera avec Esclarmonde et Thaïs. L’orchestration opulente sert d’écrin luxueux à des voix souvent sollicitées dans les registres extrêmes, en particulier pour le rôle du prophète Jean, pour atteindre un souffle dramatique particulièrement efficace. Les chanteurs réunis à la salle de l’Auditorium de Lyon, à l’acoustique généreuse, ont largement relevé le défi de cette partition difficile. Nicole Car a toutes les qualités requises de la grande soprano lyrique, doublée d’une présence et d’une parfaite diction. Son timbre lumineux, sans être particulièrement charnu, émerveille et séduit à chaque instant. Dans le rôle redoutable du prophète Jean, le ténor Jean-François Borras impressionne par son assurance et l’aisance de son ambitus vocal qui jamais ne faillit, du contre-ut au ré grave au 3e acte. Plus impressionnant encore est le Hérode du baryton Étienne Dupuis, absolument magistral de bout en bout, rappelant la grande tradition des barytons français d’autrefois qui conjuguait un art consommé du phrasé et une musicalité qui jamais ne l’entravait. Timbre puissant, viril et rayonnant, sa prestation restera l’un des grands moments de la soirée. Phanuel est incarné par un Nicolas Courjal dramatiquement très investi, même si on peut déplorer une émission parfois trop nasalisée qui nuit à la beauté d’un timbre pourtant bien solide. Le baryton polonais Pawel Trojak est un Vitellius impeccable et percutant, tout comme le Grand prêtre de Pete Thanapat à l’autorité idoine. Même les quelques mesures de la jeune Babylonienne de Giulia Scopelliti, au timbre d’une fraîcheur juvénile mais superbement projeté, nous font regretter sa trop brève prestation. Le ténor Robert Lewis, quatrième chanteur issu du Lyon Opéra Studio, campe une puissante « Voix du temple ». Reste l’épineux rôle-titre confié à la mezzo biélorusse Ekaterina Semenchuk. Si son français est plus que correct et si elle atteint une réelle grandeur dramatique dans le registre médian, elle poitrine excessivement dans les graves et surjoue dans les aigus.

Malgré ce bémol, il faut saluer l’extraordinaire direction de Daniele Rustioni à la tête de la phalange lyonnaise ; il n’a pas son pareil pour exalter les irisations de l’orchestration massenetienne. Toujours très attentif à l’équilibre des pupitres, les ballets orientalisants, topos obligé du Grand Opéra, semble littéralement revivre sous sa baguette à la fois fougueuse et délicate. Quant aux Chœurs de l’Opéra de Lyon, superbement dirigés par Benedict Kearns, ils atteignent une fois de plus un niveau d’excellence, dans la puissance comme dans la parfaite clarté d’élocution, qui laisse présager, on le souhaite, d’autres collaborations pour faire renaître un répertoire français qui regorge encore de trésors inexplorés.

 

_________________________________
CRITIQUE, opéra. LYON, le 23 nov 2022. MASSENET, Hérodiade. Ekaterina Semenchuk (Hérodiade), Nicole Car (Salomé), Jean-François Borras (Jean), Étienne Dupuis (Hérode), Nicolas Courjal (Phanuel), Pawel Trojak (Vitellius), Pete Thanapat (le Grand Prêtre), Robert Lewis (une voix dans le temple), Giulia Scopelliti (une jeune Babylonienne), Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Daniele Rustioni (direction)

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CONCERT et CD : « DOLCE VITA », MARCO ANGIOLONI & l’ensemble Contrastes. PARIS, Bal Blomet, mercredi 8 mai 2024.

Délicieusement rétro, le programme "Dolce Vita" - que défend le jeune ténor italien MARCO ANGIOLONI - nous parle d’amour,...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img