dimanche 16 mars 2025

CRITIQUE, opéra. GATTIÈRES, le 19 juillet 2023. BELLINI : Norma. C. Hunold, P. Gaugler, S. Caressa… A. Garichot / P. E. Thomas.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Dans le cœur historique et médiéval du village de Gattières (sur les hauteurs de Nice, de l’autre côté et à quelques encâblures du fleuve Var), est produit un opéra chaque été depuis 34 ans. Dirigé par la pugnace Elisabeth Blanc, le Festival Opus Opéra offre cette année à son public aussi fidèle que nombreux, le chef d’oeuvre de Vincenzo Bellini : “Norma”.

 

C’est sur la charmante Place Grimaldi, clôt sur la droite par la nef de l’église du village, et vers le fond par un grand mur qui est comme une version réduite du célèbre mur antique d’Orange, que se tiennent les 4 représentations prévues du 17 au 23 juillet 2023. Avec une telle configuration, l’acoustique s’avère parfaite, tandis que le public est placé sur des gradins, de face mais aussi sur le côté, derrière le chœur de l’église communale.

Captivante Norma de Catherine Hunold

 

Déjà présente l’été dernier dans “Cavalleria Rusticana” (rôle de Santuzza), Catherine Hunold interprète le rôle-titre, délaissant un temps les rôles wagnériens et de spinto verdien (comme le mois dernier dans “Macbeth” de Verdi à Saint-Etienne : juin 2023) dans lesquelles elle brille d’habitude, pour s’abandonner au plaisir pur du belcanto bellinien… C’est toujours une gageure que de se confronter à ce rôle difficile entre tous, dans lequel les voix trop légères ne se montrent pas à la hauteur de ses exigences, et les voix trop lourdes butent sur les vocalises. Mais rien de tel ici : la soprano dramatique porte l’opéra de bout en bout.
Sa force de conviction, son investissement, son intelligence musicale forcent l’admiration, car elle n’est pas originellement la soprano belcantiste de l’emploi, mais un grand lyrique / dramatique ayant gagné la souplesse vocale et l’art de la vocalise à force de travail et de persévérance. Sa Norma est d’une grande noblesse et d’une souveraine sensibilité tout à la fois… pour une prise de rôle réussie !

L’on pouvait également compter sur le fort ténor de Paul Gaugler (habitué à chanter Don José ou Radamès) pour composer un Pollione héroïque dans la grande tradition. La richesse du matériau ne manque pas d’impressionner, avec un médium large et des aigus d’un beau métal.
L’Adalgisa de la mezzo napolitaine Simona Caressa ne se situe pas sur les mêmes hauteurs à cause de la confidentialité de la voix qui déséquilibre de facto tous ses duos avec Norma ou Pollione, où elle se retrouve « écrasée » par ses partenaires. En revanche, elle gagne en crédibilité dramatique en rendant à son personnage jeunesse et fraîcheur. La basse libanaise Sévag Tachdjian confère à Oroveso, l’autorité – et les graves – qui siéent à son personnage, mais la ligne de chant n’est malheureusement pas toujours stable. Enfin, le Flavio de Rémy Mathieu et la Clotilde d’Amy Blake n’appellent aucun reproche ; et le chœur composé de douze chanteurs (six voix féminines et six autres masculines) n’a pas à rougir non plus de sa prestation.

Côté mise en scène, confiée ici à Alain Garichot, elle s’avère plus proche de la mise en espace tant son travail se montre ici discret, à quelques trouvailles visuelles et déplacements près. On relève ainsi l’idée de remplacer la présence des deux enfants par leur portrait accroché contre le mur mais caché par un rideau rouge, qu’Adalgisa ou Norma viennent entr’ouvrir aux moments-clés. De même, la rampe d’accès vers une terrasse qui longe le mur sur toute sa longueur (de gauche à droite) sert souvent à l’arrivée du chœur… quand celui-ci n’apparaît pas brutalement derrière son rebord. Pour le reste, aucun élément de décor si ce n’est un siège-trône au centre du plateau, et des costumes épurés et intemporels qui ne contextualisent le drame ni historiquement ni géographiquement. De même, les éclairages se font discrets, hors la scène finale qui inonde le plateau d’un rouge flamboyant au moment où Oroveso s’apprête à immoler sa fille et son amant, non par le feu, mais avec un poignard qu’il brandit au-dessus de leur tête, tandis que le choeur les encercle empêchant les héros d’échapper à leur fatal destin.

Avec ses seulement 13 instrumentistes (issus essentiellement des orchestres “régionaux” de Cannes, Nice ou Monaco), le compte n’y est peut-être pas tout à fait, mais c’est sans compter sur les dons du chef français Paul-Emmanuel Thomas pour galvaniser ses troupes : elles donnent alors le meilleur d’elles-mêmes, surtout dans les parties “allégées” de l’ouvrage – où leur allant et leur souplesse font merveille, restituant à la partition de Bellini les moments magiques qui en font l’un des titres les plus attachants de tout le répertoire lyrique.

 

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CRITIQUE, opéra. GATTIÈRES, place Grimaldi, le 19 juillet 2023. BELLINI : Norma. C. Hunold, P. Gaugler, S. Caressa… A. Garichot / P. E. Thomas. Photos © Jean-Marc Angelini / Festival Opus Opéra

 

 

VIDÉO : Catherine Hunold chante le finale de “Norma” de Bellini aux Chorégies d’Orange (2023)

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